Dans le précédent article, nous en sommes restés à l’année 1969 qui a vu notre courageux héron garde-boeuf réussir enfin, après une quinzaine d’années d’échecs répétés, sa première nidification en Camargue (neuf jeunes s’étant envolés pour la première fois de nids camarguais).
Les chiffres de la progression sont ensuite éloquents : 26 couples nicheurs en 1971, 128 en 1975 et … 323 couples au bout de 10 ans en 1979 ! La même année, un comptage réalisé en décembre donnera le chiffre de 1 183 hivernants sur l’ensemble de la Camargue.
Cette augmentation rapide de la population s’est faite au départ grâce à un afflux d’oiseaux espagnols puis par auto-recrutement sur place.
Les hérons garde-boeufs se sont installés pour nicher au centre de colonies mixtes regroupant d’autres hérons arboricoles (hérons cendrés, aigrettes garzettes, hérons crabiers et hérons bihoreaux) dans lesquelles ils s’installent souvent tardivement (deuxième quinzaine d’avril ou même première décade de mai seulement). Se nourrissant essentiellement d’amphibiens et d’orthoptères (criquets, sauterelles, grillons), sa concurrence avec les autres espèces de hérons a été relativement faible, en raison de cette spécialisation alimentaire mais aussi parce les lieux qu’il fréquente sont des milieux plutôt secs où ne vont pas les autres hérons.
Parallèlement à l’augmentation de la population, un changement de comportement a été observé. D’abord, les hérons ont découvert en 1978 qu’ils pouvaient aussi suivre les tracteurs et bénéficier ainsi d’une foule de petites proies dérangées ou retournées par les engins agricoles, notamment dans les rizières.
En 1979, ils se sont adaptés également à suivre les troupeaux de moutons, ne laissant pas aux seuls chevaux et taureaux l’exclusivité de leur compagnie.
La population de hérons garde-boeufs chuta lors de l’hiver froid de 1985, une grande majorité des oiseaux mourant alors de faim cet hiver-là. La capacité de cette espèce à reconstituer ses effectifs fut prodigieuse et la progression continua de plus belle. Aujourd’hui, le nombre de couples s’élève jusqu’à 5700 (les bonnes années), ce qui conduit parfois à la présence sur le sol camarguais de plus de 20000 garde-boeufs en fin de période de nidification.