J’aimerais vous présenter aujourd’hui une chanson peu connue de Brassens. Je dis « peu connue » car Brassens n’a pas eu le temps de la chanter.
Trois ans après sa mort, Jean Bertola (qui faisait partie du cercle des amis de Brassens) s’est lancé en 1984 dans un très beau projet : enregistrer les chansons que Brassens n’avait pas eu le temps de chanter et, pour certaines, composer les musiques destinées à coller au mieux à des textes qui étaient seulement couchés sur papier. Bertola, grâce à la complicité des musiciens de Brassens (Pierre Nicolas et Joël Favreau) a eu ce grand mérite de nous faire connaître de magnifiques chansons qui auraient pu rester dans le fond d’un tiroir.
Une dizaine d’années plus tard, Maxime Le Forestier reprenait à son tour ces chansons dans de magnifiques interprétations (chansons qu’il a d’ailleurs souvent produites ensuite sur scène, dont à Besançon au Kursaal le 1er février 2006, j’en avais fait l’un de mes tous premiers articles du blog).
Parmi les 29 chansons qui n’ont eu qu’une vie posthume, il y en a une que j’aime particulièrement. Il s’agit de « Retouches à un roman d’amour de quatre sous ». Vous pouvez lire les paroles en cliquant ici.
Les deux premières vidéos que je vous propose sont sans image. Il s’agit-là des enregistrements faits successivement par Jean Bertola (1985) et Maxime Le Forestier (1996). Ces deux interprétations sont aux antipodes l’une de l’autre, jugez-en !
Brassens n’avait auparavant jamais traité ce thème, celui de la vie que les gens s’inventent. Et je trouve que cette chanson, qui aurait pu paraître vieillotte a priori (de par son thème), prend une toute autre dimension aujourd’hui. Car nous sommes entrés de plein fouet dans un monde factice, un monde dans lequel les technologies modernes (smartphones, blogs, facebook, et globalement internet …) permettent à chacun de peaufiner son image et de donner aux autres l’impression que l’on mène une vie très reluisante, que l’on fait telle ou telle chose … la plupart du temps très loin évidemment de la réalité. Ainsi va le monde …
On trouve sur Youtube d’autres versions de « Retouches à un roman d’amour de quatre sous », souvent réalisées par des amateurs (mais pas que !). Il y a même pas mal de versions et ça m’a surpris très agréablement.
Je vous propose successivement quatre lectures très différentes de cette chanson de Brassens (j’adore la première) :
Brassens n’ayant jamais chanté ces chansons, il est évident que cela décuple les possibilités d’interprétation de ceux qui voudraient se les approprier. D’où les grandes différences d’un interprète à l’autre.
Il y a longtemps, Dan et Dom m’avaient offert un magnifique cadeau : les trois volumes représentant les manuscrits de Brassens. Ouvrages superbes ! Concernant cette chanson, on remarquera, comme pour ses autres manuscrits, la calligraphie si particulière, si reconnaissable, de Brassens.
Il est possible que certains d’entre vous (pour les rares qui auraient écouté toutes les vidéos) aient remarqué une petite différence portant sur un mot : il y a ceux qui disent « que je garde la vérité » et ceux qui disent au contraire « que je farde la vérité ». Le verbe « farder » est bien plus fort évidemment, et surtout infiniment plus juste car on n’imagine pas Brassens annonçant qu’il va « garder » pour lui une vérité qu’il va ensuite raconter, cela n’aurait ni queue ni tête. Et comme Brassens avait le sens du mot exact, nul doute qu’il s’agit bien de « farde ». D’ailleurs, quand je regarde le fac-similé des manuscrits de Brassens, je remarque qu’il écrivait ses « f » quasiment comme des « s » et qu’il n’y a plus de doute possible, il s’agit bien de « farder ».
Petite anecdote concernant ce manuscrit : Brassens avait écrit une strophe incomplète en marge de son texte. Elle n’était sans doute pas destinée à être chantée (il y manquait deux vers) mais ça m’a fait sourire.
Enfin pour terminer : y aura peut-être dans un an une autre version sur Youtube : celle de Dupdup qui s’est remis à la guitare et qui prépare un petit truc pour 2021, année du centenaire de la naissance de Brassens.