Un article proposé par Luc.
De tous les endroits propices aux balades rêveuses, mes préférés sont de loin les espaces semi ouverts, ceux qui témoignent d’un combat certain et d’une complicité possible entre l’homme et la nature : les alternances de cultures et de bocages, avec des haies vives, des vergers, des arpents oubliés, des fossés sauvages.
Dans ces mosaïques paysagères, quelques pièces, parfois fort petites, sont devenues pour moi des lieux de rendez-vous réguliers. Je vous parle aujourd’hui d’une de ces petites pièces, perdues au milieu de la Famenne, région naturelle située au nord des Ardennes et à la biodiversité encore fort riche. Le nom Famenne vient du mot famine, et le lien entre la richesse de la faune et flore locale et la misère paysanne traditionnelle est évidement frappante.
C’est là, sur le territoire de l’ancienne commune de Resteigne que j’ai plusieurs fois par an rendez-vous avec ces témoins privilégiés des difficiles temps anciens, un des fleurons de nos réserves naturelles : le genévrier.
Rare en Belgique, avec ses airs tantôt guindés, tantôt hirsutes, peu de gens l’identifient comme espèce sauvage, alors qu’il est le seul résineux authentiquement indigène de nos contrées. Il est comme l’if, assimilé à une plante ornementale.
C’est vrai qu’il n’a pas grand chose pour lui, le bougre. Il ne fait presque pas de bois, n’est pas très beau, et surtout ne se laisse absolument pas caresser! Même les moutons le boudent. «Sa présence révèle une dynamique de végétation bloquée par le pâturage des moutons, seuls les genévriers sont passés outre leur appétit.» (visoflora.com)
Et pourtant, moi je l’aime parce que par un grand mystère, là où pousse le genévrier, se cache tout ce que j’aime : l’herbe sèche et le grillon, l’orchidée et la vipère, l’alouette lulu et même un bleu de ciel incomparable (rarement présent quand je prenais les photos…). Là où pousse le genévrier, les maisons sont rares, la foule et les voitures absentes. Les cailloux roulent encore librement sous les pas, la terre poussiéreuse invite à s’asseoir.
Et puis… et puis il y a ces perles rares, ce bonheur des cuisinières et autres amateurs de péquet (peket en wallon), le genièvre wallon.
La baie du genévrier ayant eu cette excellente initiative de se développer sur deux ou trois ans, on la récolte à toute heure de l’année!
« Les baies de genévrier ont bonne réputation : on les dit diurétiques, toniques, dépuratives, bonnes pour l’estomac ou si on a des rhumatismes ou de l’arthrite.
En tout cas, utilisées entières ou concassées, elles aromatisent le gibier, la volaille, le porc, la choucroute, les charcuteries, sans oublier le gin et le péket.
On trouve des genévriers aussi bien dans toute l’Europe qu’en Amérique du Nord ou en Asie.
Des papyrus égyptiens datant de 2800 ans avant notre ère le mentionnent.
Mais les baies de genévrier donnent surtout du relief à des cuisines roboratives et savoureuses.
On fait notamment une excellente préparation de lapin avec de la bière, des baies de genévrier, des oignons, du laurier, de l’ail et du romarin.
C’est à se lécher les doigts. » (extrait de ce site)