Pur moment de bonheur

Hier soir, comme tous les jeudi soirs, je suis seul à la maison, Joëlle étant à la chorale. Vers 19H15, la maison a soudain été plongée dans le noir. La voix de Cassandra Wilson s’est tue sur la platine. Quelques gros coups de tonnerres. Etonnant, pour un mois de février. La lumière est revenue à une ou deux reprises, le temps de quelques secondes, puis l’obscurité s’est réinstallée. Je suis sorti sur le seuil de la porte : les villages de Bussières et de Châtillon étaient plongés dans le noir.

Rentré à la maison, j’ai allumé quelques bougies, lu tranquillement un article de Marianne à la lueur des flammes. Puis, j’ai entrepris d’éplucher potiron, carottes, chou-navet, pommes de terre et oignons pour faire une soupe. J’ai aimé faire cette activité dans la pénombre, il me semble que je n’avais jamais pris autant de plaisir à éplucher des légumes. L’atmosphère de la maison me semblait extrêmement sereine, moins électrique que d’habitude. Les lueurs de la flamme dansaient sur le plafond. Il y a longtemps, me semble-til, qu’on n’avait pas dansé dans la maison. Très calme, je suis allé m’allonger sur le canapé. Le silence était ponctué par le tic-tac de l’horloge. Le temps m’a semblé ralenti, presque suspendu. Le balancement sur deux temps du bruit des aiguilles de l’horloge me semblait être celui du temps qui piétine sur place, plutôt que celui d’une marche inéxorable.

Je me demande si le temps n’a pas une valeur très relative. Notre société moderne cherche sans cesse à gagner du temps, nous avons des moyens de locomotion de plus en plus rapide, nous nous affairons à outrance dans un monde fait de mille et une choses. Mais il suffit d’un d’un petit orage de rien du tout, qui vous plonge quelques heures dans l’obscurité et vous prive de ces mille et une choses pour que notre perception du monde et du temps s’en trouve modifiée. L’activisme de notre société induirait-il une accélération du temps ?

Hier soir, le temps ne m’a pas paru long, il m’a semblé simplement distendu, comme s’il ralentissait sa marche pour mieux me permettre de respirer et d’apprécier le moment présent.

J’ai eu envie d’aller m’asseoir dehors, dans la nuit. Bussières était toujours dans le noir, mais la lumière était revenue à Châtillon et le ciel au-dessus de Besançon brillait des milles feux des réverbères. Cette image m’a semblée incongrue, je suis donc rentré bien au chaud dans ma pénombre.

Joëlle est rentrée et nous avons fait un petit souper aux chandelles.

Je venais à peine de me coucher que la lumière est revenue. J’ai aussitôt bondi du lit, rallumé l’ordinateur et lu les nouveaux commentaires de ce blog. La vie était redevenue normale. Ce pur moment de bonheur, qui m’avait permis d’entrevoir la vraie valeur du temps, n’aura donc duré que quelques heures.

Les conférences de Claude-Roland Marchand (1)

Annoncée sur ce blog il y a quelques jours, la conférence de Claude-Roland Marchand, première d’une série de trois, a eu lieu hier soir à Besançon.

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L’idée de ce cycle de conférences est venue de la polémique suscitée l’an passsé par le film « le cauchemar de Darwin ». Roland a d’abord eu envie de remonter aux sources du Darwinisme et de montrer comment est apparue la fameuse théorie de l’évolution. C’est l’objet de cette première conférence.

Plusieurs lecteurs de ce blog ayant regretté de ne pouvoir assister à le conférence, j’ai décidé de la restranscrire de manière plutôt détaillée, afin que le débat qui s’ensuivra (enfin, j’espère) puisse être le plus riche possible.

Au cours des quelques millénaires qui ont précédé Darwin, le « créationnisme » et le « fixisme » ont été la pensée dominante, sous des formes diverses. Les Egyptiens avaient imaginé des cosmogonies, monde bien organisé, régi par un « Dieu de tutelle » supervisant lui-même neuf dieux différents. On n’était pas loin du monde de la magie, il suffisait par exemple que le Dieu Ptah imagine, par la pensée, un être vivant, pour que celui-ci soit créé. Chez les Grecs, Platon et Aristote avaient sensiblement les mêmes idées sur la place occupée par les différentes espèces : chez Pluton chaque être est considéré comme « idéal » et n’évolue plus ; pour Aristote, chaque être a une place bien précise sur une échelle, chaque barreau accueillant une espèce fixe et permanente (la plus simple en bas de l’échelle, la plus complexe en haut). Pour les judéo-chrétiens, la seule version de la création du monde est celle qui est citée dans l’Ancien Testament : Dieu a créé le monde en sept jours (dont ce célèbre 6ème jour au cours duquel il créa l’Homme à son image pour qu’il puisse soumettre les autres êtres vivants).

Une évolution notable viendra avec l’arrivée des Encyclopédistes, tels Diderot et d’Alembert. Ils remettent en cause la pensée chrétienne, ils abordent assez peu ce problème de la création des espèces mais ils auront une influence énorme sur les scientifiques qui suivront.

Le grand naturaliste suédois Carl von Linné (1707-1778), l’inventeur de la Systématique (cette science qui classe les êtres vivants) ne fera pas évoluer le débat. Il était très croyant. Pour lui, toutes les espèces sont fixées, immuables, on pourrait dire, en caricaturant un peu, qu’il se contentera de les classer.

Buffon (1707-1788) sera l’un des premiers à faire évoluer les choses. Alors qu’il était admis à l’époque que la terre avait environ 6 000 ans, il se hasarde à dire 75 000 ans et même à écrire trois millions d’années dans ses notes personnelles. Et il écrit surtout que « les espèces changent au cours des générations ». Il n’en est pas encore à dire que les espèces se transforment en d’autres espèces mais un grand pas est fait, qui contredit la genèse.

Lamarck (1744-1829) apportera une pierre importante à l’évolution de la pensée scientifique. Il s’oppose au créationnisme. Il pense que les espèces se transforment graduellement (on parle alors de gradualisme). Ainsi l’histoire connue du fameux cou de la girage (« la fonction fait l’organe et l’usage l’amplifie »). Il explique la naissance des espèces par une sorte de mouvement, d’élan vital, qui créerait une dynamique de changement des espèces.

Avec Georges Cuvier (1769-1832), on fera presque un pas en arrière car ce très grand savant (l’un des plus grands de son époque) considère que les espèces sont immuables et fixes.

Voilà donc où on en est lorsque Charles Darwin arrive. Mauvais élève, mal orienté au départ vers des études de médecine, naturaliste curieux, les circonstances feront qu’on lui propose une place sur le fameux bateau The Beaggle qui le conduira, entre 1831 et 1836, tout autour de la terre. Les observations qu’il fera aux Galapagos, au Cap Vert, dans les forêts brésiliennes ne le conduiront pas à échaffauder tout de suite sa théorie. De retour en Angleterre, Darwin observe avec attention les résultats des éleveurs de pigeons, de chiens, il relit ce que Malthus a écrit sur les dynamiques des populations animales et ce n’est qu’en croisant tout ceci avec ses propres observations de terrain, qu’il échaffaude progressivement sa théorie. Le fameux livre de Darwin (« l’origine des espèces par la sélection naturelle ») ne sort qu’en 1859 (23 ans donc après son retour), il connaîtra six éditions successives qui permettront à Darwin de peaufiner progressivement ses arguments. Il y expose avec force sa théorie que la sélection des espèces se fait par petits ajouts graduels qui vont modifier la descendance (voir ci-dessous, dans mon premier commentaire un raccourci de la théorie de Darwin, extrait de Wikipédia).

Les adversaires de Darwin, aussi bien dans les milieux religieux que scientifiques, s’opposent à sa conception (« Monsieur Darwin, vous descendez du singe, par votre père ou par votre mère ? ») et les caricaturistes de l’époque s’en mêlent.

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Mais finalement, les résultats scientifiques obtenus dans d’autres disciplines (notamment en embryologie et en paléotologie) viendront apporter de l’eau au moulin de la thèse de Darwin.

Mais le créationnisme à la vie longue : au 20ème siècle, Teilhard de Chardin ramène Dieu sur le tapis (« Dieu est le point initial et le point final : l’alpha et l’oméga »). Jean Chaline, lui non plus n’est pas loin du créationnisme, en affirmant que « la loi guidant l’évolution serait inscrite dans l’ADN ». Au cours du 20ème siècle, la théorie de Darwin sera dévoyée par Alexis Carrel (prix Nobel en 1912, qui a géré les problèmes humains sous Pétain) qui justifie l’existence des chambres à gaz par le fait que les plus faibles, comme dans la nature, doivent être éliminés. Des théories diverses seront émises au cours du 20ème siècle, dont la théorie du gène égoïste de Richard Dawkins (« l’individu est un artifice inventé par les gènes pour se reproduire »).

Dans les dernières décennies, l’ensemble des scientifiques (ou presque) s’est rangé derrière Darwin. Ainsi le néodarwinien Axel Kahn qui intègre les apports de la science moderne pour renforcer la thèse de Darwin, Christian de Duve, prix nobel 1974 qui est venu au secours des darwiniens (« l’évolution n’est plus une théorie, c’est un fait ») et François Jacob, prix nobel 1965 (« L’évolution procède comme un bricoleur qui pendant des millions et des millions d’années, remanierait lentement son oeuvre, la retouchant sans cesse, recoupant ici, allongeant là, saisissant toutes les occasions d’ajuster, de transformer, de créer »).

Comme vous le savez, les mouvement religieux créationnistes, très implantés aux Etats-Unis, remettent plus que jamais en cause la théorie de Darwin. En France, on pourrait se croire à l’abri de ce retour en force de l’obscurantisme primaire. Et bien non, il y a une quinzaine de jours, le ministère de l’Education Nationale a confirmé que des livres, réfutant la thèse de Darwin, avaient, au nom du Coran, été massivement envoyés aux écoles françaises (envois réalisés depuis l’Allemagne et la Turquie) et que le ministre avait lancé un message d’alerte auprès des recteurs pour que le livre ne soit pas lu par les élèves. On croit rêver.

Dans un contexte où les créationnistes religieux mettent les bouchées doubles, la conférence de Claude-Roland Marchand prend toute son importance.

Je remercie Roland qui a accepté de jouer le jeu avec les lecteurs de ce blog. Lui-même étant un intervenant régulier sur ce site, il est disponible dans les jours qui viennent pour dialoguer avec nous en ligne ! A vos commentaires donc !

Conférences à ne pas manquer !

Notre ami Claude-Roland Marchand, qui intervient régulièrement sur ce blog, va donner une série de trois conférences dans le cadre de l’Université Ouverte de Besançon. Elles auront lieu les trois lundis qui viennent (5, 12 et 19 février) de 17H à 19H dans la salle A21 de la faculté des Lettres. Les thématiques qu’abordera Claude-Roland recoupent l’actualité et des sujets de préoccupation de notre société dans le domaine environnemental. Plusieurs des problématiques qui seront traitées au cours de ces conférences sont d’ailleurs régulièrement abordées sur ce blog. Nul doute donc que le programme vous interessera. Voici donc les sujets de ces trois séances :

Darwin : ses précurseurs, sa théorie, ses détracteurs et ses partisans – Les preuves de l’évolution – Les extinctions d’espèces au cours des temps géologiques – Les extinctions récentes – Les espèces menacées – Les espèces opportunistes, qualifiées parfois de « nuisibles » – Les espèces introduites involontairement : conséquences – Les espèces introduites volontairement : ex. la perche du Nil dans le lac Victoria (impacts, conséquences immédiates et à terme…) – Les O.G.M. (conception, buts, impacts…) – Le réchauffement climatique : impact sur la biodiversité… – Question : « L’espèce humaine va disparaître, bon débarras » ? Quel héritage allons-nous léguer ?…

Dès mardi soir, le lendemain donc de la première conférence, je ferai un petit article et Claude-Roland se fera un plaisir de dialoguer avec nous sur ce blog dans les jours qui suivront la mise en ligne de mon article.

Ce sera une première, j’aimerais pouvoir faire en sorte que les lecteurs de ce blog puissent discuter en ligne avec des conférenciers, des auteurs, des musiciens, … !

American folk blues festival (1bis)

Du blues, toujours du blues ! Désolé pour ceux qui n’aiment pas trop cette musique jugée comme trop archaïque, mais j’y reviendrai souvent sur ce blog.

En avril dernier, j’avais consacré un article au premier DVD de la série American Folk Blues Festival. Les bluesmen présentés sur les trois DVD de la série font partie de ceux qui ont contribué à faire l’histoire du blues américain. Ils ont tous débarqué au début des années 60 sur notre vieux continent, dans le cadre de la tournée mondiale qui avait pris le nom de American Folk Blues Festival et qui a duré essentiellement de 1962 à 1966.

Quand j’ai écrit mon article sur le premier DVD de la série, je ne connaissais pas encore le site youtube.com qui m’aurait permis à l’époque de vous présenter des extraits de cette vidéo. Je ne résiste donc pas, huit mois plus tard, au plaisir de vous faire partager ce film et de vous en présenter six extraits (sur les 17 morceaux que compte le disque). Il s’agit là d’artistes majeurs de cette époque (cliquer sur les mots en bleu pour accéder directement aux vidéos). La qualité du DVD est bonne mais les extraits présentés ici et qui viennent de youtube sont de qualité très moyenne. Mais au moins, çà donne une idée du DVD.

Hobo blues, par John Lee Hooker.
Spann’s Blues, par Otis Spann.
I Can’t Quit You Baby, par Otis Rush.
Nine Below Zero, par Sonny Boy Williamson
Got My Mojo Working, par Muddy Waters.
– et enfin Weak Brain And Narrow Mind, par Willie Dixon. J’aime particulièrement ce morceau car il y a dans ce document tout l’esprit du blues, la musique y est réduite à sa plus simple expression mais le feeling et la charge émotive sont là. Willie Dixon était un musicien de studio, il jouait habituellement de la contrebasse. Sur ce document, il joue de la guitare, mais il semble ne connaître que deux accords très simples qu’il est d’ailleurs incapable de jouer sans regarder ses doigts. Et pourtant … !

Et pour terminer, bien qu’il ne s’agisse pas du tout du même DVD, voici une nouvelle fois la belle vidéo pétrie d’émotion montrant Sonny Boy Williamson interprétant Bye Bye Bird (voir l’article du 16 décembre que j’avais consacré à ce morceau). Oui, je sais, j’avais déjà mis le lien sur cette vidéo dans un commentaire, mais c’est juste à l’intention des nouveaux arrivés sur ce blog.

Discographie de Brassens (6)

Suite de notre petite exploration de l’oeuvre de Brassens, disque par disque. Le sixième disque contient les chansons suivantes : La traîtresse – Tonton Nestor – Le bistrot – Embrasse les tous – La ballade des cimetières – L’enterrement de Verlaine – Germaine Tourangelle – A Mireille dit « Petit Verglas » – Pénélope – L’orage – Le mécréant – Le verger du roi Louis – Le temps passé – La fille à cent sous.

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Ce disque est plutôt méconnu. Une seule chanson de l’album a connu un fort succès : L’orage (cliquer sur les liens en bleu) qui nous raconte tous les bienfaits du mauvais temps jetant parfois une voisine apeurée dans vos bras (relativisons cependant : j’ai beau « guetter » la porte d’entrée les soirs d’orage, j’en suis arrivé à la conclusion que ce genre de chose n’arrive que dans la poésie). René Fallet, écrivain et ami de Brassens, avait suggéré que cette voisine ne pouvait être que Pénélope dont Brassens nous a parlé juste avant dans la chanson précédente. Pénélope est le symbole même de la fidélité mais ses désirs inavoués l’emmenent parfois en rêve (et en rêve seulement) dans les bras du voisin. Aurait-elle enfin franchi le pas ? J’avoue que cette idée me séduit et peut-être était-ce là l’idée du poète de juxtaposer ces deux textes (peut-être aussi que Fallet tenait cette information directement de Brassens).

La mort est peut-être moins présente sur cet album que dans les autres disques. On sait depuis longtemps que Brassens affectionne les cimetières. En racontant l’histoire invraisemblable de ce jeune homme qui collectionne, partout où il le peut, caveaux, tombeaux et sépultures diverses, on pourrait croire que la chanson La ballade des cimetières est placée sous le signe de l’irrespect. Je crois qu’il s’agit, une fois de plus, d’une immense farce dont Brassens a le secret.

A l’opposé, Le verger du roi Louis est par contre emprunt de gravité et même d’une certaine solennité. Malgré l’aspect rieur du lieu (« des grappes de fruits inouis », « un essaim d’oiseaux réjouis »), on sent la présence oppressante des pendus qui ornaient autrefois les branches des arbres. Brassens a-t-il écrit ce texte en pensant à François Villon, pendu célèbre, dont il s’est toujours senti très proche ? Brassens, farouchement opposé à la peine de mort, écrira beaucoup plus tard (dans son dernier disque) La messe au pendu.

Après avoir enregistré sur le disque 5 Le cocu, Brassens continue dans la même veine avec cette autre farce qu’est La traîtresse, chanson dans laquelle il s’en prend à Madame Dupont qui lui fait l’infidélité de coucher avec son propre mari.

Le thème de l’amour libre est développé dans l’une des plus belles chansons du disque Embrasse-les tous. Sous une apparente incitation à l’amour volage, se cache la recherche éperdue de l’amour vrai et René Fallet n’a pas hésité à parler, à propos de cette chanson, « d’hymne à la pureté ».

Brassens n’a aucun respect pour cette institution vénérable qu’est le mariage et on s’en rendra compte plus tard à l’occasion de la célèbre Non-demande en mariage (disque 9). Pour l’instant, il se contente de raconter les mariages successifs et malheureux de Jeannette gâchés par un vieux malappris : Tonton Nestor. Et, avec La fille à cent sous, loin aussi des préoccupations de mariage, il se contente de raconter le quotiden et les amours passagères des pauvres gens, ceux qui vivent dans le « quatrième dessous » et qui voient parfois fleurir, au milieu de leur pauvre vie, l’amour et la tendresse.

Le mécréant, qui a donné son nom au titre du disque, est une drôle de chanson dont les 21 couplets très courts (de deux lignes seulement) sont égrénés de façon un peu martiale. Ce n’est pas ma préférée et je dois dire que je trouve le dernier vers particulièrement mal écrit.

Brassens était un admirateur de Paul Fort, qu’il connaissait bien, et dont il mettra en musique plusieurs textes (La marine, Le petit cheval et Si le Bon Dieu l’avait voulu). Sur ce disque, il récite successivement trois autres poèmes. Mais qui sait que Brassens a enregistré l’un d’eux L’enterrement de Verlaine sur un document vidéo probablement rare, en réutilisant l’air de la Marche nuptiale (sur le disque 4) ?

En retravaillant actuellement les chansons de ce disque à la guitare, je les redécouvre et leur qualité musicale me saute aux yeux. Je me demande d’ailleurs pourquoi elles sont été un peu boudées par le public. Une chanson comme Embrasse-les-Tous méritait certainement un très grand succès. C’est, en tous les cas, l’une des plus belles de Brassens.

Environnement : le silence des intellectuels

La planète agonise mais rien, ou presque, n’a vraiment bougé jusqu’à présent dans notre pays. Pourtant, des générations d’hommes de valeur, auréolés de leur pratique de terrain, nous avaient mis en garde depuis longtemps : René Dumont, Jean-Yves Cousteau, Paul-Emile Victor, Théodore Monod, Haroun Tazieff, Jean Dorst…

Dans le bruissement médiatique actuel, il semble impossible de faire entendre sa voix. La science est devenue trop cloisonnée aujourd’hui pour qu’on puisse reconnaître à ses représentants la capacité d’avoir une vision globale des problèmes. Albert Jacquard (philosophe), Pierre Rhabi (agronome), Edgar Morin (philosophe) Serge Latouche (économiste), Gilles Clément (paysagiste et écrivain) ont beau s’égosiller, la sauce ne prend pas et ne prendra jamais. Il semblerait donc qu’il n’y ait point de salut en dehors des médias. Ce qu’ont bien compris d’ailleurs Nicolas Hulot, Yann Arthus-Bertrand, Hubert Reeves et quelques autres. Il ne viendrait à personne l’idée de leur jeter la pierre, la médiatisation de la cause de la Terre est peut-être l’ultime recours, l’écologie politique ayant failli, en attendant le temps bien improbable où les Terriens changeront en profondeur.

Il y a un mois, Télérama avait soulevé le problème du silence des intellectuels français sur la question de l’environnement. C’est vrai que ce silence est inexplicable a priori. On sent bien qu’il va falloir tout réinventer, redéfinir les rapports entre l’Homme et l’environnement, redonner du sens à la vie. C’est peut-être la première fois que l’Homme se trouve confronté à un enjeu aussi important. Il ne s’agit plus aujourd’hui de simplement cantonner le débat à un niveau technique, sur les questions de la grippe aviaire, des esthers de glycol, du nucléaire ou de la diminution de la ressource en eau (même si ces débats sont primordiaux) mais bien de repenser entièrement le système, notre système de vie, dans toutes ses composantes. Il ne s’agit plus de « s’enfermer dans une vision pûrement esthétique de la nature comme s’il ne s’agissait que d’un tableau » mais bien de remettre à plat nos rapports avec notre environnement, à la lumière de ce que nous sommes devenus et savons aujourd’hui. Dans ce débat, le monde intellectuel devrait avoir une place de choix, qu’il n’a pas su occuper.

L’article très intéressant de Télérama, écrit par Weronika Zarachowicz, met l’accent sur les deux derniers siècles et sur l’idée de DEVELOPPEMENT qui règne en maître sur la pensée française. L’intellectuel français est l’héritier du siècle des Lumières. Pour lui, les principales références sont « le progrès et la raison, la croissance et l’accumulation des richesses indéfinies » alors que finalement ces valeurs perpétuent « un humanisme non écologique et un développement techno – économico – scientifique ».

Ces considérations sont probablement vraies en ce qui concerne les intellectuels français, mais je pense que, d’une manière générale, la difficulté à réagir de l’ensemble de la population est à rechercher beaucoup plus loin. Pour survivre, l’Homme a dû, pendant des centaines de milliers d’années, se battre contre la nature et l’asservir (tout du moins dans notre société occidentale). L’idée de l’homme dominateur de la nature est à rechercher très loin, elle constitue l’essentiel de l’histoire de l’humanité. On ne passe pas du concept « dominer » à celui de « composer avec » en quelques décennies seulement. C’est pourtant bien ce que nous sommes aujourd’hui dans l’obligation de faire, faute de crever rapidement et faute d’avoir su anticiper à temps.

Le drame, c’est que nous allons nous poser de vraies questions au moment même ou d’autres civilisations (notamment chinoises et indiennes) sont ent train de faire le chemin inverse. Elles, qui avaient forgé au fil des millénaires un art de vivre basé sur l’harmonie entre l’homme et la nature (la nature étant source en elle-même de spiritualité), viennent de succomber aux charmes des sirènes du monde occidental.

Meilleurs voeux en musique

Avec Brassens, l’année 2006 s’était terminée en chanson sur ce blog. Pourquoi ne pas aussi commencer 2007 avec encore un peu de musique (d’autant plus que depuis que j’ai découvert deux sites qui proposent plein de vidéos, je vais de découverte en découverte) ? Voici donc quelques révélations américaines récentes que je vous propose en ce jour de l’an :

– Conor Oberst, jeune prodige de 26 ans, qui a déjà 7 albums à son actif publiés sous le pseudo beaucoup plus connu de Bright Eyes dans une version live de Let’s not shit ourselves (cliquer sur les liens en bleu).

– Devendra Banhart, personnage mystique, excentrique, bizarre et fascinant, âgé seulement de 25 ans (bien que paraissant beaucoup plus), interprétant Sight to behold.

– Mary Gauthier dans un clip intitulé Mercy now (en général, je n’aime pas les clips, mais bon, une fois n’est pas coutume).

Meilleurs voeux. Avec un immense plaisir pour moi de vous retrouver pendant toute cette année 2007 sur ce blog (ou ailleurs autour d’un verre).

Discographie de Brassens (5)

Il y a un mois, j’ai entrepris de parler sur ce blog des différents disques de Brassens, les douze de l’intégrale vinyle Philips. Et, en toute logique, j’ai commencé par le n°1. Mais comme nous sommes une quinzaine de personnes à nous retrouver tous les mois, depuis septembre dernier, pour chanter les chansons de Brassens et que nous en sommes déjà au disque 5, je suis en train de revoir mon plan. Finalement, histoire d’être plus en phase avec ce que fait notre petit groupe musical, je passe directectement au disque n°5. Tant pis, je parlerai plus tard des disques 2, 3 et 4.

Ce disque n°5 est peut-être le plus court de la discographie de Brassens, il ne contient que 10 chansons enregistrées entre 1956 et 1960 (Le vieux Léon – La ronde des Jurons – A l’ombre du coeur de ma mie – Le pornographe – La femme d’Hector – Bonhomme – Le cocu – Comme une soeur – Le père Noël et la petite fille – Les funérailles d’antan).

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Parmi ces dix chansons, Le Vieux Léon a ma préférence. D’abord parce que c’est l’une des deux plus belles valses qu’ait composé Brassens (l’autre étant incontestablement La Marine sur le 1er disque). Et puis, je dois dire que c’est la chanson qui m’a le plus usé les phalanges, à force de la gratter sur la guitare… depuis trente cinq ans ! Enfin, je dois dire que j’aime en général les rimes courtes et celles-ci ne font que quatre pieds, un vrai délice à l’oreille « Y’a tout à l’heur’, Quinze ans d’malheur… ».

Parmi les autres chansons, j’aime beaucoup Les funérailles d’antan qui nous parle d’un monde qui était en train de disparaître à l’époque où Brassens a écrit cette chanson, un monde où l’on prenait le temps de vivre et aussi celui de mourir. Ce texte me parle particulièrement car, dans le petit village de mon enfance, le corbillard était tiré par un cheval. Et comme le cimetière était à un kilomètre de l’église, ça durait, durait longtemps.

Une troisième chanson, La Ronde des Jurons, est également très axée sur le passé. Les jurons d’autrefois, que Brassens nous énumère, valent bien notre Merde devenu si omniprésent (que Brassens ne cite pas dans cette chanson, celà eut été dommage, mais qu’il réserve un peu plus loin pour la chanson Le pornographe). Brassens était, à mon avis, un homme entièrement tourné vers le passé, et ce disque en est la plus grande illustration.

Le disque comprend deux très beaux portraits féminins : La Femme d’Hector qui nous fait étrangement penser à La Jeanne (que Brassens interprètera quelques années plus tard) et Bonhomme qui est une très belle chanson sur le thème de la fidélité.

Après le thème de la fidélité, vient en contrepoids celui de l’infidélité avec lequel Brassens s’amuse dans la chanson Le cocu. Avec ce texte, Brassens inaugure une série de chansons sur le thème de l’adultère, thème qu’il retournera dans tous les sens et pour lequel il imaginera les situations les plus cocasses (viendront donc plus tard sur d’autres disques La traîtresse, La femme adultère et Lèche-cocu).

On retrouve sur ce disque plusieurs petites chansonnettes, petites histoires dont Brassens a le secret. Ainsi Comme une soeur et surtout A l’ombre du coeur de ma mie et Le père Noël et la petite fille, toutes deux chargées de beaucoup de poésie.

Et vous, ça vous inspire ce disque ?

Les années Woodstock

J’ai toujours aimé la musique de la fin des années 60. Ces années ont été marquées par ces fameux festivals qui accueillaient parfois des centaines de milliers de personnes. Le plus célèbre est de loin celui de Woodstock, devenu mythique (ne parle-t-on pas de la génération Woodstock ?) mais il y eu aussi celui de Monterey en 1967 (le premier festival pop) et celui de l’île de Wight en 1970.

Outre la musique de ces années là qui me touche particulièrement (j’avais une quinzaine d’années à cette époque), je dois dire que ce qui me frappe le plus était la faculté qu’avait cette génération là à écouter toutes sortes de musiques, y compris celles qui étaient aux antipodes les unes des autres. Il n’y avait pas de cloisonnement entre les différents genres. Ceux qui écoutaient Leonard Cohen ou Joan Baez étaient les mêmes que ceux qui écoutaient Hendrix ou Led Zep, Otis Redding ou Ravi Shankar.

Je visionne régulièrement les DVD de ces festivals et j’ai souvent envie d’en parler sur ce blog mais ça n’intéresse au mieux que ceux qui connaissent déjà. Mes écrits ne diraient rien à ceux qui n’ont pas eu l’occasion de visionner les images ou qui ne connaissent pas ces musiques. Comment faire pour résoudre ce problème ? Jusqu’à présent, je ne savais pas trop où trouver les images de ces concerts, mais par bonheur, je viens de découvrir – c’est tout frais, ça date d’hier – le site dailymotion.com qui est une vraie mine en matière de documents musicaux. Dornéavant, dans mes prochains articles, je devrais donc pouvoir mettre des liens avec certaines vidéos.

En attendant d’autres articles, voici une petite sélection de vidéos tirées des festivals des années 60 (il suffit de cliquer sur les noms écrits en bleu pour les visionner) :

– festival de L’ILE DE WIGHT : prestation très émouvante de Leonard Cohen.

– festival de WOODSTOCK : les cinq « incontournables » (à mon goût) : Joe Cocker et son célèbre With a little help from my friends (adaptation d’une chanson des Beatles), Richie Havens (qui a ouvert le festival) et sa chanson improvisée Freedom (la deuxième moitié de la vidéo), Carlos Santana et son jeune batteur de 17 ans (Michael Shrieve) dans une version époustouflante de Soul sacrifice, Ten Years after et son Goin’ home passé dans la légende et bien évidemment Jimi Hendrix jouant au petit matin du dernier jour du festival un hymne américain déstructuré alors qu’une bonne partie du public était déjà parti.

– festival de MONTEREY : la prestation complète et hors du commun d’Otis Redding peu de temps avant sa mort (les images du public sur le dernier morceau Try a little tenderness illustrent bien l’esprit pop de l’époque).

Voilà, j’espère simplement que tout le monde pourra lire facilement ces petites vidéos.
JOYEUX NOEL en compagnie de Sinead O’ Connor ou d’un petit dessin animé pour celles et ceux qui ont envie de rire.

Un site à découvrir

Depuis deux jours, la famille Dupdup est un peu plus présente sur le net. Stéphane vient de mettre en ligne son site perso.

Le site est presque essentiellement consacré à la musique :

– la première partie présente surtout les compositions récentes de Stéphane, à la guitare et au piano. Chacune des oeuvres du site peut être téléchargée ou plus simplement écoutée en ligne. Originalité : les guitaristes et les pianistes peuvent télécharger chacune des partitions au format pdf.

– la deuxième partie présente quelques musiques des groupes dans lesquels joue (ou a joué) Stéphane. Idem pour l’écoute en ligne ou le téléchargement. Je dois dire que ça me fait tout drôle de réécouter ses musiques d’adolescent d’il y a dix ans. Sur l’un des groupes plus récents, il y a aussi Sylvain, autre composante de la famille Dupdup.

– enfin, deux logiciels libres développés par Stéphane sont mis en ligne, notamment l’un d’eux à destination des musiciens.

Voilà, si vous voulez en savoir plus, allez y faire un tour.

Miles in Paris

J’achète très rarement un film, les DVD me semblant être condamnés à n’être regardés que peu de fois (un film qu’on aime bien, même génial, est-ce qu’on le regarde plus de quelques fois dans sa vie ?). Par contre, les DVD musicaux me semblent plus intéressants, j’y reviens en tous les cas beaucoup plus souvent, ils présentent aussi l’avantage de pouvoir être regardés « par petites touches ». J’adore en particulier les concerts : souvent l’image renforce tellement la musique !

Il semble que contrairement au CD audio, il n’y ait pas vraiment de règle en matière de prix, le même DVD pouvant être trouvé à des prix qui varient du simple au double, selon l’endroit où on l’achète, ce qui est assez inexplicable (peut-être que les marges sur ce type de produit sont énormes). En ce moment, il semble que les producteurs se soient enfin décidés à baisser leurs prix et certains DVD sont tombés à 12, voire 10 euros. Presque deux fois moins chers qu’un CD audio, l’image en plus, et parfois deux fois plus longs !

Récemment, je suis tombé sur un DVD live de Miles Davis, l’un des derniers enregistrements du trompettiste, enregistré à Paris en novembre 1989, un peu moins de trois ans avant sa mort. Une aubaine : ce DVD était vendu à Carrefour à 9,99 euros alors qu’il est à … 29,71 euros sur Amazon !

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J’ai toujours aimé la musique de Miles Davis qui a profondément marqué l’histoire du jazz. Tous les trompettistes du monde entier se réclament de lui, mais seul le son de Miles Davis est reconnaissable entre tous. Il suffit de quelques notes … ! Peut-on rester insensible à cette musique ?

Le personnage de Miles Davis me semble complexe. Parfois arrogant (ou simplement provocateur ?). Je me rappelle d’une interview dans lequel il disait « quand une chemise me plait, j’achète l’usine ». Sur le concert de Paris, l’attitude de Miles Davis est conforme à ce qu’elle a toujours été sur scène : Miles semble indifférent à la présence du public, lui tournant parfois le dos ; lorsqu’il ne joue pas, il évolue en marchant entre les musiciens en mâchant un éternel chewin-gum, tout sourire semblant être proscrit de son visage. La solitude et l’autisme de l’artiste tout entier à l’accomplissement de son oeuvre ?

Mais il reste la musique ! De la grande musique ! N’y cherchez pas du travail de grand virtuose, il y n’y a que des notes essentielles, aucune fioriture ou avalanche de notes pour meubler le discours. Chaque note est épurée. Une grande sobriété et une grande économie de moyens au service de la musique avec un grand « M ». Miles Davis est entouré de musiciens hors pairs, notamment Kenny Garrett au saxophone (époustouflant dans Human Nature) et Benjamin Rietveld à la basse.

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Vincent a très bien décrit la musique de Miles Davis. En effet, lorsque j’ai mis en ligne un article sur un autre grand trompettiste, Louis Armstrong, il y a quelques mois, il avait écrit dans un commentaire : « Armstrong me semble en effet autant extraverti, solaire, ouvert, souriant, foisonnant (il pointe sa trompette vers le haut, ou vers nous, lorsqu’il joue)… que Davis est introverti, lunaire, refermé, souffrant, parcimonieux (et pointe sa trompette vers le bas ou vers… lui). D’un côté la joie, la santé, de l’autre la beauté qui est toujours un peu maladive. »

Les puristes du jazz, ceux qui en sont restés au « kind of Blue » de Miles Davis, n’aimeront peut-être pas cette dernière période du trompettiste, avec claviers électroniques et percussions électriques. Dommage ! Qu’ils visionnent ce DVD qui pourrait les faire changer d’avis !

les concerts-fleuves du Dead

Aïe, aïe, aïe, Vincent et plusieurs autres bloggeurs sont partis en congés. Il ne devrait donc pas y avoir beaucoup de commentaires à mes articles dans les semaines qui viennent. Tant pis, j’en profite pour écrire deux ou trois trucs qui, de toute façon, n’auraient pas susciter beaucoup de commentaires.

Par exemple, si je vous parle de la sortie des disques Live du Grateful Dead, ça ne va pas vous dire grand’ chose.

Pour ceux qui ne le savent pas, le Grateful Dead, alias « le Dead » pour les habitués, fut l’un des plus grands groupes rock du monde, de par l’ampleur de ses concerts et du phénomène aux Etats-Unis. Son influence et sa notoriété furent pourtant faibles de ce côté-ci de l’Atlantique, excepté auprès d’un certain public « soixante-huitard » (attardé ?) dont je fais peut-être partie.

Né dans le contexte hippie californien des années 60, en même temps qu’un autre groupe mythique le Jefferson Airplane, il fut de toutes les expériences de l’époque : psychédélisme, mysticisme oriental, activisme politique d’extrême gauche, expériences communautaires, consommation de drogues, …

La musique de Grateful Dead, qui se voulait au départ une sorte de laboratoire musical, est influencée par de nombreux genres : blues, rock, country, bluegrass, sans oublier le free jazz et les musiques électroniques. Le groupe était réuni autour de la personnalité exceptionnelle du chanteur-guitariste Jerry Garcia, accompagné de musiciens hors-pairs dont un autre chanteur-guitariste : Bob Weir.

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Le Grateful Dead était avant tout un groupe de scène où les concerts étaient marqués par une symbiose exceptionnelle entre les musiciens et le public. Le groupe avait son propre public qui le suivait pendant toutes ses tournées. Celles-ci étaient gigantesques et ressemblaient à une foire ambulante, les concerts de plusieurs centaines de milliers de personnes n’étaient pas rares, commençaient parfois à la tombée de la nuit pour ne finir qu’au petit matin… pour mieux reprendre le soir suivant (de nouveaux baffles s’ajoutaient jour après jour et leur assemblage finissait par ressembler à une montagne de dix mètres de haut). Ces concerts prenaient un peu l’allure de grand’ messes, duraient au moins trois heures, devant un public qui semble-t-il n’était jamais lassé et qui restait aussi nombreux au fil des années. Et celà a duré … près de trente ans. Ce type de concert est resté unique dans toute l’histoire de la musique. Un site internet propose aujourd’hui en ligne les enregistrements mp3 de … 2 500 concerts.

Jerry Garcia, adepte de la consommation de cocaïne, fut retrouvé mort dans sa chambre d’hôtel en 1995 et le groupe cessa alors ses activités (les musiciens survivants du groupe ont alors « repris du service » sous le nom de The Other Ones et ont continué à faire vivre la musique du Dead. Je ne sais pas si ce groupe existe encore aujourd’hui).

L’ingénieur du son Dick Latvala, qui officia sur la plupart des disques du Dead et qui était responsable de leur son spécial, entreprit d’archiver avec minutie les enregistrements qu’il avait réalisés. Latvala est mort en 98 mais ses enregistrements sont actuellement publiés en CD à un rythme assez rapide et s’appellent Dick’s Picks (« les prises de sons de Dick »). 35 volumes ont déjà été publiés, la plupart des concerts de cette collection font trois CD, parfois 4. Ce sont, comme je l’ai dit plus haut, des concerts-fleuves dont les morceaux font parfois 23 minutes. La fluidité de la guitare de Jerry Garcia et la sérénité qui se dégage de cette musique font que la plupart de ces disques sont envoûtants (ils me laissent parfois la même impression que des ragas indiens). Nul besoin de fumer la moquette pour apprécier cette musique à sa juste valeur, les notes se suffisent à elles-mêmes. Parmi les 35 volumes de la collection, peu sont commercialisés en France, on consultera donc avantageusement un site américain comme allmusic.com.

On peut aussi découvrir la musique du Grateful Dead par le disque culte American Beauty (dont on peut écouter des extraits sur Amazon.fr), bien que ce disque « studio » extraordinaire soit nettement plus country que le reste de la production. S’il fallait que j’emmène 10 CD sur une île déserte (dans la mesure évidemment où il y aurait l’électricité pour les écouter, ce qu’on oublie toujours de préciser), j’emmènerais assurément American Beauty. Il y trônerait en bonne place à côté de Hendrix, de Léo Ferré, de Jean-Sébastien Bach … sans oublier bien sûr Dylan sans qui le Grateful Dead, bien entendu, n’aurait jamais existé. On y revient toujours … ! Chassez le Bob, il revient au galop !

Histoire de pigeons

Beaucoup de monde ce vendredi 30 juin pour le concert de Michel Portal à Besançon. Une fois de plus, j’étais là, accompagné de Joëlle qui est devenue, depuis quelques semaines, ma « photographe attitrée », auteur des clichés de cet article. Les musiciens sont en retard, le soleil ayant retardé la mise en place des instruments et les « balances ». Mais la chaleur torride ne gêne pas tout le monde, au contraire : en attendant que les portes s’ouvrent, en tête de la longue file dattente (il y a 600 personnes environ), j’observe avec un oeil de naturaliste, deux pigeons qui s’accouplent sur le toit voisin, la chaleur favorisant sans doute leurs amours torrides.

La première partie du concert est étonnante, assurée par deux musiciens d’avant-garde : le contrebassiste Barre Philips (légende vivante qui jouait dans les années 50 avec Coleman Hawkins) et le compositeur/percussionniste Alain Joule. La musique est très free. Je n’ai pas aimé plus que ça mais à un moment donné j’ai fermé les yeux et j’ai alors ressenti la musique avec beaucoup plus d’acuité. J’ai eu l’impression à ce moment d’avoir affaire à une musique cosmique, m’emmenant loin dans l’espace. Probablement qu’il faut écouter Barre Philips et Alain Joule dans des circonstances particulières, par exemple dans le noir, couché dans l’herbe en regardant les étoiles. J’aimerais un jour réécouter cette musique que je n’ai pas forcément apprécié sur l’instant.

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Pendant l’entracte, j’ai retrouvé Denis que je n’avais pas revu depuis huit ans. Il n’a pas aimé du tout la musique et était sorti dès le premier morceau boire une bière dans le café d’à-côté, refusant ainsi d’être pris pour un pigeon !Viennent ensuite Michel Portal, accompagnés par Bruno Chevillon (le meilleur des contrebassistes français ?) et de Daniel Ciampolini aux percussions. Je n’écrirai que peu de choses sur Michel Portal dont la prestation musicale est toujours à la hauteur des attentes, lui ayant déjà consacré un article il y a quelques semaines. Voici juste quelques photos.

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La musique n’empêche pas le va-et-vient des pigeons qui, à plusieurs moments du concert, passent au-dessus de la cour du Palais Granvelle, volant d’un rebord de toit à l’autre.

Comme Louis Sclavis (voir le compte-rendu du concert qui a eu lieu deux jours plus tôt), Michel Portal passe du saxo à la clarinette mais utilise à plusieurs reprises le bandonéon, notamment lors d’un morceau très beau et très humoristique ayant pour thème les oiseaux (le bandonéon imitant le chant du coucou et de quelques autres volatiles). Nul doute que les pigeons du quartier étaient toute ouïe !
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Lors du rappel, consacré à un thème très festif, le contrebassiste de la première partie est venu rejoindre nos trois compères pour un dernier grand hommage à la musique.

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Le concert est fini. Joëlle et moi retournons à notre voiture. Il fait nuit et il n’y a plus de pigeons sur les trottoirs de Besançon. Juste quelques amoureux qui roucoulent !

Louis Sclavis et sa bande

Il y a quinze jours, dans un article consacré à Michel Portal, j’ai écrit que le jazz français me semblait aujourd’hui moins inovateur et que, Portal mis à part, j’étais de moins en moins surpris, même si la musique restait toujours excellente.

Mais, même si je trouve que le jazz tourne un peu un rond, je me rends toujours avec délices aux concerts de Texier, Humair et Romano lorsqu’ils passent dans le coin. Hier soir, je n’ai pas failli à la règle et je suis donc aller écouter Louis Sclavis entouré de son septet. Et là encore, j’ai une nouvelle fois beaucoup aimé.

Première surprise : un quart d’heure avant le concert, un spectateur du premier rang se lève, se tourne vers le public, sort de sa poche une petite flûte et se met à jouer. Silence dans le public. Applaudissements chaleureux et nourris à la fin de la prestation qui n’aura duré que le temps de deux petits morceaux enchanteurs et très enjoués. Inattendu et spontané. J’aime ce genre d’imprévus.

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(toutes les photos sont de Joëlle)

Sclavis et sa bande arrivent enfin sur scène avec une formation très au point. Il y a évidemment Sclavis lui-même, aussi volubile que d’habitude, passant tour à tour de la douceur la plus émouvante à l’explosion de notes, jouant tour à tour de saxos et de clarinettes.

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Il y avait aussi Médéric Collignon, musicien accompli et délirant jouant aussi bien de la voix, de la trompette que des effets spéciaux. J’avais déjà eu l’occasion de l’écouter l’an passé lors d’un concert étonnant donné dans le cadre du festival des musiques improvisées, également en compagnie de Louis Sclavis.

Je rêvais depuis longtemps d’entendre sur scène Vincent Courtois et son violoncelle. Courtois passe d’un genre à l’autre, on y entend des réminiscences de musique classique pour se retrouver quelques secondes plus tard dans une ambiance très free. J’ai surtout été surpris de constater que le violoncelle pouvait devenir un instrument rythmique à part entière. Le violoncelle de Courtois, associé à la batterie de François Merville, ont parfois donné un rythme très hypnotique et très scandé que n’auraient pas renié les musiciens d’un groupe comme Magma.

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En Jazz, je ne suis pas très porté sur la guitare électrique et j’ai pensé au début du concert que Sclavis aurait pu se passer d’un guitariste. Mais au fil de la soirée, Hasse Poulsen a imposé son style avec des solos de moins en moins jazzy et de plus en plus rock (à un certain moment, on n’était pas très loin de Purple Haze d’Hendrix).

L’une des surprises de la soirée est venues du chanteur de rap Dgiz. J’ai beaucoup apprécié le rythme des mots et la présence sur scène mais je dois dire que je n’ai pas trop compris les paroles, sa voix me semblant moins bien sonorisée que les intruments des musiciens.

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Le concert portait le nom très évocateur de « éloge de la colère ». Le texte présentant le concert résume très bien ce qu’on a entendu : « Jazz, musiques italiennes, bouffées délirantes, fulgurances vocales et cuivrées, le septet atteint quasiment la vitesse et l’énergie d’un groupe de hard-rock avant de redescendre en piqué dans des tarentalles épatantes. Accrochez-vous, délire musical garanti ».

La machine était bien rodée. Bien sûr, le jazz est l’art de l’improvisation, mais on a trop souvent l’habitude aujourd’hui d’entendre des musiciens qui jouent les uns à côté des autres, de manière plutôt individuelle avec parfois l’impression désagréable qu’ils ne s’écoutent pas les uns les autres. Là, ce soir là, à Besançon, il se dégageait de la scène une espèce d’intelligence collective.

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Mais déjà le concert se termine-t-il qu’une autre soirée se profile en vue. Ce soir, toujours à Besac, il y a Michel Portal ! Que je ne louperai à aucun prix !

Nouveau marché bio dans le Jura

Saluons l’initiative de quelques habitants du Jura qui viennent de mettre en place un petit marché bio sur la commune de Mesmay. Ce marché a lieu le premier vendredi de chaque mois (de mai à octobre) de 17H à 20 H.

C’était le premier marché hier soir. L’ambiance était sympa, très « bon enfant », il y avait même deux musiciens. Le public était au rendez-vous, malgré un gros orage vers 17H30, pour venir acheter fromages, viandes, miel, pains, replants de légumes … On y trouve même la Franche, très bonne bière artisanale du Jura que je vous conseille.

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Le village de Mesmay est magnifique, juste à côté de la Loue. Ce n’est pas très loin de Besançon. Pour y accèder, entrer dans Quingey, tourner à droite sur la place de Quingey. A Lombard prendre à gauche en direction de Mesmay.

Un pari fou : une intégrale Bob Dylan !

Ca fait trois mois que l’idée d’écrire un article sur Bob Dylan me trotte dans la tête. Mais comment condenser tout ce qu’on a envie d’écrire en un seul article ? Et comment surtout éviter de ne dire que des généralités ? Il y a beaucoup trop de choses à dire sur ce personnage ambivalent et sur sa musique.

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Finalement, j’ai décidé ce soir de me lancer, tête baissée, dans une grande aventure : écrire un article sur chacune des productions de Dylan. J’ai donc en projet d’écrire une quarantaine d’articles sur ses disques + quelques autres sur ses DVD parus à ce jour.

Je n’irai pas vite, il va falloir que je réécoute toute son oeuvre, que je relise aussi quelques écrits. Le rythme d’un article par mois me semble faisable. A ce rythme, j’en aurai pour trois ou quatre ans. Vous n’avez pas fini de bouffer du Dylan !

Je parlerai de ses disques de manière chronologique, c’est la manière qui me semble la plus simple pour ne pas trop égarer le lecteur. Je crois que je vais faire une rubrique spéciale pour ranger ces articles : « coups de … « . Si vous avez des idées, elles sont les bienvenues … !

Le premier article paraîtra au début du mois de mai, il parlera du tout premier disque intitulé tout simplement « Bob Dylan » qui date de 1961. Si certains lecteurs ont l’occasion de l’écouter d’ici là, ça pourrait alimenter les conversations sur mon blog, non !

Me suivrez-vous dans ce pari fou ?

DVD « American Folk Blues Festival »

J’ai toujours écouté beaucoup de musique, mais je dois dire que celles qui me touchent le plus sont, la plupart du temps, des musiques très simples d’un point de vue musical. Peut-on trouver plus pauvre (musicalement parlant) que le blues ? La plupart du temps, trois accords (MI7, La7 et Si7), et c’est tout ! Mais cette forme simple, techniquement peu élaborée (c’est le moins qu’on puisse dire !), permet aux musiciens de s’exprimer sur un autre registre que celui de la richesse musicale, celui de l’émotion et du feeling. Le blues, ce n’est pas très beau, c’est quelque chose de rapeux, les voix sont généralement très hard (il y a du « grain » dans les voix), mais on sent derrière la musique une vraie vie qu’on ne retrouve pas forcément dans des musiques plus actuelles, plus « fabriquées » et plus neutres.

Le blues est arrivé tardivement en France, au début des années 60, propulsé par des musiciens blancs tels que les Stones ou John Mayall, mais aussi par l’arrivée de bluesmen noirs authentiques sur notre vieux continent. Je me souviens ainsi avoir découvert en 69 les disques de Big Bill Broonzy et de Memphis Slim, deux musiciens qui avaient choisi de s’exiler en Europe (le blues ne faisant plus recette outre-Atlantique, mais y a-t-il jamais vraiment fait recette ?).

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(image copyright Terry Cryer) © Terry Cryer

De 1962 à 1969, des concerts réunissant les plus grands musiciens noirs américains de l’époque, furent donner en Europe occidentale. Ces tournées intitulées « American Folk Blues Festival » contribuèrent beaucoup à faire connaître le blues, non seulement en France, mais dans le monde entier. La tournée européenne durait un mois chaque automne et réunissait des musiciens illustrant tous les courants du blues, aussi bien rural qu’urbain.

Les amateurs de blues connaissent probablement les disques qui retracent cette aventure. Ils ont été réédités en CD depuis longtemps. Avec l’arrivée du DVD, nous pouvons redécouvrir ces concerts sous un nouvel aspect (je suis très amateur de DVDs musicaux, je trouve que l’image apporte souvent beaucoup d’émotion à la musique). A ce jour, trois DVD sont déjà parus et s’intitulent tout simplement American Folk Blues Festival, vol. 1, 2 & 3. Tous sont en noir et blanc, un type d’image qui sied bien aux musiciens de blues ou de jazz. Les images sont très expressives (ainsi les gros plans sur le visage de John Lee Hooker ou la manière de filmer Willie Dixon en contre-plongée) ; elles permettent de mettre des visages sur les voix très connues de musiciens tels que Mississippi Fred McDowell, Big Joe Williams, Lonnie Johnson …, musiciens dont on possède peu d’images, aussi bien photographiques que cinématographiques (les bluesmen ont souvent été dédaignés de leur vivant).

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Le volume 1 permet d’admirer, outre les 5 musiciens cités ci-dessus, les plus grands musiciens de l’époque : T.Bone Walker, Sonny Terry & Brownie McGhee, Memphis Slim, Otis Rush, Sippie Wallace, Eddie Boyd, Junior Wells, Sonny Boy Williamson, Otis Spann et bien entendu Muddy Waters. J’ai particulièrement apprécié la profondeur du blues chanté par Willie Dixon à la guitare (je ne le connaissais que comme contrebassiste), la joie communicative d’Otis Spann, le final joué et chanté par une dizaine de musiciens et l’émotion qui se dégage de tous ces vieux bluesmen.

Je parlerai plus tard des volumes 2 et 3, mais ils peuvent de toute façon être achetés les yeux fermés car cette musique fait partie, d’une certaine façon et malgré sa provenance d’un autre continent, de notre héritage musical.

Antony & the Johnsons (1)

Question musique, j’essaie d’être à l’affût de nouveautés, mais je dois dire que j’ai du mal à trouver, dans la production actuelle, des disques qui retiennent vraiment mon attention. J’ai l’impression que le jazz tourne un peu en rond (malgré le flirt avec les musiques du monde et la musique électronique), que la chanson française a du mal à se démarquer de Bénabar, Sanséverino, les Têtes raides & Co. Mes coups de coeur des dernières années sont peu nombreux, ils s’appellent Devendra Banhart, Sufjan Stevens, Anouar Brahem, Bright Eyes … et c’est à peu près tout !

Cette semaine, Steph m’a prêté un petit bijou : le disque s’appelle « I am a bird now » d’Antony & the Johnsons.

Dès les premières notes, on est conquis par la charge émotive de la voix. Celle-ci est étonnante, faite de fragilité et de délicatesse, toujours un peu « sur le fil du rasoir ». C’est une voix androgyne, on sent tout au long du disque la personnalité troublante d’Antony. Sur le site d’Amazon, un auditeur écrit : « Par bien des aspects, l’intensité des chansons d’antony n’est pas sans rappeler la douleur des lieds de Schubert, hantés par la quête de l’amour et le sentiment de ne pas appartenir au monde (voir le Voyage d’Hiver). Et le choix d’avoir mis en musique le poëme d’Edgar Poe « The Lake » me semble confirmer cette filiation avec les romantiques du XIXème siècle. »

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De multiples influences traversent ce disque. Les premiers mots chantés m’ont aussitôt fait pensé à Tracy Chapmann mais très vite, j’ai senti une filiation directe avec la voix et la manière de chanter de Bryan Ferry, dans ses premiers disques avec Roxy Music. Le climat qui s’installe est aussi celui que l’on trouve sur les disques de Robert Wyatt. On sent aussi une fêlure, quelque chose de très fragile, qui n’est pas sans rappeler Tom Waits ou Devandra Banhart (qui est l’une des mes découvertes de la dernière année et qui est d’ailleurs un ami d’Antony). Antony est donc un chanteur « sous influence », mais malgré toutes ces références à d’autres artistes, on sent derrière sa voix et sa musique une personnalité hors du commun, faite « de douleur et de quête d’identité » (référence au texte du même auditeur).

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Si vous aimez les voix qui racontent quelque chose, attardez-vous auprès d’Antony & the Johnsons, vous ne pouvez qu’être conquis(e) !

La Cantillon, une bière d’exception !

Je suis tranquillement devant mon pc en train de siroter une bière, offerte aujourd’hui par la compagnie Mag & Mat à l’occasion de mon anniversaire. Eh oui, les années s’entassent : 52 au compteur, mais bon, on va faire avec ! La bière est très bonne, belge (comme il se doit), bien titrée en alcool (évidemment), avec une troisième refermentation en bouteille (d’où le nom de triple), très ancienne (fabriquée depuis le 17ème siècle) et brassée dans un cloître de Carmes, d’où son nom de Tripel Karmeliet.

En buvant cette bière, il me revient en mémoire une petite escapade faite à Lyon il y a un mois. J’avais fait la connaissance d’une charmante blonde (une bière, il va de soi) dans un endroit extraordinaire et je m’étais promis de faire un petit article sur elle. Et puis le temps a passé, rien n’est advenu, et l’idée d’un petit article me revient seulement ce soir. Jusqu’à présent, j’ai écrit 65 articles sur mon blog, sans parler une seule fois de bière (bien qu’Albert, dans un de ses commentaires, m’ait un peu titillé la-dessus) : un exploit ! Mes amis, qui lisent régulièrement mon blog, se demandaient même si c’était bien moi qui écrivais. Voilà donc un article qui va rassurer certains.

Le Palais de la Bière à Lyon (tout près de la place des Terreaux) est un endroit étonnant. Le mot « palais » me faisait craindre un endroit un peu prétentieux, tout en paillettes. Non, le lieu est plutôt sobre et très sympa. Mais que choisir ? Je ne me rappelle plus du nombre de bières différentes que l’on peut y boire, mais je sais que ce nombre est de plusieurs centaines (il me semble que c’était 300, mais la soirée était trop arrosée pour que je m’en souvienne avec précision). Devant tant de choix, j’opte pour une solution : me diriger d’emblée vers une valeur sûre, genre Orval, Chimay ou Westmalle. Sauf qu’au Palais de la Bière, ce n’est pas possible ! Car si le serveur met tout en oeuvre pour cerner vos goûts personnels, il fait aussi le maximum pour vous emmener vers l’inconnu ! Et ça marche, tellement il est persuasif : on se laisse donc conduire avec délectation en territoire nouveau. J’ai d’abord bu deux bières très fruitées (dont j’ai malheureusement oublié le nom), goûtant aussi au passage d’autres bières dans le verre de mes voisins (dont la Bourgogne des Flandres que m’avait conseillée Albert, il faudra que j’en parle un jour … de la bière, pas d’Albert, quoique !).

A la troisième bière (la dernière de la soirée, j’ai rarement été aussi sérieux !), le serveur, sûr de son coup, m’amène une Cantillon. Je ne connais pas cette bière. A la première gorgée, je ne regrette pas de ne pas la connaître, car elle me semble être plus proche du vinaigre que de la bière. La deuxième gorgée me fait déjà changer d’avis, elle a quand même un « goût de reviens-y », comme on dit chez nous autres en Franche-Comté. Tous les gens de la tablée goûtent dans mon verre et tout le monde (sauf Mélanie) trouve cette bière plutôt mauvaise, voire même infecte.

Les gorgées passent les unes après les autres, à un rythme très lent, à cause peut-être de l’acidité mais aussi parce que le goût reste très longtemps en bouche, une saveur très particulière que je ne saurais décrire (c’est dur de décrire avec des mots des saveurs !). Et puis une idée fait progressivement son chemin au fil de la dégustation : il ne peut s’agir que d’une bière d’exception !

Rentré le lendemain en Franche-Comté, je me précipite sur mon ordi où je me souviens avoir enregistré il y a quelques années un fichier excel réalisé par je ne sais qui et qui présente plusieurs centaines de bières, dûment décrites et notées. Et là, surprise (ou plutôt demi-surprise), la Cantillon est classée la meilleure des bières (classée 18,5/20) parmi un choix de 642. La Cantillon y est décrite avec les mots suivants : « arôme exceptionnel acide, boisé, aux tons verts de pommes et de miel mêlés, structuré et complexe. Saveur évolutive, acidité douce. Paradoxe du goût brut et fin. Alliance de saveur sublime ».

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Cette bière exceptionnelle se garde plus de vingt ans, elle fait partie de la famille des lambics, une famille de bières particulières que l’on obtient uniquement autour de Bruxelles. Plutôt que de cultiver, comme pour les autres bières, une souche particulière de levures, les lambics sont obtenues en ouvrant les fenêtres de la brasserie à certaines périodes de l’année : ce sont ainsi les levures atmosphériques, à l’origine d’une fermentation dite « spontanée », qui vont ensemencer le « brassin ». C’est en mélangeant plusieurs lambics (des jeunes, des vieux) et en procédant à un assemblage savant que l’on obtiendra les bières de la famille des gueuzes (la Bécasse, la Mort Subite …) qui sont des bières n’ayant – me semble-t-il – pas un grand succès dans notre pays. La Cantillon est obtenue par mélange de 5-6 lambics plutôt jeunes, ce qui explique probablement ce côté très décapant.

La Cantillon vaut le détour ! Mais plus encore, c’est le Palais de la Bière qui, à lui seul, vaut que l’on s’arrête à Lyon. Alors, dans quelques mois peut-être … !

Armstrong, « le roi du bottin » !

Quand on prononce le nom d’Armstrong, 95 % des gens pensent bien sûr à Lance, le cycliste, celui que certains admirent et élèvent au rang d’un dieu et que d’autres accusent de se shooter à des substances illicites non détectables. Il y aura 4% des gens qui penseront plutôt à Neil, ce premier homme à avoir marché sur la lune en 1969. Et puis, il ne restera peut-être que 1% des gens à penser à Louis, le musicien, chanteur et trompettiste de jazz, qui fut l’un des plus grand musiciens du 20ème siècle. Je fais partie de ce 1%, non pas que j’ignore les exploits de Lance et de Neil, mais la musique d’Armstrong revient tellement souvent sur ma platine !

Il y a bien sûr le son et les notes qu’Armstrong tire de sa trompette. Les biographes disent qu’Armstrong a appris tout seul à jouer de cet instrument. Il était alors adolescent et avait été placé en maison de redressement pour coup de feu prohibé en pleine rue. C’est donc au sein de cet établissement peu fréquentable qu’il découvre le cornet (c’est un peu l’ancêtre de la trompette) et apprend seul à s’en servir, ce qui explique le son particulier qu’il en tire, n’ayant pas appris à plaquer correctement les lèvres sur l’instrument.

Cette manière de composer et de jouer de la trompette influencera considérablement le jazz, Armstrong pouvant être considéré comme l’un des pères de cette musique et en tous ces cas, celui qui sortit la musique des ghettos de la Nouvelle Orléans pour en faire cette musique universelle que le jazz est ensuite devenu.

Il faudra attendre trente ans pour qu’un autre musicien donne à la trompette de nouvelles lettres de noblesse : Miles Davis qui influencera tellement le jazz que l’on peut considérer qu’il y a un « avant Miles Davis » et un « après Miles Davis ». Encore aujourd’hui, cinquante ans après l’arrivée de Miles sur la scène musicale, tous les trompettistes ou presque se réclament de lui … même si évidemment le son et le phrasé de Miles Davis se reconnaissent dès la première note et ne peuvent être imités. Mais ceci est une autre histoire.
Revenons donc à Louis Armstrong. Il y a surtout la voix de Louis. Une voix incroyable, reconnaissable entre mille, chaleureuse et expressive comme jamais le jazz n’en a connu. Evidemment, les puristes préféreront la période des années 30 où Louis était accompagné par les Hot Five (groupe qu’il fonda en 1925), avant qu’il n’aborde, dans les années 50 et 60 (il est mort en 71) une musique plus commerciale, flirtant un peu avec la variété (Mack the Knife, Hello Dolly, La vie en rose …). Mais même dans sa dernière période, certes moins riche sur le plan musical, la voix d’Armstrong suffit à hisser sa production de l’époque à un très haut niveau, celle des plus grands. J’aime aussi ces dernières années de sa vie, même si, en général, je n’aime pas trop ce qui s’approche de la variété. Dans les années 60, la musique d’Armstrong était encore si appréciée que la chanson Hello Dolly a même réussi à détrôner, en pleine effervescence rock en 1964, can’t buy me love des Beatles, au hit parade. Un exploit quant on sait que les Beatles y occupaient la première place, quasiment en permanence ! Le succès posthume qu’a connu a wonderful world dans les dernières années est une illustration de cette période « variétés », assez éloignée de l’esprit du jazz, mais ô combien émouvante, grâce à l’émotion qui passe dans la voix.

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Je ne sais plus qui a dit que même si Armstrong chantait le bottin (l’annuaire), ça serait génial. Je le crois volontiers.

Mais revenons à la case départ : quand on écoute certains morceaux déjantés comme la version de basin street blues de 1933, dans lesquelles Armstrong donne libre cours à sa voix, on se demande si lui aussi, n’était pas, comme son homonyme Lance 70 ans plus tard, lui aussi shooté à l’EPO. Vous ne croyez pas ?