Paul Géroudet était un grand bonhomme. Un grand naturaliste certes mais avant tout quelqu’un qui écrivait avec talent. Ses ouvrages ont amené beaucoup de poésie dans le monde parfois un peu trop froid des ornithos.
Cet article n’en est pas vraiment un. Je voudrais juste introduire une future série d’articles sur le flamant rose par quelques images et un petit texte. Et il m’a semblé que le texte introductif pouvait justement être un extrait de l’article que Paul Géroudet a consacré à cet oiseau dans son livre « Grands échassiers, gallinacés et râles d’Europe ». De ces flamants, Paul Géroudet disait qu’ils étaient « nés de la boue et de l’eau, du soleil et du sel ».
Dans le début de son article, Géroudet nous parle d’abord des menaces qui pèsent sur la Camargue : « …. Déjà, dans le flanc du delta, l’ogre industriel a implanté un cancer sinistre et démesuré de béton, de fer et de fumées. Déjà, on ne parle plus de nature qu’en termes de mise en valeur touristique, de zones de verdure ou de détente, et le Flamant se chiffre à l’ordinateur des rentabilités futures sous la rubrique du pittoresque folklorique …
Pourtant, les Flamants roses sont toujours en Camargue, inconscients de nos soucis.
Tant qu’il y aura des étangs salés, aussi longtemps qu’ils y trouveront nourriture et sécurité, ils reviendront les peupler de leurs multitudes comme le veut leur tradition millénaire.
Tant et chaque fois que seront réunies les conditions de leur reproduction, ils établiront la cité prodigieuse où naîtra leur descendance. Cette fidélité tenace à leur principal refuge européen, ils ne savent sans doute pas qu’elle peut se perpétuer seulement grâce aux efforts des défenseurs de la nature ; ils ne peuvent s’imaginer qu’elle est pour ces hommes l’encouragement à lutter, le symbole de la vie à sauvegarder, de la radieuse beauté du monde.
Au-delà des cultures, au-delà des dernières steppes que hantent les sombres taureaux de Camargue, les vastes étangs salés recuillent la lumière du ciel. C’est là, dans la nudité du sable et de l’eau, dans le flottement des mirages ou sous le souffle mordant du mistral, que les Flamants apparaissent. Ce sont d’abord, sur les nappes grises ou bleuâtres des lagunes, des troupes lointaines étalées en ligne blanches à peine teintées de rose, ou des oiseaux égrénés qui semblent immobiles. presque toujours, quelques groupes moins farouches pâturent aussi près des rivages et des temps en temps des files ondoyantes passent au vol en échangeant des cancans sonores.
Alors se révèlent les « ailes de flamme » rouges et noires qui, en diverses langues, ont valu leurs noms à ces super-échassiers étonnant par leurs proportions. »
Merci Paul pour ce texte. A suivre.