1 : Les insectes pollinisateurs
Attention, article très long. Paresseux, passez votre chemin … !
Et article plutôt polémique. « Culs serrés » (ceux qui détestent qu’on fasse des vagues) s’abstenir aussi !
Et comme ce blog, au bout de près de 20 ans de fonctionnement, ses 2250 articles, et ses 500 lecteurs quotidiens, touche presque à sa fin (ce n’est pas que je fatigue mais j’ai l’impression d’avoir un peu tout dit ce que j’avais envie de dire), je ne vais pas me priver de clore cette belle aventure par des articles « politiquement incorrects », qui ne correspondent pas à l’air du temps mais qui traduisent au plus près ma pensée sur certains sujets.
Alors allons-y !
Aujourd’hui est une époque formidable : chacun se croit capable de s’exprimer sur tous les sujets et ne s’en prive d’ailleurs pas, d’autant plus que les réseaux sociaux offrent un « boulevard d’expression » à quiconque le veut et donnent à chacun l’impression d’exister enfin .
Or, tous les sujets, qu’ils soient politiques, géopolitiques, sociétaux, environnementaux, économiques, humains … sont de plus en plus complexes, d’autant plus complexes qu’ils relèvent toujours de plusieurs thématiques qui se croisent, et encore d’autant plus complexes que les connaissances sur lesdits sujets augmentent au fil des décennies grâces aux diverses disciplines scientifiques.
Il faudrait donc de plus en plus de mots pour parler d’un sujet donné et l’appréhender dans sa globalité. Or, notre culture dite « moderne » nous oblige à nous exprimer en un minimum de mots, cela étant sans doute dû (mais pas que !) au fait que bon nombre de nos concitoyens n’ont plus l’habitude de lire et sont rebutés par un texte trop long. « Trop long » ça veut dire quoi ? 200 lignes pour certains, 10 lignes pour d’autres.
Je me rappelle qu’avec Twitter il fallait se limiter à 140 caractères ((20 mots environ) et que plein de gens, y compris et surtout dans le monde politique, se sont prêtés à ce jeu lamentable de synthétiser leur pensée sur tel ou tel sujet en une ou deux phrases seulement. Dans quelques décennies, si l’on prolonge l’évolution actuelle, les onomatopées remplaceront les mots. Twitter (devenu X entre temps) – et, d’une manière plus générale les réseaux sociaux – sont devenus aussi (et malgré un certain intérêt sur plusieurs aspects que je ne nie pas) la négation de la pensée ! Je parlais tout à l’heure d’un « boulevard d’expression ». Ce qui se passe actuellement sur internet est la triste histoire du boulevard devenu caniveau.
Il y a donc aujourd’hui « un grand écart » entre le besoin d’argumenter sur des sujets de plus en plus complexes (qui nécessitent donc de plus en plus de mots pour les décrire) et les impératifs dictés par notre société moderne, société de l’immédiat et de la simplification à outrance. Ce qui conduit à trouver sur internet des raccourcis qui sont tellement raccourcis qu’au final on se trouve aux antipodes de la réalité et que cela en devient souvent, des contre-vérités.
Evidemment, cette dérive dont je parle affecte beaucoup plus les sujets à enjeux très forts tels que la politique, la géopolitique, la vie sociale, l’économie. Dans ces domaines là, la surenchère est toujours de mise, c’est à celui qui forcera le plus le trait. On exagère certains faits pour prouver que le monde est tel qu’on aimerait qu’il soit. Mais le monde n’est pas l’image d’Epinal simpliste qu’on aimerait, il est complexe, différent selon le point de vue où l’on se place, de plus en plus mouvant avec des vérités d’aujourd’hui qui s’avèreront ineptes demain et inversement des idées farfelues d’aujourd’hui qui peuvent être les vérités de demain.
Les écolos politiques n’échappent malheureusement pas (et pourquoi y échapperaient ils d’ailleurs ?) à une manière malhonnête de présenter les choses. Je vous parlerai un de ces quatre de l’opération « Deviens justicier-e de la terre » menée par FNE qui m’a ébranlé au plus haut point. Mais en attendant, je vais prendre, pour commencer ma série d’articles, un sujet beaucoup moins polémique (encore que !), celui des insectes pollinisateurs.
Pour écrire cet article, je croise plein de choses venant d’horizons divers : les connaissances sur les insectes qui me viennent de mes profs de fac (Jean-Claude Robert et Jean-Yves Cretin surtout), les nombreuses lectures que j’ai faites sur le sujet, mes observations de terrain mais également mon expérience de jardinier.
Les insectes sont, comme tout être vivant, un maillon indispensable au fonctionnement des écosystèmes. Leur existence n’a pas à rendre des comptes à nous pauvres humains. LEUR VIE EST, POINT BARRE ! La diversité se justifie en elle-même, on n’a pas besoin d’en rajouter une couche avec une quelconque pseudo utilité pour l’Homme desdits êtres vivants. Leur chercher une quelconque utilité par rapport à nous, c’est encore ramener une fois de plus l’Homme au centre de tout. Ce qu’il n’est pas ! (dans quelques temps, les araignées et les vers de terre qui nous survivront rigoleront de notre pauvre prétention). Qu’est-ce qui est utile, qu’est-ce qui est nuisible ? Question complexe. A priori, une mésange charbonnière semble utile pour l’Homme parce qu’elle mange des chenilles. Mais certains insectes prédateurs se nourrissent aussi de chenilles. Alors, il suffit qu’une mésange se nourrisse ne serait-ce que de 1 ou 2 % d’insectes prédateurs pour que son rôle d’utilité soit à reconsidérer. C’est juste un exemple banal pour montrer que tout est bien plus complexe qu’on ne le croit et qu’on ne le dit.
Il y a des décennies que les scientifiques ont abandonné ces notions d’utile et de nuisible. Alors, pourquoi, parce qu’ils veulent – à juste titre d’ailleurs – lutter contre les insecticides et les néonicotinoïdes, les « écolos de salon lanceurs de pétitions » (c’est devenu un métier) forcent-ils le trait en inventant par exemple pour les insectes des vertus qu’ils n’ont pas forcément (ou qu’ils ont jusqu’à un certain point seulement).
L’EXEMPLE DES INSECTES POLLINISATEURS
Si l’on fait une recherche sur internet, on s’aperçoit que tous les sites consacrés à la pollinisation parlent de l’importance des insectes pour notre sécurité alimentaire. Les chiffres augmentent au fur et à mesure qu’internet progresse et on en arrive à parler aujourd’hui du chiffre de 66% de la nourriture consommée au niveau de la planète dont nous serions redevables aux insectes grâce à leur rôle dans la pollinisation des fruits et des légumes. Certains sites parlent même de 80%. Pourquoi pas 120% pendant qu’on y est !!!
Or, si l’on regarde attentivement nos sources de nourriture au niveau de la planète, on s’aperçoit que la réalité est toute autre. Prenons l’exemple des végétaux les plus consommés dans le monde :
– Vient ensuite la grande famille des tubercules dont la consommation est primordiale pour l’alimentation de l’humanité : le manioc qui est le tubercule le plus consommé au monde se reproduit par bouturage (et non via les insectes) et la pomme de terre qui est le tubercule le plus consommé dans les pays occidentaux se reproduit tout simplement par multiplication des bulbes sans l’intervention des insectes. Idem pour d’autres tubercules comme les patates douces.
– Vient ensuite le légume-fruit le plus cultivé au monde : la tomate (5 tonnes consommées toutes les secondes, chiffre excluant la production dans les jardins familiaux). Les insectes viennent butiner les fleurs de tomates et donnent l’illusion qu’ils jouent un rôle dans leur fécondation mais leur présence n’a aucune importance car, dans presque tous les cas, la fleur de tomate s’est autofécondée avant même que la fleur ne s’ouvre (je garde certaines variétés de tomates depuis 40 ans, preuve que les insectes n’interviennent pas ou quasiment pas, vu que je ne constate pas d’hybridation). Idem pour les poivrons, les piments et les aubergines pour lesquels les insectes ne jouent quasiment aucun rôle (si ce n’est de l’ordre de quelques %).
– il reste bien évidemment tous les autres légumes : les carottes, les choux, les radis, les laitues, les chicorées, les panais, les poireaux, les betteraves, l’ail, les oignons, les côtes de bettes … Tous ces légumes ont des fleurs et sont donc susceptibles d’être pollinisés par le vent ou les insectes. Sauf que tout ça n’est que de la théorie, vu que ces légumes, pour être consommés, sont tous cueillis bien avant la floraison. Là aussi donc, les insectes ne sont pas mis à contribution.
– Il faut rappeler que la pollinisation n’est pas indispensable au développement de bon nombre de légumes (vu qu’on en récolte beaucoup avant la floraison) mais qu’elle est surtout nécessaire pour avoir des graines à ressemer les années suivantes. C’est là que, en théorie, les insectes interviennent. Mais en pratique tous les semenciers (qu’ils soient en bio ou en conventionnel, et même amateurs) cherchent au contraire à isoler les plantes des insectes afin que ceux-ci ne viennent pas perturber la pureté des variétés en amenant du pollen extérieur venant d’une autre variété. Ils pratiquent alors la fécondation artificielle (sans contribution donc des insectes) lorsqu’il y a besoin de pollen extérieur (d’un point de vue pratique, la profession maîtrise bien cette technique car très facile à mettre en œuvre).
– Concernant les fruits, les insectes jouent pas contre un rôle beaucoup plus important que pour les légumes (j’en parlerai dans un article ultérieur).
– Enfin, concernant les boissons fermentées qui dominent le marché et qui sont bues sur l’ensemble de la planète (bières et vins essentiellement), il faut noter que l’orge qui sert à faire la bière est en mode de pollinisation assuré par le vent et que la vigne est une plante auto-féconde (seuls certains raisins, dits « muscadins » ont besoin, dans certaines conditions seulement, de la contribution des insectes).
Ce que viens de dire là n’est pas valable que pour les plantes. Car même si l’on se met à examiner notre consommation en protéines animales, la conclusion est sensiblement la même. Exemple des vaches, volailles, etc… qui se nourrissent avant tout de deux sortes d’aliments : les céréales, les autres graminées (sous forme d’herbe ou de foin) et les légumineuses, groupes de plantes n’ayant pas besoin de l’intervention des insectes pour leur pollinisation (comme je l’ai déjà dit ci-dessus).
Donc, au final, pas grand chose à mettre au crédit des insectes.
En résumé, pour les plantes consommées par l’Homme et indispensables à sa sécurité alimentaire (qu’il s’agisse des plantes consommées directement ou par l’intermédiaire des animaux qu’on élève), le rôle des insectes c’est très peu de chose ! Les insectes n’interviennent dans la pollinisation d’aucune des 15 plantes les plus consommées au niveau de la planète. Le rôle des insectes est limité essentiellement à la pollinisation des fruitiers et des cucurbitacées (les fruits pouvant d’ailleurs être considérés comme négligeables quant à leur apport réel aux éléments nutritifs principaux dont a besoin l’humanité) et sans doute aussi à quelques groupes de plantes dont j’ai oublié de parler parce qu’ils sont assez peu utilisés dans l’alimentation. Sans doute donc que pour notre alimentation on dépend des insectes dans une toute petite proportion (5% ? 10% ? 20% peut-être …) et non 60-80 % comme cela est raconté ad nauseam sur internet et dans les dizaines de pétitions que vous et moi recevons..
Mais, je le répète, la protection des insectes, comme celle des autres vivants, est absolument indispensable. Pour la bonne et simple raison qu’ils existent et qu’ils participent au miracle de la vie. Il n’y a pas besoin d’autres justifications. Donc pas besoin d’en rajouter avec des pseudos arguments !
Vous avez peut-être compris le véritable sens de la série d’articles que j’entreprends d’écrire : les z’écolos nuisent à la compréhension par le public de ce qu’est l’écologie. Ils sont même devenus contre-productifs et, par leurs excès de langage qui génèrent des contre-réactions violentes, ne sont devenus que « les idiots utiles » des grands saccageurs de notre environnement.
La prochaine fois, je vous parlerai du trio « abeille domestique/frelon asiatique/bourdon terrestre » et des contre-vérités qui se diffusent sur le sujet. Et la fois suivante des membres de FNE national, ces « nouveaux zorros de l’environnement ».
Ouf, j’ai enfin terminé ce premier article qui me tenait énormément à cœur.
Merci de m’avoir lu jusqu’au bout.