Les habitants de Besançon et du Doubs ont l’habitude d’appeler leur département voisin (la Haute-Saône) « la Haute-Patate ». La raison évoquée viendrait du fait que la Haute-Saône est un département très rural où l’on cultive beaucoup de pommes de terre. Mais la vraie raison de cette appellation est bien différente et encore moins flatteuse : c’est un département où les gens roulent comme de vraies patates (comme en témoigne le très mauvais classement du département parmis les zones les plus meurtrières de France).
Il en est aussi des bêtes comme des hommes. Ainsi les coccinelles de Haute-Patate me semblent être plus rapides et plus mauvaises conductrices qu’ailleurs. Ce qui pourrait être la cause de leur disparition si j’en juge par la légende locale que me racontait autrefois ma grand-mère Dupdup.
En fouillant dans ma mémoire, j’arrive à retrouver des bribes de cette légende que feu mon aïeule me racontait il y a plus de quarante ans. Cette légende explique à elle seule la disparition de certaines espèces de coccinelles. Car il fut une époque où ces charmantes petites bêtes étaient encore pourvues de très nombreux points sur leurs élytres. 12 était la moyenne du nombre de points mais le nombre pouvait être parfois plus élevé.
La légende dit qu’un ancien hobereau local, un certain Sarkoléon, avait décidé de tester un drôle d’appareil le long des routes : le sarkoradar, intrument répressif destiné à mettre fin aux excès de vitesse sur les routes de Haute-Patate, ce département ayant déjà à l’époque une certaine renommée en matière d’accidents de la route. Cavaliers, conducteurs de chariots, diligences, carosses et carioles en tous genres furent les premières victimes de ce sarkoradar expérimental. Mais il semblerait qu’un certain nombre d’animaux figurèrent aussi parmi les contrevenants, dont … certaines coccinelles prises en flagrant délit de vitesse les jours de fort vent arrière.
A chaque passage devant le tribunal juridictionnel de Vesoul, les coccinelles furent condamnées à perdre un ou deux points selon la gravité de leur infractions. C’est ainsi que, selon la légende, la Haute-Patate fut le premier département doté d’une population de coccinelles à sept points seulement … jusqu’au moment où, évidemment, le sarkoradar fut généralisé sur l’ensemble du territoire, offrant ainsi un nouveau territoire d’expansion à cette nouvelle espèce.
Vous allez me dire : « Si cette légende est vraie, il devrait bien y avoir, vu le taux de mauvais conducteurs et d’alcooliques en Haute-Patate, des coccinelles sans aucun point ? ». Cette question m’a longtemps intrigué. Ma grand-mère Dupdup me disait que chez des espèces proches comme les chrysomèles, les sans-permis et sans-points se cachaient, ne sortaient plus de la maison et restaient la journée complète au pieu à faire de la gymnastique.
Mais ma grand-mère Dupdup me disait aussi que les coccinelles avaient du mal à faire comme les chrysomèles et à baiser tout la journée, cela ne faisant pas partie de leur religion. Effectivement, pour des « bêtes à bon dieu », ça l’aurait foutu très mal ! Alors elles bravaient leur interdiction de voyager et reprenaient le volant ! Mais Sarkoléon était impitoyable avec les récidivistes et ma grand-mère Dupdup m’assurait que ceux qui étaient pris en flag’ étaient envoyés au bagne de Cayenne en Guyane, lieu de villégiature très en vogue à l’époque.
Je dois dire que je ne croyais pas trop à cette histoire trop invraisemblable de coccinelles contraintes à l’exil. Je n’accordais donc, pour une fois, aucune foi aux dires de ma grand-mère … jusqu’à lundi dernier où je me suis rendu compte, en allant sur le blog d’un jeune français vivant en Guyane, qu’il y avait dans ce pays une population de coccinelles entièrement dépourvues de points, comme en témoigne cette belle photo faite par ce jeune passionné de nature :
Et si les légendes de la grand-mère Dupdup n’étaient pas que des légendes mais de vraies histoires !
Mes coccinelles se joignent à moi pour vous souhaiter à tous et à toutes de très bons voeux. Un bon point pour elles !