Légendes de la Haute-Patate profonde (1)

Mon article sur la mésange charbonnière a suggéré à notre ami Vincent une question pertinente : « Y a-t-il dans la Haute-Saône profonde, ou dans je ne sais quelle archive (morte ou vivante), une légende expliquant la cravate noire de la mésange ? Sinon, quelqu’un pourrait-il l’inventer ? J’aimerais bien savoir, moi, pourquoi elle en porte une, la semaine comme le dimanche, sur sa belle chemise jaune ? »

Eh bien, non seulement, la question de Vincent m’a donné l’idée d’ouvrir une série d’articles sur ce thème, mais en plus il se trouve que je connais justement une légende sur la cravate de la charbonnière. La voici, telle que ma grand-mère Dupdup nous la racontait :

La mésange charbonnière est appelée ainsi parce qu’autrefois elle allait « au charbon », dans le secteur de Plancher-les-Mines exactement. A force de travailler dans les mines, elle a acquis, au fil des générations de charbonnières qui se sont succédées, un ventre de couleur noir charbon. Et oui, c’est sa vraie couleur !

Alors comment ce ventre est-il devenu jaune ? C’est assez simple : la combustion de charbon est tombée en désuétude (« trop polluant » ont dit les premiers écolos de l’époque). Les mines de charbon ont alors fermé et toutes les mésanges charbonnières ont dû se recycler … dans l’industrie chimique où la tenue « couleur souffre » est exigée. Les mésanges ont donc dû se vétir de redingotes jaunes.

Mais en changeant de conditions sociales (puisqu’elles ont quitté leur statut de prolos bossant dans les mines), les charbonnières se sont quelque peu embourgeoisées. Elles ont alors pris de l’embonpoint et se sont trouvées rapidement à l’étroit dans leurs nouvelles redingotes qu’elles n’arrivaient plus à refermer. Et c’est ainsi que progressivement la couleur noire d’origine, qui était cachée sous la redingote, est réapparue au grand jour. La Direction a d’ailleurs bien toléré ce laisser-aller, toute contente de voir l’ensemble des salariées mésanges adopter le port de la cravate !

Quant à la question de savoir pourquoi elles portent la cravate même le dimanche, je dirais que c’est peut-être par « excès de z’ailes ».

Voilà l’histoire véridique de la cravate de la charbonnière que je tenais à raconter ici, avant qu’elle ne disparaisse de la mémoire collective.

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Connaissant l’esprit un peu tordu de Vincent (ah bon ?), je sais déjà qu’il va me poser la question : « Et alors, pourquoi les femelles ont-elles des cravates noires un peu plus petites ? ». Et bien, simplement, parce qu’elles boivent à peine moins de bière !

Quant à la sous-espèce endémique dupdupontus à large cravate qui n’est localisée qu’à Bussières, ce n’est qu’un mythe. L’explication en est très simple : les charbonnières qui vont à la table Dupdup y sont mieux nourries qu’ailleurs ! Evidemment !

27 réflexions au sujet de “Légendes de la Haute-Patate profonde (1)”

  1. Je vais rechercher dans les vieux grimoires et je suis sûr que je vais vous en trouver d’autres du même accabit.

  2. C’est ben joli tout ça, mais ce qui serait vraiment intéressant… c’est d’savoir pourquoi qu’les vaches elles ont des cornes pis qu’les ch’vaux y s’en ont pas…

  3. Oui, pourquoi effectivement ne pas parler de cette histoire de vaches que nous racontait aussi cette sacrée grand-mère Dupdup. Je ne me rappelle que de quelques bribes mais en collectant quelques souvenirs auprès de mes frères, je devrais être en mesure de te la raconter. Avant la fin de l’année, promis juré, Fernande du Pis de Dôme !

  4. Quand je pense à Fernande, je…
    …me souviens que les chevaux, autrefois, avaient bien, eux-aussi, des cornes, ou plutôt une (car les animaux portent toujours autant de cornes sur la tête qu’ils ont de sabot à chaque pied), au milieu du front, mais ils l’ont perdu… je ne sais plus si c’est quand les humains ont arrêté de les traire ou commencé de les monter.

  5. (suite)
    Ils n’aiment pas trop cependant qu’on s’en (et leur) rappelle.
    Dans leurs propres légendes, ils préfèrent raconter qu’ils portaient des bois, comme les cerfs. Ils trouvent que ça leur va mieux et fait plus noble.
    (Ils sont comme nous, finalement, jamais contents de leur sort, toujours à s’inventer des fables, c’est plus fort qu’eux !)

  6. Oui, oui, encore des légendes comme ça ! Il y en a sans doute une sur les martinets dans tes vieux grimoires ? (spéciale dédicace à Vincent). Moi, j’ai plus de grand-mère, mais je peux peut-être interroger ma collègue qui croyait dur comme fer à la légende du lâcher de vipères par hélicoptère dans les forêts du Jura dans les années 70 ?

  7. Sympa cette légende sur la charbonnière ! jamais entendu parlé…
    Mais, la mésange bleue devait donc aller au charbon aussi puisqu’on peut apperçevoir de la même manière une légère cravate noire sur sa blouse jaune ? … j’ose même pas imaginer d’où vient le bleu et … où est-ce qu’elle a encore bien pu se fourrer !!

  8. La mienne de grand-mère disait que les mésanges bleues sont tout simplement les yeux de Cybèle. Hé oui… le déesse de la Terre et de la Nature sauvage nous observe par ses mésanges, elle qui s’est cachée en éparpillant un peu partout tous ses organes.

  9. Et la légende de celui qui repousse toujours tout à plus tard pour aller sur le blog à Dupdup et trouver une nouvelle légende, vous la connaissez??? J’vous la raconterez un jour!!
    Mais n’est-ce qu’une légende… ? pas si sûr….!

  10. Ah, la mésange bleue ! Quand la première est venue manger sur ma main il y a un an, ce fut une belle émotion. Et le pire, c’est que lorsqu’elle est revenue pour la dernière fois de l’hiver (c’était exactement la 7 080 ème fois), l’émotion était quasiment la même. C’est là une partie de la magie des zoziaux !

  11. Très jolie légende à raconter au coin d’un bon feu comme lors des veillées d’antan , juste avant que le dieu audiovisuel n’arrive dans nos maisons .

  12. Finalement, grâce à la colonne de droite qui signale maintenant les commentaires récents, quand quelqu’un met un commentaire sur un article très ancien qui date de deux ans, d’autres y reviennent au moins pour lire l’article en question.

  13. Oui, tout à fait, une fonction « mémoire » en quelque sorte.
    Lire l’article d’alors, mais aussi les commentaires correspondants, non ? Mais cela soulève une question : celle du temps que chacun peut ou veut consacrer au blog. Et interroge donc le profil de sa participation :
    – soit une approche dilettante où l’on vient faire un tour, jeter un oeil, voire poser une ou deux lignes, une humeur, un vanne ou un fion, etc.
    Objectifs : tourisme mental et distraction.
    – soit une pratique réflexive (n’excluant pas l’humour non plus que le sérieux) impliquant information, documentation, analyse, échange d’arguments, confrontation des idées, etc.
    Objectifs : culture et réflexion sur les choses de la vie.

    Les deux sont possible. La difficulté réside dans l’écart entre elles et dans les conséquences qu’il en résulte pour la qualité des échanges.
    Entre quelqu’un qui ayant travaillé un problème développe un argumentaire et celui qui, en ignorant tout, s’autorise cependant à poser un avis péremptoire, quelle possibilité de dialogue authentique est-elle réellement envisageable ?

    Comme dans la vie de tous les jours et les conversations courantes, direz-vous… Pas exactement, parce que sur un blog le DEBAT EST PUBLIC, c’est-à-dire ouvert à tous.

    Pour le meilleur, c’est très bien. Mais cela à tout moment ouvre aussi la porte à n’importe quoi. Le meilleur, mais aussi le pire.

    En même temps qu’une pratique active, une réflexion est, me semble-t-il, indispensable sur l’intérêt mais aussi les limites de l’activité « blogique ».

    Tiens, Bernard, ça pourrait peut être faire l’objet d’un futur article ?
    Où en est l’idée déjà évoquée que certains articles soient d’une autre main que la tienne ?
    Est-ce toujours imaginable ou existe-t-il un obstacle à cela ?

  14. Un blog est le reflet de la vie quotidienne. Ni plus, ni moins. Il se dit des choses essentielles et il se dit d’autres choses plus légères. Comme dans la vraie vie quoi. Ceux qui vont sur les blogs uniquement sérieux, celui de Onfray, d’Assouline et bien d’autres encore en repartent vite. Ceux qui vont sur des blogs trop légers en repartent vite aussi. Il y a, je pense, un équilibre sur ce blog que je revendique.
    Tu oublies Robert dans ton descriptif des différentes catégories de blogueurs la majorité silencieuse. Il y a une vingtaine de personnes que je connais qui lisent tous les articles depuis le début de la création du blog, qui lisent tous les commentaires ou presque, qui font de la lecture de ce blog leur quotidien et qui ne mettent jamais un commentaire. En général parce qu’ils n’osent pas. Et je dois dire que si j’aime la discussion avec chacun d’entre vous, lorsque j’écris un article, c’est toujours en pensant à cette majorité silencieuse qui me fait régulièrement des retours sur mes articles. Et cette majorité silencieuse là est importante : alors que j’étais passé en janvier dernier à 4000 visites par moi, je viens de friser la barre des 5000 pour la première fois en septembre (4960 exactement). Oui, je sais que sur les 165 personnes qui viennent par jour sur ce blog, la moitié n’y vient que par hasard, à la suite d’une recherche avec un mot clé sur google, mais pour l’autre moitié, beaucoup sont des fidèles silencieux. Peut-être que certains d’entre eux nous rejoindrons dans la discussion dans les années qui viennent, à nous tous de créer les conditions de dialogue pour qu’ils puissent le faire.

  15. A chaque fois que tu évoques cette « majorité silencieuse » qui lit tes articles, ne les commente jamais directement, mais en discute en privé avec toi, j’ai l’impression que les dès sont pipés et qu’il vaudrait mieux au fond faire comme eux.
    Cela éviterait d’être plus ou moins suspecté d’imposer par sa parole le silence à d’autres.
    On mouille sa chemise et ceux qui restent tranquilles dans leur coin trouveraient en toi, les pauvres, leur défenseur attitré. Il y a là une sorte de démagogie qui m’indispose, vois-tu.
    Dire que certains « n’osent pas » parler incrimine quelque part que ceux qui le font pourraient ce faisant empêcher les autres de le faire.
    Si certains n’osent pas, d’autres osent.
    Appelant après chaque article aux commentaires, il y aurait autant d’absurdité à reprocher à certains de dire qu’aux autres de se taire.
    En tout cas, quand tu te poses ainsi en champion des taiseux, tu me fais regretter ma participation, tu me donnes vraiment envie de rendre gorge.
    Et si demain des lecteurs viennent te dire en secret ce qu’ils pensent de notre présent débat, libre à toi de les écouter et d’en tirer réflexion. Ils ne le diront pas à ceux qui travaillent à alimenter ton blog et tu auras toujours beau jeu de mettre ces derniers en défaut.

  16. Ah, j’oublais. Michel Onfray s’est expliqué depuis longtemps sur le fait que son blog n’appelle pas à commentaires : cela réclamerait de sa part un travail tel que ses capacités n’y suffiraient pas.
    Chaque début de mois, il écrit une chronique d’une page et basta.
    Ayant, comme lui et quelques dizaines de milliers d’autres, quelque intérêt pour la réflexion philosophique sur des questions d’actualité, je lis régulièrement ses chroniques.
    Libre à moi de poursuivre après ma réflexion ailleurs.

    Chez Assouline, j’ai dû aller deux ou trois fois à partir d’un lien trouvé ailleurs. Il faut que j’y retourne pour voir.

    Ah, si j’allais moins chez Dupdup, je voyagerais davantage sur d’autres navires.
    :biggrin: ou :lol: je n’arrive pas à me décider.

  17. Euh non, je n’ai pas dit qu’on discutait de mes articles en privé, j’ai simplement dit que je connais pas mal de personnes qui ne loupent ni les articles et qui lisent la plupart des commentaires. La plupart n’écrivent pas par simple timidité probablement. Rien de plus …
    J’aimerais bien que ces gens écrivent et c’est pour ça que j’ai parlé de créer les conditions du dialogue. Mais ce n’est pas facile pour des gens timides de faire le pas …

  18. OK. Il appartient à chacun de parler ou de se taire (sur ce blog ou ailleurs). Et personne n’aura dans un cas comme dans l’autre à lui reprocher son attitude.
    Ayant durant de nombreuses années travaillé en dynamique des groupes et en conduite de réunion, j’en ai tiré quelques enseignements quant aux personnes qui ne s’expriment pas (et quant aux autres aussi, mais là n’est pas directement notre sujet). Sans les ranger en catégories définitivement (une même personne pouvant changer de rôle selon les circonstances) voici succinctement les diverses attitudes que j’ai pu rencontrer :
    (Cette liste indicative n’a rien d’exhaustif.)
    A. le sujet et/ou le groupe ne sont pas intéressants et on s’absente…
    B. Ils sont intéressants, mais on ne connaît personnellement rien ou peu sur la question. On gagne alors à s’instruire en écoutant.
    D. Ils sont intéressants, on aimerait bien prendre la parole mais l’animateur est nul et n’assume pas sa fonction. Les choses vont à vaux l’eau et on ne voit pas comment ni pourquoi intervenir.
    E. Ils sont intéressants et l’animateur est très aidant mais on hésite tellement à intervenir que le débat se termine sans qu’on l’ait fait. On n’est pas accoutumé à s’exprimer dans un groupe (grande discrétion, timidité peut être, voire peur de se mettre en avant, sentiment d’impuissance, culpabilité…)

    LIEES AUX CIRCONSTANCES OU A LA PERSONNALITE DE CHACUN, TOUTES CES ATTITUDES SONT LEGITIMES.

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