DISCOGRAPHIE DE BOB DYLAN (8)
L’accident ou la madadie sont souvent l’occasion de faire une pause et de faire le point sur sa propre vie. A la suite de son accident de moto qui avait laissé place pendant quelques mois aux rumeurs les plus folles (mort ? paralysé ? Amnésique ?), Dylan se retire du monde dans sa maison de Woodstock. Il en ressortira métamorphosé.
Les premières personnes à le revoir sont les musiciens de son groupe The Hawks que Dylan voit secrétement dans une cave aménagée en studio. C’est avec ce groupe qui prend alors le nom du célèbre the Band que Dylan enregistre les Basement Tapes qui ne paraîtront sous la forme d’un double disque que 7 ans plus tard … mais nous en parlerons ultérieurement !
Pendant que Dylan vit se retraite paisible, le monde change. Souvenons-nous de 1967, l’irruption de la contre-culture américaine et le célèbre Summer of love marqué par un rock psychédélique défoncé (qui vit au rythme du LSD) porté par le Jefferson Airplane et Grateful Dead. Dylan n’entretient alors aucune relation avec le mouvement hippie. Il ne reste volontairement qu’un observateur distancié des changements en cours. Cette période foisonnante est marquée également par l’arrivée sur la scène musicale des Doors, de Cream, de Jimi Hendrix et des Who. C’est à cette épôque que les Beatles sortent leur album concept, le célèbre « Sergent Pepper ».
Dylan réapparait en studio en janvier 1968. De l’avis général, il n’est plus le même et semble heureux, relax, confiant et radicalement changé. A tel point que les musiciens s’interrogent quant aux séances d’enregistrement qui sont imminentes.
Dans un contexte musical en pleine effervescence, Dylan sort un disque, JOHN WESLEY HARDING (dont des extraits peuvent être écoutés par exemple sur Amazon) qui semble anachronique, voire déplacé pour son époque. Ce n’est ni tout à fait du folk, ni de la country, encore moins du rock. Pourtant la qualité musicale est au rendez-vous, le public d’ailleurs ne s’y trompera pas et hissera ce disque en deuxième position des ventes (évidemment, quand une personne que l’on a cru morte sort un disque, on comprend que celui-ci se vende à 250 000 exemplaires dès la première semaine !).
C’est l’un des disques de Dylan les plus sobres et des plus rigoureux (certains disent même « spartiate »). L’instrumentation est dépouillée, les chansons sont aérées et respirent, les phrases sont plutôt courtes et il n’y a plus cette urgence habituelle à dérouler le texte. C’est un Dylan apaisé et bien dans peau qui nous livre là son huitième opus, pouvant être considéré comme « un disque de rupture ». D’ailleurs, aucun texte du disque ne fait la moindre allusion au passé. Ce disque est aujourd’hui considéré comme l’un des meilleurs albums du maître.
Comme Dylan étudie à cette époque la Bible avec autant d’assiduité que peut l’être un étudiant en théologie, les textes regorgent de métaphores religieuses. Robert Shelton dit que « cet album traite de la quête d’un homme pour le salut et des réponses… ». Dans ce disque, Dylan semble dépourvu de la moindre conscience politique.
Mis à part deux chansons qui m’inspirent peu (d’un point de vue musical), j’aime beaucoup ce disque de Dylan qui, à mes oreilles, « sonne assez folk ». J’ai un petit faible pour All along the whatchtower qui sera porté à un haut niveau d’interprétation par Jimi Hendrix, pour The ballad of Frankie Lee ans Judas Priest et I pity the poor immigrant qui sont, toutes deux, de très belles ballades, et pour la dernière chanson du disque I’ll be your baby tonight.
Dylan sort ce disque fortement teinté de folk au moment ou Woody Guthrie, qui peut être considéré comme son père spirituel, vient juste de mourir.
« La musique spatiate de l’album sidéra tout le monde : en pleine vague d’exploration musicale débridée, Dylan s’est tourné vers la simplicité mélodique et les accompagnements laconiques du folk et du country. C’est presque une évolution du symbolisme à l’imagisme, d’une riche surcharge de symboles à de l’essentiel sans fioritures, de « trop de rien » à un petit peu d’autres chose, d’un carnaval modersiste de l’ellipse et de l’intuitif à une forme classique de vers simple, à des histoires concises faites pour être toujours « à l’écoute des silences », à des signifiés entre les mots. Son spectaculaire changement de style musical éclatait à la face du « Sergent Pepper’s » des Beatles, audacieuse avancée dans les techniques de studio. »
(Robert Shelton : « Bob Dylan, sa vie et sa musique », 1986)
http://www.bobdylan-fr.com/articles/jwh_isis2005.html
Un Dylan décroissant en quelque sorte…
Oui, économie de moyens, recentrage de sa vie à l’essentiel, indifférence aux modes, … je n’avais pas vu ce disque sous l’angle de la décroissance, mais c’est bien vu !
J’en profite pour signaler que dans le cadre du festival de cinéma de la musique de Besançon, le film de Scorsese « The last Waltz » passe ce jeudi 7 décembre à 18H au Mégarama.
Il s’agit du dernier concert donné par The Band en 1978 avant la séparation du groupe. On y trouvera Dylan bien sûr, mais aussi Neil Young, Van Morrison, Eric Clapton et Muddy Waters. La fin d’une grande époque ?
Encore un que je n’ai pas eu le temps d’écouter !!!!
Il est bizarre ce Dylan, toujours « décalé » mais en même temps « en phase avec son temps » (puisqu’il semble ne jamais cesser de vendre !).
Là, il faut que j’avoue que moi non plus, je ne connaissais pas l’album. Déjà entendu, mais très peu. Ou alors y a longtemps. Ou bien j’ai oublié. Ou il sentait pas bon
Je l’ai depuis hier et je pense qu’il me faudra plusieurs écoutes pour arriver à l’apprécier.
Je vais quand-même citer des extraits du dictionnaire du rock de Michka Assayas :
« L’homme qui revient en 1968 est totalement changé. À l’apogée du rock psychédélique et des surenchères technico-baroques des Beatles et des Rolling Stones, Dylan est entré en studio à Nashville avec une formation réduite à sa plus simple expression : Charlie McCoy à la basse, Kenny Buttrezy à la batterie et Pete Drake à la steel guitar. Le résultat, John Wesley Harding, est un disque à contre-courant, sobre à l’extrême, à la beauté simple et profonde. Les paroles sont emplies d’allusions à la Bible, Dylan y parlant en paraboles de sa propre quête spirituelle. Les chansons, à la tonalité folk-blues, sont toutes des merveilles : le fameux All Along The Watchtower – immédiatement repris par Hendrix – Drifter’s Escape, Dear Landlord y sont chantés avec une foi et une humilité déchirantes. Dylan frappe alors ceux qui l’approchent par une sérénité et une bonhomie nouvelles : il est heureux de vivre à la campagne et de s’occuper de ses enfants et de sa femme. Le seul à désapprouver ces changements est Albert Grossman : il tente en vain de faire revenir Dylan à un statut de pop star dont celui-ci ne veut plus. En conséquence, son contrat d’impressario n’est pas renouvelé. »
Comme quoi, un peu de spiritualité et le bon air de la campagne… mais je me croirais dans les commentaires sur Pierre Rabhi.
Il en est où avec la drogue, à cette époque là ?
Ecoute, Vincent, je n’ai rien trouvé sur la consommation de drogues par Dylan après son accident.
Dylan se repose à la campagne pendant cette période, dans sa maison de … Woodstock. Eh oui, le nom vous dit quelque chose ?
Petite anecdote : C’est parce que Dylan vivait à Woodstock, que ce lieu a été choisi pour le célèbre festival. C’était un peu un hommage à Dylan. Et Dylan, qui refusait à l’époque de s’identifier avec quoi que ce soit de son époque et avec les courants musicaux qui dominaient à ce moment-là, a décliné l’offre. L’ombre de Dylan a plané pendant tout le festival mais il n’est pas venu !
Si je puis me permettre, eh bien contrairement à Anne, j’ai de suite accroché à cet album. Je le trouve très « easy listening » (dans le bon sens du terme) mais surtout apaisant et « chaud » (comme une grosse écharpe autour de votre cou)…Je suis aussi impressionné par le jeu de basse sur les chansons, qui leur donnent un côté très « swing » (ici Charlie Mc Coy, qui paradoxalement, est surtout connu pour son jeu…d’harmonica !). Je n’ai pas souvenir d’un son de basse aussi mis en avant depuis les débuts de Dylan. Les paroles, plus « roots » que d’habitude, contribuent à la géniale harmonie et homogénéité de l’album…
Pour info, ce soir au cinéma Utopia de Bordeaux est projeté « Pat Garrett and Billy the Kid ». Evidemment ma place est déjà prise (cela fait partie de ma quête dylanienne).
Alors, maintenant que tu as vu le film, qu’en penses-tu ? Etonnant, non, le personnage qu’y joue Dylan ? Très ambivalent, très secret, si je m’en réfère aux souvenirs que j’en ai gardés (mais c’était il y a très longtemps). En tous les cas insaississable. Peut-être un peu à l’image de ce qu’est Dylan dans sa vraie vie !