Pierre Rabhi à Besac

Belle conférence hier soir de Pierre Rabhi hier soir à Besançon où 500-600 personnes étaient venues. Thème de la conférence : « Toujours plus de croissance, est-ce vraiment raisonnable ? ».

Il y a une phrase qui a flatté mon égo de jardinier : « faire du jardin, c’est entrer en résistance, c’est un acte politique ».

Dans la salle, il y avait Mag, Anne, Vincent, Jean-Yves, … Et si c’était eux qui nous parlaient de cette soirée ? Y’a de la place pour les commentaires sur ce blog, non ? A vos plumes donc !

146 réflexions au sujet de “Pierre Rabhi à Besac”

  1. Je n’étais pas à la conférence. Puis-je cependant signaler un texte qui fait, me semble-t-il, écho à : « faire du jardin… est un acte politique » ?

    « Travaillons sans raisonner, dit Martin ; c’est le seul moyen de rendre la vie supportable
    Toute le petite société entra dans ce louable dessein ; chacun se mit à exercer ses talents. La petite terre rapporta beaucoup. Cunégonde était, à la vérité, bien laide ; mais elle devint une excellente pâtissière ; Paquette broda ; la vieille eut soin du linge. Il n’y eut pas jusqu’à frère Giroflée qui ne rendit service ; il fut un très bon menuisier, et même devint honnête homme ; et Pangloss disait quelquefois à Candide : »Tous les événements sont enchaînés dans le meilleur des mondes possibles : car enfin si vous n’aviez pas été chassé d’un beau château à grand coup de pieds dans le derrière pour l’amour de mademoiselle Cunégonde, si vous n’aviez pas été mis à l’Inquisition, si vous n’aviez pas couru l’Amérique à pied, si vous n’aviez pas donné un bon coup d’épée au baron, si vous n’aviez pas perdu tous vos moutons du bon pays d’Eldorado, vous ne mangeriez pas ici des cédrats confits et des pistaches. – Cela est bien dit, répondit Candide, mais il faut cultiver notre jardin. »

    Ultime paragraphe de « Candide ». Voltaire (1757).

  2. Pour faire court (je n’ai pas le temps de développer davantage ce soir), je dirai qu’à mon sens Pierre Rabhi vaut davantage par ce qu’il fait que par ce qu’il dit… et qu’il aurait dû écouter son instituteur qui lui conseillait, face à un problème, de ne pas trop « rêver » !!!

  3. PS : il y avait également Emmanuel et Jean-Michel qui viendront peut-être faire un tour sur le blog pour l’occasion… N’hésitez pas à intervenir également les poteaux !!!!

  4. Je ne sais pas répondre à ta question, Bernard.
    Je pense juste que « rêver » n’a rien d’exceptionnel, c’est notre penchant naturel à tous (depuis la petite enfance) et que « grandir » c’est quelque part apprendre à ne plus trop prendre ses désirs pour la réalité.

    Il me semble rêver (prendre ses désirs pour la réalité) lorsqu’il dit, par exemple…

    …que le « modèle en cours aujourd’hui n’est pas rafistolable, qu’il va tout droit à sa perte, etc »… car à mon sens, la caractéristique de ce modèle, ce qui le rend redoutable, c’est justement qu’il possède une incroyable souplesse, une étonnante capacité à s’adapter, rebondir et déjouer tous les pronostics d’exctinction. Il risque donc au contraire de durer encore bien longtemps (même avec l’éventuelle raréfaction des ressources)

    …qu’un « autre monde est possible » (un « alter-monde » pour faire savant ou branché). J’ai en effet bien peur que nous n’ayons en réalité que… celui-ci. L’idéologie des tables rases est vieille comme le monde et me semble par ailleurs potentiellement bien dangereuse. L’histoire n’est en réalité qu’une lente évolution d’un même monde, les soit-disant « ruptures » ne sont que des constructions intellectuelles et artificielles. Miser là-dessus est certes une « belle u-topie », mais bon… c’est un peu vouloir construire un palais sur des nuages.

    …que le « sursaut des consiences » (ou la « mutation personnelle ») est possible, que « l’homme va pouvoir devenir un colibri » (sans passer par les manipulations génétiques !!!). Encore une fois, j’ai bien peur qu’il faille plutôt envisager de faire avec… l’homme tel qu’il est (notamment « aggressif » pour reprende ce concept d’éthologie qui me tient à coeur) !

    Mais je le répète, s’il me semble bien « léger » dans ce qu’il dit, ce qu’il fait paraît beaucoup plus « réaliste » (et doit l’être, ne serait-ce que parce que ça fonctionne)… et c’est peut-être finalement ce qui compte le plus.

    PS : merci à Robert pour le passage de Candide, remettant en contexte la fameuse formule

  5. Quel beau débat vous ouvrez là, mes amis. Souffrez que je m’en mêle.
    Au fond, ces échanges sur le blogadupdup me font penser aux conversations des gens des Lumières, qui pour se rencontrer étaient tenus à se réunir en « salons ». Il y en eut certes de mondains, ils sont aujourd’hui oubliés. Il y en eut d’autres où s’élaborèrent, par exemple, l’Encyclopédie. Les idées qui s’inventèrent alors servent largement encore de fondement, voire de moteur, à notre histoire présente.
    Comment vivre les conditions d’aujourd’hui sans imaginer qu’il pourrait en être autrement ? La religion a imposé durant des siècles que le monde ayant été conçu dans l’éternité, il n’appartenait pas aux hommes de le changer. Un seule voie : la résignation.
    Quelle plus belle utopie déjà, voilà 250 ans, de poser qu’il puisse se construire autre chose ?
    Je pense comme toi, Vincent la table rase n’est pas à l’ordre du jour. Mais sur cette table, il s’agirait déjà, par exemple, que chacun trouve à manger.
    Et que les produits soient propres à consommer. Et que les gens aient du travail pour gagner leur vie, etc. Tout un programme…
    La réponse à des questions aussi concrètes passe par des projets et des actions pour le changement. Ce serait donc parler « d’utopies concrètes ».
    De toute façon si par réalisme borné et fatalisme béat on considérait que les jeux sont faits, qu’aucune idée nouvelle ne peut plus rien changer, il ne resterait plus qu’à se tirer une belle (je voulais écrire balle, mais c’est mieux comme ça) dans la tête plutôt que de continuer sans réagir à respirer la pestilence.
    Alors, OK pour des évolutions conduites calmement. Mais cependant très déterminées à avancer.

  6. Lorsqu’il parle de radicalité, Pierre Rabhi ne parle pas de faire table rase du passé comme tu le soulignes, Vincent, mais remet simplement en cause le système économique d’aujourd’hui qui a montré ses limites et qui ne répond plus aux aspirations de l’homme. Rabhi a bien montré où était le point de rupture de l’économie occidentale avec l’arrivée du cheval-vapeur il y a deux siècles. Remettre en cause le système économique actuel, ce n’est pas pour lui remettre en cause les fondements même de l’économie (il a été très clair par rapport à ça) et tout notre passé mais simplement notre passé récent.

    La décroissance n’est pas une utopie, elle s’imposera tôt ou tard. D’ailleurs je pense qu’elle est déjà là. Car la croissance des pays occidentaux se fait au détriment des pays du sud. Et au sein même de nos sociétés occidentales, la croissance des uns se fait au détriments des exclus. Il n’y a jamais eu autant d’inégalités qu’aujourd’hui. Nous n’avons donc au bout du compte qu’une illusion de croissance, ce n’est plus qu’un transfert de richesses.

    Les chemins de la décroissance devront être trouvés. Il y a des réflexions qui ont cours actuellement, des expérimentations d’autres modes de vie… Evidemment, tout cela est balbutiant, ne rions pas de ceux qui cherchent quelques pistes. Il y a , comme le laisse entendre Robert, un avenir à inventer et des actions à construire dès maintenant. Je crois qu’il faut mener de front les deux aspects : réflexion et actions concrètes. On en revient encore à la formule « penser global et agir local ».

    Ce n’est pas la décroissance qui est utopique, c’est la croissance, non ? Si l’on veut que chacun sur cette terre vive « à l’occidentale », il faudrait l’équivalent de 5 planètes actuelles. Le système actuel est donc condamné, sauf à affirmer que les autres n’ont pas à accèder à nos privilèges de consommateurs occidentaux nantis.

    Vincent a raison de dire que le système actuel est d’une incroyable souplesse et capacité d’adaptation. Car effectivement, le système a sa logique qui lui est propre et la croissance des uns peut durer encore longtemps, riches et pauvres ont encore beaucoup de potentiel : les riches peuvent encore devenir beaucoup plus riches et les pauvres beaucoup plus pauvres. Car si l’état de la planète montre que nous avons atteint des limites à la pression que nous exerçons sur les ressources et sur le monde du vivant, il en est différemment d’un point de vue social, les limites peuvent encore être reculées et nous pouvons descendre encore beaucoup plus bas…

  7. La lecture que tu nous invites à faire, Bernard, m’a permis, depuis mon désert, d’avoir quelque idée sur le débat engagé par la récente conférence à laquelle vous avez assisté. L’idéologie de la croissance a fait faillite, c’est entendu. La dé-croissance n’est-elle pas une contre-idéologie bâtie à contrario de la première ? Ce qui expliquerait peut-être qu’elle puisse en certains cas côtoyer l’extrême droite. Entre réactionnaires…
    Les commentaires des lecteurs du Monde, sont dans leur diversité, me semble-il, éclairants sur ce point.
    Quelles que soient les initiatives individuelles (jardins, produits, carburant, voyages, etc.) que nous prenons en conscience dans notre vie quotidienne, la question qui nous est posée à tous est celle d’un projet de société fondé sur un autre mode de production et de consommation, à un moment ou le modèle hyper-dominant d’accumulation est mondial.
    Orphelins du marxisme et de sa théorie (implosée à l’épreuve du soviétisme) de l’impérialisme comme stade suprême du capitalisme, nous n’avons plus d’explication.
    Sait-on encore que la guerre déclenchée par le Japon aux USA l’avait été sur une question de matières premières.
    Que se passe-il donc en Irak ?
    Faut-il être grand clerc pour entrevoir qu’entre la Chine et l’Occident ça va, dans cette logique) finir par péter ?
    Et que les guerres, hélas, ayant toujours été la « continuation d’une politique par d’autres moyens », le risque est grand que l’humanité y ait encore une fois recours.
    Il commence à se dire que, depuis sa tombe, Marx pourrait bien inspirer à nouveau… Qui sait ?
    Il va falloir, peut être, inventer le « socialisme » de demain,, qui de toute manière, par ces temps médiatiques, gagnera à s’appeler autrement, Ou alors, attention les noms d’oiseaux : toute une caisse d’invendus à balancer !
    Donc pour faire court et relancer l’énergique Vincent : Ségolène, tu fais quoi ce soir ?

  8. Je repose ici la question d’un intervenant dans la salle (un des rares qui posait une vraie question et n’en profitait pas pour un peu abusivement « vendre sa soupe », comme quoi il ne suffit pas de croire aux colibris pour en devenir un !!!) : pourquoi ça marcherait aujourd’hui alors que ça n’a pas plus marché que ça dans les années 70 ?

    Vous répondez quoi à ça, vous ?

  9. Vincent, je ne comprends pas le « ça » qui n’a pas marché et marcherais.
    Peux-tu m’expliquer ? Merci.

  10. J’ai une petite explication, Vincent, sur le fait que ça n’a pas marché dans les années 70 et que ça pourrait marcher aujourd’hui.

    EN 70, nous étions dans la fin de que l’on appelle généralement « les trente glorieuses ». Le premier choc pétrolier n’était pas arrivé. Tout le monde était encore imprégné du mythe du progrès. C’était aussi l’avénement de la société de consommation de masse, chacun jettait sur cette nouvelle société le même regard qu’un enfant qui reçoit son premier jouet.

    Aujourd’hui, le système a montré ses limites A TOUS LES NIVEAUX. Le monde du travail n’a plus de sens (ainsi Françoise qui habite à Pesmes et qui doit aller enseigner à Pontarlier, plus de trois heures aller-retour, pire qu’en région périsienne !), beaucoup de choses se sont dégradées. Et surtout, l’idée de décroissance est déjà là. Car chacun sait aujourd’hui que nos enfants n’auront plus les mêmes moyens matériels que nous. Donc tous les germes sont là pour que la prise de conscience s’accélère dans les temps qui viennent, à la faveur d’un événement particulier.

  11. Tudieu ! Quel ésotérisme quand vous parlez du « ça » alors que je n’y entrave que dalle ! Le seul « ça » que je connaisse un peu fait partie de la triade freudienne et je n’entrevois pas ce qu’il viendrait faire ici. Mais sait-on jamais… peut être avez-vous une correspondance particulière avec l’inconscient. Sinon, merci de me (nous) tenir au courant des non-dits de l’énoncé.

  12. Je suis d’accord avec Robert pour suggérer que Marx n’est pas mort, du moins ses analyses économiques (baisse tendantielle du taux de profit et tutti quanti) qui rélèvent à mon sens davantage de la science que de l’idéologie politique.

    Je me désole de voir que plus personne ne s’y réfère, notamment à gauche (même les communistes !!!)… et je ne compte plus ceux qui l’excluent de leur méditation sur le monde, de façon souvent péremptoire… sans même l’avoir lu !!!

    Une des limites majeures de son oeuvre est sans doute de n’avoir pas anticipé le machinisme et ses conséquences : l’élimination du tavailleur (et de sa classe comme contrepoids politique).

    Si, comme le suggère Paul Ariès, dans le lien proposé par Bernard, « Nous souffrons d’une extrême faiblesse théorique qui nous empêche encore de penser le monde globalement », qui s’attèlera à poursuivre le travail engagé ?

    Je n’ai pas l’impression, en cette époque de facilité où règnent le « tu-cliques-et-t’as-tout » et la figure héroïque du « crétin militant » (celui qui est convaincu qu’en temps de crise il faut se contenter d’idées simples et de fortes convictions), qu’il y ait grand monde qui soit prêt à « se casser les os du crâne » (…mais peut-être n’est-ce pas la solution à la situation actuelle) !

  13. Le « ça », c’est la construction d’un monde simple, où les gens vivront dans le respect, le partage et l’amour du prochain (et du monde environnant)… bref, ton allusion visait juste Robert, un fantasme sans doute analysable en terme freudien !!!

  14. En quelques phrases, nous avons sauvé Marx et Freud du naufrage. Il faut le faire !
    Corriges-moi, Vincent, mais la baisse tendancielle du taux de profit est bien à la base de la concentration du capital (au niveau des Etats dans les années 70 et au niveau mondial aujourd’hui )?
    Mais alors, la lutte des classes à l’échelle internationale est bien à l’ordre du jour ?
    Tu vas me dire : que vient faire Ségolène là-dedans ?
    Rien du tout ou presque. Seulement faire un mince barrage au commis de Bush pour la France : Sarko.
    Et, sous sa houlette présidentielle, disposer d’un peu plus de champ pour que le conflit de classes puisse s’exprimer.
    Sans quoi, nous allons, me semble-t-il, vers l’écrasement croissant des potentiels populaires pour encore des années.
    C’est vrai, nos forces sont faibles mais à les laisser aller à la perte, nous n’aurons plus rien à gagner.
    Des consciences au travail, ça finit par produire du sens.
    Selon ta formule, cassons-nous donc les os du crâne !

  15. Concernant ce retour, dans les années 70, à des choses plus simples dont tu parles, Vincent, je ne crois pas que l’on puisse comparer avec ce qui se passe actuellement. Il y a eu à l’époque une tendance extrêmement limitée de retour à la terre. Certaines ont réussi, d’autres ont échoué et rien de celà, qu’il s’agisse de tentatives abouties ou avortées, ne peut prêter à la moquerie, comme on le lit ou l’entend parfois.

    Aujourd’hui, les enjeux sont bien différents et touchent des tas de domaines qui nous concernent tous, sans qu’il soit besoin d’aller s’exiler obligatoirement en Ardèche (je caricature volontairement mes propos). Il s’agit par exemple de réfléchir à l’utilisation de nouvelles technologies pour travailler « à distance » sans déplacements, à l’implantation de son domicile par rapport à son lieu de travail, à de nouvelles relations directes entre producteurs locaux et consommateurs, à une vraie politique de transports en commun, à des échanges différents entre citadins et campagnards, à des lieux collectifs de jardinage… et que sais-je encore ! Quand je dis ci-dessus « réfléchir à », il faut ajouter évidemment « expérimenter » car TOUT, AUJOURD’HUI, EST A INVENTER.

    Rien à voir donc avec un retour à la terre « en masse », l’enjeu n’est-il pas aussi aujourd’hui de repenser « la ville » et son mode d’organisation ?

  16. Vincent, je ne pense pas que l’on puisse dire que « l’homme déjoue tous les pronostics d’exctinction ». Sa présence sur terre est tellement récente et son entrée dans l’économie que nous connaissons aujourd’hui est tellement proche de nous qu’il nous faut analyser les faits à la lumière de l’échelle de temps de notre planète. Alors oui, on peu dire que si la modernité est arrivée il y a tout juste une seconde, depuis, ça s’est effectivement pas trop mal passé… ! Quand la fin de la prochaine seconde se sera écoulée, nos os à tous les deux seront déjà blanchis. Alors relativisons, relativisons !

  17. Je ne comprends absolument pas pourquoi Vincent dit que Pierre Rabhi aurait dû ne pas trop rêver.
    Cela ne l’a, visiblement pas, empêché d’agir. Au contraire, son rêve, ses utopies, lui ont servi de moteur.
    Gandhi et Martin Luther King ont-ils trop rêvé ?

    Et ce qu’il nous a dit ne vaut pas moins que ce qu’il fait. Il nous a expliqué la démarche intellectuelle (et sensible) qui l’avait amené là où il est aujourd’hui.
    Il a pris du recul pour observer la société dans laquelle il vivait. Tiré parti des différentes cultures dont il est issu. Puis s’est construit une vie qui lui paraissait en accord avec lui-même ( ce que tout un chacun tente de faire, non ?).

    Certes, ce n’est pas un grand théoricien. Je reconnais aussi que certaines démonstrations, notamment autour de la sémantique (l’histoire de boîtes, pour ceux qui ont assisté à la conférence) n’étaient pas très probantes. Mais le bonhomme ne m’en a pas moins touchée.

    J’ai énormément apprécié qu’il mêle la poésie et même la spiritualité à la réflexion.
    Son raisonnement est simple (d’aucuns diront simpliste ?), il se pose la question pour chaque acte de sa vie, de savoir ce qu’il veut, ce qu’il pense être bon pour lui, son entourage, son environnement.
    C’est le recul qu’il prend qui lui permet d’être juste.
    C’est parce que Pierre Rabhi nous a expliqué sa démarche que ses actions concrètes deviennent intéressantes pour nous. Car il n’est nullement question que tout le monde tente un retour à la terre.

    Je précise, au risque de faire râler Robert, que tous les commentaires de Bernard sur cet article me paraissent si justes que j’aurais aimé les écrire.

    J’ai été assez troublée par les questions à la fin de la conférence. Elles m’ont paru traduire un immense désarroi. Tous ces gens qui demandaient « mais que peut-on faire ? ».
    On peut faire beaucoup de choses. Ce monde doit être ce que nous en faisons, nous et nos enfants. Et tant mieux si je suis rêveuse, idéaliste et même naïve. C’est ce qui me donne des ailes.

  18. Moi aussi, j’ai été troublé par le désarroi de certaines personnes dans la salle, et notamment par celui d’une lycéenne à laquelle, finalement, Pierre Rabhi n’a pas répondu.

    Peut-être que l’absence de réponse vient du fait que Pierre Rabhi n’a pas de réponse d’ordre collectif à apporter mais seulement des réponses d’ordre individuel. Enfin, ce n’est peut-être pas exactement ça, il pense certainement qu’il faut d’abord déjà changer le coeur de l’homme et en revenir à d’autres valeurs que celles de l’argent (il a d’ailleurs fait plusieurs fois référence dans la soirée, aux valeurs de l’humanisme) avant d’aller plus loin. Il faut que chacun ait ce déclic en lui.

    Peut-être aussi que les solutions individuelles sont multiples (à chacun d’entre nous de savoir lesquelles nous choisissons) alors que les solutions collectives sont encore presque toutes à inventer ! Y’a du pain sur la planche !

  19. A propos de notre rapport à l’argent , Pierre Rabhi a rappelé qu’au départ, l’argent servait à faciliter le troc, un simple outil pour permettre d’échanger des marchandises en affectant à chacune de celles-ci une valeur d’équivalence. Puis l’argent a acquis une valeur intrinsèque, qui, à vrai dire, ne veut plus rien dire. Et certains (tous ? ) se sont mis à vouloir accumuler l’argent, bien au delà de ses propres besoins.
    Ce type de propos a dû paraître bien simpliste à Vincent, j’imagine.
    Eh bien, moi, c’est justement parce que c’est extrêmement simple que cela me paraît juste. Cela me semble être la bonne question qu’il faut se poser par rapport à l’argent.
    Je repense en souriant à l’anecdote de ces types qui travaillent dans les mines en Algérie et qui ne se représentent pas au travail dans les semaines qui suivent leur premier salaire. A leur retour, alors que le contremaître les réprimande, ils expliquent « naïvement » qu’ils n’avaient pas besoin de venir travailler puisqu’ils n’avaient pas encore dépensé tout leur argent.
    Cela me fait penser à un passage du film « Attention, danger travail ! » où un gars vient provoquer des chômeurs qui manifestent pour réclamer du travail : Il leur crie au travers d’un porte-voix « Pourquoi réclamez-vous du travail ? Demandez-donc directement de l’argent »

  20. Une autre anecdote racontée par Pierre Rabhi, celle de ces paysans africains qui vont voir le vieux sage de la tribu en racontant qu’avec la poudre des blancs (de l’engrais), les récoltes sont deux fois supérieures. Et le viel homme de leur dire, après un long temps de réflexion : « eh bien, maintenant, vous travailerez deux fois moins ! ».

  21. Oui, Anne, elle me semble bien simpliste cette histoire de troc… car on sait maintenant que ce n’est qu’un mythe.

    Le « troc » n’aurait en effet jamais existé (voir entre autres les travaux de Marcel Mauss). C’est une conception « économiste » et « rationalisante » qui n’a rien à voir avec l’organisation des échanges dans les sociétés traditionnelles (qui devait davantage s’apparenter aux « potlach » amérindien, une forme rituelle et symbolique de « don » où l’équivalence est d’autant moins recherchée que le but est au contraire la dépense somptuaire sous forme de défi).

    Continuer de véhiculer ce genre de fable me semble d’autant plus dommageable (surtout lorsqu’on prétend participer à l’élaboration d’un « nouveau monde ») que cela indique autant une méconnaissance de l’homme (il n’est pas en ses fondements un être rationnel) qu’une incapacité à sortir du modèle de pensée qu’on prétend dépasser.

    Quant à la valeur en soi de l’argent, la dialectique entre « valeur d’usage » et « valeur d’échange », Marx (encore lui) a ouvert la réflexion depuis plus d’un siècle. Je me demande même (ma mémoire de la question est un peu défaillante) si la substitution de l’un par l’autre n’est pas l’objet principal de ce qu’il a tenté d’appeler la « fétichisation de la marchandise ».
    Ce n’est donc, pour le coup, pas « faux » mais pas « nouveau » non plus (sauf dans la formulation légèrement plus… « simpliste »).

  22. Alors là, ça me suprend beaucoup cette histoire du troc qui n’aurait jamais existé. Car il existe encore dans nos campagnes certaines formes d’échanges (d’entraide ?) qui sont en fait des échanges de services. Ils me semblent être le prolongement d’une époque pas si lointaine que ça où les gens s’échangeaient des tas de choses. Je ne sais pas si c’est vraiment du troc, mais ça y ressemble fort. Ce n’est peut-être qu’une question de vocabulaire, non ?

    Peut-être que notre ami Robert, qui habite dans la Haute-Saône profonde, pourrait nous éclairer sur la survivance de certaines formes d’échanges dans les campagnes.

  23. Allo, télé dupdup ? Oui ! Ici la campagne profonde ! Vous avez appelé au sujet de certaines formes d’échanges primaires…?
    Et bien, mon impression est plutôt que les concepts de « don et le « contre-don » tels que décrits par Marcel Mauss, répondent bien à votre question. Il me semble d’ailleurs que mon estimé confrère Vincent y a fait allusion récemment
    Le don/contre-don est une forme d’échanges non marchands dans une société où l’argent n’existe pas. On ne le trouvera donc pas sous sa forme pure, dans une société fondée sur l’échange marchand. Voir le bel article de Régis Mahieu (sur : mapage.noos.fr/RDV/Ledon.htm) :
    « Une des originalités de la conception de Mauss incite à voir que le don/ contre-don est ambivalent, bien et mal  » veillant « . Le don est à la fois  » cadeau  » et  » poison « . Sa forme malveillante s’inscrit dans la recherche du pouvoir du donneur et l’obligation de rendre… »
    Eh, oui, pas si simple et encore moins idyllique. Une erreur dans les termes du don/contre-don est une offense personnelle aux règles non-inscrites et soumises à interprétation. L’offence est souvent lavée dans le sang (dans le temps) ou dans les haines tenaces qui habitent nos campagnes. En terme de don/contre-don, on gagne à être légèrement créditeur vis à vis de l’autre, de « tenir le bon boût », mais point trop pour qu’il ne s’en offusque pas. On gagne tout autant à lui être aussi légèrement débiteur (à propos d’autre chose, par exemple) afin de lui reconnaître la même dépendance à notre égard que réciproquement nous avons au sien.
    Ce qui vient encore compliquer la chose, c’est que la campagne, aussi profonde soit-elle, est pénétrée elle aussi par la brutalisation contemporaine des échanges marchands, où l’homme devient un loup pour l’homme (avec permis de chasse à la marchandise généralisé).
    Ce phénomène est appelé à se développer au fur et à mesure des « progrès » en cours de la pénurie des biens naturels, des matières premières et de leur répartition inégale.
    A un moment, la mécanique peut s’embaler et échapper une fois encore au pouvoir des hommes.
    Faut-il désespérer alors ? Surtout pas !
    Il faut être juste, non parce que le monde est juste mais parce que c’est la seule manière juste d’ETRE AU MONDE.
    Peut-être ne cherche-t-on pas assez du côté de l’éthique.

  24. Il n’est pas question ici de définir ce qu’est ou n’est pas le troc. Effectivement Marcel Mauss a dû pas mal faire le tour de la question en analysant le don et j’ai participé à de nombreuses soirées où nous avons débattu autour de ce sujet (lorsque nous préparions une « Fête du don » qui a eu lieu dans le quartier Battant l’année dernière).
    Il ne s’agit pas non plus de prétendre que la dialectique entre valeur d’usage et valeur d’échange est nouvelle ou pas. Pierre Rabhi ne se présente pas comme un nouveau penseur, ni comme un économiste, ni comme un philosophe.
    Il s’adresse à nous de manière simple, audible par tous.
    Il se contente de nous raconter son histoire, son cheminement, sa réflexion sur le monde et comment il se positionne dans son quotidien.
    Il met le doigt sur des dérives importantes du système dans lequel nous vivons. Des dérives que souvent nous ne percevons plus tellement nous avons « le nez dans le guidon », ou que certains analysent en théorisant, ce qui n’était pas l’objet de cette conférence :
    « Toujours plus de croissance, est-ce bien raisonnable ? ».
    Je ne sais pas d’où Vincent tire l’idée que Pierre Rabhi prétend participer à l’élaboration d’un nouveau monde. Il entend juste remuer un peu les consciences. Tirer une sonnette d’alarme mais, loin du catastrophisme ambiant dans le milieu écologiste. En nous donnant des exemples concrets d’autres fonctionnements. En mettant en place dans différents pays des systèmes d’agriculture hors du système libéral, il nous donne des exemples de possibles.

  25. Peut-être (je dis bien peut-être) faut-il distinguer les échanges de services dans le cadre du bon voisinage et le « troc » conçu comme organisation des échanges selon un principe d’équivalence aboutissant à la création de la monnaie d’échange.

    Aucun « troc organisé » n’est connu je crois dans les sociétés traditionnelles.
    Les circulations d’objets s’y font en effet plutôt sur le mode symbolique. L’exemple du « potlach » étudié par M. Mauss est grossièrement le suivant : quand deux chefs de tribus se rencontrent, prend le pouvoir sur l’autre celui qui est capable de lui faire le plus de cadeaux, dans une sorte de défi où la rationnalité (dans le sens actuel du terme) n’a pas lieu d’être. La surenchère dans le sacrifice peut même parfois aller jusqu’au sacrifice ultime : la vie.

    J’ose une hypothèse :
    Même si le modèle économique basé sur l’équivalence rationnelle (et la recherche du profit) est omniprésent, archidominant, le système « archaïque » de l’échange symbolique (fondé sur le don) n’a pas cessé d’exister, même si c’est de façon moins visible… et pas que dans la Haute-Saône profonde !!! Ses modalités évoluent constamment mais, contrairement à ce qu’on entend partout, il n’est pas moins présent aujourd’hui qu’hier !!!

    Et si on apprenait à analyser les choses en terme de « don » plutôt qu’en terme de « profit » ? Peut-être en effet n’est-ce pas le monde qu’il faut changer mais tout bêtement notre façon de le regarder. Décoloniser notre pensée des conceptions « rationalisantes » qui s’imposent à nous de façon exclusive.

    Je donne un exemple volontairement exagéré (mais susceptible d’indiquer la direction que je tente de pointer) : la publicité.
    On peut certes la concevoir comme une tentative insidieuse et perverse de manipulation des grandes sociétés toujours plus avides de profit…
    Mais on peut (peut-être) tout autant voir en elle une façon de rendre, en partie du moins, et de façon symbolique, ce qui a été gagné sur un autre plan, dans un bouquet d’images de sons d’humour et de poésie, s’apparentant davantage au feu d’artifice festif (donc quelque part gratuit).

  26. Oups… entre le moment où j’ai commencé à écrire mon commentaire et le moment où je l’ai envoyé… il y a eu l’intervention de Robert et d’Anne que je n’ai pas eu le temps de lire… Je m’y attèle de suite !
    Désolé pour l’anachronisme, s’il a lieu !

  27. Tu as raison, Anne, sa valeur est avant tout celle du témoignage…
    (et s’il vaut davantage par ce qu’il est ou fait que par ce qu’il dit, stricto sensu, faudrait peut-être aussi ne pas trop glauser sur ses propos, mais bon…)

  28. Bravo, Vincent, tu commences à assimiler le principe de décroissance, et sans le savoir ( ?) tu viens de presque paraphraser Serge Latouche, défenseur actif de la décroissance, universitaire professeur émérite d’économie, qui a écrit De la décolonisation de l’imaginaire économique à la construction d’une société alternative.
    Quand à ton chapitre sur la publicité, je pense une fois de plus, que tu ne peux pas t’empêcher d’être provocant… Tu ne dois pas être sans savoir qu’une branche radicale de la décroissance est issue du mouvement Casseurs de pub.
    Ceci dit, je connais quelques graphistes qui bossent dans la publicité et qui estiment pratiquer une certaine forme d’art.

    Bien-sûr, Robert, qu’il faut chercher du côté de l’éthique. J’avais même l’impression que c’est ce qu’on s’évertuait à dire, Bernard et moi.

  29. Anne, je ne vois pas en quoi ce que propose Pierre Rabhi est « hors du système libéral » ? Le « système libéral » n’est-il pas celui qui permet justement à Pierre Rabhi de faire ce qu’il fait ? Est-on sûr de ne pas se tromper de cible quand on le diabolise ? Et c’est quoi un système qui n’est pas « libéral », ça ressemble à quoi ?

  30. Admiratif je suis à la lecture des différents argumentaires, structurés, documentés qui font suite au compte-rendu de Bernard sur la conférence de P. Rabhi (à laquelle je n’ai pu, hélas, assister).
    Ce débat approfondi devrait être lu par les économistes et les décideurs de tous bords.
    Chaque intervenant exprime une partie de mes points de vue et j’aimerais pouvoir écrire aussi bien et aussi juste que Bernard, Robert, Anne ou Vincent.
    Vous êtes des sentinelles hyper précieuses et vos soi-disant utopies sont à considérer avec une grande attention : utopies et uchronies sont des ferments indispensables à la mise en place de solutions raisonnables et durables.
    On devrait dire >
    Zut alors ! Je retombre dans l’utopie… alors que les nouvelles du jour ne m’engagent pas à l’optimisme ; je viens d’entendre que la Mafia italienne se fait un pognon monstre avec les déchets toxiques, pour suppléer les services publics qu’elle a mis en lambeaux..
    Il nous faudra vivre autrement mais j’aimerais que cet autrement ne soit pas mis entre les mains des technocrates ou des banquiers et parfois même entre les mains de certains scientifiques…
    Quand organisera-t-on des programmes socio-économiques prenant en compte l’ensemble des contraintes environnementales et sociales ? Et qui désignera-t-on pour les faire appliquer ?
    Nous voici à l’aube d’une période agitée : Sarko, Ségo, Hulot…pourront y jouer leur numéro d’illusionnistes patentés !!!

  31. C’est bien gentil, Roland, mais faut pas exagérer, on dit aussi parfois pas mal d’âneries (enfin, je parle pour moi).
    J’aime bien cependant l’idée du blog/ »salon (18e) » évoqué plus haut par Robert : un groupe de « gentilhommes/femmes » développant l’art de la conversation pour tenter d’atteindre (construire) ensemble quelques lumières.
    Tu nous manquais d’ailleurs. Ravi(s) de te retrouver parmi nous !!!

  32. Estimé camarade Vincent,
    Gentilhommes ne renvoie pas à « femmes », mais à « gentes dames » et ces titres si situent, me semble-il, plutôt au moyen-âge, avec une survivance probable au-delà.
    Autour du 17ème, il s’agirait de messieurs et de dames. Encore que pour en caractériser certains (des messieurs), on leur donnera du gentilhomme. Sans évidemment que tous les messieurs méritent cette dénomination ; elle sera attribuée à ceux qui se distinguent par un supplément d’élégance morale qui va bien au-delà de leur condition nobiliaire. Par exemple : « Monsieur le Comte était un gentilhomme » permet de laisser entendre que tous les Comtes ne l’étaient pas. Ce qui était strictement vrai. Mais que certains y parvenaient malgré tout.
    Il semblerait aussi que l’appellation « gentihomme » fut souvent accordée par des femmes à quelques hommes parmi les messieurs. Ces dames exprimaient-elles par là leur attachement à ce que l’amour courtois a eu de libérateur pour la gente féminine ? Qu’on se souvienne en particulier que les « précieuses » étaient pour beaucoup d’entre elles des êtres exceptionnellement fins et cultivés (dans les sciences notamment) que Molière a improprement ridiculisé, à tort.

    On a là un ensemble de codes relationnels entre les personnes qui en son meilleur a pu, à mon avis, produire de l’excellence. Je crois que dans l’inculture où nous sommes (au sein de la bourgeoisie et des classes moyennes notamment) de tout code relationnel, l’indifférenciation généralisée de positions et de rôles ne produit rien d’autre que du conflit stérile.

    Contre les obscurantismes classés à droite ou à gauche, j’appelle donc – évidemment non pas au rétablissement des anciennes hiérarchies heureusement abolies – mais à une humble cohorte de l’esprit fondée sur l’exigence éthique et intellectuelle.

    C’est là un corollaire obligé à l’effort de dépollution mentale, sinon très immédiatement mortelle.

  33. Ce ne sont pas les propositions de Pierre Rabhi qui sont hors du système libéral, mais ses actions. Ce qui nous montre que c’est possible.
    Il est intervenu dans de nombreux pays (Maghreb, Palestine, Afrique de l’ouest, Ukraine, Pologne…) où il met en place des programmes de sensibilisation de formation et de lancement d’actions pour aider les habitants à retrouver une autonomie alimentaire grâce à ce qu’il appelle l’agro-écologie (il intervient également pour l’ONU dans le cadre de l’élaboration de la Convention de lutte contre la désertification)
    Hors du système libéral puisqu’il ne s’agit pas de dégager le maximum de profit. Il s’agit d’apprendre aux gens à cultiver pour se nourrir, tout en préservant les ressources.
    Je n’avais volontairement pas développé pour ne pas tourner en rond autour de la question du retour à la terre.
    Ce qui m’intéresse particulièrement, c’est la mise en application de ses préceptes, qui vont bien au-delà de conseils en agriculture. C’est son rapport au monde, dont je pense nous pouvons tirer des leçons, même en tant que citadins, sans jardin à cultiver.

  34. ça m’étonnera toujours de voir comment les commentaires de ce blog évoluent dans des tas de directions.
    Ainsi, dans cet article sur la décroissance, on quitte progressivement (et provisoirement ?) le thème pour parler de gentilhommes et de gentes dames (je dois dire que j’aime ce type de disgression).
    Et parallèlement, sur un autre article, la discussion qui avait commencé sur la « nature morte » de Jean-Yves a débouché sur un parallèle entre lenteur et décroissance puis sur des considérations sur l’espace et le temps. Etonnant, non ?
    Je ne sais pas ce qu’en pensent les lecteurs qui viennent par hasard sur ce blog, mais moi j’adore tous ces propos qui se croisent en permanence.

    PS – Vincent, merci pour le clin d’oeil

  35. Quant au salon du XVIIIe, je ne suis pas certaine d’avoir envie de participer à quoi que ce soit qui y ressemble. Je m’explique : je suis allée voir la pièce « Quartet » de Heiner Müller. C’est une œuvre inspirée des liaisons dangereuses. Les rapport hommes / femmes y sont dépeints d’une manière dérangeante, voire violente.
    Dans le petit dépliant donné par la placeuse (on ne dit plus ouvreuse ?), le metteur en scène, Matthias Langhoff précise que la pièce respecte l’unité de temps et de lieu : Dans un « salon d’avant la Révolution française, un bunker d’après la troisième guerre mondiale »
    Comme pour nous assener que ce type de combat est intemporel, universel.

  36. … Mais, Anne, le « système libéral » n’oblige pas, il me semble, à vouloir maximiser le profit. Dans une certaine mesure, chacun y fait ce qu’il veut/peut, nan ?

  37. Oui, oui, ça c’est l’argument de ceux qui défendent le système libéral. J’ai déjà dit dans un autre commentaire sur je ne sais plus quel article, que la seul liberté dont il est question dans le libéralisme, est la liberté des entreprises ou des entrepreneurs (que je trouve plus juste que la liberté d’entreprendre, qui prête à confusion).
    Le système est aujourd’hui tellement perverti que la quasi totalité de ces entreprises n’ont pour objectif que celui du profit maximum. Rémunérer le capital.
    Je me souviendrai toujours du jour où un ami de ma mère, apprenant que je travaillais sur des ordinateurs IBM, me dit « Ah, ils ont été très, très forts IBM cette année », je m’étonne en lui rétorquant « Pardon ? Ils ont licencié 10.000 personnes dans le monde cette année ! » « Oui, mais leur action n’a jamais été aussi haute ».
    Tout dépend donc de l’angle de vue, celui de l’actionnaire ou celui de l’ex-salarié.
    Bien-sûr que c’est extrêmement complexe, qu’on peut me rétorquer que sans bénéfices, IBM ne peut plus investir et que sans ces licenciements, c’est peut-être le double de gens qu’il aurait fallu virer l’année suivante.
    Toujours est-il que l’on est ici dans une logique qui s’est comme emballée. Qu’on n’oublie totalement la dimension humaine de l’entreprise.
    Que le seul moyen de contre-pouvoir serait de réintroduire du poids au collectif (pas forcément à l’Etat). Que le système libéral ne souffre d’aucune entrave à la liberté des entreprises, et que donc, à mon sens, c’est ce système qu’il faut remettre en question.

  38. Prendre les « Liaisons dangereuses », cette variation sur la perversion dans l’amour, pour le paradigme intemporel du « salon », m’apparaît comme de tenir une crotte de bique pour la fin de l’art.
    Adieu histoire, adieu littérature, adieu finesse des esprits.
    Quand on dit culture, ils (et elles) sortent les Panzers de l’amalgame :
    « Vous voyez cet exemple partiel, eh bien je vous dis que c’est le tout ! »
    Allez causer après ça d’alternative. Il y a des modes de pensée qui ne garantissent que la répétition du même, que la reproduction du pire.
    Al Qaïda et Bush même combat.
    Vous ne le saviez pas que la pollution mentale intégriste est déjà à l’oeuvre ? Et bien maintenant vous le savez.

  39. Il est tard et je ne parviens pas dormir. Pour cause : la sensation que les incendiaires sont dans la maison et qu’ils crient : »Au feu ! ».
    Or, en pleine guerre de religions, Montaigne s’occupe à rechercher en lui des raisons de vivre et invente l’humanisme moderne. Il ne s’échine pas à analyser le conflit en cours (quelle hécatombe !), il jette les bases d’un avenir possible pour l’homme. Et il réussit si bien qu’on s’y réfère encore ;
    quand on sait lire, qu’on situe Montaigne dans son siècle, etc… ce qui n’est pas donné à tout le monde, c’est vrai. Mais rien ne nous oblige à nous mettre au niveau moyen de l’esprit public. Rien ne nous interdit de cultiver notre jardin mental.
    Et si la dimension agricole de l’écologie n’était que la métaphore appliquée d’une activité « agriculturelle » que j’appelle très évidemment de mes voeux. Quand Candide nous invite à cultiver notre jardin, il faudrait être Chaderlos de Laclos ou ses parangons modernes, pour croire qu’il attend que nous plantions des salades et des tubercules. Ce sont les idées qu’il faut mettre en culture. De leur récolte à venir dépend notre survie.
    La critique du capitalisme (libéralisme, avez-vous dit ?) est faîte. On ne va pas passer son temps à psalmodier le rosaire de ses méfaits.
    Ecoutes donc ton pote et ses rêves impossibles plutôt que de chercher des poux sur sa pauvre caboche. Il veut taper sur le capital, tu tapes avec lui. Il veut cracher à la gueule de le bêtise humaine, tu craches avec lui
    A chacun sa pelle, sa pioche… au travail les sapeurs.
    Au travail les idées neuves.
    J’appelle donc à la création de dix, cent, mille Vietnam… euh, je veux dire salons-blogs au service de la grande révolution (en connaissez-vous de petites ?) qui s’annonce. A nous de lui faire un chemin.

  40. Je reprendrais volontiers ton argumentation des salons, Robert, pour le libéralisme : ce n’est pas parce qu’un exemple partiel est pointé que l’ensemble est concerné.

    J’irai même jusqu’à dire que l’absence de morale du système est sa principale vertu. Quoi de pire, en effet, qu’un système qui décrète puis impose sa morale ? Celui-ci est peut-être, comme la démocratie, le moins pire de tous… A nous d’en faire ce qu’on veut, ce qu’on peut. Ce n’est pas de « sa » faute, si on n’est pour l’instant pas capables de faire mieux.

    J’admets ensuite volontiers qu’il puisse être réformable. Que certains travers soient combattus, d’autres tendances en revanche favorisées. Cela demande alors un travail minutieux et laborieux, dans le registre des « utopies concrètes » dont parlait encore Robert.

    « Réintroduire le poids du collectif » par exemple, c’est évidemment une bonne idée, mais comment siouplé ? Les nationalisations ? La participation (que souhaitait déjà De Gaulle) ? Autre chose ?

    Le rejet en bloc, toujours un peu facile… l’appel à « autre chose » qui reste toujours dans le vague, ou purement « moral », aussi. Cela ne me semble pas faire avancer beaucoup les choses.

    Mais peut-être suis-je pour le coup trop « concrétin » (attaché au concret) ?

  41. Personne d’autre que toi, Robert, n’a parlé de paradigme, ni même d’exemple ou de modèle.
    Je faisais simplement part d’un sentiment ressenti après avoir vu une pièce de théâtre qui m’a un peu bousculée. Je tendais en même temps une perche à Joëlle dont je sais qu’elle a également vu la pièce.
    Que tu apprécies ou pas les liaisons dangereuses, je parle de l’œuvre, aurait pu être le point de départ d’échanges sur ce blog. A condition de ne pas fermer toutes les portes.
    Fais-donc tourner ta plume sept fois dans ta main avant de la tremper dans le vitriol.

  42. Je suis étonné, Anne, que tu aies vu du vitriol dans l’encre que j’utilise. Tout au plus est-elle, cette encre, j’en conviens, bariolée. Mais, que veux-tu j’ai le goût des mots, du langage en couleurs, et ma passion parfois me fait perdre un peu la mesure. Mais enfin, Dada et le surréalisme sont passés par là. Nous n’allons pas écrire comme d’ennuyeux professeurs, que diable !
    Sais-tu seulement combien de fois les choses ont tourné dans ma tête avant que je les jette sur le papier ? Crois-tu vraiment que je puisse me plier à ton injonction chiffrée à sept quand ce nombre me paraît ridiculement faible ? Cette demande de ta part, je ne te le cache pas, me confond, d’autant qu’elle est ici déplacée puisque je suis dans l’incapacité d’y répondre.
    Je vais t’étonner peut être, mais je trouve dans Chaderlos de Laclos, comme chez Sade, Dostoïevski et quelques autres dont je t’épargnerai la liste une pénétration inégalée de la noirceur de l’âme humaine qui m’intéresse bougrement. Dont acte : j’apprécie « Les liaisons dangereuses ».
    C’est ta manière réductrice d’utiliser cette image de vie mondaine perverse pour rejeter les « salons » que je conteste.
    Tu as posé le modèle du remake des Liaisons pour juger que décidément les salons ne te convenaient pas, c’est ton affaire. Permets quand même qu’on puisse te signaler qu’en l’occurrence ton jugement ne tient pas debout. Ni plus, ni moins. Aucune porte n’a été fermée, aucune fenêtre ni vasistas.
    Peux-tu admettre que je n’ai fait que tenter de te bien lire, que je n’ai rien inventé, que je n’ai pas usé de vitriol, ni d’un autre procédé violent ?

    Il ne faut pas, Anne, confondre rigueur intellectuelle, langue fleurie et persécution.
    Selon moi, les échanges sur ce blog comme ailleurs restent possibles à condition que les propos parfois difficiles à entendre ne soient pas rejetés de cette manière-là.
    Si tu consens à reconnaître en la circonstance ma totale bonne foi et mon attention rigoureuse à faire avancer le débat, nous pourrons continuer d’échanger.

    Ah, une dernière chose : Je n’avais pas vu la perche que tu tendais à Joëlle. Depuis vingt ans que nous sommes amis, je n’ai jamais pensé utiliser un tel engin. Si la pratique est bonne pourras-tu me filer la recette ? Je plaisante, bien sûr !

    Vincent, tes réflexions décoiffantes sur le libéralisme méritent une réponse que j’essaye de mettre sur le papier. Un peu de patience, s’il te plaît. J’arrive.

  43. Si si Anne, le terme « paradigme » a été utilisé quelques dizaines de fois par Monsieur Rabhi lui-même au cours de cette fameuse conférence ! Et d’ailleurs, j’ai envie d’en parler de cette conférence. Je ne sais pas pour les autres, mais lorsque les gens me demandent ce que j’en ai pensé, j’ai un peu de mal à répondre simplement… En fait, je suis assez mitigée.

    Alors, ce qui m’a impressionné, contenté (ça se dit, ça ?), donné envie de dire que c’était super bien :

    1. les commentaires de mes voisins (bon, ça, c’est con, passons au 2)
    2. la simplicité de la forme de la conférence : un petit bonhomme (gentilhomme ?) assis tout en bas de l’amphi devant un micro, sans notes, et qui parle tranquillement pendant 2 heures, et que le public écoute en plus !
    3. la foi obstinée de Pierre Rabhi en l’Homme (je crois que c’est ce que je retiendrai en fait)
    4. le côté simple et positif de sa vision des choses ; pas de catastrophisme et un peu d’espoir font qu’on souffle un peu lorsqu’on l’écoute

    Et ce qui m’a déçu, énervé voire gonflé :

    1. le côté très préparé de la conférence, qui s’il est inévitable, n’en est pas moins pénible : les petites blagues (très sympas ceci dit) toutes les 5-7 minutes pour réveiller l’auditoire
    2. son regard sur l’économie et sur l’éducation très suffisant
    3. son manque de réactivité pendant le débat ; il ne répondait pas à toutes les questions qui lui étaient directement adressées

    Bon, ben, ça fait 4-3, mais j’aurais pu mettre l’économie et l’éducation dans 2 points différents, et on aurait eu une égalité parfaite… Mais j’admire tout de même ce que fait Rabhi, concrètement.

  44. Au détour de ses anecdotes, on apprend que…
    – le voeu le plus cher de ses parents adoptifs (ingénieurs et instit) était qu’il devienne célèbre (ce qu’il a magistralement accompli)
    – il n’aurait pas pu s’installer comme il l’a fait sans le coup de main d’un sénateur
    – ses amis sont du genre à lui proposer de profiter de leurs relations pour vendre ses fromages chez Fauchon

    Ca ne décrédibilise évidemment pas ce qu’il est/fait/dit, mais le relativise tout de même un peu, nan ?

  45. Robert,
    à mon tour d’être surprise. Comment pouvais-tu imaginer que je ne me sente pas agressée quand tu parles, à propos d’un de mes commentaires, de « Panzers de l’amalgame », « de modes de pensée qui ne garantissent que la reproduction du pire » et de « pollution mentale intégriste » ?
    Les fleurs de ta langue sont bien épineuses et blessantes.

    Tu parles de rigueur intellectuelle alors que je ne faisais qu’une espèce de boutade (pas drôle, je te l’accorde) pour parler de cette pièce que j’avais vue la veille et qui, justement, a pour cadre les salons du XVIIIe. Je ne cherchais rien à démontrer, je parlais de ressenti.
    Et quand bien même aurais-je manqué de rigueur intellectuelle, tu n’as pas à le juger. Chacun a la rigueur qu’il peut. Et chacun peut intervenir sur ce blog.

  46. Visiblement, Anne, les développements que j’ai fait sur la pollution mentale propre à notre époque n’ont pas retenu ton attention. Dommage.
    Tu préfères, isolant quelques expressions prises ici et là, me les renvoyer comme preuves d’agression verbale en ne tenant pas compte des explications que je t’ai fournies dans mon précédent message. Dommage.

    Me reférant à des conditions classiques et ultra-basiques, je reconnais un préalable à la possibilité d’échange intellectuel entre personnes dans le respect de règles simples, tenant à la clarté des concepts, aux principes d’identité et de non-contradiction, à la distinction du même et de l’autre, de l’un et du multiple, du tout et de la partie, etc.
    Chacun peut à un moment se mettre en défaut et moi le premier. Le rôle des autres est de lui en faire remarque comme signe de la considération qu’ils lui portent (voir, par exemple, les Dialogues de Platon) . Soit, il reconnaît son erreur et améliore son propos, soit il fait comprendre qu’il n’entend pas revenir sur sa démarche « personnelle ». Alors, il clôt cette possibilité d’aide qu’il aurait pu recevoir de ses interlocuteurs.
    Un telle posture porte un nom : le solipsisme. Petit Robert (!) : « Théorie d’après laquelle il n’y aurait pour le sujet pensant d’autre réalité que lui même », avec ce corollaire que le sujet devient à lui même sa propre règle, sa propre estime ; sa propre sensibilité devenant mesure de toute chose, son affirmation de soi l’argument final de sa rencontre physique ou intellectuelle avec les autres, etc.
    Qui ne pourrait reconnaître dans l’individualisme forcené de beaucoup de nos contemporains cette tendance revendiquée au solipsisme ?

    Chacun peut l’ouvrir sur ce blog ou ailleurs. Mais pour quoi faire ?
    S’il veut communiquer vraiment avec les autres, c’est-à-dire entendre leur propos, leur répondre, être entendus d’eux, etc. il ne peut se réduire à exprimer sa seule subjectivité. Ce serait participer à une sorte de « porno mental » où chacun défilerait, nu, seul et perdu dans son ombre. Un cauchemar, n’est-ce pas ?
    Lisez Tchékov ! Toutes ses pièces ne disent que ça. Et on les joue sans discontinuer partout dans le monde et depuis qu’il les a écrites. Ce n’est pas pour rien.

    Voilà, Anne, j’ai tenu de te dire le plus brièvement possible à quelles conditions liminaires un dialogue me paraît possible. Tu peux évidemment être d’un autre avis et pour peu que tu consentes à m’en faire part je serais heureux de l’entendre.
    Mon éthique comporte cette dimension-là. Et quand je peux l’exercer, fort bien ; je me flatte même d’avoir quelque relations de cette amicale qualité. Sinon (ce qui arrive pas mal là où j’habite), et bien je vais chercher ailleurs, parfois très loin dans l’espace et dans le temps, ce que je ne trouve pas là.
    C’est ainsi que le blog de mon ami Da Ponte m’intéresse au plus haut point.

  47. Qu’on échange nos points de vues, s’engage, se passionne, s’affronte, se dispute… sur l’éthique, le Bien et le Mal, les moustaches de Pierre Rabhi ou la pêche de nuit aux crevettes jaunes, oui… mais en gardant le sourire, sioupléééééé !

    En tout cas, moi quand il n’est plus là – ou que je ne l’y sens plus – je n’arrive plus à suivre !!!

  48. Oh, oui, Vincent ! Mais que notre sourire ou notre rire aient du sens atténuerait-il notre contentement ?

  49. Aï aïe aïe, Robert qui dévoile mon autre surnom que lui seul connaissait : Da Ponte (prononcer à l’italienne : Da Ponneté). Me voilà découvert !

  50. Désolé Bernard de cette discrète indiscrétion. Mais sais-tu que pour moi cette précieuse extra-nomination a à voir avec une rencontre jurassienne peuplée d’oiseaux, un séjour à Brussey où nous commencions la journée à cinq heures par un affût pour la terminer à une ou deux heures du lendemain endormis devant l’écran de nos rêves, un certain séjour à Venise en Bretagne ou n’importe où, avec une pièce de Mozart que nous continuerons d’aimer ensemble en sirotant une mirabelle de plus, en regardant au ciel d’été les jardins d’aventure, en nous émerveillant de la teinte d’une tomate, de la langueur suggestive d’une courge, du chatoiement d’une idée, du pathétique d’un lieu hospitalier où l’un se voit momentanément pris.
    Da Ponte par dessus les étroitesses, les petitesses et autres insolentes finitudes du moindre humain.

  51. Mais oui, évidemment, et si je me suis permis de relever cette indiscrétion, c’est peut-être parce que j’aime bien ce surnom. Da Ponte était le librettiste de Mozart (celui qui écrivait les textes de ses opéras) et n’est-ce pas effectivement autour du quintette pour clarinette KV 581 de Mozart que nos relations se sont aussi forgées ? (autour du premier mouvement exactement, les très belles quatre notes jouées par la contrebasse suivies par un air de violon très aérien).

  52. Oui ! Il faut des partitions où inscrire, contre les lassitudes des jours las, les mélodies de nos existences furtives. Ecouter jusqu’à plus soif la mise en musique par Henri Duparc d’un poème de Baudelaire : L’invitation au voyage.

    « Mon enfant, ma soeur,
    Songe à la douceur
    D’aller là-bas vivre ensemble !
    Aimer à loisir,
    Aimer et mourir
    Au pays qui te ressemble !
    Les soleils mouillés
    De ces ciels brouillés
    Pour mon esprit ont les charmes
    Si mystérieux
    De tes traîtres yeux,
    Brillant à travers leurs larmes

    Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
    Luxe, calme et volupté.

    Des meubles luisants,
    Polis par les ans,
    Décoreraient notre chambre ;
    Les plus rares fleurs
    Mêlant leurs odeurs
    Aux vagues senteurs de l’ambre,
    Les riches plafonds,
    Les miroirs profonds,
    La splendeur orientale,
    Tout y parlerait
    À l’âme en secret
    Sa douce langue natale.

    Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
    Luxe, calme et volupté.

    Vois sur ces canaux
    Dormir ces vaisseaux
    Dont l’humeur est vagabonde ;
    C’est pour assouvir
    Ton moindre désir
    Qu’ils viennent du bout du monde.
    – Les soleils couchants
    Revêtent les champs,
    Les canaux, la ville entière,
    D’hyacinthe et d’or;
    Le monde s’endort
    Dans une chaude lumière.

    Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
    Luxe, calme et volupté. »

    Nous continuerons, en riant, à défier les orages.

  53. Pour revenir sur la question du libéralisme (et permettre en retour à Anne et Robert de répondre de concert !!!! Si, si !!!) :

    L’amoralisme ambiant (quoiqu’il puisse lui-même être discutable) n’est-il pas davantage issu de la laïcisation de nos sociétés (la disparition des religions imposant une morale collective, renvoyant chacun à lui-même) que du capitalisme (fut-il libéral) qui n’est après tout qu’un système économique (somme toute plutôt efficace dans son ordre) ?

    Ne se trompe-t-on pas de cible en attaquant sur le plan de la morale, ce qui n’est pas censé en dépendre ?

  54. Vincent, j’ai relu l’ensemble de tes précédents messages concernant le libéralisme et j’ai franchement de la difficulté à voir où tu veux vraiment en venir. Aussi, Je te serais reconnaissant de bien vouloir rassembler en quelques points saillants tes positions sur le sujet, cela évitera bien des malentendus pour la suite de nos échanges. Merci d’avance.

  55. Où je veux en venir ?
    Ben, je ne sais pas moi… Là où la conversation (si elle « prend ») nous mènera… en espérant que ce sera dans des sphères que je ne soupçonne pas encore.

    Mon point de départ, si je devais le reformuler autrement, est la question suivante : le mouvement dit « antilibéral » (ou « altermondialiste »), ne se trompe-t-il pas de cible, n’est-il pas dans une impasse, quand il semble prôner la révolution fondamentale du système plutôt que sa nécessaire mais simple réforme ?

    Reprocher au système économique (capitalisme monétaire et libéral) d’être amoral (ou immoral) me semble en effet relever de la confusion des ordres. L’économie est une science ET une technique, et à ce double titre n’a pas à plus être « morale » que n’importe quelle autre science ou technique, mais simplement « efficace » (or l’efficacité du système capitaliste ne me semble plus à démontrer).

    Ce qui pose problème aujoud’hui, à mon sens, est plutôt d’un autre ordre : la crise politique (ou la réduction de la démocratie au simple acte de vote, en faisant progressivement disparaître du même coup tous les nécessaires contre-pouvoirs), comme la crise morale (renvoyée à la sphère privée, suite à la laïcisation de nos sociétés).

    J’ai du coup tendance à considérer un peu le mouvement antilibéral/altermondialiste comme une sorte de romantisme gentillet mais de pacotille, permettant au ressentiment (refus systématique du monde tel qu’il est) de se donner belle figure et bonne conscience… et surtout d’enférer les « bonnes âmes » dans des anathèmes d’autant plus stériles qu’ils les éloignent des chantiers « réalistes » à laborieusement mener.

    (Ce n’est peut-être pas plus clair, mais ça le deviendra sans doute quand je pourrais m’appuyer sur des arguments défendant des points de vue différents.)

  56. Ah, Vincent, c’est effectivement toujours aussi confus ton affaire.
    L’ultra-libéralisme est par évidence contraire à l’intérêt bien compté du plus grand nombre. Les millions de gens qui sont dans la merde dans notre pays et plus encore dans le monde, dont 40 millions d’exclus de la santé aux USA, ne te suffisent-ils pas ?
    Les dégâts produits par la logique ultra-libérale du profit maximum pour quelques uns, bâti sur l’approfondissement de la misère de larges masses d’êtres humains et la dégradation massif du milieu naturel, apparaissent à quiconque veut bien ouvrir les yeux.
    Comme le capitalisme à son stade suprême se fiche du bien comme du mal, qu’il se situe complètement au-delà du bien et du mal (tiens, Nietzche n’est pas loin…), la question de sa moralité ne se pose pas. C’est de sa perversité qu’il faut parler.
    L’ultra-libéralisme n’est pas plus une science (c’est là que ta confusion sur les concepts devient insondable) que le cancer ou le sida, mais un état pathologique de l’humanité.
    A toute pathologie, il y a potentiellement remède.
    Devant l’extension de la maladie, une course de vitesse est engagée dont rien ne garantit cependant que les forces de progrès en sortiront vainqueurs. Mais encore une fois il est des combats à mener sans assurance de victoire, mais avec le sentiment profond qu’on ne peut pas continuer, sans rien faire, à vivre comme ça.
    Ceci dit, l’affaiblissement des USA dans le monde consécutif à l’hémorragie de leur puissance en Irak, le basculement de l’Amérique latine dans l’anti-impérialisme, le développement de pratiques souterraines telles que le micro-crédit et autres formes d’organisations populaires à la base, la multiplication des conflits sociaux en Chine, sont les prémisses d’un basculement du rapport de forces à l’échelle internationale. L’aggravation des conditions de vie dans des pays comme la France ne manquera pas lui non plus de produire ses effets.
    Alors, à la phase propédeutique où nous sommes, le mouvement altermondialiste peut t’apparaître comme singulièrement précoce, ce qu’il est indiscutablement, face à la tache qui l’attend. Mais sa précocité ne l’invalide en rien d’une capacité certaine de développement à venir.
    Alors, ce qui est moral ou immoral c’est la position que l’on prend dans le conflit planétaire en cours. Celle que tu annonces du bout des lèvres me paraît suicidaire. Ceci dit, tu peux, pour des raisons qui m’échappent, continuer à justifier tous les impasses : les tiens et ceux du système dont visiblement tu partages les vues. Tu comprendras que je ne te suivrai pas sur cette pente savonneuse.
    Il y a quelque temps, je notais chez toi une tendance anarcho-réactionnaire qui ne t’avait pas plu, je crois. Il faut assumer, mon vieux. Je vérifie que tu continue à manifester la même tendance et me voilà donc confirmé dans ce qui n’était alors qu’une hypothèse.
    Dans ma déjà longue histoire, je n’ai jamais pactisé avec l’injustice et le malheur humain. Ce n’est pas avec toi que je vais commencer à tolérer l’intolérable. Plutôt crever que de pactiser avec les tenants de la réaction. Désolé mais avec les positions qui sont les tiennes, il va bien falloir que quelqu’un te dise (et ce sera donc moi) que tu entres dans le camp des ennemis à combattre.
    Et ce n’est pas chez moi que tu trouveras la possibilité de faire ami-ami avec l’indéfendable.
    Encore une conséquence de l’ultra-libéralisme : la dillution du lien humain. Et tu veux conforter cet immondice ?
    Quelle tristesse !

  57. Arf, Robert… C’est évidemment toujours facile – et valorisant – de prendre sur ce genre de question une posture « morale » (en se plaçant évidemment du « bon côté » et déformant la position de l’autre pour la faire rentrer dans la case pré-établi de l’infâme ennemi, qu’il soit « anarcho-réactionnaire », « ultra(méga ?giga ?)libéral » ou « crypto-fasciste »), mais ça n’est évidemment pas (du moins à mes yeux) un gage de vérité ou de raison. Ca ne fait en tout cas guère avancer le Schmilblick ! Mais bon, c’est ton style (et ton tempérament) et je ne prétends pas que les miens (la pirouette et le contrepied quasi-systématique à tout ce qui semble évident ou bien-pensant) soient plus vertueux !

    J’ai simplement peur que la discussion débutée ainsi (que je ne refuse pas mais pressens fastidieuse) n’intéresse pas grand monde. Bernard, je compte sur toi pour nous demander de continuer ça en « salon privé » si tu vois que nos échanges enquiquinent, ou du moins ennuient tout le monde, ok ?

    Réponse (ou plutôt rebond) rapide :

    Que le système permette, voire favorise, des « millions de gens qui sont dans la merde dans notre pays et plus encore dans le monde » je ne le conteste pas une seconde. Mais en quoi est-ce la « faute » du capitalisme ? Les dominants et les dominés n’existaient donc pas, selon toi, avant son avènement ? Ce serait son invention ? Sa perversité ? On vivait donc bien, dans le partage et l’amour du prochain, au Moyen-Age, dans l’Antiquité, au temps des Pharaons ??? Tu pourrais me les décrire ces systèmes économiques « vertueux » ?

    Mon point de vue (que tu ne sembles pas vouloir entendre, mais j’insiste à le défendre) est de dire simplement que le capitalisme est peut-être, dans son ordre, le plus efficace des systèmes. C’est en tout cas celui qui permet le plus de création de richesse (et qu’y a-t-il de mieux pour combattre la pauvreté ?). La question (cruciale, j’en conviens) du partage de celles-ci, est ensuite une affaire non pas économique, mais morale (au niveau individuel) et politique (au niveau collectif).

    Ma position est alors juste de suggérer de ne pas mélanger les ordres (je te retourne donc le terme de « confusion »).
    Je défends juste l’idée que ce n’est pas d’un « autre modèle économique » (lequel, siouplé ?) qu’il nous faut, mais avant tout d’un peu plus de politique (et de morale) !!!

    Mais bon, je ne mourrai pas pour cette idée (même si l’idée est excellente, pom pom pom pom !)

  58. Vincent, encore une dernière tentative en respect pour nos camarades du blog.
    Ta manière de « pirouette », « contre pied », et autres botté en touche et pas-de-côté, c’est exactement le « prêcher le faux pour savoir le vrai » de la tradition obscurantiste.
    Elle a pour effet d’enfermer ton interlocuteur dans une nasse, sur laquelle tu viendras au besoin poser le qualificatif invalidant de « moraline », d' »illusionnisme », d' »irréalisme » et, pour faire branché, des interjections du type « ahr », « pom, pom, pom ». Ce n’est pas avec moi seul que tu joues à ce jeu-là, c’est une attitude fondamentale chez toi. Par ce louvoiement permanent, tu peux tout justifier, tu égares le quidam qui devient un pion dans ton jeu pervers. Quand on met le doigt sur ta confusion, tu retournes carrément le propos : confus, moi ? tu t’es vu, eh, toujours du bon côté de la barrière, hein ? le mauvais c’est l’autre , hein ? Ah, pauvre raisonneur, tu vas te fracasser contre le mur de mon réalisme.
    Pour le réalisme plat dont tu te réclames, parlons-en : SEUL LE REEL EST REEL. Une évidente et imparable tautologie à partir de laquelle, toute tentative d’être contredite se voit invalidée. Et profitant du fait que peu de gens savent ce qu’est une tautologie et quels sont ses effets, ça marche !
    Les inquisiteurs faisaient comme ça : « Le mal est l’antéchrist, elle a fait le mal, elle est antéchrist, il faut la brûler ! »
    « Le capitalisme est le plus efficace des systèmes », dis-tu. C’est quoi ça « efficace ». L’accumulation des avoirs financiers et du pouvoir dans les mains de quelques uns au détriment d’une paupérisation croissante généralisée. Des miettes accordées momentanément aux couches moyennes tenues en dépendance par la consommation à outrance. La catastrophe écologique. C’est ça l’efficacité ? Il va falloir que la révolte gronde pour vous enfoncer votre « réalisme » au fond de la gorge ?
    A un moment de notre histoire récente, le national socialisme dominait tellement la scène qu’il s’en trouvât, au nom du même « réalisme », pour lui donner quitus de tous ses crimes. Il en fût pratiquement de même avec le « réalisme socialiste ». Réalismes de merde, oui, propres à défendre toutes les oppressions, les « collaborations », les complicités sordides.
    En face, que tu le veuilles ou non des gens qui s’opposent et qui luttent, qu’on emprisonne, voire qu’on torture et qu’on tue. Mais qui, parfois, finissent par triompher. Pour l’honneur de notre humanité.
    L’Espagne républicaine, l’Espagne de Franco, l’Espagne d’aujourd’hui qui, après des décennies de fascisme, fait mieux que nous quant à la présence des femmes au parlement, quant aux conditions d’incarcération dans les prisons, quant à la redistribution, quand à la qualité des Universités et j’en passe sur l’union des homosexuels, la cigarette dans les lieux publics…
    On peut donc changer les choses quand le poids du fatalisme est bousculé.
    Pas plus qu’un autre, je ne souhaite mourir précocement. Mais vivre pour des idées, c’est encore le meilleur moyen de ne pas, tout de suite, mourir idiot.
    Si tu vois un ton polémique dans ce qui précède, tu feras ce que tu voudras. Mais sache seulement que je ne rentrerai dorénavant plus dans un jeu dont j’ai tenté ici en conscience de t’exposer la perversité.

  59. Je prends seulement connaissance de tous ces commentaires que je trouve très longs et très polémiques. Quel dommage !!!
    Je ne sais pas comment vous faites, mais moi, je n’arrive plus à suivre… Et je dois reconnaître que ça ne m’intéresse pas de prendre part à vos élucubrations !
    Quant à la pièce de théâtre « Quartett » dont parle Anne, je ne sais pas trop quoi en penser. J’aime beaucoup aller au théâtre car je trouve qu’il y a un côté magique. Il se trouve que le CDN programme des pièces dans l’ensemble très glauques et que ce n’est pas ce que je préfère. J’avais une envie de théâtre l’autre soir quand vous avez joué au tarot, et j’y suis allée… Je dois dire que je suis loin d’avoir tout compris, n’ayant de plus pas lu « les liaisons dangereuses ». Et je n’ai pas compris ce que « le bunker d’après la 3ème guerre mondiale » venait faire là.

  60. Robert,
    L’essentiel de la position que je défends consiste à distinguer les ordres : économique, politique et moral.
    Au lieu de la discuter, la contester, la réfuter, tu n’en tiens pas compte. Etrange impression que de discuter avec quelqu’un qui n’écoute pas… et semble du coup s’adresser à quelqu’un d’autre.

  61. Vincent, tu continues donc de botter en touche. C’est décidement chronique chez toi. Maintenant, tu me laches, OK ?

  62. Chère Joëlle, si tu estimes vraiment que « j’élucubre », tu me le confimes et je dégage de ce blog.

  63. Désolée, le mot « élucubration » n’est peut-être pas tout à fait exact. C’est évidemment plus une question de ton employé que de contenu. L’agressivité des propos me met très mal à l’aise. On peut quand même discuter sans s’agresser, non ?

  64. Je ne vois pas comment faire entendre la position que je défends :

    Il ne s’agit pas plus de contester « l’accumulation des avoirs financiers et du pouvoir dans les mains de quelques uns au détriment d’une paupérisation croissante généralisée, les miettes accordées momentanément aux couches moyennes tenues en dépendance par la consommation à outrance et la catastrophe écologique » que « les millions de gens qui sont dans la merde dans notre pays et plus encore dans le monde, dont 40 millions d’exclus de la santé aux USA ».

    Je ne pense pas nier ou minimiser ces insupportables inégalités. Je défends juste l’idée que leur résolution est moins une affaire de production des richesses (donc d’économie) que de répartition de celles-ci (donc de politique).

    On peut évidemment débattre pour savoir s’il faut appeler ça « anarcho-réaction », « bottagentouchisme » ou, comme on le fait plus généralement, de la « social-démocratie », pourquoi pas…

    En tout cas, si la position que défend Robert (et d’autres ?) est celle qui considère que pour améliorer les choses, il vaut mieux miser carrément sur le changement de modèle économique (la révolution ?) que sur la simple politique (la réforme ?), je trouve ça intéressant d’en discuter sans s’énerver, non pas pour déterminer le nom qu’il faudra donner à ce fameux « nouveau modèle », mais pour tenter ensemble, ne serait-ce que dans les grandes lignes, d’en dessiner les formes.

    Est-ce possible ? Ou trop demander ? Encore une fois botter en touche ?

  65. Il y a de l’orage dans l’air !
    Les dialogues tournent à l’aigre : c’est un peu dommage. Même si l’enjeu est important.
    On expose son point de vue, on lit les commentaires en retour, on y répond : quoi de plus naturel ! On enrichit constamment sa pensée à l’écoute de ceux qui ne pensent pas comme soi. Non ?
    Voilà le point de vue d’un vieux schnoque, échaudé par d’iinterminables réunions et débats (en 68 et après) qui sont parvenus à fâcher d’anciens copains attachés à la défense d’une même cause…
    Il n’empêche que j’ai beaucoup appris dans les différents argumentaires des uns et des autres et que je compte bien m’en servir à l’occasion… sans payer droits d’auteurs (à moins que !!!)
    Dupdup et Da Ponte n’avaient sans doute pas imaginer que leurs blogs auraient un tel impact…

  66. Chère Joëlle (je me rends compte que je ne saurais pas m’adresser à toi par écrit sans mettre devant ton nom ce qualificatif de chère). OK, pour essayer d’être plus mesuré dans ses propos, tu as raison. Mais certaines tournures de pensée me mettent en pétard quand d’autres m’enchantent. Et comme je suis un grand amoureux du langage, j’ai parfois du mal à me dépatouiller de cette passion qui m’emmène où elle veut. Alors, je m’appuie autant que possible sur le rationel, même si ça déborde de partout.

    Ceci dit, si tu en a le loisir, ce serait peut être bien que tu lises à l’occasion « Les liaisons dangereuses », ne serait-ce que pour découvrir le contraire de ce que tu es : un monument de perversité.
    Et, tiens, pour me remettre dans le bain de cette oeuvre terrible, je vais le relire tout de suite.

  67. Une piste de réponse (ça n’intéresse que moi ?) :

    On a connu l’esclavagisme et le féodalisme, mais je ne pense pas qu’il soit question de revenir à ça…

    Je ne suis évidemment pas spécialiste de la question mais il me semble que la seule alternative « connue » au capitalisme (système économique fondé sur la propriété privée des moyens de production et d’échange) est le… collectivisme (étatisme ? socialisme ? communisme ?) des ex-pays de l’Est.

    Est-ce une nouvelle forme de « propriété collective » qu’il faut prôner ?
    Et en quoi ça marcherait alors mieux, ce coup-ci ?
    Autre chose ?

  68. Que dire après ces échanges difficiles ?

    Je pense comme Roland, que l’on « enrichit constamment sa pensée à l’écoute de ceux qui ne pensent pas comme soi ».

    Ainsi, je dois dire que j’ai adoré la montée en charge de Robert sur l’ultra-libéralisme vu comme une pathologie de l’humanité et sur le devenir potentiel de l’altermondialisme. Tout était très bien formulé et très convaincant.

    En même temps, je dois dire que les propos de Vincent, qui essaie de nous dire que la situation difficile dans laquelle nous sommes est plus liée à une absence de morale et de politique qu’au système économique lui-même (le capitalisme) m’interpelle et m’amène à réfléchir un peu à cette vision des choses.

    Finalement, après réflexion, je ne suis pas du tout d’accord avec Vincent, car je pense qu’il parle d’un mode de capitalisme qui n’existe plus et qui était très lié au monde du travail. Aujourd’hui, nous sommes dans un monde capitaliste qui a profondément changé d’échelle, il s’agit d’un capitalisme d’ordre purement financier, à la limite du virtuel car il n’a plus qu’un rapport lointain avec le monde du travail (l’acitonnariat rapportant plus que le fait d’aller bosser). C’est ce capitalisme financier qu’il convient d’appeler ultra-libéralisme et Robert a raison d’insister sur la perversité de ce système.

    J’ai pensé intervenir pour tempérer un peu les propos tenus. Et puis finalement, comme je suis persuadé que la régulation va venir des blogueurs eux-mêmes, je ne me suis pas affolé plus que ça (au fait, merci à Roland qui ferait un excellent modérateur).

    Il est vrai que je n’avais pensé qu’il puisse y avoir autant d’agressivité entre des personnes qui sont mes amis. J’avais surtout imaginé ce blog comme étant avant tout un moyen de créer des relations, par les échanges, entre des personnes que je connaissais bien.

    Non, ce qui m’inquiète le plus, c’est que d’autres personnes qui intervenaient de temps en temps ou qui étaient sur le point de le faire (mais qui n’osaient pas jusqu’à présent) ne le feront plus ou ne le feront pas, par peur d’en prendre « plein la gueule ». Peut-être avons-nous déjà perdu un blogueur qui ne mettra désormais plus que des propos « soft », politiquement corrects, histoire de ne pas être agressé, alors que nous aurions pu profiter de ses propos plus pertinents.

    Mais bon, le temps arrange toujours bien les choses, et peut-être que nous rirons de tout ça dans quelques mois. C’est peut-être ça aussi, la vie d’un blog : être capables, collectivement, de surmonter ces passages difficiles.

  69. Bernard, j’imaginais bien que la lecture de certains messages émis sur le blog ces derniers temps n’ont pas du te laisser en tranquillité.
    Mais, que veux-tu, on a les amis qu’on mérite et, comme tu l’as vu, les tiens ne sont encore pas perclus de rhumatisme mental.
    Si certains passagers ont craint l’allure prise par le train à un moment de son parcours, qu’ils se rassurent, il le fallait bien pour qu’il arrive à l’heure.
    Je ne sais plus qui disait : « L’instant où je parle est déjà loin dans le passé » ; sentence fût-elle jamais plus opportune ?
    En tout cas, cela m’amène à relire Choderlos de Laclos qui, s’il parlait il y a deux siècles, n’en tient pas moins des propos d’une brûlante actualité.
    A une époque où les « petites phrases » (ces avortons de discours) sont devenues le modèle de la parole publique, j’avoue que j’apprécie qu’une pensée ait les moyens de son exposition.
    C’est de fait le cas de ton blog dupdup. Da Ponte pourrait-il s’en plaindre sans fâcher Dupont. Vous en discuterez bientôt tous les deux, j’espère.
    Que Roland ait trouvé quelque intérêt à ces échanges – et notamment un écho de débats plus anciens que notre âge nous prédispose à avoir en mémoire – me touche beaucoup.
    D’autant que je ne fais pas partie et toi non plus (je l’entrevois Roland), de ceux qui ayant été contemporains de l’événement, qu’ils ont manqué pour être demeurés alors sur la touche, s’épuisent depuis à le dénigrer comme pour exorciser le fantôme de leur jeunesse ratée.
    Intérêt à être au rendez-vous quand on veut faire l’amour.

  70. C’est marrant, au contraire de Dupdup, c’est aux propos de Vincent que je suis la plus sensible. J’ai en effet un peu de mal à croire en la révolution, et je pense qu’on peut déjà s’occuper d’améliorer les choses avant de les détruire. Et du coup, Robert, je m’interroge sur le lien entre le sentiment de devoir voter pour Ségolène Royal au premier tour, et ton envie de mettre notre système à plat : vue de ma courte vie, ça ne me semble pas très compatible tout ça.
    Et du coup, je m’interroge sur le fait que je n’ai pas du tout envie de voter pour elle ; à moins que je ne commence à changer d’idée !
    Et rassurez-vous, Robert et Vincent, vos débats me passionnent, mais j’avoue ne pas avoir envie de m’en prendre plein la gueule ! Ceci dit, j’assume bien en général !

  71. Mag, je ne suis pas loin de penser que la prochaine révolution mondiale est en route. Ce que fait, par exemple, Lula au Brésil et dans les rapports internationaux laisse espérer qu’une autre voie est possible en dehors de la violence.
    Je ne parle nulle part de « détruire les choses » (mais de destruction à terme du système ultra-libéral par ceux notamment qui en sont encore plus tributaires que nous, ça je l’espère de tous mes voeux).
    Bien sûr, il vaut mieux d’abord tenter d’améliorer les choses. Et c’est ainsi que depuis 20 ou 30 ans les restaurants du coeur, par exemple, s’y emploient. Pour le RMI, plus d’allocataires qui n’ont préalablement jamais connu l’emploi. Par ailleurs, davantage de travailleurs qui ne peuvent se payer un logement…
    Avec la droite au pouvoir, on s’enfonce littéralement dans la merde.
    Donc pour tenter d’améliorer un peu les choses, il faut mettre par terre la droite.
    La seule personne capable de parvenir réellement à le faire, c’est Ségolène Royal.
    Une fois éventuellement au pouvoir, il faudra bien surveiler ce qu’elle même et son gouvernement feront et leur gueuler après pour autant que de besoin.
    Bon, le fait en outre d’apprendre que notre pays est au 88ème rang mondial quant à la présence des femmes aux Parlements, me fait honte et me renforce dans l’idée de vôter pour une femme.

  72. (suite de l’épisode précédent)
    Et Ségolène, en tant que personne, me plaît assez.
    D’abord, il lui arrive de dire spontanément ce qu’elle pense quitte à se planter et à avoir publiquement à se reprendre. J’estime que c’est mieux que la langue de bois. Exemple : L’encadrement des jeunes délinquants par l’armée, les 35 heures de présence dans les établissement pour les profs de collège… ça crée du courant d’air dans le Landernau et ça anime le débat. Ele a l’air, en outre, d’être capable d’écouter. A mon avis, c’est mieux qu’un « programme ». Comme si le pouvoir s’exerçait comme un barnum : »Demandez le programme ! ». On sait ce qu’il advint du programme de la gauche après 81.
    Ensuite, j’aime assez le couple qu’ils forment avec François, et politiquement et humainement. Dignité et courage, deux vertus devenues rares sous nos latitudes.
    Enfin et surtout, à une époque où la crainte de se faire mal et la primauté du confort individuel représentent le vade-mecum existentiel le plus répandu, la voilà qui se rend à Beyrouth où on lui déconseille de rester (il se tue facilement des politiques dans le coin), elle y reste le temps qu’elle avait prévu, elle écoute ce qu’on a à lui dire sur place, elle dit ce qu’elle comprend de la situation. Puis, en bagnole s’il vous plaît, elle se rend en Israël et elle fait la même chose. D’un côté de la frontière et de l’autre elle assume un rôle que j’aimerais lui voir poursuivre.
    Quel courage ! Tandis que d’autres se cantonnent aux paisibles paysages de la Touraine et de la Creuse.
    Enfin, quand à l’aube de ce dimanche j’entends que ce manant de Villiers la traîte de « Barbie chez les Soviets », après que les donateurs du Téléthon aient désapprouvé la calotte, je me dis que décidemment il y a de quoi faire dans notre merveilleux pays. Tranquillement, mais fermement.

  73. Drôle de coïncidence dans la réponse que Robert fait à Mag : « Tandis que d’autres se cantonnent aux paisibles paysages de la Touraine et de la Creuse ».
    Pourquoi une coïncidence ? Parce que Mag a quitté hier samedi les paysages franc-comtois pour aller habiter dans la Creuse ! Etonnant, non ?

  74. Moi aussi, j’aime bien quand les politiques disent des choses spontanément, quitte à se planter dans leurs discours. Aujourd’hui, aucun politique n’ose dire quoi que ce soit sans s’en être référé à ses conseillers en communication. Ce n’est donc pas étonnant si l’on n’entend que des discours lyophilisés. On est en permanence dans le consensuel mou et la langue de bois. Dans ce contexte, je dois dire que Ségolène détonne un peu et j’aime bien ce petit air de fraîcheur qu’elle apporte.

    Et je dois dire que je déteste ceux qui traquent la faute, qui cherchent la faille dans le discours, qui isolent une phrase pour la sortir de son contexte, ou qui ressortent un document vidéo pris par une caméra discrètement cachée six mois plus tôt. Je vômis ce type de pratiques.

  75. Tiens, voilà une chose qu’on n’avait encore pas fait ensemble, Bernard : « vômir sur ce type de pratiques ». Et bien, c’est fait !
    On se sent mieux après, n’est ce pas ?

  76. Mag, voilà que Bernard relève d’étonnantes coincidences avec ton départ hier en Creuse ; un départ dont, je puis t’assurer que je ne savais rien. Avant que tu puisses éventuellement imaginer que je te poursuis jusque-là pour « t’en mettre plein la gueule », je préfère prendre les devants et t’affirmer ma plus parfaite innocence.
    Tu sais, avec le temps, j’ai appris être angélique parmi les anges, comme avec les démons à aller dans les flammes pour leur botter le cul. J’ai appris à apprécier la douceur de l’amitié, comme à relever les défis de la haine.
    A votre service, Madame.

  77. Certains, avec le temps, apprennent la mesure et la nuance.
    D’autres, refusant la tiédeur, préfèrent accentuer les constrastes.

    Ce qu’il y a de bien avec la « sagesse », c’est peut-être la diversité de ses goûts et de ses couleurs !!!

  78. « Apprendre la mesure et la nuance ». C’est à dire : ne plus être systématiquement « rhabi joie » ?

  79. Etant loin de pouvoir tenir des discussions aussi fournies, documentées et profondes, je me contente depuis quelques temps de suivre le débat de loin… en observatrice… Un peu comme Bernard et ses mésanges.
    Fort intéressant ma foi… L’Homme est décidément un animal comme les autres ! Jeune chien fou, attachant et casse-cou, ou martinet virevoltant et trop bruyant, ou vieux hibou noctambule et aigri, ou éléphant sage et maladroit (dans un magasin de porcelaines…)? Je ne vous ferai pas l’affront de distribuer des rôles, c’est seulement des images qui me sont venues à l’esprit…

    ♦ Ce qui m’a surprise (et m’a carrément rebutée), c’est le ton un peu condescendant et moraliste de certains… C’est drôle comme le fait d’avoir réfléchi à un sujet et d’avoir l’impression de détenir la vérité peut donner, du coup, le droit de se sentir irrémédiablement supérieur… plus « moral » que…, plus « sage » que…, « plus … » en quelque sorte… Et même dans les essais de mea culpa, on sent pointer une forme de… « je suis très ouvert à toute pensée… qui sera de la même couleur que la mienne…. ! »
    Je n’irai pas jusqu’à juger ce genre de réactions… Loin de moi l’idée de juger… Ces personnes ne peuvent pas être toutes noires ou toutes blanches comme elles le clament… Elles sont certainement, comme tout le monde, pleines de contradictions, porteuses d’un vécu particulier qui les amène à penser et à parler comme ça, sans entre-deux possible… Mais acceptent-elles d’être nuancées elles-mêmes? L’œil peut-il voir le gris et ses nuances quand il ne connaît que deux couleurs très séparées : noir ou blanc ? Et ainsi, l’esprit peut-il accepter que l’œil d’un autre voit autre chose que du noir ou du blanc ? (Petite référence à la Caverne de Platon, sans pour autant parler d’initiation jusqu’à la Vérité ! Car après tout, qui la détient ? Si tant est qu’elle puisse être détenue….. !!)… La petite vérité que je peux me permettre quand même, sans risquer grand’chose, c’est que d’autres couleurs que le noir ou le blanc existent… (enfin, je crois bien…)

    ♦ Inversement, ce qui m’a amusée, c’est la façon systématique de certains autres d’explorer, de fureter, toute couleur, toute idée, toute pensée, tout argument… Un peu comme un artiste voulant coucher toutes les couleurs possibles sur un seul support, et qui se rendrait compte qu’en mélangeant toutes les couleurs on obtient du noir !!… Cette course éperdue, boulimique à la couleur, animée par une propension à ne jamais être à cours de matière à penser se soldera peut-être par le choix de quelques couleurs fondamentales, celles qui leur conviennent et qui font joli une fois ensemble, qui s’accordent aussi au reste du monde… Mais peut-être, pour ces gens-là, est-ce le fait de faire un choix exclusif qui pose le plus problème… !

    Tout ceci n’est évidemment que le fruit de mes petites observations, vues d’en bas puisque mes ailes sont trop courtes pour voler dans vos sphères… Mais qui sait ? Si vous soufflez un peu de légèreté, de brise tranquille, je pourrais monter jusqu’à quelques courants aériens sympathiques où il sera question de faire quelques cabrioles pour le plaisir…
    Sinon, ce n’est pas grave, la vue et la vie sont aussi très jolies quand on pratique le rase-motte… et pis, j’crois qu’j’ai le vertige…

  80. Merci Sieur Robert pour toutes ces précisions ma foi passionnantes, qui vont à nouveau me faire réfléchir. Et ne t’en fais pas, je ne me suis pas sentie persécutée, bien au contraire, ça m’a bien fait rire ton allusion à la Creuse ! Même si je pense que d’un point de vue politique, il y a de nombreuses choses à y faire.
    Et oui, j’ai quitté depuis hier la Haute-Saône pour la Creuse, mais je continuerai d’hanter le blog, c’est ça les joies du haut débit, même dans le trou du cul du monde !

  81. Cess, j’aime bien ton approche particulière par le monde des couleurs. Mais c’est peut-être comme pour la photo noir et blanc, il faut les deux couleurs, les deux extrêmes, le noir et le blanc donc, pour que toutes les nuances de gris puissent ressortir.

  82. Bien sûr Bernard… Et c’est toute la magie de la diversité du monde… des couleurs et du reste… Toutes les couleurs existent, et certainement que chacune prend son effet grâce aux autres…
    Alors, on ne peut en nier aucune…

    Merci pour ta bienvenue… Je vais essayer de mettre quelques commentaires… mais je jure devant tous, que jamais je ne m’enfermerais dans les toilettes pour mûrir ma réflexion!!!!! (ti clin d’oeil !!!)

  83. On dit ça…. on dit ça… et comment k’on pourra vérifier, steuplé ?

    Et puis, méfie-toi de ce blog, tu vas voir… on commence par mettre le doigt, laisser un ‘ti commentaire en passant, et… on finit par en rêver (au réveil ce matin, par exemple, le souvenir d’une étonnante discussion avec Anne et Bernard, sur le changement climatique). Alors pourquoi pas aux toilettes ? Il n’existe pas d’études sur le sujet, je crois, mais vu le nombre d’heures que les humains y ont passé je parierais volontiers qu’il s’y est parfois développé de grandes pensées ! Aujourd’hui on y est au calme, hier (ou presque) on y rencontrait ses concitoyens et discutait.

    En tout cas, si un des plaisirs de ce blog (du moins pour moi, je ne suis pas certain qu’il soit partagé par tous), est d’être amené là où ne s’attend pas au départ à aller, ta promesse est quelque peu risquée, mais bon…

    Bienvenue aussi, évidemment !

  84. « Ce qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience. »
    (René Char, Fureur et mystère)

  85. Ben, mon cher René, ravi de te retrouver parmi nous.

    De toi, je me souvenais surtout de :

    « Impose ta chance, sers [ou « serre » ?] ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, ils s’habitueront. »

    et

    « La lucidité est la blessure la plus proche du soleil »

    Que j’ai plaisir à citer ici… et pas seulement pour franchir la fameuse barre du (vain)100 !

  86. Hé, Vincent, tu ne te souvenais pas de cette autre phrase ? :
    « Un homme sans défauts est une montagne sans crevasses. Il ne m’intéresse pas. » Quand tu auras du temps, relis-moi.
    Affectueusement.
    René

  87. Vincent avait envie de poursuivre le débat sur le capitalisme et le libéralisme, ça tombe bien car j’avais encore deux ou trois choses à dire à ce sujet. Et puis ça répondra en partie à Mag avec qui je suis contente de garder contact.
    Pour justement ne pas voir tout blanc ou tout noir, je me demande si on ne peut pas remettre en cause le capitalisme mais sans révolution.
    Je pense que Vincent a raison quand il dit qu’on n’a pas à demander au capitalisme (ou à toute autre forme de système économique) d’être moral. Par contre, j’ai de gros doutes quand à son actuelle efficacité. Plusieurs s’accordent à penser que le capitalisme est à bout de souffle, que sa démesure le conduit à sa perte, et à la nôtre par la même occasion.

    J’ai déjà parlé du bouquin de Nicolas Hulot sur ce blog, et j’ai envie d’en reparler car il y a dans son pacte écologique des propositions que je trouve très pertinentes.
    Je vous en cite deux.
    La première concerne le mode de production industriel. Il propose qu’on remplace une économie « linéaire », qui épuise les ressources et accumule les déchets, par une économie « circulaire ». Au lieu de produire pour produire, il faudrait réduire, récupérer, réutiliser, réparer, refabriquer, recycler. Une partie des déchets devient alors ressource. On inclut le critère du bilan écologique dans les procédés de fabrication.
    Je ne vais pas développer plus avant, mais des prémices existent dans de nombreux pays dont l’Allemagne, la Chine, le Japon, en Nouvelle-Zélande, et beaucoup d’autres.
    La seconde idée que je voudrais évoquer ici est celle de l’économie de fonctionnalité. Il s’agit de substituer à la vente d’un bien, la vente de son usage ou de sa fonction. L’objet (qui est toujours produit) doit donc être conçu pour durer, à l’inverse de ce qu’il se passe aujourd’hui. En louant un bien ou en vendant son usage, on n’associe plus le flux financier au renouvellement des objets mais à leur durabilité. On peut découpler la croissance économique de celle des flux de matière.

    Je voulais parler de ces deux propositions pour étayer mon hypothèse qu’on peut remettre en cause les fondements du capitalisme sans révolution. Sans aller jusqu’à parler d’abolition de la propriété privée, je trouve que développer la vente de l’usage des biens pourrait modifier en profondeur le regard que l’on porte sur la propriété. On peut facilement imaginer que la notion de bien public s’étende à des objets qui jusque là étaient toujours de l’ordre du privé. Je devrais plutôt dire bien collectif, car les structures aptes à gérer ces biens sont encore à inventer, même si là aussi il existe déjà des applications

  88. Remettre en cause le capitalisme sans révolution ?
    Il y faudra sans doute beaucoup d’humanisme.
    Peut-être que la vraie révolution doit se faire dans les coeurs, non ?

  89. Sur la révolution…

    J’aurais bien apporté au débat cette parole de… (arf ! je ne sais plus si c’est GB Shaw ou G Orwell) : « Celui qui n’est pas communiste à vingt ans manque de coeur ; celui qui l’est encore à quarante manque de tête. »

    Mais bon… Ce n’est pas à coup de petites phrases sentencieuses qu’on va se… « Rhabi-bocher » !!!!

  90. Le grand René, il a aussi dit :
    « Meeeeeeeeerde ! Où c’est qu’j’ai foutu ces p… de clés !!!! »

    (Front de Libération des Phrases qui ne sont Pas Passées à la Postérité)

  91. 100 commentaires pour un article traitant d’un bonhomme prônant la frugalité et la décroissance…. ce n’est pas un peu se moquer du monde !!!!! (ou révéler, sans le vouloir, les limites du projet ?)

  92. J’ai failli oublier : Bienvenue à Cess sur le blog.
    Tu ne dois pas être mécontent, Bernard, d’avoir une commentatrice de plus.
    Au fait, les statistiques du blog te donnent-elles des indications sur le sexe des personnes qui lui rendent visite ? (quand je dis sexe, il faut entendre genre).

  93. Eh non, rien sur les visiteurs de ce blog, rien que des statistiques générales. ça pulse en ce moment et je suis étonné chaque jour de la fréquentation (il y aura probablement plus de 2000 visites en décembre). Ce qui m’étonne, c’est que les gens y restent aussi longtemps. Depuis le 1er décembre, 127 visites ont duré plus d’une demi-heure, dont 81 plus d’une heure ! C’est vrai que vous êtes prolifiques avec vos commentaires, il faut du temps pour vous lire. Encore un grand merci à tous.

    Oui, j’aime bien que le nouveau venu sur ce blog est une nouvelle venue ! Il y a généralement, chez les commentatrices de ce blog, une sensibilité et un ressenti différents dont nous ne sommes hélas – nous les mecs – pas capables.

  94. Avant de répondre à Anne, une petite remarque pour reprendre la discussion là où elle a été momentanément laissée.

    En toute bonne logique, l’ultra-libéralisme ne peut pas être en même temps le « système » et sa « maladie ». Je pencherais du coup volontiers pour l’idée que le système en lui-même est simplement « capitaliste » (une économie de marché fondée sur la propriété privée des moyens de production et d’échange) et que l’ultra-libéralisme est une de ses possibles maladies, une tentation intrinsèque qui s’exprime lorsque le système perd ses garde-fous nécessaires (notamment politiques et juridiques).

    Que le système ait « envie » de devenir hégémonique, de s’affranchir du contrôle et du pouvoir du peuple souverain (notamment en cantonnant l’Etat dans ses fameuses fonctions régaliennes d’administration, justice, police, diplomatie) est une chose qui n’est pas si grave en soi… tant que la politique reste un ordre supérieur, qui ne se soumet pas aux dictats des experts en haute-finance. Raison de plus, à mon sens, pour revendiquer une activité citoyenne qui ne se limite (s’épuise ?) pas dans la délégation de pouvoir (le vote).

    Malgré tout ce qui a été dit précédemment, je continue donc de penser qu’il est plus judicieux de combattre pour davantage de politique (notamment au niveau transnational) en conservant le système économique tel qu’il est à la base que de vouloir changer celui-ci… sans même attendre de pouvoir ne serait-ce que décrire ce qu’on mettra à la place (et si je me permets d’insister là-dessus c’est que je pense défendre là un point de vue qui est loin d’être infime dans le pays, en tout cas qui ne peut pas s’éliminer en détournant hautainement la tête)

  95. « L’intérêt collectif », Anne, belle idée, forcément, mais gros gros danger, à mon sens. Quoi de plus flou, fluctuant, fragile, en effet ? Et qui va le déterminer cet intérêt collectif ? Et comment ? On a vu en effet comment les tentatives collectivistes sont toutes plus ou moins tombées dans les travers totalitaires devant cet écueil.

    L’intérêt individuel – bref, l’égoïsme – qui est le fondement de l’économie de marché est certes peu glorieux, mais quiconque sait distinguer ses désirs de la réalité accordera que c’est un fondement autrement plus concret, stable, solide, inépuisable et universel. C’est d’ailleurs ce qui fait la redoutable efficacité du capitalisme (contre lequel aucun autre système n’a résisté).

    Rien de tel que cet apparent cynisme, en effet, à bien y regarder, pour créer à peu de frais de la solidarité (Si, si !) Je prends l’exemple simpliste mais éclairant de ma boulangère. Si elle devait compter sur ma simple générosité pour obtenir de l’argent, elle serait vite ruinée, de la même façon que je pourrais attendre bien longtemps avant qu’elle m’offre du pain par pure charité. En revanche, elle a besoin d’argent et moi de pain et ça tombe bien, elle a des baguettes qu’elle aime échanger contre 80 centimes d’euros (c’est normal, elle en a plein et elles lui coûtent moins cher) et moi quelques centimes qu’il m’arrange d’échanger justement contre une baguette (si je la fabriquais, il y a des chances qu’elle me coûte plus cher, en temps et argent, et soit en plus moins bonne). Et tous deux, on a en plus autant l’un que l’autre intérêt que la baguette soit au meilleur rapport qualité-prix (elle pour faire venir d’autres clients, moi parce que mon porte-monnaie est plutôt léger). Deux intérêts égoïstes qui finalement convergent dans un intérêt commun, grâce à la simple relation d’échange commerciale, n’est-ce pas quelque part miraculeux ? En tout cas, ça fait une bonne raison de se sourire, sans faire semblant, chaque matin !

    Alors bien sûr, le système a ses failles, ses travers, ses impasses et limites, il ne s’agit pas de le nier (de toutes façons rien ici-bas n’est rose ni parfait), mais est-il certain qu’il faille vraiment sans hésiter une seconde le refonder de fond en comble ?

    A la manière de Pierre Rhabi, j’opterai plutôt volontiers pour la limitation de son emprise à quelques sphères bien circonscrites et la création ou le développement de bulles parallèles fonctionnant sur de toutes autres règles (non marchandes ou… autrement marchandes) ? Mais n’est-ce pas déjà ce qui se passe ?

    Des choses à développer encore, peut-être, par exemple (je cite au pif, en vrac) : des associations de consommateurs achetant localement des terres puis les services d’agriculteurs produisant et distribuant selon un cahier des charges qu’ils détermineraient eux-mêmes. Des banques aussi (elles existent déjà) dans lesquelles celui qui dépose son argent choisit son taux d’intérêt en fonction des types d’investissement (plus ou moins « louables ») qu’il contribuera de financer. Etc. Etc. Etc.

    Ca fait déjà un sacré « pain » sur la planche ! Nan ?

  96. Question de Vincent : « Qui va le déterminer l’intérêt collectif ? ».
    Essai de réponse : « Collectivement, non ? ». Enfin, c’est juste une idée…

    Je dois dire que je ne comprends rien à tes propos, Vincent. L’intérêt collectif est d’après toi « un gros gros danger » ! C’est ça que tu essaies de nous dire dans les deux premières lignes de ton propos ?

    Et ton exemple de la boulangère et de l’acheteur ? Tu la résume à deux « intérêts égoïstes », c’est ça ?

    Je n’arrive pas à voir la vision de l’Homme que tu as derrière tes propos. Elle me semble plutôt noire. Très noire, même.

  97. On ne peut pas dénigrer toutes les civilisations, toutes les sociétés qui nous ont précédé en répétant sans arrêt que le système dans lequel nous vivons aujourd’hui est encore le meilleur parmi tout ce qui s’est fait. Comment peut-on affirmer qu’il n’y a jamais eu d’autres systèmes que le capitalisme ou le collectivisme alors qu’il y a eu des tas de sociétés traditionnelles qui ont vécu en dehors de ces deux systèmes (le Tibet, qui n’a jamais connu de conflits de toute son histoire avant l’arrivée des chinois, dans quel système le rangerions-nous alors ?) (Attention, je ne cherche pas à prendre pour modèle le système tibétain que je ne connais pas, je dis simplement que d’autres systèmes ont été possibles à un moment donné).

    On peut regarder objectivement et froidement certaines expériences collectives qui se passent dans le monde sans forcément les balancer à la poubelle avec une phrase du genre “Réintroduire le poids du collectif par exemple, c’est évidemment une bonne idée, mais comment siouplé ? Les nationalisations ?… ». Les expériences récentes d’un pays nordique (je ne sais plus s’il s’agit de la Suède ou de la Norvège) qui a, par exemple, décidé de nationaliser les bénéfices des compagnies pétrolières pour les réinvestir dans des énergies durables doivent-elles être ainsi écartées d’un seul revers de phrase ?

    Non, soyons plus honnêtes avec l’existant et avec ce qui a existé.

  98. Ben nan, faut pas les écarter d’un revers de main… bien au contraire !
    Listons-les et discutons-en !!!!!! (Je le la connaissais pas par exemple cette expérience scandinave)

    Il me semble que je ne dis que ça depuis le début (peut-être maladroitement, j’en conviens, mais bon… c’est un sujet qui suscite les passions) : plutôt que de se réfugier dans l’attente du « Grand Soir » économique (le changement complet du système) ou moral (la révolution des coeurs, la métamorphose de l’homme en colibri), il vaut peut-être mieux s’attaquer aux solutions POLITIQUES qui sont réalisables ici et maintenant ! Et cessons de cantonner l’activité « politique » à la simple « élection » d’un représentant !

  99. Euh… petite remarque à propos du temps de consultation du blog….!
    Imagine, Bernard, le temps qu’il faut pour lire les commentaires… mais imagine surtout le temps qu’il faut pour écrire les plus longs!!!!!
    Moi je sais qui c’est qui fait péter les stats!!!!

  100. Avez-vous écouté l’émission « Terre à terre » du vendredi 8 décembre, sur France-Culture ?
    Un prof. de Genève développait le concept de « décroissance » avec beaucoup de pertinence…
    On doit pouvoir retrouver le contenu de son propos sur Internet…
    Bonne écoute !
    Merci à Bernard de me trouver « modérateur »… et merci à Robert de son propos condescendant sur les « passifs » de mai 68… période où il aurait trouvé une audience et une place à sa mesure, avec les lendemains qu’on connaît (mais longtemps après, hélas !).
    Ce blog fécond et animé mériterait presque, Bernard, d’être compilé et publié… confidentiellement !

  101. Vincent, à propos de cette expérience scandinave dont j’ai lu quelques mots (mais je ne sais plus où), ce serait intéressant que chacun dise sur ce blog ce qu’il connaît d’expériences réussies sur les sujets qui nous préoccupent.

    Je suis sûr qu’entre nous tous, on arriverait à faire sortir quelques pistes, collectives ou individuelles. Il faudrait peut-être que je fasse un article dans ce sens qui susciterait des réponses.

    Je pourrais faire cet article dans la première décade de janvier … ce qui nous donne un peu de temps à chacun pour faire des recherches. Je pourrais mettre en ligne cet article le jour de l’an, histoire de positiver le début d’année et de parler d’expérimentations réussies.

  102. Anne je suis d’accord avec les références que tu prends chez N. Hulot. Economie circulaire et économie de fonctionnement ouvrent d’intéressantes pistes de travail. Pour mettre un point d’arrêt à la fantasmatique historiquement produite autour du concept de « Révolution », je proposerai que l’on utilise plutôt celui de « changement » (sous réserve d’un autre mot plus adéquat.
    Au milieu des années 60, un sociologue nord américain, Vince Packard, a écrit un bouquin intitulé « L’ère du gaspillage » qui mettait en évidence des tendances qui n’ont fait depuis que s’amplifier à outrance, pour finalement s’imposer à l’ensemble des économies dites développées. Un contre-courant opposé s’est manifesté depuis jusqu’aux écologistes d’aujourd’hui sans parvenir à imposer une autre voie. Le facteur décisif se situe bien dans le registre politique et notamment en matière économique.
    Le problème n’est pas que nos vivions dans une économie de marché où les modes de production et de redistribution directes et indirects des richesses ont relativement fonctionné de la reconstruction d’après guerre au début des années 70. Dans un pays comme le nôtre, les contradictions sociales prenaient corps essentiellement au niveau national et l’Etat pouvait exercer une fonction de régulation à l’échelle du pays.
    Les choses ont aujourd’hui changé. La concentration du capital financier à l’échelle mondial, l’ultra-libération des échanges et la mondialisation des économies, la domination sans partage des USA, l’irrésistible montée en puissance de la Chine en tant qu’usine (et bientôt banquier) du monde, la relative incapacité de l’Europe à construire une économie concertée, font que les contradictions majeures se sont déplacées elles aussi à l’échelon de la planète.
    Le conflit majeur en cours de constitution est dans le rapport USA/Chine. Selon bon nombre d’experts, son développement est potentiellement porteur d’une guerre mondiale (au moins dans ses conséquences) .
    La seconde contradiction réside dans de développement de l’ultra-libéralisme lui-même : il arrivera un moment où le rejet par les masses de travailleurs-chômeurs de conditions de vie dégradées se produira. Un tel mouvement ne se décrète pas, mais il est très probable qu’il aura lieu. Le rôle que nous pouvons jouer en l’occurrence est de contribuer à son émergence globalement comme nationalement.
    Il convient donc d’examiner les données présentes de la politique nationale.
    L’ultra-libéralisme français s’inscrit sans nuance dans le schéma fixé par les puissances dominantes ; la façon dont Sarkozy s’est positionné vis à vis de Bush lors de la récente visite qu’il lui a faite pourrait augurer d’un rapprochement plus marqué de la France / USA, dont il n’y a rien à attendre qu’une exacerbation accrue de l’emprise (par les fonds de pension) des difficultés de notre pays. Nul espoir de ce côté-là.
    A gauche, la situation ne présente aucune perspective décisive. On peut seulement espérer que sous un pouvoir « de gauche » en France (comme en Espagne et en Italie), les rapports de force à l’échelle européenne s’en trouvent quelque peu modifiés, et que sous réserve d’une pression populaire plus affirmée une relance de l’Europe économique et sociale s’engage.
    Voilà, Anne, aussi bref que j’ai pu, et à discuter bien sûr, quelques pistes de réflexions…

  103. Roland, j’ai du mal comprendre ou ne pas comprendre du tout : tu ne dis pas que la situation actuelle est la conséquence de 68, j’espère. Parce que ce matin même j’ai entendu ce propos-là par un gars de mon âge dont c’est l’un des credos. Tu sais où il se situe politiquement et depuis des années ? Je te le donne en mille : au Front National.

  104. Il semblerait bien qu’il y ait de profonds points de désaccords entre la Chine et les USA. Il y a bien quelques rapprochements en ce moment avec la visite de délégations américaines en Chine mais les désaccords restent profonds sur les aspects économiques, les américains reprochant aux chinois de maintenir leur monnaie à une valeur très faible, ce qui favorise les exportations chinoises inondant l’occident mais pas les importations.

    Il semblerait aussi que la Chine ne favorise pas l’arrivée de capitaux américains dans leur économie. C’est peut-être délibéré de la part des autorités chinoises, mais une croissance à deux chiffres (bien que montrant quelques signes de fléchissement) a-t-elle besoin d’être boostée par des capitaux extérieurs ?

  105. Je pense qu’il y a eu beaucoup de désillusions après 1968. Bien sûr, il y a eu un fort vent légitime de liberté et l’époque en avait certes bien besoin.

    Peut-être que l’idée forte de cette époque était de tirer chacun vert le haut, de l’affranchir un peu plus de sa condition. Je ne sais pas si le slogan « culture pour tous » a existé à ce moment là, j’étais encore trop jeune pour suivre les événements mais je crois que je l’aurais bien aimé. Mais finalement, on est entré dans quelque chose de beaucoup plus matérialiste du genre « la consommation pour tous », qui tire peut-être les gens vers le bas, le bien matériel devenant alors l’unique valeur reconnue de la société.
    Peut-être que l’influence de Mai 68 peut-être analysée de manière différente, selon que l’on se place du point de vue du court terme, du moyen terme ou du long terme.

    Je n’ai pas de certitude en la matière, juste des doutes.

  106. Après avoir été un peu trop encensé – presque mythifié – « 68 » est aujourd’hui, il est vrai, un peu exagérément dénigré, du moins par certains.
    Attendons encore un peu, le balancier (ici comme ailleurs) doit peut-être faire le tour de tout ce qui peut/doit être dit sur le sujet, avant d’atteindre ce qui pourra être considéré comme une position… équilibrée.

  107. Ca mériterait p’t-être un ti article un de ces jours Bernard, cette question de « l’héritage 68 », nan ?

    Je ne sais, pour ma part, pas trop quoi en penser. J’écoute ce qui se dit dans un bord comme dans l’autre. C’est bien complexe tout ça (surtout quand on n’a pas vécu directement l’événement)… et surtout fortement idéologique. « Chaud » quoi ! (mais bon… on commence à être entraînés)

    Ce qui me paraît au moins sûr, c’est qu’il y a eu à cette période un vrai changement de génération : les enfants d’après 68 ne ressemblent pas du tout à ceux d’avant (comme s’ils vivaient parfois sur deux planètes différentes). Leur rapport à l’autorité, notamment, sous toutes ses formes, me semble par exemple complètement différente. Mais peut-être (sans doute ?) est-ce parce que je suis pile à la charnière (conçu en été 68, né au printemps 69) que j’ai cette perception-là !

    A voir… et discuter, à l’occaz !

  108. Bernard, peut être as-tu globalement raison sur la désillusion…
    Je peux seulement dire que, pour moi, 68 avait commencé bien avant, avec (je cite en vrac) : la lutte pour l’Algérie, puis en France avec les Comités Vietnam, puis pour la liberté de contraception et d’avortement, contre l’interdiction des films « Avoir vingt ans dans les Aurès » et « La religieuse »…, puis en janvier 68 pour la liberté d’accès aux chambres des cités étudiantes pour les gens de l’autre sexe, pour l’égalité dans l’emploi entre femmes et hommes comme entre français et immigrés, pour le détournement systématique des placards publicitaires, pour la liberté sexuelle, pour l’éducation laïque, pour le divorce à l’amiable… et au bout du compte pour les sans-papiers, les sans logis, les RMIstes, les licenciés, les chômeurs, contre Franco, Pinochet, Le Pen et apparentés.
    N’ont donc pas manqué les occasions de se lever contre l’abjection, l’injustice et le crime.
    Quelle désillusion ? Ah oui, peut être chez ceux qui prenaient leur désir pour la réalité, ou mieux leur désir de réalité pour la réalité de leur désir. Ils ont vraiment existé, je le sais maintenant.
    D’autres n’ont, avant pendant et après, cessé d’agir pour un monde meilleur. Et je pisse à la gueule de ceux qui -gênés en leur âme d’éternels vaincus- en veulent au courage de vivre. Présomptueux, sentencieux, diront-ils. On connaît leur ressentiment depuis Nietsche. Reich a montré combien ce ressentiment avait été à l’origine de la montée du national socialisme. La même vision du monde participe aujourd’hui de ce qu’on appelle (qui peut dire celui qui a inventé la formule recevra un baiser sur le front populaire) ‘ »la lepénisation des esprits », dont j’affirme ici quelle progresse en des lieux où on douterait qu’elle ait pu s’infiltrer.
    Illusion ni alors, ni après. Ni noir, ni blanc et encore moins gris. Rouge, comme le sang qui fait battre les coeurs amoureux de la vie.

  109. Debout, les gens, c’est un grand jour : Ségolène Royal signe le pacte de Nicolas Hulot. Alors, on va pas jouer encore à la fine gueule ?

  110. ça y est j’ai réussi à le semer, je crois.
    Confirmation de l’Errata précédent pour cette partie du Blog.

  111. euh… c’est moi qui suis abrutie ou y a rien à comprendre… ?

    J’avoue avoir du mal à suivre… mais bon… ça au moins c’est clair!

  112. Pour reprendre l’exemple de la boulangère de Vincent : en effet, on peut trouver ce type d’échange tout à fait acceptable. À condition que ladite boulangère soit effectivement propriétaire de ses outils de productions, ce qui est peu probable, ce sont souvent les minotiers qui « aident » les boulangers à s’installer. Ou pire, la boulangerie fait partie d’une chaîne de grande distribution (du genre de celles qui proposent des croissants chauds à toute heure). Dans ces deux derniers cas, les capitaux peuvent même être détenus par des sociétés qui n’ont plus rien à voir avec le métier de la boulangerie : assurances, banques, fonds de pension.
    Ce que l’on appelle le capital rentier.
    Et le capitalisme en est là aujourd’hui. On est bien loin de l’échange satisfaisant entre une personne qui sait fabriquer du pain et peut le vendre à d’autres qui en ont besoin.

    Quand à la baguette à 80centimes d’euros (prix moyen de la baguette en France aujourd’hui) , cela fait 5,25 francs. Qui se souvient du prix de la baguette avant le passage à l’euro ?

  113. Bien venue Cess, normal que tu n’aies pas compris. En fait, c’est l’incursion inopinée d’une histoire qui se déroule hors-champ du blog, où un gaucho se voit poursuivi par un facho qui va jusqu’à emprunter son identité …
    Je te devais une explication, mais excuse moi, le voilà qui arrive, il va tomber dans l’embuscade qui lui a été tendue au coin de Broadway et de la 45ème rue…
    (bruits de bagarre, cris, silence pesant… générique de fin sur une chanson de Dolly Parton).

  114. Oui, comme le dit Anne : « Qui se souvient du prix de la baguette avant le passage à l’euro ? ». C’est étonnant comme ce sujet a été évité pendant la campagne du référendum sur la constitution européenne. L’augmentation exagérée du coût des produits lors du passage à l’euro a été, à mon sens, un élément important qui a favorisé le passage de certains dans le camp du « non ».

  115. Oui, c’est un grand jour. D’autant plus que Ségolène Royal propose, non seulement de créer un poste de vice-premier ministre du développement durable mais d’aller plus loin et de créer aussi un pose de vice-premier ministre chargé de l’emploi et du social. C’est bien plus intéressant, non ?

  116. Quand je dis, dans mon commentaire ci-dessus « c’est bien plus intéressant », ça mérite quelques précisions.

    Le développement a trois composantes qu’il faut considérer à parts égales : « l’économie », « le social » et « l’environnement ». Le problème, c’est que chaque fois que quelqu’un s’empare de ce concept, c’est pour n’en retenir que l’un des aspects et le terme « développement durable » a été galvaudé, il est devenu un peu « tarte à la crème ». Les politiques y voient surtout le mot « développement » et le grand public y voit plutôt la dimension « environnement ». Or, on ne peut plus aujourd’hui, aborder le problème de l’environnement sans prendre la mesure des conséquences que les bouleversements environnementaux à venir vont avoir au niveau social. Alors, si Ségolène Royal injecte une dose supplémentaire de social, ça me va.

    Cela dit, relativisons, car à partir du moment ou Sarko va devoir, lui aussi, se positionner par rapport au pacte écologique de Hulot, on va vite être dans le domaine de la surenchère, et donc de la démagogie, de part et d’autre.

    Alors OK, mais restons vigilants !

  117. Etonnant : tous les instituts de sondage évaluent les intentions de vote en faveur du Front National à hauteur de 11-13% mais le Canard Enchaîné de la semaine dernière raconte que Sarko a fait faire, en tant que ministre de l’intérieur, des vraies enquêtes de terrain par les Renseignements Généraux et que les intentions de vote seraient de l’ordre de 22%. Lors des dernières élections, les instituts de sondage se sont tous plantés (à mon avis, à cause de la méthode d’échantillonage des sondés) alors que les RG, quelques jours avant chacune des élection, avaient donné à leur ministre des pourcentages qui se sont avérés très proches des résultats.

    Je crois beaucoup plus à l’efficacité des RG qu’à celle des étudiants qui trouvent un CDD de quelques jours ou quelques semaines dans un institut de sondage.

  118. Si les instituts de sondage se plantent de plus en plus, je fais de mon côté l’hypothèse que se développe du côté de la population (qui en a marre d’être « sondée », qui n’est qu’un mot poli pour dire….) un « malin plaisir » à les tromper !

    Quand la société de contrôle tente en effet de traquer tous nos faits et gestes, toutes nos intentions secrètes, la réponse vitale est… « d’avancer masqués » !

  119. Au fond, pour continuer dans la même veine, on pourrait envisager l’embauche de ces étudiants précarisés au sein des RG. De la sorte, ils trouveraient un emploi stable dans un corps d’Etat appelé à un bel avenir plutôt que de courir derrière les petits boulots. Et puis, comme les instituts de sondage n’aurait plus d’étudiants pour faire leurs enquêtes de merde, ils cesseraient enfin de répandre leur fiel. Enfin, comme le peuple s’avère de moins en moins fiable, il ne reste plus, comme disait Brecht, qu’à changer de peuple. Encore un effort, on va y arriver.
    Face à un pouvoir d’Etat pesant, un peuple de faux-culs.
    Elle est pas belle la France ?
    Au secours, Pétain est de retour !

    Un des intérêts du blog pourrait être de mettre en lumière le contenu sous-jacent de certains de nos propos, y compris les miens bien sûr.
    C’est vrai que j’ai tendance à voir la main de l’extrême-droite partout depuis qu’elle a tenu un flingue à trente centimètres de mon bide et qu’elle n’a pas tiré parce la foule (le peuple !) s’était agglutiné autour pour l’en empêcher (Oran, septembre 1961).

  120. Depuis les Grecs (je veux dire anciens) on sait ce qu’il en est de la « doxa » : elle n’a rien à voir avec le vrai. Alors un sondage sur le faux nous entraine vers des abimes de perplexité. Il n’empêche, dans la mesure où l’Opinion fait dans nos sociétés les élections et le pouvoir qui en découle, on peut difficilement s’en désintéresser.
    Pour revenir aux sondages d’opinion donc, s’ils ne sont pas la vérité vraie, ils ne sont pas la non plus la fausseté fausse. A prendre avec des pincettes, certes, mais à prendre tout de même comme donnant à réfléchir sur l’état d’esprit des concitoyens.
    Le sondage de la Sofres des 6 et 7 décembre 2006, disponible sur le site du Monde, fait apparaître (en données comparées sur 7 sondages depuis 1997) un taux actuel record à la hausse de gens jugeant « excessives » les idées de Le Pen et un taux record à la baisse de ceux qui jugent ces idées « inacceptables ». Autrement dit, plus ces idées sont estimées excessives, plus elles sont acceptables.
    La CSP des commerçants, artisans, chef d’entreprise se taille la part de lion dans ce positionnement (voir sondage). N’était-il pas question sur le blog d’une aimable boulangère qui échangeait son pain contre la menue monnaie de son gentil client ? Elle pense quoi de Le Pen la boulangère ?

  121. Etincelle, merci beaucoup pour cette information, pour une fois j’irai peut être au cinéma car cet homme est admirable. On pourrait l’écouter des heures et des heures … :smile:

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