« Chemin faisant : mille kilomètres à travers la France », de Jacques Lacarrière

Un article proposé par Albert.
En proposant à Dupdup d’échanger autour du livre de Jacques Lacarrière, j’ai recherché quelques informations sur cet auteur. Ainsi, j’ai découvert qu’il est décédé à Paris en 2005 des suites d’une opération orthopédique ; quelle ironie pour cette homme que l’on a suivi dans un voyage à pied à travers la France et qui procéda de la même façon pour découvrir la Grèce antique et faire partager son goût pour la culture hellène, c’est-à-dire en évoluant à pied dans les paysages de la péninsule grecque.

J’ajouterai que je n’ai pas relu ce livre intégralement, mais seulement quelques passages dont j’avais corné les pages, pour préparer cette chronique.

Ce livre conforte l’idée que la marche est vraiment le rythme propre de l’espèce humaine. Courir, rouler à bicyclette ou se déplacer avec un quelconque engin motorisé (voiture, moto, mais aussi bateau ou avion) nous permettent d’aller rapidement d’un point à un autre mais la marche à pied, elle nous transporte vers la découverte, la contemplation et la connaissance de notre environnement, de nos proches et des autres. Car il s’agit bien de cela, mieux connaître les autres, pour mieux vivre sa propre existence.
IMGP1887

Lors de l’annonce de cette discussion, quelques commentaires avaient déjà suscité des réflexions intéressantes ; peut-être y reviendra-t-on ?

A vous d’en parler à présent…

58 réflexions au sujet de “« Chemin faisant : mille kilomètres à travers la France », de Jacques Lacarrière”

  1. Oui, c’est doute ça pour Jacques Lacarrière : vivre sa propre existence.
    C’est assez original de le voir livrer ses réflexions sur l’éthymologie, les correspondances entre les noms des lieux qu’il traverse, de le retrouver dans la chaleur (souvent relative !) des cafés où il recherche généralement son gîte, et de relater en toute simplicité des événements souvent ordinaires.

    Assez inquiétant, mais sans doute réaliste, cette idée selon laquelle le vagabond est considéré comme un danger, et la grande difficulté de trouver un accueil ailleurs que dans le tissu rural ou la trop rare auberge ouverte en hiver. La tradition d’accueil des Français en prend un sérieux coup (notamment dans le nord-est), et je n’ose imaginer le même périple et son compte-rendu aujourd’hui !

    Restent de belles pages sur les contemplations (fleurs, climatologie, etc.), les faits du quotidien, les voitures et leurs accidents, une des rares visions positives de la limace que l’on puisse trouver et qui remet en cause ma vision de jardinier sur ces petites bêtes, et surtout la culture comme l’humilité de Lacarrière.

    Le livre progresse au rythme de la marche, qui est presque le seul fil conducteur, le lecteur se trouve alors lui aussi en marche, et c’est plutôt agréable, rappelant les randonnées, les choix à faire pour garnir le sac à dos, le problème de la pluie.
    Et j’ai moi aussi un problème avec les chiens !
    J’ai relevé donc avec plaisir une citation de Siné, toujours vivant et actif, qui préfère les chats aux chiens car il n’y pas de chats policiers !

  2. Voilà un livre intéressant dans lequel, les réflexions diverses et parfois assez profondes de l’auteur ne manqueront pas de donner lieu à de nombreux commentaires, c’est sûr.
    C’est aussi un livre qu’on peut considérer comme un livre d’histoire car il donne un instantané de la France profonde à un moment donné.
    Cette époque est révolue.
    Je suis sure que ce voyage, cette marche, entreprise aujourd’hui ne serait pas la même.
    La recherche d’un point de chute chaque soir ne présente plus guère de problème, maintenant que nos campagnes sont parsemées de gites d’étape, chambres d’hôtes et autres Bed & Breakfast.
    Et puis, un marcheur ou randonneur aujourd’hui n’est plus du tout perçu comme un vagabond mais comme un pratiquant d’une activité choisie de sport ou de loisir.

  3. Oui, il s’agit bien d’une époque révolue et je mesure à la lecture de ce livre combien la vie des campagnes profondes a changé. J’ai connu le monde paysan de la fin des années 50 (je suis né en 54) et de nombreuses scènes décrites dans ce livre résonnent curieusement en moi comme autant de réminiscences d’un passé qui me semblait lointain mais finalement assez vivace dans mon souvenir.

  4. Je n’ai pas lu ce livre, je m’en excuse, cher Albert, manque de temps. Par contre j’ai lu du même auteur « En cheminant avec Hérodote ». ou JL l’infatiguable piéton de la Grèce a choisi de mettre ses pas (par une traduction savoureuse, un régal) dans ceux du géographe voyageur. Hérodote fut espion de Périclès, il nous a laissé ses récits de voyage du Proche-Orient à l’Afrique, avec l’idée de comprendre les guerres médiques, de décrire les peuples avec un grand sens de l’observation (par ex. il mentionne les rations consommées par les ouvriers pendant la constructions de la pyramide de Chéops-l’archéologie a retrouvé des villes, des peuples qui n’était décrite qu’au travers des champs de bataille). Grâve a JL on chemine avec Hérodote au milieu des peuples antiques, de leurs pays, civilisations et leurs histoires. Et c’est passionnant.
    J’ai lu aussi « L’été grec ». JL est un pur hélléniste, un vrai amoureux de cette terre. Ce livre fut ecris avant Chemin faisant, dans un souci moderne de la pensée antique, ou l’on voyage dans les plus profonds recoin de la grèce, en promeneur solitaire. Du quotidien, du populaire, dans une érudition qui nous emmène vers l’étonnement, la jeunesse, la justesse de son regard, d’un témoignage passionné.
    Moi aussi je suis humblement amoureux de la Grèce. La disparition de cet auteur en 2005 m’a profondémment ému – Un homme qui refusait les hommages. Agnostique, il a souhaité être incinéré et que ses cendres soient dispersées en Grèce. Qu’un hommage lui soit rendu par cet article d’Albert

  5. Dans la première partie du livre, j’ai eu le sentiment que le promeneur ne faisait que marcher et ne s’arrêtait jamais, que tout allait trop vite. Il en a d’ailleurs conscience et le confesse à un moment donné du livre : « je quitte toujours les cafés, les villages et le moindre hameau avec un sentiment de regret et d’insatisfaction…. J’ai l’impression de tout traverser en vitesse, de ne rien voir véritablement ou plutôt de ne rien partager vraiment » (page 80) et plus loin : « J’ai éprouvé à chaque fois, à chaque départ, cette impression amère, ce sentiment paralysant d’être un passant pressé » (page 81)
    Il a une impression assez négative des habitants des villages de l’Est de la France (Vosges, Haute-Saône, Haute-Marne, Bourgogne) et ne s’en cache pas, sans doute cette impression correspond-elle au côté fruste des paysans des campagnes reculées, je veux bien l’admettre, mais n’est-ce pas aussi parce qu’il est passé trop vite, beaucoup trop vite, dans ces lieux-là ? C’était le début de son périple et peut-être que son esprit n’était pas encore assez libéré de sa vie d’avant…

  6. Pour Thierry qui n’a pas eu le temps de lire le livre, je ne peux résister à retranscrire deux petits passages qui concerne les limaces …
    « Tout au long du sentier traversant cette forêt, je rencontrerai ces couples enlacés, fondus, soudés par la glu de l’amour, aveugles et sourds, lovés l’un en l’autre en des spirales inseccables. … Pour être fécondée, il faut à chaque limace les spermatozoïdes d’un autre mâle tandis qu’elle-même, en tant que mâle, éjecte les siens dans le vagin du partenaire. Ainsi connaissent-ils, ces mollusques, un plaisir double en une seule étreinte. Là, je crois qu’on peut véritablement les envier. »
    « Il aura fallu que, ce matin-là, je marche dans cette forêt toute perlée de rosée, pour m’attacher à ces amours molluscullaires, ces étreintes totales, qui laissent au cœur des mammifères uniséxués, déchirés, que nous sommes, un goût d’amertume, un sentiment de frustration devant les sensations insolites et intenses que vous devez connaître, ô limaces ! »
    Nul doute qu’après avoir lu ces lignes, on regarde les limaces d’un autre oeil !

  7. Ah ça oui !
    Mais je doute encore de leur laisser expérimenter une telle jouissance, hors de ma portée (dans un seul sens !), dans mon potager.
    D’ailleurs je les respecte partout ailleurs, évitant de les piétiner, même près de mes champignons favoris, mais faut pas exagérer ! :kissing:

  8. Déroutant, cette discussion autour du livre de LACARRIÈRE : je crois percevoir chez les intervenants (Bernard, Étincelle, Thierry à un moindre degré) une pointe de nostalgie concernant nos campagnes d’antan (années 60 – 70). Bien sûr, que le monde rural a évolué en 40 ans et c’est heureux… On peut quelquefois regretter la disparition de quelques traditions mais l’hospitalité est-elle aussi moribonde qu’on veut bien le dire ?
    Effectivement, il est, aujourd’hui, assez facile de trouver un gîte pour la nuit, mais est-il aussi facile de trouver une grange ou une remise pour y dérouler son sac de couchage ? J’aurai la faiblesse de penser que oui, mais je crois qu’il faudrait tenter l’expérience et partir par monts et par vaux découvrir la France, à la manière de LACARRIÈRE.
    Ce serait un joli défi en 2009. Il y a quelques temps que ça me tarabuste, ces commentaires vont-ils me pousser à mettre ce projet à éxécution ?

  9. Les turpitudes mollusculaires comme les conseils pour remplir son sac de voyage, et encore bien d’autres réflexions (climat, paysages, rencontres fortuites,…) sont autant de sujets abordés par LACARRIÈRE qui rendent ce livre attachant.
    Les discussions suscités par ce livre et les diverses commentaires constituent le plus bel hommage que l’on puisse rendre à ce grand monsieur.

  10. Avant-hier, en refermant le livre, je me suis dit « tiens, et si tu partais un jour deux mois, seul, sur les chemins ».
    J’ai un ami qui l’a fait il y a peu de temps. Mais son portable a sonné en cours de route, son père venait de mourir et il a dû abandonner son expérience.

  11. Plein de gens le font. En général, c’est l’année où ils sont en retraite.
    Moi, je le fais tous les étés, à pied, un peu, malheureusement pas pendant deux mois, et les hivers, à ski. j’espère bien un jour pouvoir marcher de la méditérrannée jusqu’au bout de l’Autriche, en suivant toutes les Alpes.
    Le voyage itinérant est quelque chose de formidable. Tout l’intérêt est de dormir tous les jours dans un endroit différent, impliquant tous les soirs de nouvelles rencontres (rapides mais qui débouchent parfois sur de réelles amitiés se prolongeant au-delà du voyage).
    Albert, s’il est vrai qu’il est facile de se loger maintenant que notre territoire est aménagé d’un grand nombre de structures d’accueil diverses, je suis presque sûre que s’il l’on voulait se loger dans les granges, etc …, on serait aussi mal perçu qu’à l’époque du voyage de l’auteur.
    Une dernière remarque pour Bernard qui a l’air un peu dépité d’habiter dans une région où Jacques Lacarrière a trouvé les gens pas très chaleureux.
    Je n’ai pas l’impression que son voyage ait été plus rapide dans le nord que dans le sud. Mais effectivement peut-être que son esprit n’était pas encore assez libéré au début du périple.
    Pourtant, il faut bien dire qu’il est reconnu que les gens du sud sont plus ouverts que les gens du nord.
    Pour te consoler, Bernard, sache que s’ils accordent plus facilement leur amitié, il est dit que celle-ci est moins profonde et de moins bonne qualité que celle des gens du nord.

  12. Je n’ai pas l’impression que l’auteur ait noué des relations durables avec les personnes rencontrées. Je me demande s’il n’était pas plus à la rencontre de lui-même qu’à la rencontre des autres (ce qui n’est d’ailleurs pas une critique de ma part).

  13. C’est un réel bonheur de vous lire tous, sur l’envie de marcher, sur le plaisir de lire le récit du randonneur JL (je n’ai pas lu ce livre hélas!)
    C’est, on en est tous d’accord, le meilleur moyen de percevoir, de connaître, de partager les paysages, les habitants, les villages… Bien entendu dormir dans une grange comme ça à l’improviste n’est plus de mise, car tout un chacun sait qu’il y a pas loin un gîte, une auberge ou un C&C (couette et croissant !).
    …J’ai parcouru la moitié du Chemin de Compostelle à vélo et à chaque étape j’ai bavardé avec des marcheurs en route vers Compostelle… j’avais l’impression que nous n’avions pas visité le même pays. Trop vite, trop goudronné le parcours à vélo (et pourtant je faisais du 20 km/h de moyenne !).
    En randonneur j’ai pris un immense plaisir à faire le Tour du Mt Blanc… où l’omniprésence du Toit de l’Europe flatte le regard sous des angles sans cesse changeants… mais le problème, en juillet-août, c’est la fréquentation de ce « boulevard »… et le souci de l’hébergement le soir. On peut parfois bivouaquer à la belle étoile mais côté suisse ou italien on se fait chasser (c’est interdit). Ceci dit quand on sait tout ça, on réserve, on téléphone ou alors on y va en basse saison, avec des surprises neigeuses garanties…
    En Franche-Comté les nombreux circuits bien balisés, peu fréquentés, sont une invitation la marche-découverte : Vallée de la Loue, Plateaux du Ht Doubs, la ligne des Crêtes, Risoux, Chapelle des Bois…. j’en ai parcouru quelques uns. C’est inoubliable. Si on referme bien les barrières derrière soi, les agriculteurs sont ravis de voir des gens qui s’intéressent à leur pays.
    Bien sûr il y a parfois le comité d’accueil des chiens… mais si on emporte dans son sac à dos des croquettes on peut les amadouer sans problème !!!

  14. Un truc Emilien pour ne pas subir la cohue en montagne.
    Au lieu de démarrer ton circuit un week-end (comme par exemple démarrer des Contamines un samedi pour le Tour du Mont blanc), tu démarres en semaine. Tu es alors décalé par rapport aux autres et surtout par rapport aux groupes accompagnés. Le mieux est aussi de faire toutes les variantes les plus difficiles que la plupart des gens évitent.
    Et enfin, la semaine à cheval entre le mois de juillet et le mois d’août (s’il y en a une) me parait plus creuse.
    Par contre, il vaut mieux toujours réserver son hébergement.
    Maintenant, en montagne, c’est comme ça !
    En tout cas, j’ai fait le tour du Mont-Blanc de cette façon et je me souviens que dans le Val Ferret, dans un nouveau et immense refuge tout neuf, qui contient au moins 300 places, nous étions cinq ! Et la première étape suisse que tout le monde fait en bus et que j’ai parcouru en totalité à pied (d’ailleurs j’ai failli me perdre car comme personne n’y passe le sentier est mal balisé), je n’ai pas rencontré une seule personne de la journée à part de magnifiques vaches avec leurs encore plus magnifiques clarines.
    Il m’est plusieurs fois arrivé de me retrouver seule avec le gardien en refuge, notamment dans le Tour de l’Oisans et pourtant en plein été. Il faut dire que ce tour là est plus difficile et présente des passages plus alpins.

  15. « Et enfin, la semaine à cheval entre le mis de juillet et le mois d’août … » nous dit Etincelle.
    A cheval ou à pied ? faudrait savoir … :smile:

  16. Partir hors des sentiers battus, nous dit Etincelle. Si j’ai bien compris, c’est pour se retrouver seule avec le gardien du refuge, c’est bien ça ? :wub:

  17. Pour en revenir au livre (et toujours à la montagne !), j’ai appris quelque chose.
    Je cite le passage : « Attiré par la magnificence de ces pétales mauverosés, de ces aigrettes dont le vent dispersait les graines, j’ai cueilli une tige fleurie, croyant la garder jusqu’au soir et je la vis se faner aussitôt, presque sous mes yeux. Cette beauté là, ces pourpres, ces mauves, ces aigrettes enjouées, n’existent qu’enracinées, jouet du vent : ne les cueillez pas car aussitôt vous en tuerez l’éclat vivant comme les irisations des libellules qui s’évanouissent exactement à l’instant de leur mort. »
    Je ne savais pas que les épilobes, et pourtant Dieu sait si j’en vois souvent, se fanent si vite.
    Il est vrai que je n’ai jamais eu l’idée d’en cueillir une.
    L’été prochain, il faudra vérifier ça.

  18. Peut-être ne s’agit-il pas de l’épilobe.
    Dans le même ordre d’idée, il parle à un moment donné de l’effraie. Or, je n’imagine pas trop une effraie s’envoler en pleine journée d’un arbre. Un moyen-duc, c’est possible, une hulotte aussi sans doute mais une effraie je ne pense pas … Mais, même s’il y a erreur, ce n’est pas bien grave, cela n’enlève pas grand chose à la qualité du récit.

  19. Si, il s’agit bien de l’épilobe. Il le dit un peu plus haut (c’est page 109).
    Un jour, en marchant, j’ai vu une effraie dans un trou dans le tronc d’un arbre qui était au bord du sentier. Mais elle ne s’est pas envolée.
    A propos d’effraie, pour ceux qui ne l’ont pas encore vu, un diaporama avec les belles photo de Bernard et la belle musique de son fils Stéphane :
    http://www.youtube.com/watch?v=9WNO3ORs9jQ

  20. L’effraie n’est jamais dans un trou d’arbre à ma connaissance. Mais uniquement dans des bâtiments (ou à la rigueur dans une grotte ou un trou de falaise, mais c’est rare).

  21. J’adore les bébés chouettes en grenouillère blanche …!
    PS : je suis super en retard pour le livre, mais on aura bien un mois pour commenter, j’espère?

  22. Ben écoute Bernard, je suis certaine que c’était une effraie. Je l’avais très bien vue parce que le trou dans l’arbre était à hauteur d’homme. Sa tête ne ressemble pas vraiment à celle des autres chouettes. C’était la première fois que je voyais une effraie et ça m’avait marquée.
    Sans doute une exception !
    On dit bien que c’est l’exception qui confirme la règle … (un peu bête je trouve ce dicton !).

  23. Lorsque vous tombez sur un chien méchant et con , vous avez là bien souvent l’image du maître !!!! Et lors des promenades on trouve de plus en plus de chiens méchants …………
    Pour répondre à Etincelle sur la chouette effraie … Il est vrai qu’elle peut nicher dans un trou d’arbre mais c’est quand même rare .
    http://claise.net/photo/files/2009/03/chouette-effraie.jpg
    Elle choisit plutôt un bâtiment .

  24. Sur la possibilité d’un hébergement pour l’itinérant, c’est effectivement à tester.
    Albert a sans doute raison de dire que ça ne doit pas être beaucoup plus compliqué aujourd’hui, les fermes sont seulement bien différentes et beaucoup moins nombreuses !
    Quand j’avais 15 ans, nous sommes partis sac au dos avec des copains dans le Haut-Doubs, notre cible pour la nuit était la cure !
    Souvent un très bon accueil, une fois le refus. Aujourd’hui, les curés aussi se font itinérants et il est sans doute difficile de compter sur ce moyen.

    Sur les difficultés de Jacques Lacarrière à ce sujet, il me semble que l’explication tient aussi à sa façon de rentrer en contact avec les gens : il dit à plusieurs reprises qu’il tait plutôt les raisons de son voyage, même son métier, ce qui n’est pas un comportement qui gomme la méfiance.
    A la campagne on aime savoir, peut-être trop rapidement, d’où « tombe » le nouvel arrivant, ce qu’il a dans le ventre, pouvoir le rattacher à une catégorie, même originale, est nécessaire. Cela est sans doute moins vrai dans les villes où l’anonymat est plus prégnant.

  25. Pas idiot ce que dit Christophe sur « l’entrée en contact » !
    Puisqu’il met en parallèle la ville et la campagne, j’ai relevé un passage, les paroles d’une fermière, qui montre bien à quel point il y avait (et il y a encore) incompréhension entre le monde rural et le monde citadin …
    La jeune femme me dira un peu plus tard : « C’est comme avec l’architecture. Maintenant, on ne peut même plus construire comme on veut. Il faut protéger les sites, les monuments anciens, nous dit-on. Les bergeries, si on les écoutait, il faudrait les refaire en pierres et en voûtes, comme autrefois, avec des toits en lauze. Autrefois, ça pouvait aller quand on avait des troupeaux de quarante ou cinquante têtes et qu’on pouvait en vivre. Mais aujourd’hui, si on veut subsister, il en faut au moins deux cent et des machines à traire. Comment voulez-vous traire chaque jour deux cent bêtes sans machines ? Tout ça, ça ne peut pas tenir dans les vieilles bergeries. Elles n’étaient pas prévues pour ça. Nous, quand il a fallu faire un hangar pour les bêtes, on a mis de la tôle ondulée. Tant pis pour ceux qui n’aiment pas ça. Si ça continue, il nous faudra vivre uniquement en fonction des touristes. On deviendra une vitrine pour les étrangers. »

  26. Quand j’étais gamin, il y avait un petit vieux (enfin, il me paraissait vieux) qui passait tous les ans dans le village et qui dormait dans l’une des granges. C’était un marcheur mais ce n’était pas « un étranger », les gens le connaissaient un peu. Je crois qu’il y avait beaucoup d’itinérants de ce type qui voyageaient beaucoup mais qui repassaient régulièrement (des rémouleurs par exemple).

  27. Pour avoir fait le tour de l’Oisans en plein été, je puis vous assurer que ce n’est pas la procession du tout et c’est vraiement une randonnée extraordinaire,loin de la civilisation sur les trois-quart du parcours pour ceux qui aiment un peu de solitude entouré de cartes postales de rêve….

  28. Et sais-tu pourquoi , Dan ?
    Parce que assez paradoxalement, il y a de plus en plus de monde en montagne mais de moins en moins de monde en montagne.
    Tous s’agglutinent autour des lacs ou sur les sentiers les plus faciles, les plus connus mais comme le goût de l’effort a pas mal disparu, les itinéraires plus longs, ou plus difficiles sont quasiment déserts.
    Je passe un temps inimaginable en montagne et je ne rencontre quasiment personne.
    En ce qui concerne le Tour de l’oisans, j’ai souvenir d’une étape ou je me suis fais un peu peur (entre la cabane de Champoléon et le refuge de Vallonpierre). 3 cols à passer et aucun itinéraire de secours descendant sur une vallée cas de pépin. Et pas une seule personne rencontrée de la journée. Seule de chez seule. Avant d’atteindre le premier (ou le deuxième col, je ne me souviens plus très bien), on est dans un endroit très minéral et le sentier n’est plus marqué. Seuls les cairns indiquent le chemin. Mais comme le parcours est peu pratiqué de nos jours, les cairns se laissent désirer. Quelques interrogations angoissantes !
    Ensuite entre le deuxième et le troisième col (ou le premier et le deuxième ?), j’ai du traverser un ravin en glace. N’étant équipée ni de piolet ni de crampons (normalement, à cette époque, il n’y en avait pas besoin) et bien là, oui, je me suis fait peur.
    Il faut bien comprendre qu’une situation difficile à plusieurs devient très difficile quand on est seul.
    Le mental joue beaucoup.

  29. Je voulais aussi rebondir sur le commentaire de 17h29 de Bernard.
    Tous ces métiers itinérants d’autrefois (Jacques Lacarrière en parle d’ailleurs) étaient nombreux.
    Un de mes amis me disait un jour, qu’à notre époque, les gens s’éloignent de leur famille pour exercer leur activité professionnelle, ce qu’il réprouvait.
    Finalement, « dans le temps », comme on dit, ces colporteurs italiens qui passaient tout l’hiver à sillonner la Provence et même jusqu’à la Drôme, loin de leur famille, faisaient bien pire (lire l’excellent livre La draille des colporteurs de Robert Vivian), parce que maintenant, on a le TGV. LOL.
    Tiens, la draille, un mot que Jacques Lacarrière a dit aimer.

  30. Juste pour dire que pour illustrer l’article d’Albert, j’ai mis une photo que j’avais faite ce printemps sur le causse Méjean car justement Lacarrière a traversé ce plateau caillouteux.

  31. Et on reconnait bien un terrain calcaire avec ses buis, ses roches calcaires et …
    L’absence de sorbiers, bien sûr ! :wink:

  32. Un passage du livre que j’ai énormément apprécié :

    « Quand je vins à mon tour m’asseoir près du vieux, dans la même attitude, si simple, si reposante, nous sommes restés tous deux à regarder le ciel, les nuages, longtemps, sans dire le moindre mot. Le soir, tandis que nous mangions à la lueur d’une lampe à pétrole, j’ai ressenti cette même présenc, juste et vraie, des choses quotidiennes : cette façon de couper le pain (un pain en couronne, dense et gris, que nous avons trempé dans la soupe), cette façon de le mastiquer, bouchée après bouchée, et cette façon aussi de découper la fourme, pour en goûter toutes les parties, les blanches et les bleues, les denses et les molles, et donc toutes les saveurs. J’ai rencontré sur ce plateau perdu un paysan heureux. Et quand je l’ai quitté, il m’a dit simplement : « vous marchez, c’est bien. Moi, j’aimerais pas être nomade. Je n’aime pas bouger de ma place. De toute ma vie, j’ai dû aller une dizaine de fois à Ambert. Si je pouvais, je resterai ici toute l’année. On a besoin de rien de plus pour vivre. Chaque fois, j’ai de plus en plus de peine à redescendre. »

    A priori, deux conceptions différentes qui s’affrontent : bouger ou rester sédentaire. Mais ces deux attitudes sont-elles si différentes au fond ? Partir seul sur les routes, n’est-ce pas quelque part aller à la rencontre de soi-même bien plus que des autres ? Cette introspection, qui est sans doute nécessaire à l’évolution spirituelle de chaque être humain, on peut y arriver aussi bien par le voyage en solitaire que par le fait de rester immobile assis sur le pas de sa porte. C’est l’histoire et le passé de chacun qui font que l’on choisit l’une ou l’autre des deux méthodes, et cela peut varier au cours de la vie de chacun.

  33. Je crois que lorsque je pars sur les chemins , c’est pour me retrouver avec moi même … Pour mieux m’ouvrir aux autres quand je reviens .

    Mon métier a fait que je suis devenu une espèce de machine que l’on allume tous les matins à 5 heures pour ne l’éteindre que l’après midi . Alors , me retrouver seul dans la nature , à observer à avoir des émotions fait que je redeviens humain pour quelques heures .
    Forrest Gump courait vers on ne sait où , moi dans ces moments là c’est pareil , je marche sans but , le temps n’existe plus ( ma femme me reproche assez souvent mes retards !! :smile: )à découvrir la nature comme pour la première fois , l’ordinaire devient avec les changements de saisons et de lumière extraordinaire à mes yeux . J’en oublierai même des fois de faire des photos , planté là devant un insecte un oiseau , comme lors du premier rendez-vous avec une amourette , d’un gars un peu ballot …. :blink:

  34. La solitude, choisie et non subie bien sûr, est extraordinairement enrichissante.
    Pour certains (j’en fais partie), ces moments de solitude avec soi-même, « quand le temps n’existe plus », pour reprendre les termes d’Yves, qu’ils soient « rester immobile assis sur le pas de sa porte » ou « voyager en solitaire « , pour reprendre les termes de Bernard, sont indispensables.
    Et pourtant, pour d’autres, rien que l’idée de se retrouver seul un moment est insupportable.

  35. Apprécier la solitude n’est pas quelque chose d’inné dans la société d’aujourd’hui. C’est sans doute quelque chose qui nécessite une initiation et le chemin pour y arriver peut être long, d’autant plus long que c’est à contre-courant de notre culture moderne occidentale.

  36. Contrairement à l’avis général, je n’ai pas l’impression que le but premier de l’auteur était d’aller à la rencontre des autres. Je pense même qu’il est passé à côté d’un grand nombre de rencontres intéressantes.

  37. Il y a derrière tout voyage de ce type quelque chose de très paradoxal : partir c’est un peu se fuir soi-même pour mieux … se retrouver ! J’ai du mal à exprimer ce paradoxe mais il me semble qu’il y a quelque chose de cela dans cette aventure solitaire.

  38. Je crois que l’auteur est parti pour se retrouver lui-même mais aussi pour aller à la rencontre des autres, mais que ce deuxième aspect l’a déçu, qu’il n’a pas réussi.
    Il le dit lui-même d’ailleurs et pense que cela est du au fait qu’il ne restait qu’une seule nuit au même endroit.
    Le voyage solitaire est le seul voyage qui permette, soit de se retrouver soi-même, soit d’aller vers l’autre, soi les deux à la fois.
    Dès qu’on voyage à deux, l’état d’esprit n’est plus le même.
    Je ne parle même pas du voyage en groupe, je n’en ai aucun expérience.
    Mais j’imagine que là, l’introspection et l’ouverture à l’autre (en dehors du groupe) est nulle.

  39. Deux amis de mon village sont partis en Mongolie en avion et sont revenus depuis là-bas en vélo, en prenant leur temps (6 mois environ). Dans certains pays traversés, en Iran par exemple, ils n’ont jamais déplié leur tente une seule fois, ils étaient toujours invités, sans rien demander, par un des habitants rencontrés. Inimaginable en France ! Question de culture ?

  40. C’est sans doute là que Jacques Lacarrière a raison, et il a roulé sa bosse le bougre, notamment dans une Grèce qui est un des pays les plus pauvres d’Europe.
    L’islam incite à ce don, c’est vrai ; mais les pauvres savent donner, ou à défaut, se faire tondre !

  41. Je lis qu’on est parti dans une réflexion sur l’introspection et le retour sur soi que peut permettre le voyage en solo ; bien ! :biggrin:
    Néanmoins, Bernard quand tu dis que notre société actuelle ne permet pas facilement cela, je crois que c’est à chacun de prendre du recul et de ne pas se laisser envahir par toutes les sollicitations extérieures. Après tout, dans ce blog, on voit souvent un article qui indique le stand-by pour quelques temps car tu pars t’oxygéner le neurone mais tu peux très bien l’envisager en restant dans la vallée de l’Ognon. :face:
    Par ailleurs, je crois que l’homme est un animal social et qu’il lui est difficile d’ignorer les autres. La société actuelle propose une kyrielle de moyen de communication tous plus « gadgetoïde » les uns que les autres ; mais il y a de moins en moins de contact humain direct.
    Encore une fois à nous de savoir prendre le large quand il faut ou quand le besoin s’en fait sentir. :cool:

  42. Animal social, l’homme ? Oui, mais aussi la femme et là, on commence par apprécier les contacts humains directs. :tongue:

  43. Jacques Lacarrière dit que plus il va au sud, plus les gens sont accueillants. Sans doute mais il n’a fait que croiser des gens au mieux l’espace d’une soirée. Mais d’autres disent aussi que plus au nord les relations sont plus longues à établir (ce qui explique les échecs relationnels de Lacarrière) mais certainement plus durables. D’autres encore, qui vont dans le même sens, disent aussi que les gens du sud t’ouvrent plus facilement leurs bras mais qu’ils ne les referment jamais. Vous en pensez quoi, vous, de tout ça ?

  44. C’est d’ailleurs ce que j’avais dit plus haut (21 octobre 8h36).
    Est-ce que c’est vrai ?
    On dit qu’il n’y a pas de fumée sans feu.

  45. Il n’y a pas de fumée sans feu …
    Et dans le sud, il y en a de la fumée. En Camargue, j’ai été effaré par le fait qu’on pouvait brûler des tas de pneus. Ce n’est pas la seule chose qui m’a choqué d’ailleurs. J’avais parfois l’impression d’être dans un pays de non-droit. Mais je m’éloigne du sujet …

  46. « Le pire des crimes, c’est le surplace, ne pas avancer, rester là comme ça, collé aux chaises et aux villes comme une chose stagnante, une glaire de vieux. Moi, je marche, je nomadis, j’erre, je vais. Toute marche est une marche spirituelle. »

    XAVIER GRALL

  47. Magnifique Christophe, merci pour ce partage!
    C’est bien la première fois que je trouve des limaces sympathiques !:wink:

    Une heure de préliminaires chez les limaces,
    deux heures d’étreinte chez les mille pattes,
    ça laisse rêveur quand même :w00t: :whistle: :wub:

  48. Oh là là !
    Une petite merveille cette vidéo.
    Christophe, tu as vraiment bien fait de nous faire partager cet extraordinaire moment.
    :wub: :wub: :wub: :wub: :wub: :wub: :wub: :wub:
    Effectivement, cela illustre parfaitement les lignes de Jacques Lacarrière, que j’avais transcrites dans un commentaire précédent mais que je retranscris une nouvelle fois :
    « Tout au long du sentier traversant cette forêt, je rencontrerai ces couples enlacés, fondus, soudés par la glu de l’amour, aveugles et sourds, lovés l’un en l’autre en des spirales inseccables. … Pour être fécondée, il faut à chaque limace les spermatozoïdes d’un autre mâle tandis qu’elle-même, en tant que mâle, éjecte les siens dans le vagin du partenaire. Ainsi connaissent-ils, ces mollusques, un plaisir double en une seule étreinte. Là, je crois qu’on peut véritablement les envier. »
    « Il aura fallu que, ce matin-là, je marche dans cette forêt toute perlée de rosée, pour m’attacher à ces amours molluscullaires, ces étreintes totales, qui laissent au cœur des mammifères uniséxués, déchirés, que nous sommes, un goût d’amertume, un sentiment de frustration devant les sensations insolites et intenses que vous devez connaître, ô limaces ! »

  49. La limace
    C’est vorace
    C’est coriace
    Mais aussi
    C’est cocasse
    Ca s’efface
    Quand on passe
    C’est poli
    Ca vous trace
    Des rosaces
    Pleine de grâce
    C’est joli
    Quand ça chasse
    Ca agace
    La tignasse
    Du persil
    Puis tenace
    Ca s’embrasse
    Faut qu’tout s’fasse
    C’est la vie.

    (Pierre Louki)

  50. Branchez-vous sur France-Inter… La belle voix de Jacques Lacarrière s’y fait entendre !

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