En ce moment, j’écoute énormément la voix d’Alfred Deller. Bon, je sais qu’il y a peu d’adeptes sur ce blog de musique classique mais tant pis, je distille ces petits dimanches musicaux au gré de mes envies et de mes coups de coeur du moment. Et s’il y a peu d’amateurs de classique parmi vous, il y en a encore moins qui apprécient la voix de haute-contre (contre-ténor), cette voix particulière qui a connu son apogée à l’époque des castrats (surtout italiens je crois), c’est à dire à l’époque de la musique baroque.
Alfred Deller avait une voix incroyable qu’il s’est forgée lui-même. L’une des plus grandes voix du siècle dernier. Au début du 20ème siècle (car il est né en 1912), le jeune Alfred s’est aperçu, au sortir de l’enfance, qu’en perdant sa voix de soprano lors de se mue, celle-ci gardait quand même un niveau très aigü et une grande élasticité. Alors, il s’est forgé seul une technique qui lui permettait de garder cette voix particulière (car l’enseignement de la voix de contreténor ne se pratiquait plus depuis longtemps et personne ne pouvait donc le former). Les plus grands contreténors du siècle figureront parmi ses élèves : James Bowman, René Jacobs ou Gérard Lesne.
Un jour, au cours de sa carrière, quelqu’un lui avait demandé « Vous êtes eunuque ? ». Et Alfred Deller avait répondu, non sans humour : « Vous voulez sans doute dire que je suis unique ? »
S’il a travaillé les oeuvres contemporaines (Benjamin Britten notamment), Alfred Deller fut surtout un défricheur de musique ancienne. C’est dans les oeuvres de Henry Purcell que je le connais surtout (le magnifique Music for a while étant l’un des sommets de son art) et j’écoute en boucle en ce moment certains disques de l’intégrale que lui a consacré les éditions Brilliant Classics.
Alfred Deller est mort en 1979 et bon nombre des enregistrements de l’intégrale Brilliant Classics concernent les années 50 et 60 (avec une qualité d’enregistrement que seules les éditions Vanguard étaient capables de faire à l’époque, Brilliant Classics ayant racheté les droits de diffusion à Vanguard … mais je reparlerai de ces disques dans les temps qui viennent). Sur Youtube, il existe peu de témoignages visuels d’Alfred Deller. En voici quatre qui semblent tous être enregistrés lors de la même séance.
Dans les deux dernières vidéos, Alfred Deller est accompagné de son fils Mark, lui aussi contreténor.
Bon dimanche à tous.
Bernard, est-ce que tu as déjà vu le film Farinelli de Gérard Corbiau, dans lequel on suit les tribulations d’un castrat, italien justement, comme par exemple sa rencontre mouvementée ave Haendel.
Si tu l’as vu, qu’est-ce que tu en penses (ou si quelqu’un d’autre l’a vu ) ?
Gérard Corbiau doit être quelqu’un de fasciné par la voix car il a fait un autre film sur un chanteur d’opéra, qui forme deux élèves. Ce film s’appelle Le maître de musique.
Tiens, comme j’ai le DVD à la maison, je vais le regarder dans les temps qui viennent. Merci pour cette idée.
Je ne regarde en moyenne qu’un seul film par an (j’peux pas être partout !). Et comme Etincelle m’en a déjà envoyé deux cette année et que je les ai regardés les deux, je devrais, statistiquement parlant, ne regarder le prochain qu’en 2011. Mais bon, là, je vais me forcer un peu pour Farinelli.
J’ai pensé en écoutant cette merveilleuse voix à Klaus Nomi …. Belle émotion .
http://www.dailymotion.com/video/x2792w_klaus-nomi-the-cold-song-live_music
Bernard tu me fais un immense plaisir en évoquant Alfred Deller.
J’ai eu un éblouissement la première fois que je l’ai entendu et écouté !
Novateur, il a réhabilité le répertoire des « contre ténors »,
découvreur il a remis à jour des partitions du grand répertoire vocal,
et il a inventé une méthode de formation vocale à partir d’une voix d’adulte.
C’est une voix particulière et unique, claire, pure avec vibrato qui s’approche de la voix d’alto féminine, mais s’en distingue par un velouté, un timbre singulier qui peut indisposer parfois, mais qui ne laisse pas indifférent.
Bien entendu on ne peut s’indigner de cette mode des castrats… qui utilisait des ados avant la puberté et qu’on « émasculait » de manière brutale et sans leur consentement parfois (!)… pour qu’ils conservent leur voix de soprano.
Et au-delà de cet attachement à la voix pure et enfantine n’oublions pas que l’Eglise fermait la porte aux femmes… sauf les petites filles… et que les castrats assuraient la présence d’une voix-féminine-sans-le-jupon !!! pour tenir le Diable à distance…
C’est un avis très personnel, mais cette méfiance à l’égard des femmes se retrouve dans des comportements actuels, inspirés par des lectures intégristes de textes religieux, au demeurant fort respectables… (là je mets le doigt sur un domaine délicat…. mais je n’en pense pas moins).
PS : un jour pourras-tu nous parler de Katleen Ferrier ? Belle voix d’alto grave…
Eh bien , tu vois Bernard, qu’il y en a qui apprécient …
Avec Emilien, je crois que tu as trouvé quelqu’un qui est sur la même longueur d’onde (contre-ténor) que toi.
Je connais beaucoup de gens, en fait, qui aiment ce type de musique. Et lorsqu’il y a un concert de musique ancienne vocale, il y a généralement du monde …
J’ai parlé dans mon article du magnifique « music for a while » sur lequel j’ai mis un lien. J’aurais pu mettre aussi l’autre morceau célèbre de Alfred Deller : « Ô solitude » du même Henry Purcell :
http://www.youtube.com/watch?v=-W9BMgup7-A
Hier soir, j’étais chez Brind’paille et nous avons d’ailleurs écouté ce « Ô solitude ». Hasard sans doute, ce matin je mettais en ligne un article sur Alfred Deller.
Suis pas sûr que les personnes qui s’intéressent à ce blog soient peu enclin à écouter de la musique classique.
Il me semble q »il est difficile de s’intéresser à la musique sans être éclectique : je me vois mal, gourmand comme je suis, me contenter de la cuisine franc-comtoise !
Au sujet de cette voix de haute-contre, j’adore ! C’est un timbre chaud, doux et autant certaines voix aiguës chez les hommes m’horripilent, là ce n’est pas le cas.
Les œuvres dans ce registre sont d’ailleurs souvent elles-même assez élaborées, douces… et ça colle bien avec l’arrivée de l’hiver.
Le film Farinelli est à voir et aussi le bonus vidéo qui explique comment la voix a été trouvée pour coller au film alors que les voix de haute-contre sont devenues aussi rares que le bon goût en politique.
Un extrait glané sur Wikipedia (Farinelli) : Un film intitulé Farinelli a été réalisé en 1994 par Gérard Corbiau. Pour reconstituer la voix du castrat interprété par Stefano Dionisi, on a fait appel à des techniques sophistiquées développées à l’IRCAM pour associer la voix d’un contre-ténor (Derek Lee Ragin) et d’une soprano colorature (Ewa Małas-Godlewska). L’enregistrement de la musique du film a été réalisé par le chef d’orchestre Christophe Rousset avec l’ensemble Les Talents Lyriques. L’enregistrement a été effectué à l’ Arsenal de Metz en juillet 1993.
Le travail technique est donc visible dans le bonus… impressionnant !
DEs personnes… peu enclines bien sûr !
Je ne sais pas vous, mais je fais beaucoup plus de fautes d’accord au clavier qu’avec la plume…
Quelle belle musique ! Quand nous sommes oppressés, réclamons à cors et à cris, cette musique et crions en choeur : « Alfred, de l’air ! » :whistle:
Décidément, Christophe, c’est la troisième fois que je constate que nous communiquons peut-être par télépathie tous les deux (Je ne crois pas spécialement à la télépathie !).
A peu près au moment ou tu mets ton commentaire sur les bonus du film Farinelli , j’ai envoyé un mail à Bernard pour lui dire de regarder ces bonus !
Hey Bernard , on est là pour découvrir et partager … Alors si tous les dimanches tu ne mettais que les derniers titres à la « mode » … J’irai certainement cliquer ailleurs !!
Après on aime ou on aime pas …. C’est une question de ressenti !!
Je confirme tes propos, Etincelle. Mais il y a une 1H04 d’écart entre le mail que tu m’as envoyé et le commentaire de Christophe. C’est donc de la télépathie « en différé ». Bravo pour ce nouveau concept ! :silly:
Ou alors trois autres possibilités :
– Christophe a le cerveau récepteur un peu out, ce qui pourrait être un état assez normal pour un dimanche matin ;
– Etincelle propulse ses ondes télépathiques plus vite que son ombre, ce qui ne laisse aucune possibilité au récepteur visé (Christophe) de les rattrapper à temps ;
– ou bien les ondes télépathiques se sont égarées entre la Drôme et le Jura, ce qui peut se comprendre vu la beauté des paysages.
– ou bien …. (il doit y avoir encore d’autres solutions, non ?)
:devil:
Début d’émission. STOP.
Confirmation récepteur endommagé. STOP.
Autres dégâts envisagés, examen en cours. STOP.
Mon ombre est plus rapide que moi. STOP.
Programme de secours téléempathie activé. STOP.
Etincelle dans le métamoteur. GRZZZzzzzzz… Schpouifff…
Enfin trouvé le temps d’écouter ce qui est proposé dans le dimanche musical d’aujourd’hui.
Magnifique !
Et plus particulièrement les duos avec son fils.
Emilien parlait des castras , j’ai trouvé ces phrases sur le site Contre-ténor.net
http://www.contre-tenor.net/articles.php?ID=6
Des parents n’hésitaient pas à faire mutiler leurs enfants pour subvenir à leurs besoins et offrir à leur progéniture une vie meilleur. On n’hésitait à trouver un prétexte médical pour opérer : chute de cheval, hernie inguinale … Mais les suites de l’opération étaient souvent fatales. Les archives donnent entre 20% et 80% de décès, selon les praticiens. Parfois, la vie de ses enfants était confiée à de simple barbier de campagne, qui en avaient fait leur spécialité. Les enfants à la voix prometteuse était « castrés » vers l’age 10-12 an, avant la puberté. Plusieurs techniques étaient employées selon les régions et les moyens. Dans le meilleur des cas, les praticiens ligaturaient les canaux testiculaires en faisant une incision dans l’aine quand d’autres pratiquaient en ébouillantant les bourses et d’autres n’hésitaient pas à pratiquer une ablation totale des testicules. Autant dire que l’opération était un traumatisme inaltérable pour l’enfant. A l’époque, le seul moyen de soulager la douleur pendant l’opération était d’arrêter la circulation sanguine au niveau des carotides pour que l’enfant s’évanouisse et de le plonger dans un bains de glace !
Moooonnn Dieuuu !!!!!
:sick:
Des Castrats … Pardon !!!
:blush:
A cette hécatombe décrite par Yves, celle de Brassens n’est-elle pas la solution à nos oreilles qui ne connaissent plus ce timbre de voix si particulier ?
« Ces furies à peine si j’ose
Le dire tellement c’est bas
Leur auraient mêm’ coupé les choses
Par bonheur ils n’en avait pas
Leur auraient mêm’ coupé les choses
Par bonheur ils n’en avait pas. »
Sinon j’ai une autre solution (j’aimerais quand même entendre un vrai castrat sans que Yves ne me critique violemment !) : une liste qui circule sous le manteau de quelques ministres, des patrons, des banquiers…
Ne reste plus qu’à leur apprendre à chanter, mais le plus dur est fait. :tongue:
Si j’ai suggéré à Bernard d’évoquer Katleen Ferrier, c’était pour faire une comparaison entre la voix de contre-ténor et la voix d’une femme contre-alto en quelque sorte. C’est dans les graves que cette alto trouve sa singularité. Là ou la voix de contre-ténor perd de son étrangeté…
De ce pas je vais aller écouter « The three Ravens »… je crois bien que c’est Deller qui l’interprète… ou alors je choisirai du Purcell…
Ma foi, ce serait bien que Bernard entende la suggestion d’Emilien pour un prochain dimanche musical.
Affaire à suivre donc ?…
Promis, il y aura une dimanche musical sur Katleen Ferrier. Et puis, je n’ai pas le choix à vrai dire : une demande d’Emilien + un rappel d’Etincelle, ça ressemble presque à une conspiration … !
Y’a pas un « h » dans Kathleen ??
Yes ! On est trois à avoir fait l’erreur !
Un de ces jours, faudra que j’écrive quat’ lin’ sur elle !
Sorry !
KATHLEEN FERRIER… c’est bien ça !
Tu peux écrire qut’lin et même plus sur elle… qui, selon la légende, était télégraphiste, et dont la voix particulière avait séduit un chef de choeur qui l’a fait travailler avec les résultats qu’on sait.
Belle histoire !
Qui finit mal car la maladie l’a emportée très jeune !
NB : Cecilia Bartoli est, paraît-il actuellement, légèrement perturbée par le regain de faveur dont bénéficient les contre-ténors… au détriment des mezzo…
NB2 : Yves a raison de souligner l’horreur de cette pratique (la castration)souvent fatale…
On pourrait aussi évoquer, dans le même ordre d’idées, les eunuques de l’Empire de Chine et dans l’Empire Ottoman, « préparés » et choisis, non pour leur voix, mais pour leur « impuissance »…
L’humanité a eu, et a encore, des facettes désespérantes… et on n’a pas tout vu !!!
Oui, de quoi vraiment désespérer à cause de certaines facettes de l’humanité.
Heureusement, il y a aussi d’autres facettes tout à fait enthousiasmantes.
Si seulement les deuxièmes pouvaient prendre le pas sur les premières !
je connais et ai écouté alfred et mark deller. leurs voix sont splendides mais, à mon avis, leur répertoire très ennuyeux…typiquement anglais…faut s’accrocher (pour sa conscience…) et, après have a nice cup of tea ….puis passer à autre chose….
farinelli est , toujours d’après moi, malgré les prouesses vocales éléctroniques, assez ennuyeux (trop de pleurnicheries et de remplissage) mais c’est MON avis et tout le monde peut en donner 1 différent sans se montrer agressif ( ok?)
J’aime beaucoup le répertoire anglais. Peut-être est-ce aussi pour ça que j’aime autant Alfred Deller car il est vrai qu’il ne s’écarte pas (ou presque pas) de ce répertoire. Je suis en train d’écouter l’intégralité des enregistrements de Deller et je dois dire que je prends un plaisir énorme à cette écoute. Peut-être que lorsque j’aurai pris tout ce que je peux retirer de cette musique, je m’en lasserai (comme Marie-Jo l’a dit dans son commentaire). Mais j’ai l’impression que ce jour est loin d’être là. Je reparlerai sans doute d’Alfred Deller dans les temps qui viennent (dans la rubrique « idée de cadeau de Noël »). Allez, je retourne écouter l’Alfred. Et en plus, c’est un prénom que j’aime beaucoup.
En relisant ce matin une biographie d’Alfred Deller, je me suis rendu compte que j’ai fait une erreur dans mon article. Alfred Deller est mort en 79 en non en 72. J’ai rectifié le texte. Cette année, c’était donc le 30ème anniversaire de sa mort.
En lisant un texte consacré à Deller, ce soir, j’apprends que la castration n’a été interdite par le Vatican … qu’en 1903 ! Jusqu’à cette date, on chantait donc les louanges du Seigneur (du Saigneur ?) avec un bistouri !
Grand moment en perspective : vendredi soir je serai dans le Haut-Jura pour un concert de Philippe Jaroussky chantant Purcell :
Magnifique !
Tu es un vrai veinard, Bernard (normal, ça rime ! ) d’aller à un tel concert qui m’aurait bien tenté si ce n’était pas si loin de chez moi.
J’espère que tu nous en toucheras deux mots.
Le dimanche soir est un moment particulier pour moi. Le week-end étant souvent calme, j’ai tendance à finir mon week-end avec des musiques du même tonneau : calmes, sereines, reposées, … Et Alfred Deller revient souvent dans ces moments-là. Ce soir, c’est avec la musique de Purcell. Mon Dieu que c’est beau ! Il faut avoir écouté « Music for a while » ou « Ô solitude » une fois dans sa vie. ça peut changer sa vie d’ailleurs ! :angel:
Zut, j’ai oublié de préciser la référence des disques que j’écoute :
http://www.abeillemusique.com/CD/Classique/MC194/0851950001940/Vanguard-Classics/Alfred-Deller-contre-tenor/Integrale-des-enregistrements-Vanguard-Volume-2/cleart-30362.html