DISCOGRAPHIE DE BOB DYLAN (7)
Depuis son concert mémorable de juillet 65, Dylan a entrepris une longue tournée avec les Hawks et pris l’habitude de se faire huer partout. En Angleterre, c’est pire, les spectateurs venus pour écouter Blowin’ in the wind et non de la musique électrique, sortent par centaines à chaque concert. Dylan n’en a cure, il est bien décidé à propager sa musique comme il l’entend. Au milieu de la tournée, Dylan épouse Sarah (qui n’est pas intéressée par le monde de la musique et qui l’accompagnera rarement dans sa vie publique, ce qui convient bien à Dylan, décidé à préserver à tout prix, et plus que jamais, sa vie privée).
Pendant la tournée, Dylan écrit de nouvelles bribes de chansons. En janvier 66, il entre en studio pour un nouvel album Blonde on blonde entouré de musiciens de Nashville (+ Robbie Robertson et Al Kooper qui étaient sur le dernier disque) ! Une fois de plus, tout aurait pu foirer dans cet album : le groupe n’avait pas répété avant d’entrer en studio, les musiciens étaient des vrais pros de la country mais ont été engagés pour faire un disque rock et Dylan, bourré d’amphétamines, les faisait poireauter des nuits entières… le temps de finir d’écrire les chansons. Pourtant le disque sera magique et sera considéré par beaucoup comme le meilleur album qu’il ait jamais écrit.
Le disque, le premier double-album de l’histoire de la musique, sortira en mai. Il débute par un morceau très festif Rainy Day Women#12 & 35 qui échappe à toute classification (« en fond sonore s’agite un groupe éméché, des cuivres retentissent, des gens s’esclaffent et Dylan apprivoise le chaos ambiant », d’après Robert Santelli). Dylan y chante sa célèbre phrase « everybody must get stoned » (tout le monde doit se défoncer) mais se défend dans les interviews « Non, ce n’est pas une chanson sur la drogue, je n’en ai jamais écrit et je n’en écrirai jamais, je ne saurais même pas comment faire. C’est seulement une chanson vulgaire ».
Cette chanson sera un véritable succès (n°2 dans les charts alors qu’elle fut censurée par les stations de radio américaines et britanniques) ainsi que deux autres titres de l’album : New Morning au rythme enjoué et Just like a woman qui est peut-être ma chanson préférée de Dylan (pour des raisons essentiellement musicales d’ailleurs, j’adore le changement de ton au 3ème couplet).
J’aime aussi ce blues rageur qu’est Memphis Blues Again et le côté mélancolique du dernier morceau de l’album Sad Eyes Lady of the Lowlands (j’ai rencontré un jour quelqu’un qui m’a dit que ce morceau faisait fureur à l’époque car il s’agissait d’un slow de 11 minutes. Damned ! Un slow de 11 minutes ! C’est peut-être bien si on veut aller jusqu’à faire un bébé à la danseuse, mais on peut aussi s’y emmerder à mort !).
On peut écouter ici quelques extraits de 30 secondes des chansons du disque et lire quelques critiques d’internautes.
Dylan sort de ce disque épuisé. Il lance l’idée d’un film documentaire sur lui-même avec comme finalité de « déconstruire sa carrière en détruisant la mythologie qui s’est bâtie autour de sa personne, pour en créer une nouvelle ». « Un anti-documentaire pour forger une anti-mythologie ! » (Robert Santelli).
Epuisé donc, il prend sa moto pour rejoindre son épouse à Woodstock. L’accident le guette au milieu de la route. Dylan, finalement, s’en sortira bien. Il fait alors le choix délibéré de disparaître de la vie publique. Pendant longtemps, la rumeur enfle : Dylan aurait perdu la mémoire, serait paralysé, peut-être mort !
40 ans après, Dylan considère cet accident comme un point de rupture dans sa vie. Il est aujourd’hui convaincu que l’événement qui aurait pu lui coûter la vie l’a en fait probablement sauvé.
Le Dylan des années 60 a définitivement vécu ! Robert Santelli vient d’ailleurs d’écrire une biographie qui s’arrête à cette date fatidique de 1966.
Mais évidemment, un nouveau Dylan reviendra l’année suivante.
J’ai écrit dans mon article que Just Like a woman était peut-être l’une de mes chansons préférées. J’aime surtout la musique et ne connais pas vraiment le sens des paroles. Mais voici ce qu’en dit Robert Shelton :
« JUST LIKE A WOMAN : en dépit de son attrait mélodique durable, cette oeuvre prète à controverse par son point de vue sur les femmes. dans le New York Times du 14 mars 1971, Marion Meade a écrit qu’il « n’existe pas de catalogue plus complet d’insultes sexistes » que cette chanson, où Dylan « définit comme traits naturels de la femme la cupidité, l’hypocrisie, les geignements et l’hystérie ». Le titre est une platitude de mâle qui a de quoi justifier la colère des femmes. D’après moi, Dylan ironise sur cette platitude.
Bill King voit ici « le plus beau poème de Dylan sur l’échec des relations humaines à cause des illusions créées par le mythe social ». L’auteur critique peut-être autant, implicitement, les phallocrates que la femme, ou les femmes, qui les lâchent. Roberta Flack en a enregistré une version complétement différente, dans laquelle elle convertit la chanson en une complainte pleine de compassion pour l’oppression de la femme et la profondeur de ses sentiments. Elle y parvient grâce à un changement dans l’interprétation, mais aussi dans le point de vue des paroles. Peut-être essayait-elle d’écrire une « réponse » basée sur la chanson originale. Réexaminez « Woman » à la la lumière de l’imagerie de « Blood on the tracks » (autre album de Dylan paru en 74), où douleur, pluie et soif sont aussi des allusions récurrentes, mais dans un contexte d’autocritique pleine de remords. Ses interprétations ultérieures, plus douces, de « Woman » étaient-elles une tentative pour dire qu’elle avait été mal comprise ? Un vers mémorable radoucit les contours tranchants « J’avais faim et ce monde était le tien ». Pour ceux qui voient des affronts sexistes, je recommande la version de Flack, soit comme relecture, soit pour rejoindre ensuite l’originale. »
J’ai loupé cet album dans mes prospections à la médiathèque… donc ne peux réagir en connaissance de cause.
Bernard, peux-tu présenter l’ensemble des albums de BD dans l’ordre chronologique que tu vas suivre ?
Depuis 2 albums on ne parle que des huées qu’il soulevait dans les concerts folks… Pourtant ses chansons faisaient de gros succès (si je ne me trompe pas)… Ne parvenait-il jamais à cette époque à « rencontrer son public » ?
Pour tenter de compléter le portrait de cet étonnant personnage qu’est Dylan et essayer de répondre (en partie) aux interrogations de Vincent (je cite toujours le dictionnaire du rock) :
Richard Fariña, chanteur et beau-frère de Joan Baez, dit de Dylan à cet époque qu’il donne l’impression, non pas de « brûler la chandelle par les deux bouts , mais de l’attaquer au chalumeau par le milieu ». Mythifié, adulé, Dylan rentre dans une « party sans fin ».
Sous l’influence de Dylan, la culture hippie commence à déferler dans le monde, entraînant les Beatles et les autres vers le mysticisme et l’introspection. Dylan devient le messie d’une nouvelle manière de vivre, levant, comme pour une croisade, quantité de jeunes occidentaux contre ce que l’on appelle alors le système.
Fin 1965, l’impensable est arrivé : Dylan est devenu une pop star.[…]
L’étonnant « Rainy Day Women # 12 & 35 » obtient, avec son rythme traînant, sa joyeuse fanfare et ses paroles rigolardes (« Everybody must get stoned », jeu de mots sut stoned qui signifie « lapidé », mais aussi « défoncé » en argot), un succès identique à celui de « Like A Rolling Stone ». L’album Blonde On Blonde est considéré comme un chef-d’œuvre à sa sortie.[…]
L’adulation entraînera chez Dylan un rejet complet, il supporte de plus en plus mal d’être pris pour un demi-dieu. Il s’amuse à narguer le public londonien et parisien (qui le siffle et le traite de Judas) en passant près d’un quart d’heure à accordé son instrument. Éreinté, vidé, oppressé par ses fans qui le harcèlent et attendent de lui la vérité, certainement drogué, Dylan se sent traqué. Le 30 juillet 1966, il est victime d’un grave accident de moto près de New-York. Sa Triuph 500 dérape à pleine vitesse, et il échappe miraculeusement à la mort, une de ses vertèbres cervicales est rompue. Le mythe galope, on dit Dylan mort ou bien, inversement, que l’accident est une simulation. Toujours est-il que durant dix-huit mois, Dylan disparaît de la vie publique, et ce silence va susciter les interprétations les plus diverses. En réalité, Dylan se réfugie simplement dans une maison à la montagne au dessus de Woodstock, bientôt rejoint par les musiciens de Band et leur famille, avec qui il va vivre un an en communauté.
C’est étonnant comment les versions de l’accident de Dylan diffèrent les unes des autres. Robert Santelli dit que « Dylan s’en sort avec quelques égratignures », Michka Assayas parle d’un grave accident et d’une cervicale cassée. Voilà entre autres ce qu’en dit Robert Shelton, le biographe le plus proche de Dylan et qui l’a beaucoup côtoyé, notamment à cette époque :
« Il roulait sur Striebel Road, non loin de la maison de Woodstock, pour aller faire réparer sa moto au garage, quand la roue arrière se bloqua, le précipitant par-dessus le guidon. On le transporta d’urgence dans la voiture d’un ami au Middletown Hospital, avec des vertèbres cervicales fracturées, peut-être une commotion cérébrale, et des contusions au crâne et au visage. Dylan seul sait au juste la gravité de ses blessures, et à quel moment de sa convalescence il s’aperçut qu’il voulait réfléchir, réorganiser sa vie, passer du temps avec sa famille et écouter le silence. L’accident marqua le début d’une retraite de sept ans et demi dans une existence plus tranquille ».
Ah ! quelle déception ! en lisant le titre j’ai cru que ça allait être un article pornographique
Moi aussi, je me suis fait avoir quand j’ai acheté le disque !
Et d’autres aussi, c’est d’ailleurs pour ça qu’il n’est jamais disponible à la médiathèque et que Vincent n’arrive pas à se le procurer !
A l’intention de Vincent et des autres que ça intéresse : voici les titres des cinq prochains disques dont je parlerai : John Wesley Harding (en décembre), Nashville skyline (en janvier), Self portrait (en février), New Morning (en mars) et Pat Garrett et Billy the Kid (musique de film, en avril).
Je ne dédie ça à personne, sinon Joëlle va me tirer les oreilles et Anne va continuer à penser que j’utilise le blog à Bernard pour régler des comptes sentimentaux !…
« Blonde on blonde » mérite quand même ce bonus (la chanson préférée de BD !)
Just like a woman – Bob Dylan – 1967
Interprétation : Jean-Louis Dubois
14 Novembre 2006
SIMPLEMENT, COMME UNE FEMME
Y’en n’a pas un pour ressentir la moindre peine
ce soir, alors que j’ai le regard fixé dans la pluie.
Tout le monde sait bien
Que ma chérie s’est achetée de nouvelles fringues.
Je me suis enfin aperçu
que ses rubans et ses fanfreluches
débordaient du tiroir.
Elle prends les choses simplement, comme une femme.
Oui c’est ça !
Elle fait l’amour simplement, comme une femme.
C’est bien ça…
Elle fait souffrir simplement, comme une femme…
Mais quand elle se brise,
elle est comme une petite fille.
La reine Marie, elle est mon amie.
Oui, je suis sûr que je retournerai lui rendre visite.
Personne ne doit s’imaginer
que ma chérie ne mérite pas une bénédiction
jusqu’au jour où elle prendra conscience
qu’elle est comme le reste du monde
avec son brouillard, ses amphétamines et ses perles.
Elle prend les choses simplement, comme une femme.
Oui c’est ça !
Elle fait l’amour simplement, comme une femme.
C’est bien ça…
Elle fait souffrir simplement, comme une femme…
Mais quand elle se brise,
elle est comme une petite fille.
Il pleuvait depuis le premier du mois
et moi je mourais de soif
alors je me suis jeté à l’eau…
Tes mensonges de longue haleine blessent
Quoi de pire ? Tout est douleur ici !
Je ne peux pas rester ici
N’est-il pas clair que je ne fais pas l’affaire ?
Oui je suis sûr qu’il nous faut nous quitter.
Quand nous nous reverrons,
quand des amis nous présenteront l’un à l’autre
s’il te plaît, ne leur montre pas
que j’étais affamé
Dans l’univers où tu régnais
Oui tu triches simplement, comme une femme.
Oui c’est ça !
Tu fais l’amour simplement, comme une femme.
C’est bien ça…
Tu fais souffrir simplement, comme une femme…
Mais quand tu te brises,
tu es comme une petite fille.
Jean-Louis, quand tu parles de BD, c’est Bob Dylan ou Bernard Dupont ?
Les deux, chef ! À chacun de s’y retrouver !