C’était il y a tout juste 20 ans aujourd’hui, le 13 juin 1989, Scott Ross disparaissait au terme d’une longue maladie. Un grand claveciniste nous quittait après avoir laissé un monument gravé sur disque : l’oeuvre complète des 555 sonates de Domenico Scarlatti. C’est un travail titanesque (et un défi sans doute) que s’était donné Scott Ross : enregistrer ces sonates en guère plus d’un an (juin 1984 à septembre 1985), à raison le plus souvent de deux sonates enregistrées par jour. La qualité d’interprétation des 34 CD qui sortiront est restée inégalée à ce jour.
Je me rappelle qu’au tout début des années 90, Roland m’avait prêté une cassette VHS. Il s’agissait d’une émission au cours de laquelle Scott Ross donnait une (ultime ?) leçon à l’un de ses élèves. Je me rappelle le côté pathétique de cette émission car je savais qu’elle avait été enregistrée quelques semaines seulement avant la mort de l’interprète. Scott Ross y apparaissait fatigué, malade, le regard vitreux. C’est en revenant tout à l’heure en voiture que j’ai entendu sur France-Musiques que c’était aujourd’hui l’anniversaire de sa mort. Je suis allé sur Youtube et j’ai retrouvé avec beaucoup d’émotion quelques extraits de l’émission. Vous pouvez retrouver sur le site toute l’émission qui est découpée en plusieurs tranches. Voici l’un des extraits de cette émission :
Je vous propose ensuite un extrait d’un concert que Scott Ross avait donné un an plus tôt. Il s’agit de l’une des fameuses sonates de scarlatti (K 209).
Oui, je sais, il n’y a qu’une personne sur cent qui aime le son crin-crin du clavecin. Tant pis donc pour ce que je vous inflige.
Renseignements complémentaires pour les courageux :
D’abord pour écouter l’émission de France-Musique de ce jour (dont je n’ai entendu qu’un très court extrait) :
http://sites.radiofrance.fr/francemusique/em/enfants_baroque/emission.php?e_id=16
Ensuite pour regarder l’intégralité de l’émission télé d’il y a vingt ans (divisée en 6 tranches) :
1 : http://www.youtube.com/watch?v=17AmCreOF5Q
2 : http://www.youtube.com/watch?v=pzICXrsNfx4
3 : http://www.youtube.com/watch?v=admwm9FLUWg
4 : http://www.youtube.com/watch?v=CV7u4hEkza0
5 : http://www.youtube.com/watch?v=DReB68fvfJ8
6 : http://www.youtube.com/watch?v=9RK2s3mRmZw
Pour connaître la discographie exhaustive de Scott Ross :
http://scott.ross.site.voila.fr/
C’est justice de rendre hommage à Scott Ross, ce claveciniste exceptionnel, emporté trop tôt par la maladie. L’émission dont parle Bernard était bouleversante. On sentait Scott affaibli mais inondé et rayonnant de musique, rassemblant toute son énergie pour prodiguer calmement des conseils à ses élèves, visiblement convaincu qu’il nous disait adieu.
Le clavecin ?
C’est tout de même, historiquement, le passage obligé qui a conduit au piano… ne l’oublions pas ! Oui, il peut paraître mièvre, ampoulé, métallique, grinçant, précieux… Les variations Goldberg, pour moi, sont mille fois plus émouvantes au piano (cf Glenn Gould par ex.) qu’au clavecin, mais n’oublions pas qu’une partition, comme une pièce de théâtre, est une proposition, un canevas jamais achevés, et qu’un instrument, un interprète utiliseront pour décliner une atmosphère, une couleur… la partition n’est pas un carcan, mais plutôt une fenêtre grande ouverte.
Ce matin, en venant bosser, j’ai écouté France-Musique en voiture, il y avait un très bel enregistrement inédit du claveciniste Scott Ross interprétant une oeuvre de Jean-Philippe Rameau.
Le disque CD présentant ce concert inédit donné par Scott Ross peu de temps avant sa mort, est joint au numéro de décembre de la revue Diapason à l’occasion du 20ème anniversaire de la mort de cet interprète. Voilà, c’était juste une info.
Découverte inouie…
Il est parti au milieu de ses chats et autres orchidées… Passionné de Glenn Gould, je trouve, à travers cette fin de reportage un musicien. Peut être pas un interprète car, l’interprétation se veut le reflet d’une composition. G.Gould disait que chaque interprétation est une réécriture d’une oeuvre. C’est celà un musicien. Chaque humeur, chaque pulsion, chaque pulsation doit servir la pureté, la beauté afin de transcender un sentiment d’infini, de « petit » bonheur simple de ce moment sacré.
J’avais tendance à plaindre l’auditoire (en fin d’émission) encravaté, pomponné, sentant sans doute bon le parfum rare…. alors qu’avec son pull roulé, sa barbe hirsute, ce phénomène distillait une musique incomparable.
Certains diront : sa maladie l’a emporté trop tôt…. Non ! Tout comme G.Gould, ils ont vécu ce que personne ne pourra vivre. Même en si peu de temps.
Je veux bien mourir la semaine prochaine si … j’ai cette capacité d’émotion, d’intuition, d’interprétation, de jouissance, de simple…joie, peut être.
Fabuleuse (fin) d’émission que je n’aie pu voir en entier (retirée). Mais moment inoubliable pour le piètre mélomane que je suis.
Je souris à lire que je ne suis pas la seule à m’être fait la réflexion sur le public ignare et insensible, à la mine rigide et fate… Dommage que vous n’ayez vu le reste de l’émission et notamment sa phrase assassine – bien qu’élégante – sur Glenn Gloud que je vous cite plus ou moins de mémoire : « quand je pense à certains énergumènes, dont ce Glenn Gloud, qui n’a strictement rien compris » … et découpe Bach comme un saucisson (il ne l’a pas dit comme ça, mais sa démonstration en trois mesures valait son pesant de cacahuètes). Je n’ai pas eu besoin d’aller réécouter les variations (que j’ai beaucoup aimé pendant des années) pour soudain, au détour de ces quelques notes, comprendre de plein fouet que, jusqu’alors, moi non plus, je n’avais pas saisi…
Effectivement, je me souviens que Scott Ross avait dit quelque chose de pas sympa sur Glenn Gould.
Pourtant, il me semble que dans la manière d’interpréter les oeuvres, il y a une parenté évidente entre ces deux artistes.
J’aime beaucoup Glenn Gould mais je dois dire que sa manière incisive de jouer les notes et de détacher chacune d’entre elles l’une de l’autre a quelque chose du coup de couteau. Alors la comparaison du saucisson, oui pourquoi pas !
Scott dit deux choses sur Glenn (je relaie pour ceux qui n’ont pas vu l’émission en entier) : qu’il n’a pas compris l’essence de la musique qu’il joue et que ne jamais se produire devant un public est signifiant (: « il y a un problème là »). C’est un avis, certes, qui n’empêche quiconque d’aimer le saucisson Et on ne peut pas manger du foie gras tous les jours … mais j’avoue que le dimanche matin au lit devant un Scott Ross imprévu, c’est tout de même le fin du fin. Avec un oeuf à la coque, évidemment.
Et rien n’interdit d’aimer à la fois les oeufs à la coque et le saucisson.
Absolument ! (Et le foie gras :tongue: ) … Bon dimanche à vous.
Après une telle intégrale Scarlatti interprétée magistralement par Scott Ross, il fallait oser s’attaquer à cette oeuvre ! Pieter-Jan Belder l’a fait et je suis plutôt séduit par le résultat (bien que je n’aie écouté que 5 ou 6 disques du coffret jusqu’à présent).
http://www.amazon.fr/Scarlatti-Int%C3%A9grale-Sonates-Clavier-Coffret/dp/B000V7UN68/ref=sr_1_11?s=music&ie=UTF8&qid=1297605209&sr=1-11
Quelqu’un connaît ce nouvel interprète ?
Plus d’infos (in english) sur le jeune talent : http://www.bach-cantatas.com/Bio/Belder-Pieter-Jan.htm
Tiens, en lisant l’article dont tu as mis le lien, je m’aperçois que j’avais aussi quelques disques sur lesquels jouaient Pieter-Jan Belder (et je n’avais pas fait gaffe qu’il s’agissait de lui), il s’agit de la « musique de table » de Telemann. Belder n’y est pas seulement claveciniste, il dirige aussi l’orchestre.
Ce coffret est un petit bijou :
http://www.abeillemusique.com/CD/Classique/BRIL94104/5028421941042/Brilliant-Classics/Georg-Philipp-Telemann/edition-Telemann/cleart-36665.html
Juste pour dire que ça me plait toujours lorsqu’une discussion repart sur un article ancien, cela arrive d’ailleurs souvent sur ce blog.
Merci pour les infos et contente d’être passée par là comme d’avoir suivi la discussion, grâce à l’émission d’Arte ce matin. Je suis contente d’avoir pu évoquer Scott Ross, car cela m’arrive rarement. Marrant aussi, car c’est la première fois que je commente un blog dont je ne connais pas l’auteur. A bientôt peut-être, sur un autre sujet. Y-a-t’il un moyen de s’abonner à ton blog, trouvé donc tout à fait par hasard?
Mimolette, je crois qu’en s’inscrivant au flux RSS (voir le lien ci-dessous), tu seras avertie automatiquement chaque fois qu’il y a un article (en général il y en a à peu près cinq par semaine).
http://www.leblogadupdup.org/feed/
Merci, c’est fait !
Mimolette au pays du gruyère? Pas de quoi en faire un fromage, diront certains; pourtant, j’ai bien l’impression que si …
Bienvenue, Mimolette!
C’est parce que je suis en train de travailler en réecoutant pour la enième fois l’intégrale de Scarlatti (généralement il me faut la semaine) que je suis tombé sur ce blog. Bientôt 2 ans de plus, mais toujours écouté. N’est ce pas une belle chose ?
Pour info : la leçon de musique télévisée citée plus haut est sortie en dvd dans la collection « les leçons particulières de musique », chez Harmonia Mundi. Un documentaire exceptionnel, à mon humble avis…
Sinon, je ne possède que « les plus belles sonates » (erato) de Scarlatti, par S. Ross, donc forcément, je rêve d’écouter la fameuse intégrale. J’ai vu qu’elle ne se trouve aujourd’hui que d’occasion, auriez-vous des infos quant à sa disponibilité ou sa réédition?
J’avais effectivement vu ces jours-ci que cette fameuse leçon de musique est parue en DVD.
L’autre intégrale, que je possède, est celle de Peter Jan-Belden, elle a été bien accueillie par la critique et je dois dire que je l’apprécie beaucoup. Je pense qu’il fallait oser publier cette intégrale alors que celle de Scott Ross fait référence sans doute pour longtemps encore. Mais ce n’est pas parce qu’on a atteint un sommet avec Scott Ross qu’il faut ne plus sortir un seul disque des sonates de Scarlatti. Sinon, on aurait plus jamais enregistré une symphonie de Beethoven depuis les enregistrements de Führwängler.
Heureuse de trouver ce blog (mais je ne sais pas du tout comment ça fonctionne ), ne connaissant personne avec qui partager ma fascination car c’est de ça qu’il s’agit :mon oreille qui ne supportait pas » le crincrin « du clavecin y voit maintenant dès les premières notes toutes les merveilles dont parle Scott Ross dans le dvd (ces cornes retournées !)et transforme en modernité (les wagons Pullman de la sonate K 209 je crois ) ce son qu’avant lui je trouvais vieillot. L’enregistrement de Scarlatti sur piano me semble plus fade,ce qui ne m’empeche pas de les jouer très mal au piano pour mon plus grand plaisir .
Geneviève, bienvenue sur ce blog ! Il faut sans doute du temps pour dépasser le côté « crincrin » du clavecin. Et même quand on s’y est habitué et qu’on en pense en avoir découvert les subtilités, il ne faut pas en écouter trop longtemps. Je crois que Scott Ross lui-même disait qu’il est difficile d’écouter plus de 20 mn par jour.