Depuis le début de l’hiver, j’ai vu circuler des tas de mails concernant le projet d’abattage d’arbres sur la commune de Noirefontaine, dans le secteur de Montbéliard (de St Hippolyte plus exactement). Ce projet d’abattage visait en particulier un très vieux chêne remarquable, qui borde un chemin et gêne le passage de gros engins (contrairement au « vieux chêne » de Brassens qui « vivait à l’écart des chemins forestiers, ce n’était nullement un arbre de métier … »). Le maire du village, peut-être tout simplement parce qu’il ne comprend pas vraiment qu’un vieil arbre plusieurs fois centenaire fait aussi partie du patrimoine communal, au même titre que le serait une vieille fontaine ou un monument, a longtemps maintenu son projet. Je n’ai pas signé la pétition qui a circulé (qu’aurait valu une signature de plus ?) mais j’avais envie d’apporter une contribution minime, et surtout différente, à la lutte contre le projet. Un soir, j’ai pris ma plume, enfin plutôt le clavier, et tapé un petit texte consacré à ce vieux chêne. Et puis les semaines ont passé…
J’ai appris récemment que le vieux chêne, contrairement aux autres arbres visés par le projet, serait épargné (ça reste au subjonctif, est-ce si certain que ça ?). Finalement, même si mon texte est très imparfait, je préfère le publier sur mon blog plutôt que de le laisser dormir au fond de mon ordi. Car d’autres arbres de bords de route sont menacés en Franche-Comté et le combat demeure.
Ce texte est écrit un peu comme une chanson, avec un refrain, mais je n’ai pas les capacités d’écrire une petite musique et laisse à la municipalité de Noirefontaine le soin de le faire. En scie majeure ou en scie mineure ?
Aux arbres, citoyens !
Dans le secteur de Montbé
Des arbres vont tomber,
Décision malheureuse !
Parmi eux, un vieux chêne
Va passer sous la chaine
D’une gross’ tronçonneuse.
Aux arbres citoyens !
Le chêne, ce doyen
Va-t-il donc rendre l’âme ?
Ce vieil arbre débonnaire
Plusieurs fois centenaire,
Va périr sous la lame.
Le chên’ de Noir’fontaine
Digue digue dondaine
Est-c’ que nous le gardons ?
Digue digue dondon
« Faut élargir la route,
Vaill’ que vaill’, coût’ que coût’
Mais l’arbre nous fait chier ! »
Alors, pour le trafic
Des camions et leur clique,
Il faut le sacrifier !
Aux arbres citoyens !
N’y a-t-il pas moyen
D’empêcher ce carnage ?
Pour la terre, notre mère
Opposons-nous au maire,
Evitons l’abattage !
Le mair’ de Noir’fontaine
Digue digue dondaine
Est-c’ que nous le vidons ?
Digue digue dondon
Ce chêne est un vieil homme
Aux racines difformes,
Il a l’air d’un vieux sage.
Le maire est un autr’ homme,
Son cœur n’a pas de forme :
Triste sir’ d’un autr’ âge !
Aux arbres, citoyens
Ce chêne, c’est notre bien.
Il va être sanglant,
Mais ses fruits resteront,
Car toujours nous serons
Gouvernés par des glands !
Moralité : (s’il y en a une !)
Les gens de Noir’fontaine
Digue digue dondaine
Sont pris pour des dindons
Digue digue dondon.
Effectivement, ce vieil arbre a fait l’objet d’un nombre non négligeable de messages électroniques pour appeler à signer une motion contre son abattage. Il est particulièrement étonnant de voir comment les gens s’émeuvent et se mobilisent quand on veut faire disparaître un élément de leur paysage proche et familier. Les arbres centenaires sont toujours génants dans les projets d’élargissement de route, comme s’il n’y avait pas de solution !!
Si l’on pousse la réflexion plus loin, on peut imaginer la préservation des arbres vénérables sur les bases d’un inventaire effectué dans chaque commune, mais alors quels critères retenir pour ces arbres ?
L’âge (bien sûr, il est centenaire voire pluri-centenaire), l’esthétique sans doute (il fait partie du paysage quotidien des villageois), l’histoire (il en a vu passer des maires et des aménagements et il est toujours là)…
Il y a encore beaucoup de bonnes raisons pour préserver un arbre, il existe une association qui se nomme A.R.B.R.E.S., et qui s’est donné pour objectif de répertorier ces vénérables ancêtres sur tout le territoire français. Son ancien président et l’actuel ont publié des livres pour présenter quelques spécimens remarquables.
Mais je sens que je m’éloigne de notre propos. Il semblerait que le vieux chêne de Noirefontaine, soit momentanément hors de danger, mais jusqu’à quand, tu l’as dit Bernard ?
Pour terminer, je vais évoquer l’existence d’un pied de fougère que je connaissais (c’est du passé) dans la haute vallée du Rahin. Ce pied unique car il était un hybride relativement rare, était déjà mentionné dans des documents des années 1930. L’automne dernier, je suis passé pour le voir et je l’ai cherché en vain. Des travaux forestiers avaient laissé de larges traces, mais de pied de fougère, il n’y en avait plus. Je ne désespère pas le retrouver cette année, mais mes chances sont faibles. Dois-je m’insurger, après tout, ce n’est qu’une « pauvre » fougère et dans ces forêts on n’en manque pas… de fougères. Dois-je regretter de ne pas l’avoir signalé aux forestiers et aux bûcherons, ceux-ci auraient pris des précautions adaptées, mais par ailleurs il existe depuis le début du XXème siècle au moins. On doit effectuer des travaux forestiers depuis bien longtemps dans cette vallée. Est-ce un coup de la malchance ?
En tout cas, la conservation de cette fougère n’était-elle pas aussi importante que le maintien de notre vénérable chêne de Noirefontaine ?
Moralité (s’il y en a une) :
On ne préserve que ce que l’on connaît bien, mais tous les villageois (même le maire de Noirefontaine) connaissent le vieux chêne.
Alors a-t-on un vrai projet pour ces arbres qui bordent nos routes et ornent nos places de village ?
Très bien la chanson, jusque dans la chute (…de glands !). Quant à la mélodie, pour moi c’était comme ça : « Lala lala la la… lala lala la la… »
Vincent, tu parles de la chute de la chanson (les glands). Pour faire le lien avec nos échanges sur Brassens, tu savais qu’il écrivait régulièrement ses chansons à rebours ? Il commençait souvent par la chute, puis écrivait les autres couplets « à reculons ». C’est une manière originale d’écrire, mais peut-être plus fréquente qu’on ne le croit. Dan et Dom m’ont offert un superbe recueil reproduisant les manuscrits de Brassens, c’est très instructif quant à son processus d’écriture. Mais bon, dans un article sur le chêne de Noirefontaine, on ne va pas revenir sans cesse à Brassens. Il va falloir qu’il nous lâche un peu la grappe ! Non, mais quand même !
Je me rappelle avoir signé il y a longtemps une pétition sur le net pour sauver les tilleuls de la chapelle de Villers-sous-Chalamont. Je reçois cet après-midi, plusieurs années après me semble-t-il, un mail de remerciement. Les tilleuls ont été sauvés ! Ils sont désormais classés, ainsi que la chapelle.
Comme quoi, ça vaut parfois le coup de se battre !
http://sauvonslestilleuls.t-tm.com/