LE COIN DU JARDINIER (8)
Nous sommes donc en pleine canicule et certaines plantes du jardin commencent de souffrir. Le jardinier est alors confronté à un dilemne un peu délicat : faut-il arroser ou non ?
La plupart des gens commencent à arroser très tôt, dès le printemps. Les légumes adoptent alors la loi du moindre effort : plutôt que d’aller chercher l’humidité en profondeur, ils ne développent qu’un système racinaire faible car ils trouvent en surface toute l’humidité dont ils ont besoin. Petit problème, une fois qu’on a commencé d’arroser : il va falloir arroser sans cesse, faute de quoi les légumes vont s’étioler (d’autant plus qu’ils vont avoir des besoins en eau de plus en plus importants au fur et à mesure qu’ils grossissent et que la saison avance).
Il y a par contre des jardiniers qui n’utilisent pas d’eau. Ainsi, la plupart de ceux qui ont la chance de pouvoir cultiver leurs légumes en plein champ n’arrosent jamais, d’abord parce qu’ils n’ont pas la possibilité de le faire mais aussi parce que les plantes s’en sortent généralement très bien (je l’ai constaté même pendant la canicule de 2003). Les tomates, par exemple, vont développer un système racinaire très important, de petites radicelles pouvant même aller chercher l’humidité à plusieurs mètres de profondeur.
Depuis ce printemps, je n’ai pas arrosé une seule fois mes tomates, mais aucune n’a encore souffert du manque d’eau (j’ai même déjà deux pieds qui dépassent ma taille et je mange des tomates depuis le 22 juin). Mais comme la canicule sévit en ce moment, qu’elle risque à priori de durer encore quinze jours au moins, j’ai décidé ce matin de mettre en oeuvre une technique que j’utilise régulièrement l’été, le plus tard possible, il s’agit de la pratique du paillage qui permet aux plantes d’avoir à leur disposition de l’humidité en surface tout en arrosant très peu.
Je suis donc allé ce matin récupérer de la paille dans les champs (on peu le faire facilement lorsque les moissons sont terminées et que la paille a été pressée, il en reste toujours un peu sur le terrain). J’ai ensuite mis une couche de paille autour de mes pieds de tomates et je les ai ensuite arrosés. Dans quinze jours, malgré la canicule, la terre sous la paille sera encore humide et je n’aurai plus besoin d’arroser de nouveau.
Un peu plus tard dans la matinée, je suis aller repiquer des petits choux que j’avais semés, en utilisant la même technique de paillage. En temps normal, il serait impossible de repiquer des choux avec de telles chaleurs. Le paillage par contre le permet, je l’ai souvent constaté. Et avec cette technique, les choux vont grossir très vite.
La technique est donc simple, gratuite, économe en eau. Elle n’a que des avantages, d’autant plus qu’il se développe sous la paille toute une vie organique intéressante à observer, avec des tas de petites bestioles qui sont de précieux auxiliaires pour le jardinier. Mais j’aurai l’occasion d’en parler plus tard.
Quand on sera devenu vieux, ce serait sympa si on pouvait aussi nous pailler, afin d’éviter qu’on se dessèche trop. Mais bon, je n’y crois pas vraiment. Alors, avec cette chaleur torride, quand je me dessèche un peu trop, j’aime encore bien appliquer la vieille méthode classique, éprouvée par des générations de jardiniers : je file chercher une bière ! Ce que je fais d’ailleurs sur le champ !
une bière à 11h19, c’est du beau !
C’est un peu la technique des « hommes bleus » du désert : pour se protéger de la chaleur et du soleil, au lieu de se découvrir (…et se gaver de bière !), ils rajoutent des couches.
Tu n’arroses pas, tu n’arroses pas… mais vu ta bonne « vieille méthode classique » anticanicule, tu dois en déposer chaque jour des litres d’urine au pied de tes tomates !
Drôle de fin de vie pour mes tomates : finir sur la paille !
Chapeau pour les tomates, le 22 juin.
Les miennes viennent juste d’arriver à maturité car j’ai mangé la 1ère aujourd’hui.
Dans mon jardin, j’ai la chance ou la malchance, d’avoir une terre très lourde et argileuse qui se déssèche rapidement mais seulement sur la partie supérieure, car si on creuse un peu (25 cm), histoire de casser la croûte, on retrouve une humidité suffisante pour procurer de l’eau aux plantes du jardin. Et comme toi Bernard, je ne fais pas d’efforts démentiels pour arroser. Je vais probablement essayer le paillage pour améliorer tout cela; merci pour ce tuyau utile.
Cela dit, je suis d’accord avec toi, au retour du potager une bière c’est très bien. Hier soir, c’était une « Blanche de Namur ».
J’aime beaucoup l’idée que la sagesse, l’attitude « juste », en matière jardinière (comme ailleurs), soit davantage dans le « laisser-faire » (en tout cas la « moindre intervention ») que dans le volontarisme à tout crin. Une forme de modestie (de confiance ?) si éloignée du tempérament occidental. Le plus grand art dans le geste simple, la justesse dans l’épure. Mais qu’il est difficile, souvent, de parvenir à la simplicité !!!
Moi, je connais des gens qui s’attachent tellement à leurs tomates qu’ils les « empaillent » aussi, mais pour les conserver sur leur cheminée… (en d’autres termes ils les taxidermisent)
PROVERBE « ECOLO »-JARDINIER :
« Mieux vaut la paille dans le jardin du voisin plutôt que la poudre que tu mets dans le tien »
A Albert : je n’ai pas vraiment de mérite à avoir des tomates dès le 22 juin, je protège mes jeunes plants au départ avec un dispositif qui s’appelle Wallo Water. Même à -5° C, elles ne gèlent pas. J’en parlerai un jour sur mon blog.
Et puis mes tomates proviennent de mes semis, je les change trois fois de pots avant de les repiquer, elles ne sont jamais stressées (ce qui n’est pas le cas pour les plants que l’on achète en magasin). Les stress qu’ont les légumes lors de leur repiquage provoquent souvent un arrêt momentané de leur croissance.
A Humeur badine : extraordinaire ton proverbe !
Vincent, en matière de jardin, on voit se dessiner aujourd’hui une certaine tendance à pratiquer, comme tu le dis, le non-interventionnisme (ou en tous cas le moins d’intervention possible) et de faire un peu plus confiance à la nature. C’est vrai également en matière d’arbres fruitiers, la tendance est aussi d’intervenir beaucoup moins qu’autrefois et de ne tailler les arbres que très peu. Mais comme tu le dis, il est « difficile, souvent, de parvenir à la simplicité !!! »
A propos d’arrosage, pensons aussi à récupérer l’eau du toit. En cas de fortes pluies, une cuve de 1000 litres se remplit en moins d’une demie-heure. Intéressant, non ! J’en ai installé une il y a quelques semaines.
En matière sylvicole (du temps où je suivais ça de plus près), il y avait également la même tendance avec « PRO SYLVA », un groupement internationnal d’ingénieurs forestiers pronant des méthodes « douces »… tout aussi rentables car beaucoup moins coûteuses en travaux.
A l’extrême pointe de l’Occident on retrouve… l’Orient.
Ben oui, la Terre est ronde !!!
J’ai parlé de paillage, mais on peut tout aussi bien mettre de l’herbe de tonte que des mauvaises herbes, l’important étant de protéger le sol d’une couche d’environ 5 cm d’épaisseur pour que l’humidité se conserve.
Tiens, ça me donne une idée : proposer aux « gogo-jardiniers » un paillage à base de fibres plastique… qu’il n’est pas nécessaire de renouveler chaque année. Ca devrait rapporter (à peu de frais) beaucoup de fric ! Avec des formes et des couleurs « branchées » (dont on changerait la « tendance » chaque année), ça devrait marcher !!!
Merci Bernard ! Dis… tu accepterais d’en faire la promo ? Alleeeeeez, steupléééééé ! J’te ferai moitié prix sur mon « plasti-paillage » si tu veux !
Parenthèse sur LA TOMATE :
A l’automne, quand châtaignes, courges et soupe au chou s’approchent des tables et des feux de cheminée, la tomate,p résente à tous les repas depuis les beaux jours, tire sa révérence. Les dernières de la saison gardent généralement encore un peu d’allure, mais si le galbe demeure ferme et le rouge étrangement vif, le sucre laisse sa place à l’acide, la pulpe se fait rare et la peau devient trop épaisse pour être naturelle. Ultime signe que Madame a besoin de vacances : elle est creuse, et ses malheureux pépins tournent au verdâtre. C’est la signature des cultures en serre, avec leur lumière artificielle et leurs perfusions d’eau trafiquée. Autant ne pas s’entêter et attendre le printemps prochain. La tomate a besoin de la chaleur du soleil, pas des ultraviolets qui dorent la pellicule et donnent l’illusion d’une bonne mine.
Le retoure de la tomate plein champ n’en est que plus délicieux pour le tomatophile. On guette tous les jours sur le marché les premiers arrivages. Variations des plaisirs : une demi-tomate de Marmande avec une pinbcée de sel de Camargue, un quart de la royale coeur de boeuf, une rondelle épaisse de noire de Crimée avec une larme d’huile d’olive… On les soupèse pour s’assurer qu’elles sont bien pleines, on en évalue la densité avec un petit balancier de poignet, on les renifle pour deviner leur goût avant de rendre le verdict : pour la salade de midi, à garder au frais pour ce soir, pas encore mûres… On sort alors le meilleur couteau et sa fine lame, on court chercher du pain frais et on vérifie les provisions d’huile d’olive. La tomate prend tout son sens quand elle est accompagnée de ces ingrédients incontournables, véritables partenaires de régalade.
Reste à choisir la présentation. En grandes tranches ou en petits dés, en quartiers entiers ou en demi-quartiers, avec ou sans le « nombril », à l’assiette ou dans un grand saladier collectif, il y a plusieurs écoles, et généralement chacun reste fidèle à son habitude. Parfois, c’est tout simplement la tomate qui décide. Un peu comme les grands crus, chaque tomate demande à être mise en valeur selon ses mensurations, son caractère et son pedrigree. La roma, ovale et régulière, bien rouge, se prête par exemple aux petits dés, tandis que la coeur-de-boeuf, énorme et dense, avec sa peau fine et fragile, prend toute sa majesté quand elle est présentée en grosses tranches pleines, presque saignantes.
Couper une belle tomate s’accompagne toujours d’une petite émotion. La première entaille donne immédiatement quelques indices : l’épaisseur de la peau, la résistance de la chair face à la lame, la quantité de jus, la couleur du coeur. La messe est dite, on sait à quoi on a affaire ! Rien de plus irritant que de s’être fait berner par une plastique de top model et de découvrir, une fois dans l’intimité de l’assiette, une chair farineuse et un ventre plein d’eau ! En revanche, quand la pomme d’amour tient ses promesses, celui qui l’a achetée ne peut s’empêcher de présenter la merveille au reste de la table, façon de bien réaffirmer son flair d’expert. L’invité venu de loin, et souvent de contrées plus fraîches, acquiesce alors avec une pointe d’admiration et avoue dès la première bouchée que, en effet, « c’est quand même aute chose ». Le goût, l’odeur, allons même jusqu’au prix, on est loin de ces tomates sans âme aux airs de dînette plastique que l’on trouve sous cellophane dans les supermarchés de « là-haut ». On compatit.
(Daniel Herrero, Perds pas le Sud, 2006)
Je ne connais pas Daniel Herrero, mais son texte sur la tomate est aussi savoureux que le fruit lui-même !
C’est un ancien joueur de rugby, ancien entraîneur de Toulon également, il est « reconnaissable » à ses cheveux bouclés, sa barbe blanche, ses grands yeux bleus, son bandeau rouge… et sa faconde méridionale toujours enjouée et truculente.
Tu as des pieds de tomates qui te dépassent ? c’est quelle variété ? …ou alors la taille ? …c’est quoi ta méthode de taille ?
Michèle, la question des variétés utilisées est importante.
Car je plante essentiellement des variétés anciennes qui sont, comme toutes les variétés anciennes « à croissance indéterminée ». Cela veut dire qu’elles continuent de grandir indéfiniment, tant que les conditions climatiques le permettent. Ainsi, les années où il n’y a pas de mildiou (difficile à éviter à l’automne), les tomates poussent jusqu’en octobre au moment du froid.
Les autres variétés, que l’on dit « modernes » sont au contraire « à croissance déterminée ». Ce sont des variétés dont la sève s’épuise au fur et à mesure qu’elle monte, elles ne peuvent donc pas dépasser une certaine taille. La plupart des variétés qu’achètent les gens sont de ce type. Ces variétés modernes ont une production plutôt assez groupée, de quelques semaines seulement, ce qui est génial pour le producteur mais qui présente peu d’intérêt, au contraire, pour l’amateur.
L’amateur privilégiera plutôt les variétés anciennes qui donnent jusqu’à l’automne. D’une manière générale, je ne pense pas que les variétés modernes de tomates présentent un quelconque avantage pour les amateurs que nous sommes (contrairement à d’autres variétés de légumes). Même la résistance des variétés modernes au mildiou est très surfaite, ce n’est pas toujours probant. Quant à la qualité gustative, y’a pas photo !
Donc, j’ai pour l’instant deux variétés qui dépassent ma taille, mais la plupart des autres variétés vont atteindre ma taille d’ici une semaine. L’une de ces variétés est la tomate berao (ou tomate arbre) qui est une variété ancienne. L’autre est une tomate cerise sweet 100. Cette tomate est un hybride récent et moderne, mais comme c’est une tomate cerise, il faut savoir que les tomates cerises sont très proches des tomates originelles et que leur caractère sauvage prédomine. Bien que moderne, cette variété grandit donc au même rythme rapide que son ancêtre sauvage, c’est à dire que c’est l’une des rares tomates modernes à être « à croissance déterminée ». Un peu compliqué, non ?
Quant à la taille, j’ai pratiqué des tas de tailles différentes, mais maintenant, je fais « au feeling » en tenant compte du plant qui est devant moi. Par exemple, quand le pied est très vigoureux, je laisse pousser plusieurs tiges (plusieurs « gourmands »), parfois cinq ou six, car sinon le pied atteindrait vite 3 mètres de haut.