Semaine vénitienne (3)

Troisième article consacré à la Cité des Doges. Ce troisième volet est consacré au JARDIN DE VENISE.

Le jardinier que je suis a de quoi être un peu perdu dans un lieu où l’eau et la pierre sont les éléments dominants. Peu de contacts avec la terre sont possibles dans cette cité lacustre. Je savais pourtant que l’une des îles de la lagune de Venise n’était qu’un immense jardin mais la plupart des ouvrages sur Venise n’en parlent pas. J’ai enfin découvert que cette île était signalée dans le guide National Geographic. Elle s’appelle Sant’ Erasmo et elle est facile à localiser sur la carte.

Le voyage en vaporetto est assez long car il faut traverser une bonne partie de la lagune. Le long du parcours, nous croisons des hauts fonds vaseux où se tiennent des aigrettes garzettes, des chevaliers et quelques autres limicoles. C’est assurément l’endroit le plus sauvage de la lagune.

haut-fond

L’endroit est d’ailleurs si sauvage que nous y avons croisé un bateau … de corsaires !

corsaires

Joëlle, Emmanuelle, mon frère Claude et moi avons été les seuls à débarquer sur l’île. Sant’ Erasmo n’est pas connue des touristes. Et pour cause : il n’y a rien à voir sur cette île, aucun monument prestigieux, aucun musée, pas d’oeuvre d’art … Rien à voir donc, sauf pour le jardinier en quête d’un peu d’espace cultivé. Il faut sans doute être un peu paysan pour aimer cette île. Et un peu naturaliste aussi car l’espace y est très sauvage …

jardin

Il nous a fallu une heure et demi pour faire la moitié du tour de l’île, c’est dire si cette île est importante en taille. Quelques centaines de petites maisons, tout au plus … Deux ou trois personnes qui circulaient sur de vieux vélos nous ont croisés pendant notre ballade. Et un ou deux jardiniers de ci de là, mais pas très nombreux à cette période de l’année  (ou alors, ils faisaient la sieste !).

jardinier

On cultive de tout sur cette île : des artichauts, des asperges, des poireaux, des salades, des tomates, des choux, des poivrons, des grenades, des nashis, du raisin, des herbes aromatiques, des figues, … Tout cela se retrouve sur les marchés de Venise sous l’appellation nostrani (« de chez nous »).

asperges

19 réflexions au sujet de “Semaine vénitienne (3)”

  1. Au XVII ème siècle, Venise était peuplée de 300 000 habitants, encore 260 000 dans les années 70.
    Les légumes étaient vendus sur des barques-étals ayant accosté au petit matin dans les différents marchés des six quartiers de la ville. Ces barques avaient été chargées durant la nuit sur les lieux de production de la lagune dont Sanr’Erasmo, ou du continent.
    Aujourd’hui, la population (sur le territoire correspondant) est de 70 000 dont un bonne proportion d’étrangers y vivant à demeure ou occasionnellement.
    Ce qui signifie qu’une partie importante de la population en a été chassée par effet conjugué de la montée des eaux et de la spéculation immobilière.

    « L’avenir et la sauvegarde de Venise passent par le maintien des populations dans leur habitat d’origine et des activités artisanales, commerciales et administratives qui permettent à la population de vivre. Contrairement aux idées reçues, le tourisme n’enrichit pas la ville et il contribue, par sa massification et sa pendularité, à chasser les habitants du centre historique |…]
    … les hôtels ont été autorisés à ouvrir des chambres dans des appartements situés dans des maisons voisines et le nombre d’appartements loués en tant que locations de vacances à la semaine, ne cesse de monter sans que la municipalité intervienne. D’où une flambée des prix de l’immobilier et des jeunes vénitiens qui n’ont d’autre choix que d’aller habiter en terre ferme, n’étant plus capables d’acheter dans le centre historique. » (Source Wikipedia)

    Les légumes vendus sur les étals viennent maintenant de plus en plus des grands circuits de distribution mondialisés.

    Torcello a cessé de produire. Sant’Erasmo ne produit plus essentiellement que des asperges et des artichauds…

  2. Je ne crois pas du tout que Sant’Erasmo ait cessé de produire ses légumes. Toute l’île est encore couverte de légumes, et pas seulement des asperges et des artichauts.
    Que les marchés de Venise vendent des légumes issus de la mondialisation, cela ne fait aucun doute, le nombre de touristes est tel que les légumes viennent forcément, dans leur grande majorité, d’ailleurs.

  3. Concernant l’augmentation du nombre d’habitants, il faut juste dire que les nouveaux habitants n’utilisent leur appartement à Venise que quelques semaines par an. On voit bien que bon nombre d’appartements sont vides lorsqu’on y va en touriste. La situation est vraiment dramatique : les Vénitiens de souche n’ont plus les moyens d’habiter Venise et les appartements qu’ils laissent sont utilisés par des étrangers quelques semaines, au mieux quelques mois, par an.

    Le problème est plus crucial à Venise qu’ailleurs mais d’une manière générale, le tourisme de masse conduit à ce genre d’aberration. Il en est ainsi de Belle-Ile où les habitants n’ont plus les moyens d’y vivre.

  4. Mais bien sûr, Bernard, qu’il y ait maraîchage à Sant’Erasmo est une évidence. Les photos que tu y a prises le montrent bien.
    Mais la question de la pérennité et de l’avenir de cette production agricole n’apparaît pas en photo. Elle s’étudie dans des écrits. J’ai cherché sur internet et n’ai pour l’instant pas trouvé grand chose, hormis à plusieurs reprises la mention des asperges et artichauts que j’ai citée.
    Mais rien quant à la production, en quantité pouvant alimenter le marché (local notamment), d’autres cultures légumières. Cela se comprend dans la mesure où la cuisine vénitienne est hautement consommatrice d’asperges et d’artichauts en particulier et sans doute de variétés typiques de ces légumes.
    Qu’une production individuelle d’autres légumes réservée à un usage privé (non-commercial) continue d’exister est tout à fait compatible avec le transfert de secteurs entiers de la commercialisation du local au mondial.
    Que crois-tu qu’il va se passer à terme dans cette tendance à la concurrence entre cette production locale et les produits mondialisés ?
    Exactement la même chose qu’il se passe dans la démographie et l’immobilier.
    L’hypermarchandisation non seulement des productions agricoles mais également de l’habitat, de la culture, de l’architecture, des paysages diurnes ou nocturnes, etc.
    Un ami italien et sa famille élargie on pu, il y a quelques années, acheter une maison d’architecte à une douzaine de kilomètres de Padou. Le propriétaire l’avait faite construire voilà 20 ans pour y venir en vacances avec ses enfants. Or, les enfants ont grandi. Et pour leur vacances, ils vont aux Seychelles…
    A Venise, quasi tous les appartements qui se vendent (appartenant souvent à de riches milanais ou américains) sont achetés par des russes, des saoudiens, etc.
    Il y a un moment que les vénitiens n’ont plus qu’à aller se faire voir ailleurs !
    Et Maria-Teresa en est le tragique exemple. Après avoir été locataire depuis plus de 55 ans (ses parents l’occupaient avant elle), d’un logement de 100 m2, Calle Lunga, à Venise (dont j’ai personnellement repeint, le salon-salle à manger, la cuisine et la salle de bains durant un mois de vacances), elle en a été proprement expulsée pour se retrouver dans un 30 m2 vétuste à Mestre, sur le continent.
    Cela l’a détruite
    Et depuis, Venise est devenue pour moi le paradigme d’une évolution du monde qui tue.

  5. La population de l’île Sant’Erasmo me semble plutôt modeste dans son ensemble et je ne pense pas que la culture de légumes soit très lucrative si j’en juge par le niveau de vie des habitants. Mais le cadre de vie est super. Alors ceci compense sans doute cela.

  6. J’ai trouvé des trucs intéressants :

    – La population de Sant’Erasmo est de 735 habitants.

    – Une présentation-photos de l’île en français avec mention de la culture des asperges vertes et des petits artichauts pour la vente locale
    http://www.campiello-venise.com/torcello/san_erasmo.htm

    – Il y a effectivement, ainsi que je le supposais, une variété typique à l’île d’artichaut (= carcioffo) : le Violet de Sant’Erasmo.
    http://www.carciofosanterasmo.it/index.html

    – Il existe une TVweb insulaire (où il y avait la messe et maintenant un concert,…)
    http://www.cercoiltuovolto.it/wp/web-tv/tele-santerasmo/

    – Une fresque sur la flagellation du Saint
    http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/5/57/Flagellation_St_Erasmus_Crypta_Balbi.jpg

    – Enfin et pour la musique (mondialisation quand tu nous tient), le vaporetto sur la lagune en direction de l’île : Hawaii… peut être ?
    http://www.meetingvenice.it/itinerari-venezia/itinerari-naturalistici/vignole-lazzaretto-nuovo-santerasmo.html

  7. Pourquoi mon commentaire affiche-t-il en gras la mention :
    « Votre commentaire est en attente de modération »
    Un nouveau truc pour éviter les pubs, les tordus, etc… ?

  8. Le problème technique est réglé. Quand il y a plus de deux liens, l’administration WordPress de mon blog considère qu’il peut s’agir d’un spam et dans ce cas me demande mon avis avant de publier le commentaire sur le blog.
    C’est une sécurité bien pratique car en général il y a des tas de liens dans les spams qui font de la pub pour les produits pharmaceutiques et autres.

  9. S’il te plaît, pourras-tu m’en donner un ou deux pieds sans trop te dégarnir ?
    Tu es au boulot ou en RTT ?

  10. A Yves : tu as vu, Annie (native de Rennes, la patrie aussi d’Alfred Jarry) a encore frappé !

    A tous et toutes : vous voulez aiguiser votre conscience, vous maintenir dans le qui-vive, trouver un appel d’air où vous réapproprier le langage et les espaces imaginaires, je vous supplie de prendre une heure pour écouter les « Affinités Electives d’Annie Le Brun » que France Culture a diffusé ce matin à 10 heures et disponibles durant une semaine.

    Annie Le Brun s’explique sur un certain féminisme… mais aussi sur :
    . le surréalisme
    . le roman noir
    . Sade, penseur incarné
    . la censure par la surabondance de l’information-marchandise
    . le formatage en cours des êtres, des espaces et des choses
    . l’imaginaire exproprié par le terrorisme du réel-rationnel
    . la détérioration du langage, devenant incapable de rendre compte de ce que nous vivons
    . le fait de dire « non » à ce qui asservit les êtres

    Nourrir nos amitiés et nos amours d’éléments de culture commune :
    http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/affinites/index.php

  11. Tiens, je ne connaissais pas du tout cette île !
    J’ai eu la chance de découvrir Venise cet été, et j’ai vraiment été séduite par l’endroit. Je craignais l’affluence des touristes, et paradoxalement ça ne m’a pas tant gênée. Dès que l’on s’éloignait des voies principales, nous traversions des ruelles vraiment calmes (il faut juste par contre avoir prévu un bon plan, nous y serions certainement encore sinon!)
    La seule chose qui m’a manquée, c’est un peu de verdure … Je ne suis pourtant ni naturaliste, ni jardinière, mais je me rends compte que la verdure finit toujours par me manquer.

  12. Impressionnant ce contraste entre les parois nocturnes de Venise et l’espace vers l’île-potager. Même en photo l’horizontalité me repose. Un contraste qui me rappelle un passage de « Voyage au bout de la nuit » quand Céline y décrit sa vision de New-York.
    Ce troisième volet vénitien m’a conquis et je sais déjà qu’une belle virée vers le large sera mon plaisir, vers Sant’Erasmo ou plus loin.
    Une chose m’intrigue : ce carcioffo, il est vraiment violet? Sans même une touche de bleu vénitien ?

  13. Bonjour Bernard
    Merci pour ces superbes infos sur Venise et ses environs. Je suis à la recherche de graines ou plan d’artichaut violet de sant’erasmo. En avez vous toujours ?
    Je suis dans la Vienne.
    Merci
    Zabou

  14. Non, désolé, je n’ai pas de graines.
    je pense que les graines d’artichauts violets se trouvent assez facilement dans le commerce, y compris en France.

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