Ce blog se met en congés et reprendra le lundi 11 septembre.
En attendant la rentrée, et pour ce dernier article de la saison, je propose à celles et ceux dont le neurone n’est pas encore endormi par la chaleur étouffante, un nouvel atelier d’écriture dont je rappelle les règles très simples : il s’agit d’écrire un texte à partir de dix mots imposés.
Vous pouvez donner à ce texte la forme et la longueur que vous voulez. Vous pouvez même vous imposer des contraintes supplémentaires : écrire en vers (et contre tout), mettre les mots dans l’ordre, …
Il n’y a rien à gagner … à part un bisou pour les filles qui passeraient pendant l’été à la maison (et encore, c’est plutôt moi qui y gagnerais dans ce cas-là).
Pour choisir ces dix mots (presque) au hasard, j’ai pris le dernier livre que j’ai aimé (« les ruines du ciel » de Christian Bobin, éd. Folio) et j’ai choisi à chaque fois un mot dans la première phrase des pages 11, 21, 31, 41, 51 …
abbesse – endormie – chapitre – marbre – pestilence – vitraux – écoliers – nonchalance – lecture – gamine.
Vous avez tout l’été pour bosser le sujet et continuer les discussions sur les autres articles.
Bon été à tous les fidèles de ce blog !
Dans l’ordre et en une seule phrase
Une abbesse endormie sur son chapitre restait de marbre face à la pestilence ambiante au milieu des vitraux de l’église qui avaient été réalisés par des écoliers habituellement réputés pour leur nonchalance au travail et pour leur aptitude à la lecture dépassant à peine celle d’une gamine.
Je crois que j’ai choisi des mots trop faciles ! :whistle:
Pas forcément !
C’est peut-être aussi que Sylvaine est très forte
En ce qui me concerne, il faudra attendre un peu mon (mes) textes (s).
Cela fera de quoi m’occuper à l’aéroport quand notre avion ne pourra pas décoller à cause des mauvaises conditions climatiques (on nous a prévenu, cela arrive souvent au Groenland !
Chemins croisés
Quoi de plus naturel qu’une abbesse au couvent ?
Elle y reste toujours, entourée de vitraux ;
Parfois tourmentée par des échos sépulcraux,
L’endormie n’y entend plus guère que le vent.
Le silence y règne en maître et, comme le marbre,
Figée, quasi morte, avec presque nonchalance,
Elle oublie le temps et sa propre pestilence :
La vie des reclus se déroule ainsi, macabre.
Ils n’entendent pas les jolis bruits de la vie
Les écoliers qui de l’école sortent ravis
Libérés de la lecture et de leurs pupitres
Plein d’envie, gamin ou gamine, le cœur à l’âme,
Ignore derrière le mur une vieille femme,
On a oublié sa vie, sa voix au chapitre.
Avec Yves, ça fait deux poètes sur ce blog !
Lors de ma lecture du roman de l’été, j’ai trouvé au chapitre trois une belle histoire que gamine, j’aurais pu vivre.
Loin de la pestilence des affaires de pédophilie qui émane de l’enseignement religieux en France et à l’étranger, c’est une belle histoire d’écoliers que l’on peut se remémorer avec plaisir tout au long de sa vie comme gravée dans le marbre de notre mémoire.
Jean raconte :
« Ce midi-là, je voulais échapper au repas dans le réfectoire car j’étais de benedicite. Ce n’était pas la seule raison de ma fuite. Le menu ne me convenait pas vraiment : sardines à l’huile en entrée, fayots-saucisse et tapioca en dessert. J’ai horreur des sardines elles me font des hauts- le-coeur. Les fayots empuantissent le dortoir et je n’aime pas être pris en flagrant délit de pet. Quant au tapioca, sa consistance déplaît à ma bouche pourtant gourmande. Je suis plutôt gourmet et apprécie tout particulièrement la cuisine de ma chère mère. Je ne comprends toujours pas d’ailleurs ce que je faisais à l’internat alors que j’aurais pu couler de douces soirées à la maison au bord de la Dordogne à quelques centaines de mètres d’ici.
Je m’étais replié dans les murs de l’abbatiale où se tenait un office qui semblait être un hommage au père François décédé une quinzaine de jours plus tôt. Le soleil de treize heures en ce mois de décembre faisait jouer la lumière au travers des magnifiques vitraux représentant la Cène. De ma cachette, j’apercevais le fervent public en prière quand soudain je la vis : la mère abbesse se tenait endormie dans une posture qui tenait de la nonchalance plutôt que de la rigueur habituelle de sa tenue. Je ne fus pas le seul à m’en apercevoir : assise sur les bancs latéraux jouxtant l’autel, un rayon de lumière l’éclairait tout particulièrement. Sur les bancs d’en face, une novice en tenue tentait désespérément de faire réagir les voisines de l’endormie afin qu’elles la poussent du coude. Ses mimiques et gestes se faisant de moins en moins discrets alors que tout le monde écoutait religieusement la lecture de l’évangile selon Saint Paul, le prêtre repéra son stratagème. Il haussa brutalement la voix. Cela fit sursauter l’abbesse qui faillit en tomber de son banc. Je ne pus m’empêcher de rire ce qui me fis prendre et ramener au réfectoire où je dus m’acquitter de mon benedicite dix fois, ingurgiter les horribles sardines à l’huile et le reste du repas. Il me fallut réciter dix « notre père » et dix « je vous salue Marie »avant de pouvoir rejoindre mes camarades et leur raconter avec malice et délice mon aventure méridienne.
Plus jamais nous ne regardâmes notre professeure de latin et grec de la même manière : elle avait tout d’un coup perdu de son autorité.
C’est un de mes souvenir d’enfance les plus marquant. Bien sûr j’attendis l’âge adulte pour le raconter en famille et encore pas devant les enfants.»
Gamine, en pension chez les soeurs, j’aurais aimé avoir l’audace de Jean mais j’étais trop timide pour oser échapper à tous ces rituels idiots que j’ai dû subir pendant des années. A posteriori, ce petit extrait de mon roman en cours me fait vivre l’instant par procuration. Vive la lecture !
Dans la nonchalance encouragée par ce banc installé dans le coin du jardin le plus calme, loin de la pestilence de la ville aux cheminées crachotantes, une gamine d’une douzaines d’années semblait avoir fui le chemin des écoliers. Elle était plongée dans la lecture de ce superbe roman pour enfant qu’est « Mon bel oranger » de José Mauro de Vasconcelos, avalant les chapitres avec une attention bien plus soutenue que devant un exercice de mathématiques inscrit au tableau noir par une abbesse rondouillarde à la voix rude.
De toute manière, la classe était le lieu où elle masquait par une fausse attitude concentrée, la tête entre les mains, ses belles périodes endormies où le rêve gravait dans le marbre de sa mémoire toutes les fantastiques histoires qu’elle écrirait plus tard. Plus tard? Oui, plus tard quand elle aurait le choix de faire ce qu’elle voudrait de sa vie, loin de ces vitraux marquant l’histoire religieuse de ce collège. Plus tard? Oui, quand elle rejoindrait la capitale et qu’elle ferait retentir le bruit des touches de sa petite machine à écrire dans sa modeste chambre de bonne. Plus tard quand elle n’aurait qu’une hâte : rentrer chez elle après une rude journée de travail pour animer ses personnages aux vies trépidantes. Plus tard …
Maïvon, tu n’as jamais écrit de romans ?
Non,pas encore…
« Mon bel oranger » ! J’aime ce livre, j’adore même !
Maïvon, tu as lu les deux suivants ?
Bon, me voilà revenue du Groenland.
Un peu moins chaud qu’ici :biggrin:
J’ai profité du voyage aller dans l’avion pour écrire 3 textes avec les mots de cet atelier d’écriture.
Le temps de les transcrire et je vous les présente …
La petite fille s’est retranchée dans la chapelle du couvent. Les murs épais de l’édifice l’isolent de la pestilence des algues en décomposition qui envahit l’atmosphère de la presqu’île. Assise sur le sol de marbre, juste sous les vitraux les plus beaux, elle se sent bien ici, loin des autres écoliers dont elle ne parvient pas à endurer les moqueries avec nonchalance. Au chapitre 5 de sa lecture, la gamine quitte son livre des yeux. L’abbesse, endormie quelques minutes plus tôt, la regarde maintenant avec bienveillance.
L’abbesse endormie sur le banc de la salle d’attente est réveillée en sursaut par les écoliers jouant à la marelle sur le carrelage en faux marbre de la pièce. Seule, une gamine avance ses devoirs en terminant la lecture du chapitre à lire pour le lendemain. Un caillou vient d’être lancé sur une vitre. Heureusement, il ne s’agit pas d’un des beaux vitraux de sa chapelle ! Pour ajouter au désagrément d’être ici, les toilettes de la gare laissent échapper une pestilence insupportable. Elle s’en veut de perdre sa nonchalance habituelle mais cette fois, c’en est trop. En ronchonnant, elle sort sur le quai malgré le froid glacial de ce rigoureux mois de janvier.
Marthe, abbesse du prieuré et professeur d’histoire, accompagne les écoliers dans leur voyage scolaire en Islande.
Au programme est prévue la visite de la cathédrale de Reykjavik. Quelle déception ! Que du béton ! Aucun ornement, pas de marbre, ni de statue, ni de tableau, rien. Et puis, les vitraux sont de simples vitres transparentes ! Le dépouillement total ! Ici, on est loin du style baroque.
Marthe gronde une gamine qui, avec nonchalance, vient de lâcher un pet dans ce lieu sacré et l’envahir de sa pestilence. Pour sa punition, elle devra recopier le chapitre consacré à l’Islande de son livre d’histoire et faire la lecture ce soir à ses camarades jusqu’à ce que toute la classe soit endormie.
C’est avec une certaine nonchalance que je prends la plume. A la lecture de ce que tu écris, voici ce que m’inspire ton retour du Groenland. Comment s’est passé le retour en avion ? J’imagine que pendant les moments où tu n’étais pas endormie tu as passé ton temps collée au hublot, à regarder telle une gamine, le monde vu d’en haut. Avec les vitres du hublot pleines de buée, as-tu vu ce monde déformé comme à travers des vitraux ? Jimagine que l’avion a fait un vol direct car ce n’est pas dans les habitudes des compagnies aériennes de prendre le chemin des écoliers. Loin de l’air pur du Groenland, te voila donc de nouveau dans la pestilence de notre monde pollué. Pour fuir de nouveau ce monde tel qu’il est, n’as-tu jamais pensé à devenir abbesse à Notre-Dame de Triors ? Quoi, ma proposition te laisse de marbre ? Désolé. Oublie tout ce que je viens de dire. Le chapitre est clos.
Même si d’habitude, je n’ai pas trop voix au chapitre, j’ai conscience que cette fois, je dois te répondre. Tu te poses des questions ? Je vais tâcher d’y apporter quelques éclaircissements.
Pas de vol direct pour le Groenland. Il faut faire escale soit en Islande, soit au Danemark Et oui, tu as bien imaginé … Telle une gamine, alors que la plupart des passagers, plongés dans leur lecture ou comme ma voisine de siège simplement endormie (comment peut-on ?), j’ai collé mon nez sur le hublot (pas embué du tout) pour admirer le Groenland et sa calotte glaciaire vu du haut. C’était grandiose.
Et je te rassure, c’était grandiose aussi vu du plancher des vaches (ou des moutons !). Certes, pas de monument historique à visiter, ni de cathédrale aux beaux vitraux, pas non plus de trésors architecturaux façonnés de la main de l’homme … Non, seulement ceux de la nature. Des fjords, des icebergs, des glaciers, des montagnes, des plantes extraordinaires, des rochers … Pas du marbre, certes, mais du plus pur granite … Des dalles de dizaines, voire de centaines de mètres. Un régal pour marcher avec nonchalance sans être obligé de regarder où l’on pose les pieds (contrairement à la toundra où la marche est malaisée).
Et puis tu as raison … Aucune pestilence de quelque nature qu’elle soit. Mais il ne faut pas croire, le Groenland n’est pas à l’abri des pollutions (métaux lourds, …) même si elles sont insidieuses.
Les écoliers étaient en vacances pour deux mois (comme chez nous), de retour dans leur famille car ils sont bien souvent internes très loin de leur maison.
Enfin, suite à ta suggestion, il y a bien d’autres alternatives qui me tentent avant de devenir abbesse (impossible !) pour échapper à ce monde de fou dans lequel nous vivons.
@ Étincelle. Oui j’ai lu « Allons réveiller le soleil »mais je ne connais pas une autre suite. Quelle est- elle? « Mon bel oranger » que j’ai lu à l’âge de 12 ans était mon roman préféré. Les émotions que ce roman à suscité en moi étaient très fortes. Je n’ai lu la suite que bien plus tard à l’âge adulte.
Au chapitre 3 de mon livre de lecture de CM1 que gamine j’ai étudié avec nonchalance, je retrouve le texte de l’abbesse endormie. Gravé dans le marbre parfois poreux de ma mémoire aux vitraux multicolores ce texte me fait reprendre le chemin des écoliers qui me menait de la pestilence de la tannerie familiale à la fenêtre sur le monde que représentait pour moi l’école. Merveilleuse république qui créa l’école publique, gratuite et obligatoire !
@ Maïvon …
Veinarde, tu vas pouvoir découvrir un autre livre.
Et oui, il y en a un troisième … Rosinha mon canoë.
C’est mon préféré, bien que j’aime aussi beaucoup Mon bel oranger
Et bien voilà que tu me donnes l’idée de relire ces livres.
Je les ai lus pour la première fois lorsque j’avais une vingtaine d’année, relus depuis plusieurs fois.
il sont précieusement rangés dans ma bibliothèque sur le rayon de littérature sud-américaine. Je ne m’en séparerais pour rien au monde (plus facilement que les Jorn Riel cependant )
A noter que Jorn Riel que l’on pourrait imaginer vivre dans un pays froid comme le Groenland vit depuis pas mal de temps … en Malaisie !
« … histoire de me décongeler » dit-il
D’ailleurs, il a écrit un livre, et un seul dont le cadre n’est pas le Groenland mais un pays chaud.
Livre auquel je n’ai pas du tout accroché alors que j’ai adoré tous les autres.
Loin de la pestilence de la zone industrielle locale, la gamine s’était endormie au doux son de la lecture du chapitre IX de la Bible par l’abesse en costume traditionnel . La jeune fille faisait partie de ce groupe d’écoliers gagné par la nonchalance de cette voix envoûtante égrenant les phrases complexes truffées de personnages si nombreux qu’il était quasi impossible de suivre le fil du texte. La fraîcheur du marbre de l’abbaye, seulement baigné de la douce lumière filtrant au travers des vitraux engageait au calme et au repos en cet été de canicule. Seul Marius restait agité aux côtés de son institutrice vigilante. Rien ne pouvait l’empêcher de faire toute sorte de grimaces pour essayer de faire rire les copains sans pourtant susciter de réaction.