Peut-être qu’un jour un virus fera des dégâts sérieux sur la population de la planète. Mais, visiblement, ce n’est pas le virus actuel qui le fera.
Par contre, bien plus que la crise sanitaire actuelle (qui est bien plus une crise de notre système de santé, de notre système de prise de décision, … qu’une véritable crise sanitaire), je vois arriver un danger bien plus grave : celui de notre système d’alimentation en lien avec le mode de production agricole.
J’ai déjà lu beaucoup d’alertes sur le sujet. Voici un ouvrage important qui est paru en 2020 sur cette problématique et qui synthétise bien les choses.
L’ouvrage « Vers la résilence alimentaire » qui a été produit par « Les Greniers d’Abondance » (collectif d’agronomes, chercheurs, anthropologues, économistes …) et publié aux éditions Yves Michel fait, dans la première partie de l’ouvrage, le point sur les menaces qui pèsent sur notre système de production de notre alimentation :
– changement climatique (modification de la croissance des végétaux, impact sur les ravageurs de cultures, problème de gestion de l’eau),
– érosion de la biodiversité sauvage et cultivée (problèmes de pollinisation, vulnérabilité et manque d’adaptation des plantes, …),
– dégradation et artificialisation des sols (sols érodés de moins en moins fertiles, pollution des sols, urbanisation),
– épuisement des ressources énergétiques et minières (dépendance de l’agriculture vis à vis du pétrole et des engrais, dont on sait qu’ils sont « non renouvelables »),
– instabilité énonomique et politique (niveau d’endettement global = 320% du PIB mondial, pauvreté des agriculteurs qui vendent leurs produits à perte, absence de repreneurs des fermes familiales, concentration de la distribution dans quelques mains …).
Et il faut rajouter à tout ça des tas d’autres choses toutes aussi importantes : le gaspillage généralisé de la nourriture, la spéculation alimentaire au niveau mondial (il y a parfois des bateaux entiers de céréales qui sont bloqués dans les ports, provoquant des pénuries, qui vont faire grimper le cours mondial des produits, c’est d’ailleurs le but recherché) et bien entendu le fait qu’il n’y a plus de lien entre agriculture et territoires (à ce sujet, la revue Zadig, dans son numéro spécial sur l’alimentation d’il y a quelques mois, a montré que dans le Morvan il n’y a que 4% de la nourriture consommée qui vient du Morvan).
Le constat global de ce livre est édifiant.
Ce livre m’a fait prendre conscience que la masse des menaces est telle que le moindre grain de sable qui viendrait perturber la fragile machine (ne serait-ce qu’une augmentation significative du prix du pétrole, une baisse de la croissance ou une crise financière) viendrait paralyser le système.
Je n’aime pas jouer les oiseaux de mauvaises augures, mais la probabilité d’une crise alimentaire majeure me semble importante. Ce sera peut-être dans quelques mois, quelques années, voire une ou deux décennies, mais tous les ingrédients sont là pour dire que cette hypothèse est largement crédible.
Bien sûr, le livre propose des mesures importantes pour sortir de la situation, notamment en lien avec les territoires. C’est la deuxième partie de l’ouvrage. J’en parlerai dans un autre article. Mais pour l’instant, j’avais juste envie qu’on discute du constat de départ.
Petit rappel : à un moment donné (en décembre 2019), j’avais annoncé que je parlerais sur ce blog du livre de Fabrice Nicolino « lettre à un paysan sur le vaste merdier qu’est devenue l’agriculture » mais au final je n’en ai pas parlé (explication : c’était au moment où j’avais annoncé que j’arrêtais le blog). Je sais que certains d’entre vous l’ont lu tout de même. En tous les cas, c’est un très bon complément au livre dont je viens de parler, car il peut aider à comprendre comment notre monde en est arrivé là.