Avec le Grateful Dead (1)

Un commentaire de Frusquin mis cet été sur le blog m’a incité à lire le livre d’Alain Dister consacré au Grateful Dead. Dans la foulée, j’ai réécouté tous les disques de ce groupe mais aussi plein de disques des autres groupes qui ont fait partie de cette belle aventure musicale qui a débuté dans les années 60 sur la côte californienne et que je connais plutôt bien, m’étant longtemps nourri de cette musique : Jefferson Airplane, Hot Tuna, Quicksilver Messenger Service, … Et je me suis rendu compte aussi, à la lecture du livre, que tous les musiciens du Dead avaient participé à plein d’expériences musicales et qu’ils avaient fondé d’autres groupes. Et comme les sites de streaming nous donnent maintenant accès à des millions de disques, j’ai exploré les musiques des « groupes associés » dont parle Dister dans son livre : New Riders of the Purple Sage, the Ratdogs , the Other Ones, Phil Lesh and Friends, Donna Jean Godchaux Band, etc…
Tout ça m’a pris bien plus que l’été et je suis encore à fond dans cette musique.

J’avais promis un article à Frusquin mais je ne savais comment m’y prendre, tellement le sujet me semble vaste. Alors ce sera plutôt une série d’articles et non pas un seul.

Quand je parle du Grateful Dead autour de moi parmi mes amis musiciens, peu de personnes connaissent ce groupe, si ce n’est quand même le nom. Il faut dire que les auditeurs français sont bien plus dans la musique qui vient d’Angleterre que dans la musique américaine.

Il n’empêche que, bien qu’assez méconnu ici, on a affaire à l’un des plus grands groupes du monde. Il y a plein de faits dans l’histoire du groupe qui vont dans le sens d’un groupe hors-normes et qui m’ont impressionné. Je ne parlerai que de ces aspects là aujourd’hui :

– le Grateful Dead a été la tête d’affiche du plus grand concert de l’histoire du rock  qui s’est déroulé le 28 juillet 1973 à New York (600 000 personnes, moitié plus que le festival de Woodstock).

– le succès du groupe ne s’est pas démenti au fil du temps. Alors qu’on ne parlait plus du Grateful Dead en France, le groupe est devenu l’un des plus gros vendeurs de tickets d’entrée au monde de toute la décennie des années 80 et le groupe américain qui a généré le plus d’argent par la vente des billets. Dans l’année qui a précédé la mort de Jerry Garcia et donc la fin du groupe (juillet 1995), le Grateful Dead a vendu 500 000 billets d’entrée.

– Il y a une immense communauté qui s’est agrégée autour du groupe. Pendant des dizaines d’années – fait unique dans le monde de la musique – il y a eu des kilomètres de caravanes et de bus décorés de peintures psychédéliques qui ont suivi le groupe dans tous ses concerts. Je consacrerai un article à cette communauté des Deadheads qui semble encore très vivante vingt ans après la disparition du groupe (je me rappelle que Cyril était venu faire un tour sur ce blog alors que j’avais écrit un premier article sur Grateful Dead il y a 10 ans, il anime avec beaucoup d’enthousiasme un forum sur le sujet en France).

– Chaque concert était immense, durait une partie de la nuit (parfois 9 heures d’affilée) et la fête avec la communauté pouvait avoir lieu cinq jours d’affilée. Le public était toujours en symbiose avec le groupe malgré les longs moments à s’accorder entre les morceaux, les solos étirés de Jerry Garcia (un solo de guitare électrique a duré 29 minutes) et le caractère démesuré de certains morceaux (l’un d’eux a duré 40 minutes au festival de Woodstock). C’était bien plus qu’un public : une grande famille ! On en reparlera plus tard.

– Le 9 juillet 1995, une semaine avant la mort de Jerry Garcia, le Grateful Dead donnait son 2 314 ème et dernier concert (en fait le Grateful Dead se reconstituera en 2015, le temps de 5 concerts d’affilée au début juillet, pour célébrer le 50ème anniversaire de la naissance du groupe). Chose étonnante – et là aussi je pense que c’est un fait unique – dans la plupart des salles de concert, il y avait un lieu qui était aménagé exprès pour que les amis – souvent équipés de matériel haut de gamme – viennent enregistrer le concert. C’est ainsi que bon nombre de concerts ont fait l’objet de prises sonores de haute qualité et qu’une partie de ces enregistrements a ensuite été éditée. On peut citer par exemple la fameuse série des Dick’s Picks (36 concerts enregistrés par Dick Latvala, ingénieur du son, certains des concerts sont sur 4 CD) et la série des Download. Tous ces enregistrements sont disponibles en streaming (Spotify, Deezer, Google Play …).

– En 1974, le Grateful Dead a inauguré le Wall of Sound, véritable mur de haut-parleurs qui faisait 7 mètres de haut et qui comprenait 641 enceintes. Au fil des années, d’autres enceintes étaient ajoutées, concert après concert, et ce mur a fini par atteindre 10 mètres de haut. Wikipedia dit à ce propos : « Afin de limiter l’effet Larsen, les micros des chanteurs sont doublés, l’un captant le son des haut-parleurs et l’insérant dans le circuit d’amplification après avoir inversé la phase du signal. Vu la technologie disponible à l’époque, le résultat obtenu est d’une qualité impressionnante ». En lisant la biographie du groupe, on se rend compte que ce n’était pas de la démesure (on s’en doutait un peu, ça ne colle pas avec ce type de musique) mais une volonté affichée du groupe de recréer, du point de vue sonore, les sensations obtenues par ailleurs par l’usage de drogues psychotropes. On en reparlera aussi plus tard …

En attendant d’autres articles et pour une première immersion dans la musique du Dead, je vous propose deux extraits de concerts de 1972, l’un en Allemagne, l’autre au Danemark …

https://www.youtube.com/watch?v=H6Uu57h7H18

… et un concert complet qui date de 1995 (quelques mois avant la mort de Jerry Garcia et la fin du groupe) :

Bonne écoute ! La suite … dès que je pourrai !

20 réflexions au sujet de “Avec le Grateful Dead (1)”

  1. Chose que je ne fais jamais, je viens de modifier l’article quelques heures après sa mise en ligne. J’ai en effet changé la dernière vidéo, il y avait pas mal de décalages entre l’image et le son sur celle que j’avais mise précédemment. Désolé !

  2. Grand plaisir de retrouver The Grateful Dead si longtemps après mes dernières écoutes !
    Je ne savais pas le dixième de leur parcours… passionnant.
    Il me faudra du temps pour explorer l’œuvre, en tout cas cette musique véhicule une joie qui manque fortement à notre époque.
    I’m grateful alive !

  3. oui, très belle musique et belle joie de vivre, j’en ai la dead à l’envers ! :silly:

    J’en profite pour dire à tous les adeptes du streaming de ce blog (le steaming nous permettant d’avoir accès à 35 millions de titres) que s’il y a un disque à écouter pour entrer dans le monde du Grateful Dead, c’est American Beauty, qui est un disque culte de 1970 et qui a fait l’objet d’un film. C’est un disque propre, léché, très country, pas forcément le plus représentatif des disques du Dead (il n’y a pas les longs solos de guitare de Jerry Garcia) mais c’est un disque séducteur par lequel on peut appréhender ensuite le reste de l’oeuvre. De toute façon, on l’a peut-être compris dans mon article, Grateful Dead était surtout un groupe de concert qui cherchait la communion (je dis cela dans le sens de « fusion ») avec ses auditeurs, bien plus qu’un groupe de studio (encore que, quand on écoute American Beauty, on sent qu’il se passe vraiment quelque chose).

  4. Merci beaucoup Bernard pour ce bel article et ton style de synthèse illustrée et enthousiaste. N’a tu jamais proposé un article à la presse branchée (Actuel, Planete….)?
    Je reste parfois toujours perplexe sur ce grand écart du Dead entre le traditionnel (adapté bien sur) Workingman’s Dead, History Bear’s choice, American Beauty (point d’orgue que tu recommandes) et les grandes envolées « délirantes » et novatrices: je ne peux citer que ce que je connais, Aoxomoxoa, Live Dead, Dozin’ at the Knick.
    Et puis, malheureusement pour notre époque, il y a les pochettes. Tout un style, tout un art.Un monument pop.
    J’avais trouvé, a Ljubljana en Slovenie, sur le bord de leur rivière, un petit disquaire
    qui vendait toute la collection,en 33 t ,quasi neufs, préssage américain, pour 150 Euros, déposée , m’a t’il dit par un journaliste revenant des U.S.A . Ça n’ intéressait personne, il me faisait un prix. Et ce jour là notre unique carte bleue décida de bloquer les dépenses (dépassement hebdomadaire).Priorité avec l’argent liquide restant pour les dépenses de premiere nécessité et concernant toute la famille…….

  5. Effectivement, grand écart à priori entre les quelques albums de country en studio dont tu parles (notamment Workingman’s Dead et American Beauty) et les grandes envolées des prestations live. Mais quand on regarde bien et qu’on écoute les disques live (par exemple la série des Dick’s Picks ou des Download), on s’aperçoit que ce sont surtout les morceaux issus de ces deux disques studios qui ont été joués en public pendant 25 ans. Mêmes morceaux donc que les disques studios mais développés, grâce à la guitare électrique de Jerry Garcia, en live. Ce n’est donc pas vraiment un grand écart comme il le semblerait a priori.

  6. Je reviens sur l’article du Monde ci-dessus. Comme bien souvent, ce n’est pas du travail de journaliste, l’article n’est pas bien documenté, c’est de l’amateurisme.
    Il y est dit « Voilà quarante ans qu’il ne s’était pas fait entendre sur la scène musicale »
    Or, Chuck Berry a donné des tonnes de concerts dans les années 90 et 2000 et a écumé les scènes du monde entier (il a même rempli l’Olympia en 2005, 2006 et 2007) jusqu’en 2011. Je me rappelle qu’il y a eu assez récemment (juste avant la mort de Bo Diddley) des concerts historiques d’anciens rockers réunissant Chuck Berry, Jerry Lee Lewis et Bo Diddley. Qu’un journaliste du Monde spécialiste de la musique ne sache pas ça, quand même !

  7. En fait, pour être plus précis, je me demandais il n’y a pas longtemps quand est-ce que Chuck Berry et Jerry Lee Lewis étaient morts, je n’en gardais aucun souvenir. Et pour cause : tous les deux sont encore vivants et bien vivants.
    Dur dur de vieillir.
    Comme quoi Joëlle a raison quand elle me dit « tu f’rais bien de prendre tes gouttes ! » :angry:

  8. Et Chuck Berry donc !
    Un de mes collègues est allé le voir il y a peu d’années : pitoyable. On amène l’ancien, on lui pose une guitare dans les pattes, il plaque trois accords, l’orchestre enchaîne et retour à la maison pour la marionnette dans les mains de ceux qui font fructifier une vieille mine d’or épuisée. Pas beau.
    Le disque annoncé serait-il de cette veine ?

  9. Dans les hommages aux vieux blues men celui rendu à Lighting Hopkins par
    Pigpen du Dead (album « History of the Grateful Dead, vol.1 (Bear’s Choice) ):

  10. Frusquin, tu fais de la télépathie ?
    Ce matin en me levant j’ai écrit dans mon coin un article (que je ne mettrai en ligne qu’en novembre) dans lequel je parle de Lightnin Hopkins.
    Il y a de ces coins si denses ! :wink:

  11. Comme on se retrouve Bernad !
    Ca fait plaisir de lire des éloges sur le Grateful Dead, c est tellement rare en France…. Il y a eue ces dernieres années dasn la presse une page ici ou la mais rien d entrainant pour les non initiés
    Il y a beaucoup a écouter et a voir. pour les concerts de 9 h… y en a eu un ou 2 a leur tout debuts peut etre, la moyenne est plutot a 3. Peu d albums studios sur 30 ans de carriere mais ils remplissaient facielement les salles sans avoir de disque a promouvoir et les musiciens n etaient pas trop a l aise avec le studio, preferaient roder un titre sur scene et aussi d’autres déboires.
    Au plaisir de lire des réponses !

  12. Super de te revoir ici. J’étais allé plusieurs fois sur ton forum de discussion, je m’étais demandé d’ailleurs je ne voulais pas y écrire un ou deux trucs sur les « dick’s picks ». Peut-être qu’un jour … :wink:

  13. Avec plaisir!! Faut accelerer nos contacts , tout les 10 ans ….
    Je te conseille le livre de Steven Jezo Vannier et tu sera incollable sur le Dead

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