La sagesse des vieux

Un article proposé par Etincelle 

Voici un extrait du livre Le vent des steppes (troisième tome de La longue Marche) de Bernard Ollivier.

« Dans nos pays occidentaux, les « vieux » ont été mis à la « retraite ». Poussés au bord du chemin. Non pas par respect dû à l’âge comme on le pratique ici, en Orient, mais par souci d’efficacité. Le « jeunisme » les a marginalisés. Les adolescents, la jeunesse soi-disant triomphante a provoqué chez nous presque autant de dégâts que la révolution culturelle ici, quand les apprentis sorciers disposaient, le petit livre rouge en main, de la vie et de la mort de leurs semblables. Les publicitaires ont vite compris que les plus jeunes étaient les plus malléables. Chaque jour on en voit les effets : des jouvenceaux, parés de toutes les grâces pourvu qu’elles soient « de marque », paient les violons d’un bal dont ils ne sont que les spectateurs. Vieux croûton chez nous, aksakals vénérés ici, je rejette l’une et l’autre étiquette, tout aussi excessive. Qu’on donne à chacun selon ses projets, son apport à la vie. Pour ma part, je joue l’avenir, quitte à briser quelques barrières. Me retirer sous ma tente ou dans une grotte, aujourd’hui, est totalement exclu. La sagesse pour moi doit être un engagement. Donc de l’action. Même si, de temps en temps, il faut faire une petite cure de solitude, prendre sa position d’isolement pour mieux revenir dans le monde.

En créant Seuil, j’ai réalisé un projet qui, désormais, me porte. Je veux montrer à notre monde « efficient » l’absurdité d’un système qui refuse les vieux qu’on repousse et les jeunes qu’on exclut.

Non, la sagesse pour moi, ne se trouve pas sur les hauteurs glacées du Pamir ou dans les sables brûlants des déserts d’Orient. Ma sagesse, c’est la vie, active et chaleureuse, de ceux qui veulent construire une société meilleure. Quoi, on voudrait que les retraités se reposent ? Rien à dire pour ceux qui le souhaitent, mais les autres ? Il faudrait que tout ce qu’ils ont appris depuis la petite enfance, leur savoir-faire professionnel, leur expérience des hommes et de la vie soient jetés aux orties ? Je ne suis pas prêt au retrait, mais au contraire tout disposé à croquer la vie en lui prenant ma part, toute ma part. Ma sagesse, voilà, je l’ai trouvée : c’est de ne pas être sage. ».

Que pensez vous de ce qui est écrit là ?

71 réflexions au sujet de “La sagesse des vieux”

  1. « En créant Seuil, j’ai réalisé un projet qui, désormais, me porte ».
    Il s’y connaît en matière d’ouverture, hihihi :whistle:

  2. J’ai pas mal de choses à dire sur cet article mais je préfère n’intervenir que lorsque d’autres l’auront fait (et en plus je file bosser dehors !).

  3. J’ai lu les trois livres de « La route de la soie », voyage merveilleux. Pas besoin de prendre l’avion pour s’évader. Un bon fauteuil et un peu de chaleur et nous voici parti à visiter l’ancienne route de la soie qui reliait l’Europe à l’Asie, entre Istanbul et Xi’an en Chine, pour les échanges commerciaux. Je recommande chaudement cette lecture, une très belle aventure humaine et historique. Je voudrais souligner que Bernard Olivier à crée l’association SEUIL, http://www.assoseuil.org/ structure d’accueil pour faire marcher les jeunes en difficulté. J’en avais parlé à un copain éduc fortement interressé, mais malheureusement pour lui, un certain manque de volonté le faisait glisser plus vers des horizons fait d’herbes folles ainsi qu’un descendant direct de Garguentua.

  4. Suivre cette route de la soie, avec les périples de Marco Polo par exemple, c’est une belle manière de voir les continents et la géographie.
    Je partage sans réserve ce qu’exprime ici Bernard Ollivier.
    J’y ajouterais volontiers que seuls les actifs qui contribuent à l’impôt dans le monde occidental semblent trouver leur place, mais trop souvent dans une forme d’aliénation au travail, ce qui implique finalement qu’aucune classe d’âge n’est sur le chemin de SA vie. Les excès de nos sociétés économiquement et politiquement dominantes ont malheureusement tendance à reproduire leurs déséquilibres partout…
    Alors c’est sans doute ce qui me paraît le plus important aujourd’hui : l’impasse dans laquelle sont plongées nos sociétés oblige beaucoup à reprendre un chemin moins débile, et ceux qui tarderont à sortir des grandes ornières risquent fort d’être inadaptés demain, et les éclaireurs qui en bavent souvent montrent que la satisfaction de besoins essentiels, humains, les rendent bien plus heureux qu’une « fashion victim » ou que chaque moment de la vie est porteur de puissance sociale : l’énergie des jeunes n’est pas celle des hyperactifs, le corps fatigué des anciens ne les empêche pas d’apporter une expérience irremplaçable, ceux qui balancent entre deux âges ont là deux moyens extraordinaires de ne pas s’écrouler dans l’effort.
    Mais si la sagesse est le thème central de cet écrit… Eh bien je suis curieux de savoir quelle en est la meilleure définition. Parce qu’il ne suffit pas d’être vieux pour être sage, pas plus qu’être juvénile ne suppose l’imbécillité et que le bon sens ne suffit pas à savoir marcher dans la bonne direction !
    D’accord aussi sur la nécessité de l’engagement, seule façon d’incarner une vie je crois.

  5. Je ne partage pas ce qui est écrit.
    Ou alors, je ne comprends pas ce texte.
    D’abord de quelle retraite s’agit-il ?
    De l’âge d’être en retraite ?

    Si oui, pourquoi l’auteur dit-il « les vieux ont été mis à la retraite ? » alors qu’en fait c’est l’inverse qui se passe, on retarde continuellement l’âge d’être en retraite.
    Et tous ceux qui le sont, à part les gens qui s’ennuient dans la vie, sont contents de l’être. Il y a quelques années, on entendait encore dire, de temps en temps, que les gens appréhendaient la retraite. Et effectivement, certains vivaient mal l’arrêt brutal de la vie professionnelle. Mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. Car la pression dans le monde du travail a terriblement augmenté et tout le monde a hâte que cette vie de pénibilité se termine. Je connais des dizaines de personnes qui sont sur le point d’être en retraite, chacun d’entre eux a hâte d’y être et toutes les études sociologiques montrent que les gens qui sont en fin de carrière ont envie qu’on leur lâche enfin la grappe. C’est un fait sociétal nouveau.

    Ou alors – et c’est plus probable – l’auteur parle des vieux mis de côté et ne parle pas spécialement de l’âge de la retraite. Et là aussi il a tout faux. Où a-t-il vu que les vieux sont mis de côté ? Tous ceux que je connais se donnent à fond dans des activités associatives d’intérêt général et leur rôle dans la société est parfois aussi important que lors de leur vie professionnelle. Ils ont le choix entre des centaines d’activités. Car le libéralisme a cassé des pans entiers de notre société, aussi bien dans le domaine social, que de la santé, que de l’environnement, etc… Et ces secteurs là seraient complètement à plat s’il n’y avait en face une force associative, constituée très souvent de personnes âgées, qui permet de remédier en partie à la casse généralisée et organisée. Le rôle des retraités n’a jamais été aussi important dans notre société. Et ce rôle-là me semble plutôt être reconnu.

  6. Il me semble que Bernard Ollivier dit la même chose que ce que tu viens d’exprimer. Que les personnes qui sont à la retraite ont, si elle le désirent, encore plein de choses à apporter à la société.

  7. Oui, c’est ce qu’il dit. Mais il dit aussi que les vieux sont mis de côté et, honnêtement, je ne le pense pas.
    Par contre, on ne laisse pas beaucoup de place aux jeunes

  8. N’empêche que les « vieux » (les « anciens » comme on dit chez nous) avaient bien raison.
    Cet automne, les anciens de la Haute Tarentaise annonçaient un hiver avec énormément de neige. Un hiver exceptionnel.
    Début décembre, toujours pas un flocon et le paysage était encore vert même en altitude.
    Evidemment, tout le monde s’est moqué des anciens.
    On rigole moins maintenant !
    On ne sait plus où mettre la neige qu’on déneige.
    A Val d’Isère, les routes autres que la rue principale du village sont fermées et interdites aux piétons et voitures.
    Les bus scolaires ne circulent plus. Les écoles et la crèche sont fermées.
    Pour monter de Bourg Saint Maurice à Tignes ou Val d’Isère, les autorités organisent des convois de voitures toutes les trente minutes avec entre temps la route fermée pour déclencer les avalanches.
    D’après mes enfants (qui vivent là-bas), c’est le gros bazar.
    En tout cas les anciens avaient raison !

  9. C’est vrai qu’on ne laisse peut-être pas beaucoup de place aux jeunes.
    Mais j’ai l’impression qu’il y a une catégorie de jeunes qui ne font pas non plus vraiment d’efforts pour trouver leur place.
    Evidemment, il ne faut pas généraliser mais il faut reconnaître que pour une partie de la tranche d’âge 12 ans-18 ans, les seules choses qui comptent aujourd’hui sont des futilités et lorsqu’ils s’en rendent compte, quelques années plus tard, eh bien il est trop tard.
    Lorsqu’à 20 ans on ne sait pas écrire correctement, ni faire une addition, ni savoir même si c’est une addition qui doit être faite, qu’on a aucun savoir-faire manuel ni aucun embryon de culture générale, il est bien difficile de ne pas tomber dans la délinquance pour survivre.
    Vous pensez peut-être que ce sont des exceptions ?
    Je ne le crois pas. Les prisons sont pleines de tels jeunes.

  10. Je suis d’accord avec toi sur la situation actuelle d’une partie des jeunes.Quand à 20 ans, on ne sait pas lire, écrire et compte, ça veut dire qu’on n’a pas encore le niveau CP. Que peut-on faire dans ces conditions ?

  11. Revenons-en aux vieux. Aux vieux sages ? Encore que, je me suis souvent dit que la limite était ténue entre vieux con et vieux sage. Un vieux con, c’est quelqu’un qui finalement se croit tellement vieux sage qu’il en devient moraliste.
    ça fait 20 ans que les vieux de 80-90 ans sont en retraite et, comme je l’ai dit dans un autre commentaire plus haut, je ne vois pas en quoi la société les a mis de côté. Simplement, c’est une génération qui a été globalement égoïste et qui ne s’est pas beaucoup impliquée dans les mouvements, associatifs ou autres. Je dis « globalement » mais bien sûr il y a des tas d’exceptions. Plusieurs personnes de cette génération sont relativement seuls aujourd’hui mais beaucoup d’entre eux étaient déjà seuls il y a 15 ans.
    Par contre ce n’est pas du tout la même chose avec les personnes qui sont aujourd’hui dans la tranche 60-70 et qui sont issus de la génération 68 avec un peu plus le sens du collectif. Tous ceux que je connais s’impliquent fortement dans des tas d’actions.

  12. J’essaie d’expliquer ce sentiment d’être mis sur la touche dont le passage cité par Etincelle nous parle abondamment.
    Peut-être un début d’explication : je pense qu’autrefois, les gens se sentaient plus utiles car les vieux étaient dans la transmission. Transmission d’expériences, de valeurs … notamment en direction de leurs petits-enfants (qui étaient nombreux et qui, bien souvent, n’habitaient pas bien loin, parfois sous le même toit pour une partie d’entre eux). Aujourd’hui, la transmission ne peut pas se faire au même niveau car d’une part, avec le fait qu’on ait deux enfants seulement en moyenne, le nombre de petits-enfants s’en trouvent considérablement réduits, et en plus il y a peu de chance pour que ces petits-enfants habitent vers leurs grands-parents. Ceux-ci ont donc bien moins l’occasion de transmettre, et en tous les cas ils ne le font plus au quotidien. la donne a donc complètement changé. Les vieux peuvent avoir alors ce sentiment d’être mis de côté. Mais cette mise en touche est avant tout mathématique.

  13. J’allais justement aborder cette question de transmission entre les vieux et les jeunes.
    Je crois qu’aujourd’hui, il y a une très grosse fracture entre ces deux générations.
    Tout simplement parce que ce que les anciens pourraient transmettre aux jeunes n’intéresse plus du tout les jeunes (qui vivent de plus en plus dans le virtuel).
    Il y a bien sûr quelques exceptions. mais dans l’ensemble, tous les savoirs faire, artisanaux par exemple, se perdent faute de personnes à qui transmettre.
    Jusqu’à maintenant, durant des siècles, les vieux apprenaient aux plus jeunes ce qu’ils savaient faire. Plus maintenant.
    Heureusement, il y a quand même quelques jeunes qui en sont conscients et désireux de ne pas laisser s’éteindre toutes ces choses transmises depuis des générations.

  14. Je pense qu’il n’y a absolument plus rien de commun entre la manière de vivre de maintenant et celle d’il y a 50 ans (avant 1960 pour être précis). Cela explique la fracture existante.

  15. A quel moment est-on un vieux ?
    Pour ce qui est des jeunes de maintenant et cette façon de toujours les stigmatiser .
    A votre époque , il n’y avait pas de cancres ? A mon époque si .
    Lorsque j’ai été en apprentissage au milieu des années 80 , il devait y avoir dans ma classe à peu-près 10% des élèves qui savaient lire , écrire et compter . Ça n’a pas empêché ces gars en difficulté scolaire de trouver du boulot dans les entreprises du coin où comme marin-pêcheur . Maintenant qu’est-ce qu’on leur propose à nos jeunes en difficulté scolaire ? Rien !! Les entreprises débauchent plus qu’elles n’embauchent et on brule les bateaux au lieu d’en construire , si on en construit comme ici à Concarneau , c’est pour l’étranger . Pour ce qui est de l’apprentissage comme par exemple charcutier, boucher ou boulanger . Dans combien de villages il n’y a plus de commerces de ce genre ? Dans le village où j’ai vécu ma jeunesse , il y avait trois charcuteries et deux boulangeries pour 900 habitants . Maintenant à 10 kilomètres de là , il y a un « super-Leclerc » qui a bouffé trois de ces commerces , ce qui fait donc trois lieux d’apprentissages en moins pour les gamins du village . Pourtant dans ce village , il y a de plus en plus de gamins car de 900 habitants dans les années 80 , ils sont passés à un peu-plus de 2000 cette année . Alors les gamins en difficulté , on en fait quoi ? Déjà qu’on a du mal à donner du boulot aux premiers de la classe …

  16. J’ai plus tendance dans mes propos à stigmatiser les vieux actuels que les jeunes.
    Mais la situation des jeunes est dramatique. Ce qui a profondément changé, et ça transparaît dans tes propos Yves, c’est qu’il y a trente ans, et peut-être vingt ans seulement, on pouvait trouver du boulot en étant dernier de la classe. Aujourd’hui, c’est impossible car même les boulots de base sont plus pointus qu’avant. Et même s’il existe encore des boulots où il n’y a pas besoin de savoir lire, écrire, compter, c’est tellement moins qu’avant !
    Je me fais infiniment plus de soucis pour les jeunes à venir que pour les vieux actuels.

  17. D’ailleurs bon nombre de vieux actuels n’ont aucune solidarité et n’ont pas hésité à mettre leurs parents dans des maisons de retraites qui sont de véritables mouroirs (pour la plupart d’entre elles).

  18. Il y a du vrai dans tout ce que dit Yves.
    Et ce qui est vrai aussi, c’est qu’il était plus facile il y a quelques années, ou quelques dizaines d’années de s’en sortir sans aucun « bagage » comme on dit.
    Comme tu dis, maintenant, c’est dur pour les premiers de la classe (je connais une jeune ingénieur qui est toute contente car elle vient de signer son premier CDI à 1500 euros net mensuels), alors pour les « cancres  » !
    Ces enfants qui n’avaient pas envie de travailler à l’école, et pourquoi pas, tout le monde n’est pas obligé de rentrer dans le moule, n’étaient pas contre le fait de faire un travail manuel.
    J’ai l’impression que maintenant, ils ont un peu moins envie.
    Dans mon village où nous avons encore la chance d’avoir une boulangerie, le boulanger n’arrive pas à former un apprenti car ceux-ci abandonnent très vite. Il faut se lever tôt, etc …
    Pour la récolte des fruits pendant la saison d’été, tous les jeunes du village (dont mes enfants) travaillaient l’été, bien contents de se faire quelques sous. Tout ça c’est fini. Chaque personne que l’ANPE envoie reste un ou deux jours puis abandonne. Il faut se lever tôt et aussi venir tous les jours …
    Résultat, les fruits sont ramassés par des nord africains qui viennent passer la saison d’été ici et repartent à l’automne chez eux.
    Je peux vous assurer qu’ils ne sont pas fainéants et charmants par dessus le marché.
    Le problème n’est pas tant de ne pas avoir envie d’apprendre à lire, écrire, etc bien que ce soit quand même un problème car sacrément handicapant dans notre société, mais c’est de ne pas avoir envie de rien.
    Je ne pense pas avoir spécialement une « dent » contre les jeunes bien au contraire, je fais dans la mesure de mes moyens pour les aider mais franchement, il y a eu une cassure à partir d’un certain moment.
    C’est juste un constat.
    C’est triste pour eux, pour nous et pour tout le monde.

  19. Il y a un peu moins de trente ans, lorsque je suis devenu travailleur agricole (dans le bio, ce qui était plus rare), la situation que décris Etincelle était la même : aucun des jeunes chômeurs provenant de l’ANPE ne tenait plus de deux jours. C’était en Alsace, le patron était très ouvert, le travail dur. 95% de la main d’œuvre provenait de la ZUP du bourg d’à côté, essentiellement des Algériens et des Turcs, essentiellement des femmes…
    Je suis convaincu que la situation a bien changé, mais pas nécessairement dans le rapport entre les générations, ni dans la pénibilité du travail.
    En revanche, il est évident que l’on a totalement troublé l’image du niveau de formation par rapport aux compétences nécessaires. Bien sûr, l’essentiel des emplois relève désormais du secteur tertiaire mais sans qu’à mon avis des diplômes BAC + epsilon n’y comptent pour beaucoup. D’abord, pour ce niveau d’étude bien supérieur au passé, le salaire reste souvent faible sauf filières lucratives. Ensuite, beaucoup de personnes de niveau Bac ne maîtrisent pas totalement les compétences d’un CM2 d’il y a trente ans ou celles d’un certif encore plus daté.
    L’excellence, les taux de réussite apparents masquent le pire.
    Par exemple, en ce qui concerne le niveau CP dont parle Bernard, c’est celui des personnes souffrant d’un handicap mais capables de soutenir une cadence. Ces personnes travaillent pour les entreprises avec des objectifs de rendement, des salaires proches des minimas sociaux, et elles sont nombreuses.
    Je vois mal une personne sans handicap pouvoir entrer en compétition avec une telle main d’œuvre. Les travailleurs sans papiers constituent une part importante de la main-d’œuvre ouvrière et pendant ce temps, de nombreuses étudiantes (de jeunes hommes aussi), se prostituent pour accéder au… Smic.
    Si les anciens ont aujourd’hui quelque chose à transmettre aux jeunes, en dehors de valeurs telles que la solidarité, c’est aussi la nécessité de dire non, et de se désolidariser ! Les associations sont elles-même devenues plus ou moins captives de processus de normalisation, l’Etat souhaitant en supprimer une part majoritaire.
    Nous tuons la diversité, la gratuité, en pensant très souvent faire l’inverse.

    Ce débat fort intéressant (je n’avais pas compris le premier commentaire de Bernard qui parlait de consensualité, ayant fort apprécié le texte) montre encore une fois à quel point les sujets les plus limpides ne sont plus perçus comme tels, combien nous sommes peu certains de nos valeurs.

    Sur le fond, il me semblait que l’extrait de texte choisi par Etincelle devait entraîner l’adhésion, mais si nous devons nous ranger dans une catégorie, cela paraît moins simple : les jeunes ne sont-ils pas souvent préférés lorsqu’ils sont de sages impuissants, et les vieux, aimés pour leurs rassurantes capacités juvéniles ?!

    J’aimerais une situation plus honnête, qui respecte vraiment les richesses de chacun, quel que soit son âge, mais qui témoigne de la réalité. En cela, mon point de vue rejoint sans doute ce qui est dit dans la discussion qui précède : les vieux ne sont pas tant à plaindre, mais quelle souffrance pour nos enfants. :angry:

  20. « les jeunes ne sont-ils pas souvent préférés lorsqu’ils sont de sages impuissants, et les vieux, aimés pour leurs rassurantes capacités juvéniles ?! »
    J’admire Christophe d’avoir pu imaginer une telle phrase, d’une part parce qu’elle est très bien tournée mais surtout pour ce qu’elle exprime.
    En revanche, je suis à moitié d’accord et à moitié pas d’accord avec la dernière phrase de son commentaire précédent …
    « les vieux ne sont pas tant à plaindre » :
    D’accord pour une partie d’entre eux qui ont encore une santé correcte, de bons revenus et peuvent encore « profiter » sans soucis de la vie.
    Pas d’accord pour une autre partie d’entre eux. Certains vivent à la limite de la misère. D’autres n’ont plus le goût de vivre et n’attendent et ne désirent que la mort.
    D’autres, seuls, abandonnés par leur famille ont une vieillesse bien amère.
    « Quelle souffrance pour nos enfants » :
    D’accord pour une partie d’entre eux, ceux qui sont en galère, quelqu’elle soit.
    Pas d’accord pour d’autres qui ont une jeunesse dorée, qui vivent dans une totale insousciance et qui de toute façon s’en sortiront toujours à coup de cours particuliers et d’études supérieures dans des écoles privées pratiquant la sélection par l’argent.
    En fait, je crois qu’il y a deux mondes qui se juxtaposent, qui sont de plus en plus marqués et que le « groupe » tampon entre les deux tend à disparaître.

  21. D’accord sur la fragilité évidente de certains vieux, la crainte éternelle, mais elle existe de façon massive chez les jeunes, santé comprise.
    Je sais bien que le milieu dans lequel je travaille me permet de toucher les gros lots, mais il est étonnant de voir à quel point un enfant peut souffrir des carences qu’il a vécu ou vit encore.
    Pour ce qui est de traîner ses casseroles, on sait combien de temps ça dure non ? :wink:

  22. Comment voulez-vous que les jeunes écoutent les  » Vieux  » lorsque les parents de leur côté laissent filer !! Quand le dialogue avec leurs gamins ne va pas plus loin que de savoir le programme télé du soir !!

  23. Oui Yves, je voulais en parler.
    On en vient petit à petit au coeur du problème.
    Trop de sollicitations de toutes sortes pour les enfants dès leur plus jeune âge et à fortiori pour les adolescents …
    Une Education Nationale plus vraiment à la hauteur …
    La liste pourrait être allongée tant qu’on veut.
    Mais surtout, une DEMISSION DES PARENTS, qui sont les premiers fautifs.

  24. Donc, pas beaucoup d’intérêt pour la sagesse des vieux mais beaucoup d’intérêt pour les jeunes :wink:
    Dans ce livre, j’ai relevé un passage que j’ai bien aimé.
    Je vous le donne en lecture, non pas pour lancer un autre discussion, sauf si vous êtes inspirés mais juste pour le plaisir :
    « La route, à cet endroit, est perchée au faîte d’une colline et la vue s’étend vers le sud, le nord et l’est jusqu’à des coteaux lointains noyés dans une brume couleur de pervenche. De là, de quelque côté que je me tourne, vers le haut ou vers le bas, des terrasses par milliers. Grandes, petites ou même minuscules, elles sont plantées de blé, de maïs, de piments et d’arbres fruitiers. Dans ce jardin extraordinaire, du creux des vallons jusqu’au sommet des éminences, pas un mètre, pas un centimètre carré qui ne soit jardiné. Les couleurs, dans le soleil revenu, forment une palette éclatante. Instantanément je suis en communion avec les hommes qui ont réalisé cette œuvre. Combien de milliards de pelletées, combien de sueur a-t-il fallu à ces hommes pour transformer ainsi des montagnes naturellement pelées en ces jardins somptueux ? Combien de générations, de siècles a-t-il fallu à ces humbles fermiers pour bâtir ce chef d’œuvre, ce décor d’une infinie grandeur ? La grande muraille ? Bof ! Les pyramides ? Bof encore ! Cette œuvre-là, sans morts, sans violences, les dépasse de mille coudées. Les artistes de ce paysage fabuleux sont de modestes paysans, armés d’une pelle et de la volonté de faire courber leurs têtes altières à ces sommets pour en tirer la subsistance et celle de leurs frères humains.
    Elle est là, sous mes yeux, la Chine éternelle. Depuis une éternité en effet, du fond de la nuit des temps, cette œuvre n’a cessé d’être améliorée, embellie. J’enrage de penser que les « grandes œuvres » ne le deviennent que si elles ont coûté sang et larmes, qu’on ne leur accorde d’importance qu’à la proportion des deuils qu’elles ont générés, alors que l’œuvre de vie qui est là, sous mes yeux, ne figure nulle part dans les registres des agences de voyage. Elles n’ont sans doute pas tort. Qui paierait pour venir admirer cet ouvrage ?
    L’Unesco ne classera jamais comme bien commun de l’humanité le kilomètre 2649 de la route 316. On n’a élaboré cette grande œuvre ni pour défaire un ennemi ni pour immortaliser un grand de ce monde, seulement pour nourrir des hommes. Il est vrai qu’aucun empereur, aucun général n’a commandé ces troupes pacifiques et généreuses qui, armées de leur seule pelle, ont, sans souci du temps, transporté transformé ces montagnes si grandes que mon œil ne peut les embrasser toutes. Seuls leur vertu et leur courage ont été les moteurs de ce chef-d’œuvre. La Grande Muraille s’effrite sous le temps et les graffitis, les temples sont détruits dans des guerres plus ou moins religieuses, rongés par les ans et les hommes, mais ces terrasses sont plus belles chaque année, sculptures vivantes et changeantes, couvertes chaque printemps de fleurs, de blé en herbe et de promesses de fruits. Le voilà le plus grand musée du monde. »

  25. Les retraités d’aujourd’hui sont-ils si actifs que ça ? Ce matin, j’étais chez Michel et Pascale, et il y avait là un tout jeune retraité. Quand on lui a demandé s’il était aussi débordé que les autres retraités, il a dit un truc du genre « les retraités passent 5% du temps à faire réellement quelque chose et 95% de leur temps à dire aux autres qu’ils sont débordés ».

  26. ça me parait suspect ces vieux qui ont toujours envie de bouger, de faire quelque chose.
    Pourquoi les vieux auraient-ils des projets d’actions ?
    Je crois qu’après le temps de l’action vient progressivement et nécessairement le temps de la réflexion et d’un certain recentrage sur soi. Beaucoup de gens ont énormément donné aux autres pendant leur vie, notamment par leur engagement. Que rechercherait alors un retraité ? Les autres, il en a fait le tour ! Et si le but d’une vie est de découvrir ce qu’est l’humanité, alors c’est au fond de lui-même qu’il lui reste à chercher. Cette connaissance de soi-même est le but ultime.
    J’ai l’impression que ceux qui se mettent à faire des tas de choses ou qui continuent à faire des tas de choses, une fois arrivés à la retraite, ont, d’une certaine façon, loupé leur vie.
    Le refus de l’inactivité, du silence s’apparente peut-être chez eux au refus de la mort. Alors, si à 60 ans, on en est encore là, quelle a été la leçon de la vie ?

  27. Peut-être qu’aujourd’hui il faut attendre un peu plus que 60 ans pour en arriver là vu l’augmentation de l’espérance de vie.
    Mais pour le reste, je partage assez ton point de vue Bernard.
    Il me semble normal, , en tout cas pour ma part, qu’arrivé à un certain point de sa vie, on ait envie, ou besoin, ou quoi que ce soit d’ailleurs, de s’éloigner un peu des agitations perpétuelles et vaines de ce monde et de ce recentrer sur l’essentiel.
    Mais après tout, pourquoi vouloir détenir une vérité ?
    Il y en a sans doute beaucoup des vérités et chacun fait à sa manière.
    De toute façon, le résultat sera le même à la fin.
    Nous allons tous au même endroit quelque soit le chemin emprunté.

  28. Oui, évidemment, il y a plein de manières différentes et plein de vérités.
    Mais il n’empêche qu’au final, « courir encore et toujours » peut donner l’impression que l’on cherche à combler un vide intérieur.
    Alors que si on a emmagasiné des tas de choses à l’intérieur de soi (et on en a forcément emmagasiné), il est grand temps, à un moment donné, de s’arrêter et de regarder ce qu’on a engrangé. De les regarder avec distanciation, de les mettre en perspective avec des tas de choses. Quitte à repartir plus tard et à reprendre son bâton de pèlerin.

  29. Lorsqu’il a entrepris son voyage, Bernard Ollivier allait-il vraiment à la rencontre des autres ?
    Ou – et je suis plutôt enclin à pencher vers cette deuxième hypothèse – à la rencontre de lui-même ?

  30. « L’esprit d’aventure, c’est … partir en quête d’une réalité rêvée. Le voyage nous propulse dans un autre mode de sensibilité qui est le même que celui de l’enfance. Un mode que l’habitude désenchante mais qui n’a pas changé, qui est toujours là, pour peu que nous sachions le voir. L’aventure réveille cette perception qui dort au fond de nous, une perception qui n’est pas autre chose que l’intensité et l’amour premiers de la vie. L’élan. En nous blackboulant hors des sentiers battus d’une vie bien établie, loin des automatismes ronronnants, en nous plaçant hors de notre cadre de référence, nous sommes poussés dans un inconnu qui recouvre sa dimension première, originelle. Car pour trouver les solutions à ce sur quoi notre esprit bute, nous sommes poussés à descendre en nous-mêmes. C’est ainsi en nous que nous allons chercher le chemin qui va nous ouvrir à l’autre (l’autre paysage, l’autre homme, l’autre …). L’aventure nous place d’emblée sur le terrain de l’authenticité, de l’essentiel, du brut. Quand nous sommes ainsi tout simplement nous-mêmes, nous sentons naturellement, bien plus facilement, la place que nous occupons dans le grand Tout, dans cet univers que nous parcourons. En faisant abdiquer notre « intelligence » et la compréhension que nous avons des choses pour développer leur appréhension, l’espace s’élargit. La réalité n’est plus la même.
    Ce processus d’affinage et d’expansion des sens qui s’opère en tout voyageur s’amorce dans la solitude ; solitude qui implique dénuement ; dénuement qui implique vulnérabilité ; vulnérabilité qui implique abandon ; abandon qui implique ouverture. »
    Sophie de Courtivron

  31. Je suis persuadé que les voyages ne sont que très rarement des découvertes des autres. Chacun se réfugie derrière cela, comme s’il avait besoin de justifier ses voyages. Une amie de mon village a passé tous ses étés à voyager. Elle me disait que c’était pour elle une manière de découvrir d’autres cultures, d’autres personnes. Quand je lui ai demandé combien de relations elle avait gardé de tous ces voyages. Zéro ! Un peu maigre au bout d’une trentaine de voyages ! D’autant plus que la copine en question se retrouve à 60 ans très seule (elle vient de quitter le village mais elle n’y connaissait presque personne, même pas ses voisins, alors qu’elle y a habité pendant … 20 ans !). J’ai l’impression qu’il en est souvent ainsi des voyageurs : des gens qui passent assez souvent à côté des autres mais qui essaient de donner d’eux-mêmes une image inverse.
    Evidemment, ce n’est pas une généralité (enfin, j’espère !), juste un constat de pas mal de cas que je connais.

  32. Je crois que déjà il faut se mettre d’accord sur ce qu’on entend par voyage.
    Il y a voyage et voyage.
    Dans un voyage comme celui de Bernard Ollivier, je crois que la découverte des autres et la découverte de soi-même vont de pair.
    Pourquoi vouloir ne partir que pour l’un ou pour l’autre ?
    Et puis pourquoi aussi ne vouloir privilégier qu’une relation qui dure.
    Rencontrer quelqu’un pendant seulement une soirée, lors d’une étape, peut être plus enrichissant, plus fort en émotions et peut laisser plus de traces que d’autres relations qui s’établissent dans la durée mais qui laissent un vide consternant.
    Il y a beaucoup de façon de trouver sa voie et ce qu’on cherche.
    Pour certains, c’est en méditant tout en bêchant son jardin :wink: , pour d’autres, c’est par le voyage. A chacun de faire selon ce qu’il ressent et je me garderais bien de juger.

  33. Quand on rencontre quelqu’un d’une autre culture, les différences culturelles sont telles qu’il faut longtemps pour qu’il y ait un vrai échange. Et si les gens qui voyagent n’échangent pas vraiment avec les autres, ce n’est pas leur faute évidemment, ils restent trop peu de temps.

  34. Je pense que partir en voyage sur une longue durée, comme l’a fait Bernard Ollivier, c’est difficile car on doit se demander souvent à quoi ça sert tout ça. C’est quoi la finalité de ce périple ? Et Bernard Ollivier a d’ailleurs fait la dernière partie de ce voyage dans des conditions psychologiques difficiles, et il a perdu l’enthousiasme des débuts.

  35. Celui qui voudrait que le voyage soit facile aurait sans doute tout faux.
    Mais en contre partie, cela ne fait aucun doute que c’est un enrichissement spirituel en premier lieu mais aussi la découverte d’autres mondes que le sien. Ce qui permet la prise de conscience de pas mal de choses qui sont totalement hors de portée de ceux qui restent dans leur bulle.
    Et si on croit ne pas être dans une bulle parce qu’on se pense informé par nos lectures et tous les moyens mis à notre disposition, c’est seulement une illusion.
    Seule la mise en situation fait vraiment comprendre les choses.
    Pour en revenir aux personnes dont parlent Bernard, ce sont sans doute des voyageurs qui partent pour fuir.
    Et là, effectivement, c’est vain car on aura beau fuir à l’autre bout de l’univers, on sera toujours confronté à soi-même. La fuite dans le voyage ne mène nulle part.

  36. « Des voyageurs qui partent pour fuir  » dis tu Etincelle !
    Ça me rappelle un poème de Jules Barbey D’Aurevilly :

    Oh ! pourquoi voyager ?
    Oh ! pourquoi voyager ? as-tu dit. C’est que l’âme
    Se prend de longs ennuis et partout et toujours ;
    C’est qu’il est un désir, ardent comme une flamme,
    Qui, nos amours éteints, survit à nos amours !
    C’est qu’on est mal ici ! – Comme les hirondelles,
    Un vague instinct d’aller nous dévore à mourir ;
    C’est qu’à nos coeurs, mon Dieu ! vous avez mis des ailes.
    Voilà pourquoi je veux partir !

    C’est que le coeur hennit en pensant aux voyages,
    Plus fort que le coursier qui sellé nous attend ;
    C’est qu’il est dans le nom des plus lointains rivages
    Des charmes sans pareils pour celui qui l’entend ;
    Irrésistible appel, ranz des vaches pour l’âme
    Qui cherche son pays perdu – dans l’avenir ;
    C’est fier comme un clairon, doux comme un chant de femme.
    Voilà pourquoi je veux partir !

    C’est que toi, pauvre enfant, et si jeune et si belle,
    Qui vivais près de nous et couchais sur nos coeurs,
    Tu n’as pas su dompter cette force rebelle
    Qui nous jeta vers toi pour nous pousser ailleurs !
    Tu n’as plus de mystère au fond de ton sourire,
    Nous le connaissons trop pour jamais revenir ;
    La chaîne des baisers se rompt, – l’amour expire…
    Voilà pourquoi je veux partir !

    En vain, tout en pleurant, la femme qui nous aime
    Viendrait à notre épaule agrafer nos manteaux,
    Nous resterions glacés à cet instant suprême ;
    A trop couler pour nous des pleurs ne sont plus beaux.
    Nous n’entendrions plus cette voix qui répète :
     » Oh ! pourquoi voyager ?  » dans un tendre soupir,
    Et nous dirions adieu sans retourner la tête.
    Voilà pourquoi je veux partir !

    Oh ! ne m’accuse pas ; accuse la nature,
    Accuse Dieu plutôt, – mais ne m’accuse pas !
    Est-ce ma faute, à moi, si dans la vie obscure
    Mes yeux ont soif de jour, mes pieds ont soif de pas ?
    Si je n’ai pu rester à languir sur ta couche,
    Si tes bras m’étouffaient sans me faire mourir,
    S’il me fallait plus d’air qu’il n’en peut dans ta bouche…
    Voilà pourquoi je veux partir !

    Pourquoi ne pouvais-tu suffire à ma pensée
    Et tes yeux n’être plus que mes seuls horizons ?
    Pourquoi ne pas cacher ma tête reposée
    Sous les abris d’or pur de tes longs cheveux blonds ?
    Comme la jeune épouse endormie à l’aurore,
    La fleur d’amour, comme elle, au soir va se rouvrir…
    Mais si l’amour n’est plus, pourquoi de l’âme encore ?
    Voilà pourquoi je veux partir !

    Tu ne la connais pas, cette vie ennuyée,
    Lasse de pendre au mât, avide d’ouragan.
    Toi, tu restes toujours, sur ton coude appuyée,
    A voir stagner la tienne ainsi qu’un bel étang.
    Restes-y ! Mon amour fut l’ombre d’un nuage
    Sur l’étang ; – le soleil y reviendra frémir !
    Tu ne garderas pas trace de mon passage…
    Voilà pourquoi je veux partir !

    Ô coupe de vermeil où j’ai puisé la vie,
    Je ne t’emporte pas dans mon sein tout glacé !
    Reste derrière moi, reste à demi remplie,
    Offrande à l’avenir et débris du passé.
    Je peux boire à présent, sans que trop il m’en coûte,
    Un breuvage moins doux et moins prompt à tarir,
    Dans le creux de mes mains, aux fossés de la route…
    Voilà pourquoi je veux partir !

    Mais, si c’est t’offenser que partir, oh ! pardonne ;
    Quoique de ces douleurs dont tu n’eus point ta part,
    Rien, hélas ! (et pourtant autrefois tu fus bonne !)
    Ne saurait racheter le crime du départ.
    Pourquoi t’associerais-je à mon triste voyage ?
    Lorsque tu le pourrais, oserais-tu venir ?
    Plus sombre que Lara, je n’aurai point de page…
    Voilà pourquoi je veux partir !

    Et qu’importe un pardon ! – Innocent ou coupable,
    On n’est jamais fidèle ou parjure à moitié ;
    Le coeur, sans être dur, demeure inébranlable,
    Et l’oubli lui vaut mieux qu’une vaine pitié.
    Ah ! l’oubli ! quel repos quand notre âme est lassée !
    Endors-toi dans ses bras, sans rêver ni souffrir…
    Je ne veux rien de toi… pas même une pensée !
    Voilà pourquoi je veux partir !

    Car il est, tu le sais, ô femme abandonnée,
    Un voyageur plus vieux, plus sans pitié que moi,
    Et ce n’est pas un jour, quelques mois, une année,
    Mais c’est tout qu’il doit prendre, aux autres comme à toi !
    Tel que des épis d’or sciés d’un bras avide,
    Il prend beauté, bonheur, et jusqu’au souvenir,
    Fait sa gerbe et s’en va du champ qu’il laisse aride…
    Voilà pourquoi je veux partir !

    Oui ! partir avant lui, partir avant qu’il vienne !
    Te laisser belle encor sous tes pleurs répandus,
    Ne pas chercher ta main qui froidit dans la mienne,
    Et, sous un front terni, tes yeux, astres perdus !
    N’eût-on que le respect de celle qui fut belle
    Il faudrait s’épargner de la voir se flétrir,
    Puisque Dieu ne veut pas qu’elle soit immortelle !
    Voilà pourquoi je veux partir !

  37. « Auprès de mon arbre
    Je vivais heureux
    J’aurais jamais dû
    M’éloigner de mon arbre
    Auprès de mon arbre
    Je vivais heureux
    J’aurais jamais dû
    Le quitter des yeux »

  38. Je pense que dans mes précédents commentaires, je confonds les voyageurs (comme Bernard Ollivier) de ceux qui partent simplement en vacances. Désolé de cette confusion !
    Mes copains Palou et Jacky qui sont du même village que moi sont des voyageurs et, finalement, ce sont les seuls que je connaisse. Ils sont partis en avion en Mongolie et sont ensuite revenus … à vélo.

  39. Pour illustrer mes propos sur la difficulté du voyage , racontée par Bernard Ollivier, voici ses propres paroles :
    «Dans les jours qui suivent, sur mon carnet je n’ai noté que RAS. Je suis devenu un être dénué de sensibilité, un automate qui avance parce qu’on l’a programmé pour marcher, je suis sec, dépourvu de rêves, d’imagination. Je suis aveugle au monde.»
    Cette phrase m’interpelle beaucoup. Si quelqu’un qui vient de se taper des milliers de kilomètres, à la rencontre de l’autre ou à la rencontre de soi-même (peu importe finalement) se pose ce genre de problème existentiel, c’est que voyager est en quelque sorte un mirage qui ne permet en rien de résoudre les questions fondamentales.

  40. Le voyageur a tout faux.
    Il voudrait conquérir le monde alors qu’il a juste besoin d’être conquis par le monde.
    Et pour cela il n’a pas besoin d’aller bien loin.
    Juste rester dans son univers qui est déjà bien assez vaste.

  41. Bienvenue à toi Maxense.
    Je suis très sensible à ce que tu dis, mais je pense que tout dépend de la manière de voyager.
    Cela dit, j’aurais du mal à étayer mes propos car je ne voyage jamais (mis à part quelques tout petits voyages à Texel en Hollande et en Bretagne qui sont un peu, en quelque sorte, ma seconde patrie).

  42. C’est bien pour cela que j’ai créé un site , Pour montrer que l’on peut voyager à quelques pas de la maison . Il suffit juste d’ouvrir les yeux et tendre l’oreille .
    Mais , il est bien aussi de partager un peu de l’univers de l’autre … Pour peut être mieux se retrouver au retour . Le problème pour moi , est que j’ai du mal à quitter mon Finistère qui m’offre ce que je recherche entre mer et campagne . Je ne cours pas après le neige , la montagne me fait peur et la chaleur du sud me fait mal .

  43. La formule qui me plait le plus et qui va dans le sens de ce que tu dis, Yves :
    « chercher l’extraordinaire dans l’ordinaire »
    Avec une telle philosophie, il est vrai que les voyages n’ont plus vraiment de sens.

  44. C’est bien le droit de Maxence de penser ainsi.
    Pour ma part, je crois que c’est tout de même un peu réducteur de ramener les voyageurs à des individus uniquement à la recherche de conquêtes.
    Même si pour certains c’est peut-être le cas, heureusement que les voyageurs ont d’autres motivations que conquérir le monde, de même que les alpinistes avec les sommets ou les marins avec les océans.
    « Conquérir », quel horrible mot !
    Et puis d’abord, pourquoi vouloir opposer le voyageur et celui qui reste. Pourquoi toujours vouloir que les choses soient noires ou blanches.
    Un voyageur serait donc incapable de trouver l’extraordinaire dans l’ordinaire (très jolie formule en effet) tout près de chez lui ?
    Pourtant, tout cela, voyager et trouver l’extraordinaire dans l’ordinaire près de chez soi relève d’une ouverture d’esprit (et des yeux, des oreilles, de tous les sens).
    A part une minorité d’énergumènes tels que Yves, Bernard, Christophe … (bref, les fidèles participants du blogadupdup), il faut bien reconnaître que la plupart des gens ne font pas de voyages mais ne voient rien non plus près de chez eux (à part la télé :whistle: )

  45. Vous êtes très loin de l’esprit de Bernard Ollivier dans son livre. Il parle de voyage vous parlez de tourisme. Le voyageur ne loue pas une voiture quand il descent de l’avion il voyage en transports en communs pour se frotter au véritable peuple. Il marche pendant des semaines des mois et s’arrête pour travailler le long du parcourt et gagner un peu sa vie pour pouvoir continuer son périple. Il ne vient pas dans un pays avec des dollars il vient avec son coeur.

  46. Bonjour Mathilde.
    Belle formule que cette comparaison coeur/dollars
    Mais en réalité, est-ce que quelqu’un sait vraiment qui sont les voyageurs ? Peut-être qu’à chaque voyageur correspond une démarche différente.

  47. Les deux voyageurs

    Le compère Thomas et son ami Lubin
    Allaient à pied tous deux à la ville prochaine.
    Thomas trouve sur son chemin
    Une bourse de louis pleine ;
    Il l’empoche aussitôt. Lubin, d’un air content,
    Lui dit : « Pour nous la bonne aubaine !
    – Non, répond Thomas froidement,
    Pour nous n’est pas bien dit ; pour moi : c’est différent. »
    Lubin ne souffle mot ; mais en quittant la plaine,
    Ils trouvent des voleurs cachés au bois voisin.
    Thomas tremblant, et non sans cause,
    Dit : « Nous sommes perdus ! – Non, lui répond Lubin,
    Nous n’est pas le vrai mot ; mais toi c’est autre chose. »
    Cela dit, il s’échappe à travers le taillis.
    Immobile de peur, Thomas est bientôt pris ;
    Il tire la bourse et la donne.

    Qui ne songe qu’à soi quand la fortune est bonne,
    Dans le malheur n’a point d’amis.

    Jean-Pierre Claris de FLORIAN (1755-1794)

  48. Si vous pensez que voyager et vivre avec trois fois rien est impossible, vous vous trompez.
    Oh que si , on le sait trop bien … !!!
    C’est encore une connerie pour la Télé ce truc-là ?

  49. Lu dans la dernière nouvelle du Front de Siné :

    « C’est parti mon kiki, j’ai entamé ma 85e année ! C’est tartignole d’être vieux. C’est con. Ça n’a aucun intérêt. C’est pas vrai qu’on acquiert une certaine sagesse. On a plutôt tendance à radoter. Malgré tous nos efforts tendant à ralentir l’inexorable déchéance, on devient moche. On est perclus de douleurs. On est saturé de médicaments. On perd la mémoire. On ne bande plus. On porte des lunettes. On a de fausses dents. On devient chauve et sourdingue. On grossit. On s’avachit. On a un double menton. On a plein de rides. On est fatigué dès le réveil. On se lève quatre fois la nuit pour pisser. On perd l’appétit. On a moins envie de picoler. On ne peut plus gambiller. Notre sex-appeal est dans nos chaussettes.

    Le dessus de nos mains est tavelé de taches brunes du plus vilain effet.

    Si je peux vous donner un conseil, ne vous pressez pas d’y arriver, et si vous entendez quelqu’un vanter les mérites de la vieillesse n’hésitez pas et foutez-lui un bon bourre-pif de ma part ! »

  50. Trouvé ce soir … en mangeant une papillote !
    « Les paroles sages tombent quelquefois dans l’oreille d’un sourd ; mais un mot gentil n’est jamais perdu » (Arthur Helps)

  51. Les vieux ! Quels vieux ?
    Ce sont bien souvent des personnes qui, comme moi, sont très jeunes mais depuis bien plus longtemps que les autres !!!
    :w00t:

  52. (Erratum: le smiling :biggrin: après la chanson de Noël de Bing Crosby est une
    erreur de manipulation, je trouvais tout cela plus charmant qu’hilarant et une façon aussi de dire Joyeux Noël)

Laisser un commentaire

:D :-) :( :o 8O :? 8) :lol: :x :P :oops: :cry: :evil: :twisted: :roll: :wink: :!: :?: :idea: :arrow: :| :mrgreen: