Article proposé par Etincelle.
Si vous vous trouvez dans une forêt d’arolles, vous avez de grandes chances d’apercevoir, ou tout au moins, d’entendre le casse-noix moucheté.
En effet, on pourrait presque dire que cet arbre et cet oiseau sont inséparables.
L’arolle est le nom donné, dans les vallées alpines, au pin cembro, un bel arbre à croissance très lente, qui pousse en altitude au-dessus de 1500 mètres et jusqu’à 2500 mètres.
On le trouve aux côtés du pin à crochets, de l’épicéa, mais le plus souvent près du mélèze comme ici où on voit un mélèze tout à gauche et deux arolles.
(Petite devinette : Quelqu’un sait-il le nom du sommet en arrière plan ? C’est facile, c’est un sommet mythique, un des plus connus au monde.)
Une forêt d’arolles et de mélèzes est toujours pleine de charme, un véritable paradis où poussent les myrtilles et les rhododendrons.
Le bois de l’arolle, léger mais résistant, facile à travailler et à l’odeur agréable, a toujours été utilisé par les montagnards pour la fabrication de meubles, notamment pour les coffres où l’on conservait les costumes du dimanche, ce bois étant réputé insectifuge.
Mais le pin cembro a une régénération naturelle difficile et peu abondante, pour différentes raisons.
Tout d’abord, sa croissance très lente.
Puis la difficulté qu’il a à fructifier. Une étude en Engadine (extrême Est de la Suisse) a montré que sur 35 années, il y a eu 5 années de semence totale, 19 années de semence partielle et 11 années sans fructification.
Ses cônes sont de couleur légèrement violette et bien différents des cônes de sapins, d’épicéa, …
Les graines sont très lourdes, d’un poids similaire à celui des graines du pin pignon, ce qui empêche la dispersion ailleurs qu’à l’aplomb de l’arbre.
Pour couronner le tout, ces graines sont souvent détruites ou mangées par les rongeurs et les oiseaux.
Bref, l’arolle serait en bien piètre situation sans son grand sauveur, à savoir le casse-noix moucheté.
Cet oiseau ne se nourrit pas exclusivement des graines de l’arolle (il affectionne aussi les noisettes par exemple) mais en grande partie.
Son bec puissant, bien en évidence sur cette photo en ombre chinoise, lui permet de casser les coquilles et d’atteindre les graines.
Après le passage du casse-noix moucheté, le pin cembro semble avoir été carrément pillé.
Une véritable razzia !
L’oiseau décortique les cônes directement sur l’arbre ou au sol et on peut dire que le travail est fait proprement !
Mais alors, pourquoi le casse-noix moucheté aide-t-il à la dispersion du pin cembro, s’il mange ses graines ?
Tout simplement parce qu’il ne les mange pas toutes.
Après en avoir emmagasiné une grande partie dans son jabot, l’oiseau va ensuite enfouir les graines par 10 ou 20, dans des cachettes creusées par lui dans le sol, à quelques centimètres de profondeur, puis recouvertes de mousse, lichen …
Il ira les récupérer pendant l’hiver même sous une épaisse couche de neige
Seulement voilà, s’il est reconnu qu’il a une bonne mémoire, il oublie quand même certaines cachettes et ce sont ces graines oubliées qui germeront et donneront naissance à d’autres arolles un peu plus loin.
La difficile régénération naturelle du pin cembro serait sans doute quasiment nulle sans l’aide du casse-noix moucheté.
Cet échange de bons procédés, on pourrait presque dire de partenariat, entre un végétal et un animal est loin d’être unique.
Vous en connaissez d’autres exemples ?