Dans mon dernier article, j’ai cité un passage de Colloque sentimental de Paul Verlaine. En voici le texte entier.
Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux formes ont tout à l’heure passé.
Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles,
Et l’on entend à peine leurs paroles.
Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux spectres ont évoqué le passé.
-Te souvient-il de notre extase ancienne?
-Pourquoi voulez-vous donc qu’il m’en souvienne?
-Ton coeur bat-il toujours à mon seul nom?
Toujours vois tu mon âme en rêve? -Non.
-Ah! les beaux jours de bonheur indicible
Où nous joignions nos bouches! -C’est possible.
Qu’il était bleu, le ciel, et grand l’espoir!
-L’espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir.
Tels ils marchaient dans les avoines folles,
Et la nuit seule entendit leurs paroles.
Le chanteur Pierre Louki (qui était très sportif, il s’entraînait même avec Michel Jazzy) a adapté ce texte avec beaucoup de liberté. Nous retrouvons ici ce même thème de la vieillesse mais dans la bouche de deux coureurs du Tour de France. J’ai souvent entendu Louki réciter ce texte sur scène entre deux chansons.
Dans le vieux col, en haut de l’Izoard,
Deux « Tour de France » ont une heure de retard.
– Te souvient-il de nos courses anciennes ?
– Je suis trop crevé pour qu’il m’en souvienne.
– Ton coeur bat-il toujours à en rêver ?
– Mon coeur est k o, je suis lessivé.
– Ah les beaux jours quand nous étions des cracks !
– Mon cadre, mes roues, mes rotules, tout craque !
– Le maillot jaune nous faisait s’envoler.
– Cette fois c’est cuit. On est hors délais.
Tels ils roulaient en souffrant des guiboles
Et la nuit seule entendit leurs paroles.