Il y a tout juste cent ans, à cette heure précise, naissait un grand chef d’orchestre, probablement le chef le plus enregistré du 20ème siècle (un millier d’enregistrements à son actif) : Herbert Von Karajan. Qu’on aime ce chef d’orchestre ou non, indépendamment de son passé peu glorieux en tant que musicien officiel de l’Allemagne Nazie, Karajan a été un très très grand chef.
Je sais que l’image n’apporte pas forcément grand chose à la musique, je sais, je sais. Mais voici tout de même deux vidéos qui nous montrent l’immense talent du Maître.
La première vidéo est filmée en 1966, Karajan y interprète les troisième et quatrième mouvements de la cinquième symphonie de Beethoven (qui fut le compositeur qu’il enregistra le plus) :
Nous retrouvons Karajan presque vingt ans plus tard (en 1985 exactement) dans la deuxième partie du boléro de Ravel :
Bon dimanche à tous !
Quand je dis « à cette heure précise », c’est 23H15, Karajan étant né le 5 avril 1908 à cette heure.
Pour celles et ceux qui voudraient écouter les oeuvres au complet, voici :
– la première partie (les deux premiers mouvements) de la 5ème de Beethoven :
http://www.youtube.com/watch?v=zhcR1ZS2hVo
– la première partie du Boléro de Ravel :
http://www.youtube.com/watch?v=b3J2_EOHBI4
On connaît tous l’anecdote du Bolero de Ravel de 1985 : HvK avait malencontreusement oublié sa baguette et pour que ça ne se voit pas, il a fait semblant de jouer du piano (certains, dans le public n’y ont vu que du feu et ont cru assister à un concert d’Horowitz) et a tout dirigé discrètement avec la bouche. Du grand art !
Je ne connaissais pas cette anecdote mais elle est fabuleuse ! Dans la première partie du boléro (dont je n’ai mis le lien que dans les commentaires), j’ai trouvé que la manière de Karajan de diriger était incroyable, avec juste quelques gestes de la bouche. Oui, c’est effectivement du grand art !
De Pierre Desproges :
« Plus précoce que Mozart tu meurs ! Songez que Mozart était tellement précoce qu’à 5 ans, il avait déjà composé le boléro de Ravel ! »
Question : sachant le passé nazi de Karajan, peut-on l’apprécier quand même en tant qu’artiste ? Pour ma part OUI.
Je n’ai appris le passé de Karajan qu’hier en préparant cet article.
Je me souviens avoir découvert il y a bien longtemps (plus de trente ans) « Daphnis et Chloé » de Ravel et « la mer » de Debussy, grâce à Karajan. J’en suis resté sur le cul … !
Pour moi (puisque tu poses la question à tout le monde), pas besoin d’un passé nazi du chef d’orchestre pour trouver un lien entre musique symphonique et régime politique autoritaire, plus ou moins fasciste. Un chef charismatique qui guide « à la baguette » une cohorte bien docile et disciplinée, c’est un peu le même principe, non ? Il n’y a qu’à voir les premières images du concert de 66, on dirait vraiment des « petits soldats » !
J’imagine beaucoup plus difficilement un musicien de jazz avec un tel passé.
Mais si je me sens (entre autres pour ces raisons) plus d’affinités pour la seconde musique citée que pour la première, cela ne m’empêche évidemment pas d’apprécier (parfois) la première.
Quelqu’un peut ne pas avoir vos idées et être malgré tout digne d’intérêt.
Heureusement qu’une personne ne se résume pas qu’à une seule facette !
Je crois que le rapprochement entre musique symphonique et autoritarisme en politique n’a pas lieu d’être. Il est évident cependant qu’un chef d’orchestre est forcément quelqu’un d’autoritaire, au moins avec son orchestre. Dans une musique symphonique, il n’y a rien de laissé au hasard, rien qui relève de l’improvisation. Pour arriver à jouer de manière équilibrée, à jouer toutes les nuances, il faut que tout soit en place de manière très précise. Et pour faire travailler tous les membres d’un orchestre dans le même sens, il faut non seulement être autoritaire mais il importe aussi que la vision du chef soit la seule qui compte. Sinon, ça tirerait « à hue et à dia » dans tous les sens. Autorité et discipline OUI mais pour le reste je ne vois pas vraiment de rapport.
Concernant les gros orchestres de jazz, ces fameux big band, je dois dire que je n’aime pas trop (d’ailleurs, d’une manière générale, je n’aime pas trop les gros orchestres, y compris symphoniques, je préfère les petites formations, même si, de temps en temps je dois dire que j’adore me laisser emporter par la puissance et le souffle de l’ouverture de Tannhaüser ou le 3ème mouvement de la 5ème de Beethoven). Mais je me rappelle avoir vu des images de grands orchestres dirigés par Duke Ellington, Count Basie ou plus récemment Carla Bley et je n’ai pas vu de différence fondamentale avec un orchestre symphonique. Evidemment, il y a le swing qui est la spécificité du jazz, mais à part ça … ! La discipline des exécutants était tout aussi forte. Il y a donc des petits soldats dans les deux genres, certains obeïssant à leur chef, en swinguant certes, mais en obeïssant tout de même.
Cela dit, je pense que l’autoritarisme devait être plus élevé chez Karajan que chez le Duke. J’imagine que dans la vie courante, Karajan devait rester autoritaire, il me semble que cela se voit sur son visage mais va-t-on savoir, peut-être qu’il filait tout doux devant sa belle … ! D’autant plus que, comme le dit Oetincelleo, il y a plusieurs facettes dans chacun d’entre nous. Et c’est ce qui fait notre richesse, non ? De Karajan, d’Ourko, d’Oetincelleo, de Dupdup… j’en passe et des moins bons …
Ces vidéos, que je n’ai pas eu le temps de visionner hier, m’ont ramenée bien des années en arrière.
Je n’écoute guère Beethoven mais c’était la grande passion de mon père.
Qu’est-ce que j’ai pu les entendre, ces symphonies, sonates, …
J’aime beaucoup l’Appassionata.
Il écoutait aussi régulièrement le Boléro de Ravel.
Quand je pense qu’un jour, j’ai essayé de lui faire apprécier Jimy Hendrix !
Evidemment, je n’y suis pas parvenue !
Il n’y a pas beaucoup de femmes, il semblerait, dans les orchestres de Karajan. Simple hasard ?
(Dans les big bands non plus, soit dit en passant)
Finalement, malgré leur aspect macho, les hommes marchent plus facilement à la baguette que les femmes. Voilà sans doute l’explication … !
Les hommes marchent d’autant plus à la baguette que se sont eux qui la tiennent. Le machisme est intrinsèquement fasciste, c’est-à-dire fondé sur l’oppression.
Finalement, d’une certaine manière, le fasciste c’est aussi bien celui qui tient la baguette que celui qui la subit avec acceptation.
200% d’accord avec le lien que tu fais, Robert, entre machisme et fascisme.
Plus que de « subir (la baguette) avec acceptation », c’est d’une délectation à se soumettre à l’Autorité qu’il s’agit. Voir « La psychologie de masse du fascisme », de Wilheilm Reich. Sans les millions de fascistes allemands, Hitler n’aurait pas existé.
J’avoue que je me sens proche d’Ourko quant à la signification socio-politique des « grands ensembles orchestraux ». C’est pourquoi je préfère infiniment les formations restreintes du genre orchestre de chambre, voire plus petites encore du type trio, quatuor, quintet… et cela quel que soit le genre musical (classique, jazz ou autre).
Bien sûr, Oetincelleo, « Quelqu’un peut ne pas avoir vos idées et être malgré tout digne d’intérêt ». Avec une limite cependant, c’est quand les idées (lire « Mein Kampf », 1923, de A. Hitler) conduisent à la Shoa. Le plus grand crime contre l’humanité jamais perpétré. Des idées approuvées par Karajan et autres Heidegger. Des idées dont ils portent la responsabilité d’une partie de leurs conséquences pratiques dans la mesure où ils ne les ont ni dénoncées et encore moins combattues.
Ils ont été un grand musicien et un grand philosophe et en même temps de fieffés nazis. C’est dommage, mais c’est comme ça.
Leur indiscutable talent ne lave en rien leur crime devant l’histoire.
Au moment où nous vivons sous un pouvoir qui réduit, par exemple, de 50% le financement de la culture libre (spectacle vivant notamment), qui estime que les sectes sont un « non-problème », qui fait accompagner la flamme olympique par une armée de policiers, qui décide tout seul l’envoi de troupes supplémentaires en Afghanistan, qui décide tout seul de l’intégration de la France à l’Otan, etc, etc… nous devons affirmer notre ferme opposition à la dérive néo-fasciste soft qui se produit sous nos yeux.
En tout cas, qu’on ne compte pas sur moi pour cautionner par tiédeur ou indifférence de telles idées-pratiques dont on sait par avance à quoi elles conduisent.
Je me suis peut-être mal exprimée, malheureusement, je ne suis pas très littéraire.
Je voulais simplement dire que les idées de Karajan n’enlevaient rien à son talent.
Je voulais simplement dire qu’il y a plusieurs facettes en chacun de nous.
Chez certains, c’est du tout bon, chez d’autres, c’est du tout mauvais, et puis pour les autres, c’est un peu du bon et un peu du mauvais.
Quoiqu’on dise, quoiqu’on fasse, ce sera toujours ainsi.
Il y a des tas de gens dont on n’entend jamais parler et qui se dévouent pour le bien des autres, il y en a malheureusement d’autres qui font le contraire, il y a tout ceux qui pensent ou parlent beaucoup et qui ne font rien ni dans un sens ni dans l’autre, et il y a tout ceux qui ne se posent même pas de questions.
Pour en revenir au commentaire de Robert, j’avoue que les images que je viens de visionner sur le net de la journée d’hier à Paris sont vraiment désolantes !
Je me demandais même à un moment si ça se passait en France ou en Chine !
Quand à la réintégration de la France dans l’Otan, je ne suis pas suffisamment compétente et je ne dispose pas des informations adéquates en ce domaine pour donner un avis.
Je pense effectivement que, comme le dit Oetincelleo, le talent n’a rien à voir avec les idées. J’ai adoré les interprétations de Karajan (que d’autres décriaient) alors que je ne connaissais rien de son passé. Maintenant que je connais un peu mieux son histoire, je ne vais évidemment pas cracher sur ce que j’ai aimé avant.
Concernant la phrase de Robert que j’ai beaucoup appréciée « leur indiscutable talent ne lave en rien leur crime devant l’histoire », il va de soi aussi que « leur crime devant l’histoire n’enlève rien à leur indiscutable talent ».
J’aime bien le passage où Oetincelleo parle des différentes facettes que nous avons tous, ainsi que le passage sur les attitudes de chacun dans la vie : ceux qui parlent, ceux qui parlent et font, ceux qui font, ceux qui croient bien faire … Difficile de trouver la bonne attitude, à chacun de trouver la sienne en fonction de son ressenti (je crois parfois plus à l’instinct qu’à l’intelligence).
Concernant la flamme olympique, ma réaction il y a dix ans aurait été de crier « bravo » (d’autant plus que je n’ai aucun atome crochu avec le monde du sport). Mais là, je me suis dit que la flamme olympique avait quelque chose de sacré et qu’on ne pouvait absolument pas s’en prendre à ce qu’il reste de symbolique des JO d’il y a deux mille ans. C’est vrai que l’esprit du sport a été dévoyé et que tout est soumis au mercantilisme. OK. Mais le peu de pureté qu’il reste, c’est dans la flamme. Alors, de grâce …
Je ne suis pas de ceux qui croient aux signes. Mais si certains événements avaient valeur de signe, je dois dire que l’interruption de la flamme est un très mauvais présage pour la suite. Ces JO pourraient contribuer à accélérer la déstabilisation du monde.
Hélas, non, Bernard, car un authentique talent aurait pu les porter à plus d’attention aux simples valeurs humaines. Dans ton propos, j’aurais aimé que tu esquisse la réciproque en gardant les mots plutôt que de jouer avec eux. Tu n’aurais pas pu écrire : « leur crime contre l’humanité ne lave en rien leur indiscutable talent ». Ce qui ne veut strictement rien dire.
La petite confusion ludique que tu inities fait courir le risque de faire passer et, finalement, de pardonner le crime au nom du talent.
Ce que tu refuseras, j’y compte bien.
Si, comme tout le monde animal, je m’appuie sur l’instinct, l’intuition et tout le tralala irrationnel, j’attache davantage d’importance aux lumières de l’intelligence pour me garder des passions mauvaises. N’oublions pas que la pulsion de mort est au coeur de nos ténèbres intérieurs.
Ceux qui causent et ceux qui font… ? Il y aussi ceux qui réfléchissent et qui essaient de mettre en accord leurs actions avec leur réflexions.
OK pour le symbole de la flamme olympique. Dans l’idéal ça va.
Mais on est dans le monde réel et il ne s’agit pas qu’elle serve de caution à un régime d’oppression des peuples tibétains et chinois, qu’elle soit instrumentalisée pour asseoir la légitimité d’une dictature qui écrase à elle seule le quart de l’humanité.
En tout cas, s’il faut des milliers de policiers pour garantir son parcours jusqu’à Pékin, c’est qu’il y a quant même un problème, non ?
Et, en ce qui regarde la stabilité du monde, il faudra certainement trouver autre chose que les jeux olympiques pour y arriver.
Parce qu’on n’y pense pas, mais les américains qui ont ces dernières années massacré des centaines de milliers d’Irakiens, eh bien il vont y être aussi aux olympiades de Pékin, et de leurs succès sportifs vous ne croyez pas qu’ils attendent que leur bannière en sorte redorée ?
On aura beau faire, dans un monde en putréfaction on ne parviendra pas à assainir l’atmosphère en baladant une flamme. Le seul espoir de l’humanité réside dans la multitude des luttes idéologiques et concrètes pour plus de justice et de liberté.
Et cela passe évidemment aussi par notre vie quotidienne personnelle.
Je n’ai pas joué avec les mots. En tous les cas, pas volontairement (mais peut-être est-ce une tendance naturelle chez moi). Ce que j’ai voulu dire, c’était que « leur crime n’enlève rien à leur indiscutable talent ». C’est malheureux, mais c’est comme ça, il existe des gens horribles mais talentueux. La nature n’a pas mis toutes les bonnes choses dans les mêmes personnes. Ni les mauvaises d’ailleurs. C’est je crois, ce que nous a dit Oetincelleo. Je n’aurais certes pas dû lier ma phrase avec la phrase de Robert, qui n’est pas exactement son contraire, je vous l’accorde.
Robert, OUI évidemment à l’intelligence mais parfois, il nous faut faire les choses sur la base de l’intuition et du ressenti. Par exemple, il y a des personnes que l’on « sent » bien et d’autres pas. Et c’est parfois ce qui nous permet de choisir, là où le raisonnement s’avère insuffisant. Et l’intuition est souvent juste.
Concernant l’instrumentalisation des JO par le pouvoir chinois (comme d’ailleurs par les dissidents chinois et par les Tibétains), il me semble que si l’on recense tous les moyens d’actions possibles de notre part, il y en a beaucoup. Et s’attaquer à la flamme, qui reste un symbole de pureté, n’est pas, à mon avis, un bon choix. Utilisons d’autres méthodes.
Et le boycott des produits chinois, pourquoi est-ce un sujet tabou alors qu’il s’agit peut-être là d’un véritable moyen d’action ?
Concernant l’instabilité du monde, peut-être me suis-je mal exprimé. Je pense que les JO ne sont pas, en eux-mêmes, matière à créer le désordre ou le chaos. Je pense simplement, qu’en cas de situation internationale très tendue, les JO peuvent être un point de cristallisation où peuvent s’affronter plein de divergences. Un catalyseur en quelque sorte. C’est la crainte que j’ai.
En tous cas, si l’autoritarisme d’un macho se calcule à la taille de sa petite baguette…. y en a qui cachent bien leur jeu !!!!!
Dans l’ensemble d’accord avec toi, Bernard.
Sur un point, cependant, je crois utile de poursuivre un peu le débat.
Tu sais où je vis. Au fin fond de la Haute-Saône. Entouré de gens dont l’ouverture d’esprit au reste du monde n’est pas l’apanage. Rien ne les porte à une quelconque vraie sympathie avec la plupart de leurs voisins. Avec les étrangers au village, c’est pire. Avec les femmes, les jeunes, les verts, les rouges, les parisiens, les arabes, les noirs, les juifs… c’est plus horrible encore. Que veux-tu, ces gens-là, ils les « sentent » pas !
A découvrir et côtoyer ainsi depuis bientôt six ans cette France profonde, il m’a fallu de considérables efforts pour parvenir à ME FAIRE UNE RAISON de cet état de chose endémique. Arriver à vivre dans un tel environnement humain réclame une discipline quotidienne similaire à celle que manifestait Socrate à l’égard de Xanthippe (sa terrible épouse). Le défi m’est apparu intéressant. Je ne regrette pas de l’avoir relevé plutôt que de fuir vers des contrées réputées plus clémentes. J’ai beaucoup appris et vérifié que si l’instinct ne m’avait en l’occurrence pas trompé, le travail de l’intelligence m’avait permis de trouver comment vivre ici.
Quand tu écris : « Par exemple, il y a des personnes que l’on “sent” bien et d’autres pas. Et c’est parfois ce qui nous permet de choisir, là où le raisonnement s’avère insuffisant. Et l’intuition est souvent juste », cela me plonge dans la perplexité…
Finalement, je crois que mon intuition n’est juste que lorsque j’ai tenté de d’analyser les raisons de sa justesse. Étant moi aussi porté à la spontanéité des sentiments, j’ai passé une bonne partie de mon existence à me tromper sur beaucoup de mes contemporains et à en beaucoup souffrir. Maintenant, j’exerce davantage mon regard à considérer que la première impression n’est pas toujours la bonne, à tenter de dépasser mon intuition initiale, à aller au-delà des apparences.
Si j’y ai un peu perdu en contentement de moi, j’y ai beaucoup gagné en mon contentement de l’autre.
Il vaut mieux souffrir de s’être trop donné (ou d’avoir trop accordé sa confiance, en d’autres termes) que ne pas souffrir en ne s’étant pas donné (ou en n’ayant pas accordé sa confiance).
ATTENTION
Ceci n’est pas une leçon de morale !
Je le dis, je le crois, mais ne le fais pas forcément …
Il est vrai qu’à force d’être déçu par les autres, on finit par s’entourer d’une carapace de plus en plus épaisse.
Oetincelleo, je ne crois pas trop aux carapaces de plus en plus épaisses. Enfin, si … mais avec toujours une faille dans la carapace, quelque soit l’épaisseur. On a tous nos talons d’Achille, nos points vulnérables, et les fêlures que l’on a connues sont toujours sous-jacentes et ressortent à certaines occasions.
Finalement Robert, il me semble assez sage, concernant l’intuition et la réflexion, de faire fonctionner les deux de pair. Mais il est rare que l’on soit dans un état d’esprit qui le permette. Moi aussi, je me suis souvent trompé. Et effectivement, je me rends compte en réfléchissant à ce que tu as écrit, que moi aussi j’ai un peu plus tendance à ne pas me contenter de l’intuition mais d’essayer de valider le ressenti de départ par des éléments plus objectifs. D’autant plus qu’on est déjà vieux, alors autant mettre toutes les chances de son côté pour ne plus se tromper … !
Je ne vois pas Oetincelleo, où tu aurais pu trouver dans mon propos l’ombre d’une carapace. Au contraire, tout ce que je dis va à l’encontre d’une telle absurde perspective. Je t’invite à me relire et à ne pas projeter sur mes paroles autre chose qui n’appartient (je le respecte profondément d’ailleurs) qu’à toi.
Encore un effort, Bernard, nous allons y arriver !
En fait, cette nécessité d’équilibrer l’intuition par l’intelligence, je l’ai trouvée formulée dans Contrepoint (1926) d’Aldous Huxley au début des années 60.
Après, il m’a fallu plus de quarante ans d’épreuves pour entreprendre de la mettre véritablement en oeuvre.
Vieillir, c’est aussi cela : accomplir enfin sa quête.
De la sorte, je trouve ça bougrement intéressant de vieillir.
Encore une fois, mon expression n’est pas « top », je te l’ai déjà dis Robert, je ne suis pas une littéraire (en fait plutôt une scientifique).
Tu as pris pour toi ce que je disais pour moi (mais sûrement pour d’autres aussi).
Moi, je crois qu’on devrait garder comme « mot de la fin » :
« C’est bougrement intéressant de vieillir ».
Peut-être bien que vieillir, c’est perdre beaucoup, mais c’est gagner encore plus.
Aveu pour aveu, Oetincelleo, je suis de mon côté si peu scientifique que, quand le débat porte sur un sujet aussi éminent que les oiseaux, par exemple, je préfère me taire que de dire les banalités que m’inspirerait mon inculture. On gagne tellement souvent à simplement écouter le silence.
Dommage que vous en soyez déjà arrivés aux « mots de la fin ».
J’aurais — pour ma part — eu envie de rebondir sur la « délectation à se soumettre à l’Autorité », mais bon… Une autre fois, peut-être. Fallait peut-être que je réagisse plus vite !
Oh, non Ourko ! Il n’est pas trop tard pour poursuivre notre commune réflexion sur un tel sujet. La propension à ce qu’une question chasse l’autre -à l’image d’ailleurs du déluge de l’information de masse qui nous assaille- commence à me tanner pour de bon. J’avais proposé à Bernard que certains thèmes puissent perdurer un peu afin de permettre leur approfondissement, j’attends qu’une possibilité s’ouvre bientôt sur ce blog de sorte qu’il aille enfin à contre-courant de la « culture » dominante.
Robert, je te dis ça gentiment, mais ce n’est pas la première fois que je me rends compte que tu « prends la mouche » facilement.
Je n’avais pas lu les propos d’Oeincelleo comme une interprétation de ce que tu avais dit, plutôt un prolongement personnel de sa part de la réflexion engagée.
Il faut faire attention sur ce blog de ne pas personnaliser les propos des uns et des autres. A tout le moins, avant de leur voler dans les plumes, leur demander de préciser?
En fait, je ne connais pas La psychologie de masse du fascisme que tu nous recommandes, Robert, et avoue ne pas avoir — sans doute à tort — une bonne opinion, a priori, de son auteur. Serait-il donc possible que tu nous brosses un bref aperçu de la thèse qu’il y développe avant d’éventuellement nous précipiter en librairie (en supposant que l’ouvrage y soit encore accessible) ?
De mon point de vue, la « soumission à l’autorité » trouve forcément sa source dans le rapport complexe avec les parents (et/ou les autres tuteurs d’éducation) construit dans la petite enfance. Est-ce contradictoire avec les thèses « freudo-marxistes » de Reich ?
Tu vois juste, Brind’paille. Merci de ta remarque. J’aurais effectivement dû demander à Oetincelleo de préciser. Ceci dit, n’hésitez pas à me signaler quand il vous paraît que je prends la mouche. Rien dans mon éducation, ni mon histoire ne m’ayant préparé au compromis, j’ai souvent besoin de l’aide de mes proches pour me tenir un peu à carreau.
Pour répondre à ta demande, Ourko, concernant la psychologie de masse du fascisme, je te recommande les articles suivants :
http://www.anti-rev.org/textes/Brohm00a/
http://www.ecologielibidinale.org/fr/biblio/miel_pesteemotionnelle.pdf
Voir en 2.3. Définition du fascisme par Reich.
L’ouvrage de Reich est facile à trouver : 9,85 Euros, chez Amazon.
Si le « socialisme » réel a volé en éclat, il semble que l’analyse marxiste est encore à même de nous éclairer sur la réalité sociale. Avec bien d’autres, Reich s’inscrit dans cette analyse-là. Ce qu’il dit des fondements psychologiques du fascisme est, à mon avis, d’actualité.
Voir, en France notamment, l’extrême érotisation du pouvoir depuis dix mois. Ainsi que la politique des quotas d’expulsion administrative des sans-papiers (25 000 par an), etc.
Ceci dit, je précise qu’il ne s’agit évidemment pas de lire Reich comme une vérité intangible. Mais plutôt de se servir de ses analyses pour réfléchir, par nous mêmes, au monde présent.
Dans ton dernier paragraphe, Ourko, tu places la famille et autres éducateurs à l’origine de la « soumission à l’autorité » du petit homme et donc, plus tard, peut-on dire de l’homme tout court. Non seulement cela ne me paraît pas contradictoire avec le freudo-marxisme, mais le développement actuel des unions plus ou moins libres et des familles recomposées semble ouvrir à de nouveaux espaces concrets de liberté. L’écart entre liberté individuelle conquise dans le couple, en famille, dans les cercles d’amitiés, etc. se heurte à l’aliénation collective vécue dans l’espace économique, dans le monde du travail et des loisirs, etc.
Tout comme avant 68, l’exaspération des contradictions ne manquera pas de produire à un moment ou à un autre une explosion sociale permettant une recomposition de la donne collective.
Merci Robert.
Alors, en fin de compte, le fascisme (à supposer qu’on ait tous la même idée de ce qu’on met derrière ce mot) il vient au départ du peuple ou du pouvoir ? Ou d’ailleurs ?
Ah, Ourko, c’est gentil de me poser des questions d’une telle ampleur.
Tu me permettras cependant d’y répondre brièvement.
Le fascisme, il suffit d’ouvrir le premier dictionnaire venu pour en avoir une définition suffisante. Après, quant au sens que cela peut avoir pour chacun, c’est dans son histoire vécue ou dans les placards à fantômes de son histoire familiale qu’il faut aller chercher. La mienne fut sur ce plan-là copieuse. J’ai tenté de la dire sur ce blog, il y a un an et demi environ.
Tu parles du peuple. Moi, j’en vois deux. Deux classes antagonistes que tout sépare et dont l’une s’acharne à dominer l’autre. Le pouvoir, c’est le mode d’exercice de cette domination-là. Quand il se sent menacé, ce pouvoir prend la forme extrême du fascisme : noir, rouge ou vert, c’est la même affaire. En face, tous ceux qui refusent cette domination.
Tibétains, Américains du nord ou du sud, Africains, Européens, Asiatiques… toi peut être.
Mes frères humains en lutte contre l’oppression.
La lutte est permanente.
A chacun de choisir son camp.
Le fascisme vient du pouvoir et du peuple : du pouvoir qui cherche à dominer l’autre, et du peuple qui ne veille pas assez à exercer son contre-pouvoir.
J’avais donné il y a quelques mois le titre d’un livre « Une petite ville nazie » écrit par un américain (William Allen) au lendemain de la deuxième guerre modiale, et qui tente de comprendre comment le nazisme peut prospérer. L’auteur a choisi de décrypter les archives d’une petite ville lambda, que rien à priori ne préparait à de venir nazie. Il démontre parfaitement comment chacune de nos petites compromissions, de nos petites faiblesses, de nos évitements à voir ce qui advient, de notre volonté de profiter encore un peu de nos privilèges,laisse progressivement la place à l’oppression.
Ce livre se lit presque comme un roman policier, et on voit très bien les moments clés « ratés ».
La seule conclusion que j’en ai tirée, c’est qu’il ne faut jamais rien laisser passer. Pas facile à vivre, personne n’ayant envie qu’on fasse remarquer les manquements dont tout un chacun se satisfait, et chacun voulant ne pas trop se faire remarquer en disant ce qui fâche.
En gros, chacun voudrait bien que tout continue comme avant sans avoir à y mettre son grain de sel.
Quand on sait qu’une des forces de l’oppression est de faire régner la crainte, et pour mieux y parvenir, de diviser en séparant les élus des autres, une des réponses c’est l’union. Finalement on en revient toujours là : el pueblo, unido, jamas sera vencido …!
Donde es el pueblo ahora?
Aïe, mon espagnol est loin … il faut lire « donde esta el pueblo … »
Si, Brizna de paja ! Contra sus : « Gling-Gling », nuestros : « Ba-da-boum, Ba-da-boum, Bam, Bam ! ». Donde esta el pueblo ? Gritando en las calles.
Traduction : Oui, Brind’paille ! Contre leurs « Gling-Gling », nos « Ba-da-boum, Ba-da-boum, Bam, Bam ! ». (Paroles de la chanson : « Le passage de l’Ebre ».)
Où est le peuple ? Il crie dans les rues.
J’ai trouvé sur YouTube un enregistrement de ce chant populaire intitulé « Le passage de l’Ebre », mais aussi « Ay Carmela », « »La XVème brigade » ou « L’armée de l’Ebre ».
http://fr.youtube.com/watch?v=TaEgU7oBmTQ
Rappel : La bataille de l’Ebre se déroula de juillet à novembre 1938. Ce fut le dernier engagement des Brigades internationales. Lâchée par les les « démocraties » européennes, la République espagnole fut abattue par la coalition fasciste Franco-Mussoloni-Hitler. On connaît la suite.
Vous allez penser que je m’accroche. C’est vrai. Tant pis !
Je viens de découvrir que « Ay Carmela » a en fait été composée en 1808 pendant les guerres napoléoniennes…
Napoléon, Franco, même combat.
Et, aujourd’hui, on chante quoi ?
Fini le débat ?
Avec une interprétation un peu différente :
http://fr.youtube.com/watch?v=OFZLwsA-Si8&feature=related
La notice de cette version indique ceci « Miguel Ángel Gómez Naharro nos recuerda el valor de la mujer en la Guerra Civil Española. »
Traduction : Miguel Ángel Gómez Naharro nous rappelle le rôle de la femme dans la Guerre Civile Espagnole.
Comme quoi, si le machisme est un fascisme, l’anti-fascisme est résolument féministe.
A bas les potiches en arrière fond du Chef !
Je pense que, d’une manière générale, on ne parle pas assez du rôle des femmes, pas seulement dans la lutte contre le fascisme, mais dans les guerres en général (y compris civiles).
Un article qui vient à propos :
http://www.lemonde.fr/web/depeches/0,14-0,39-35049760@7-37,0.html
Que ce soit durant la résistance à l’occupation, que ce soit pendant la guerre d’Algérie, que ce soit dans les luttes sociales, les femmes ont joué et continuent de jouer un rôle éminent. D’autant faudrait-il qu’elles entrent davantage en politique.
J’approuve les récents propos que Rama Yade et Nathalie Koscusko-Morizet. Mais, enfin, quand auront-elles la liberté de n’avoir pas à se renier le jour d’après sur l’injonction de leur patron ?
Excellent article sur l’Italie. Je n’ai rien lu d’aussi clair et concis sur la droite française et notamment sur le radicalisation croissante d’une partie de l’UMP en direction de l’extrême droite.
Allez Ourko, je rebondis sur la délectation à se soumettre à l’Autorité et j’en profite pour te conseiller un livre merveilleux nommé « La soumission librement consentie ». Je l’ai à la maison mais il n’est pas à mettre entre toutes les mains Après tu es libre de le lire ou pas !
Je suis souvent sur des blogs et j’ai vraiment apprécié le vôtre et vos publications. Mais c’est cet article qui m’a décidé à vous laisser ce commentaire. Je vais partager votre blog et surveiller les futures initiatives !
Encore un message, celui de Vinciane, qui était classé dans les spams. Décidément, il ne faut plus que je vide la corbeille à spams sans les vérifier un à un (j’en reçois 20 à 30 par jour). En fait, il semblerait que lorsqu’on met un lien sur son nom avec l’adresse de certains blogs, l’administration de mon blog en fait systématiquement un spam.
Mais je deviens vigilant. Seul petit inconvénient : il faut que j’approuve le commentaire avant qu’il soit en ligne. :angry: