Quatre matins par semaine, je me rends à mon travail en prenant une petite route tranquille qui longe la rive droite de la vallée de l’Ognon. Un matin sur deux en moyenne, il y a des fous du volant qui me doublent à toute berzingue. Je roule pourtant à une vitesse que je considère normale. Le soir, je refais le chemin en sens inverse et il ne m’arrive alors jamais d’être doublé. Pendant longtemps j’ai émis l’hypothèse bizarre que les gens étaient plus pressés d’aller au boulot (le matin) que de rentrer chez eux (le soir). Hypothèse bizarre à laquelle je ne trouvais aucune explication rationnelle jusqu’au jour où je me suis rendu compte de ma mégarde. J’ai enfin compris que si certaines personnes roulent très vite le matin, c’est avant tout parce qu’elles ne sont pas en avance pour aller au boulot. Car effectivement une partie non négligeable de nos concitoyens fonctionne en permanence dans l’urgence et se fait comme règle de vie d’être toujours en retard. En retard au travail, en retard au spectacle, en retard chez le dentiste, en retard chez les amis, …
Il y a un an environ, alors que Joëlle et moi allions arriver à notre travail vers 7H30 du matin, juste avant le village de Brussey, une voiture nous attendait, enroulée autour d’un arbre. Dedans, un type quelque peu dans le cirage. Le conducteur avait pris un virage à toute allure par temps de fort brouillard. Probablement que ce type garde encore des séquelles de cet accident. Je me rappelle avoir inventé une petite maxime pour la circonstance : « Brouillard à couper au couteau, voiture à découper au chalumeau ». Mais il y a plein de phrases de ce genre, de très mauvais goût, que je garde pour moi et que je n’ose pas mettre en ligne sur ce blog. Enfin, voilà qui est quand même fait !
Lundi matin, alors que je me rendais à mon travail, toujours à la même heure (il faisait encore nuit), une masse blanche et noire s’est soudain trouvée devant moi au milieu de la route. Très vite j’ai reconnu une voiture couchée sur le flanc au milieu de la chaussée. Ne voyant d’abord aucun signe de présence sur le lieu, j’ai crû d’abord qu’il s’agissait d’un accident arrivé dans la nuit. Et puis, en passant au niveau de la voiture, j’ai vu une jeune dame qui essayait péniblement de sortir du véhicule, un téléphone protable contre l’oreille (elle avait eu le temps d’appeler son ami). J’étais le premier à passer sur le lieu de l’accident. Il y avait eu plus de peur que de mal, le véhicule était foutu mais la victime heureusement saine et sauve. Deux autres véhicules se sont ensuite arrêtés et nous avons réussi, à trois, à faire sortir la passagère. Quelques minutes plus tard, l’ami de la jeune femme est arrivé « à fond les gamelles ». Pendant cinq secondes, il a serré la conductrice dans ses bras, rassuré qu’elle soit saine et sauve. Nous avons péniblement remis la voiture sur ses quatres roues. Au moment de partir, alors que je remontais dans mon véhicule, j’ai entendu quelques bribes d’une conversation un peu dure. Le mec en question reprochait déjà à son amie d’avoir bousillé la bagnole. A sa place j’aurais été content de serrer entre mes bras quelqu’un de bien vivant.
Et finalement, j’en reviens à mon hypothèse absurde de départ : « Et si certain(e)s, avec de tels conjoints, n’étaient pas vraiment pressés de rentrer à la maison le soir ? Et content(e)s d’en repartir vite le matin ? »
Plus on va vite… et plus on est en retard.
C’est paradoxal mais c’est effectivement ce qui se passe !
Qui a l’explication de ce phénomène bizarre ?
C’est une réflexion qui rejoint finalement une autre déjà faite sur ce blog à propos de la notion du temps : plus on court, plus on veut gagner du temps et plus le temps s’écoule vite, ce qui est très paradoxal. Le temps est quelque chose finalement d’assez relatif, même si rien ne peut l’empêcher de s’écouler inexorablement.
Il t’en arrive, dis donc, des trucs en bagnole (en allant au boulot, en allant à Texel…). Quand y’aura plus de pétrole, tout va devenir bien monotone !!!
Bernard, les « petites phrases » que tu n’oses pas dire sur le blog, souffle-les peut-être à Vincent. A tous les coups il se fera un plaisir de les prendre à son compte… puisqu’il semble s’être fait une spécialité du « mauvais goût », du « politiquement incorrect » et/ou de la « part maudite ».
L’intelligence est dans la décélération. Mais il faut prendre d’abord les choses de vitesse.
(Cool Memories V, Galilée, 2005)
Ben oui, Humeur badine, il m’en arrive des tas de trucs en bagnole. Sauf quand je monte en stop une jolie fille, il ne m’arrive alors jamais rien … !
Il ne me paraît pas si étonnant que ça d’avoir l’impression d’un temps qui s’écoule plus vite lorsqu’on est pressé. Disons plutôt que ceci confirme le fait que le temps est d’abord ce qu’on pense qu’il est plutôt qu’une réalité objective. C’est finalement rassurant quand on pense que l’asservissement moderne à ce temps mécanique de la production-consommation et la confiscation du temps personnel (tout le monde se plaint de ne plus avoir le temps) au profit de ce temps accaparé à faire et à produire à tout prix, n’est en réalité qu’une question de croyance et qu’il n’est pas si difficile que ça de reprendre en main son propre temps dès lors qu’on décide de s’arracher à cette tyrannie du faire, du travail à tout prix et qu’on veuille bien accueillir de nouveau tout ce « temps perdu » (pour la production, effectivement) à ne rien faire, à méditer ou à contempler la beauté des choses et des êtres, à s’immerger dans l’éternité du présent pour en éprouver la densité et l’épaisseur singulièrement différentes de celles de ce temps mécanique après lequel on court à corps perdu (ou plutôt à temps perdu).
Travailler moins pour gagner plus… de temps
On avait déjà évoqué cette notion relative du temps dans les commentaires de mon article « pur moment de bonheur » (à retrouver éventuellement avec le moteur de recherche de ce blog). Je me rappelle aussi que Vincent avait écrit, à propos d’un article sur la décroissance, qu’on avait plus besoin de lenteur que de décroissance. Je crois effectivement qu’on a réellement besoin de ralentir dans ce monde qui va de plus en plus vite et où tout le monde court … après quoi au juste ?
J’aime bien la phrase de Anne : « Travailler moins pour gagner plus… de temps ».
« On a plus besoin de lenteur que de décroissance » ?
Mouais… Ça manque de « peut-être » ce genre de phrase, pour me convenir et ne pas me faire réagir. (C’est qui ce Vincent si péremptoire ?)
Je préfèrerais formuler aujourd’hui les choses un peu autrement, ou du moins aborder le sujet sous un autre angle (sans doute influencé par l’effet persistant provoqué par la lecture de L’être-temps d’André Comte-Sponville, cet été) :
Le « problème » n’est peut-être pas tant la vitesse en tant que telle, que la « perte de présence » qu’elle engendre généralement. La lenteur n’est dès lors une solution que dans la mesure où elle favorise la conscience (salutaire) de l’instant présent. Mais si elle favorise certes cette « présence à soi et au monde », elle ne la garantie pas. On peut en effet très bien imaginer quelqu’un allant lentement mais pensant à autre chose que ce qu’il fait (plongé par sa « maudite pensée » dans le passé, le futur ou l’imaginaire) et un autre filant au contraire à toute allure mais restant scrupuleusement (et « jubilatoirement ») fixé sur l’ici et maintenant.
Les « accidents » (de voiture ou autre) ne surviennent-ils pas essentiellement lorsqu’on « pense » à autre chose qu’à ce qu’on fait ? Quand on cherche à abolir les aspects du réel qui nous « encombrent » (les déplacements et toutes sortes d’ « entre-deux ») ?
En même temps, heureusement qu’il a « déboulé à toute bezingue » son mec… sinon tu l’aurais sûrement prise en stop, Bernard, la jeune femme, hein ?… et tu ne nous en aurais rien dit, il n’y aurait pas eu d’article, puisqu’il ne se serait évidemment… « rien passé » !
(A sa place, tu aurais fait quoi, déjà ?… Attends, je relis ! Aaaaah oui… Moi aussi, sûrement !)
TEMPS
« Le temps, disait Chrysippe, se prend en deux acceptions. » Il est d’usage de les confondre, et c’est cette confusion, presque toujours, qu’on appelle le temps.
Le temps, c’est d’abord la durée, mais considérée indépendamment de ce qui dure, autrement dit abstraitement. Non un être, donc, mais une pensée. C’est comme la continuation indéfinie et indéterminée d’une inexistence : ce qui continuerait encore, c’est du moins le sentiment que nous avons, si plus rien n’existait.
Ce temps abstrait – l’aiôn des stoïciens – peut se concevoir, et se conçoit ordinairement, comme la somme du passé, du présent et de l’avenir. Mais ce présent n’est alors qu’un instant sans épaisseur, sans durée, sans temps (s’il durait, il faudrait le diviser en passé et en avenir), et c’est en quoi il n’est rien, ou presque rien. En ce sens, et comme disait encore Chrysippe, « aucun temps, n’est rigoureusement présent ». C’est ce qui le distingue de la durée. A le considérer abstraitement, le temps est constitué essentiellement de passé et d’avenir (alors qu’on ne peut durer qu’au présent), et pour cela indéfiniment divisible (ce que le présent n’est jamais) et mesurable (ce que le présent n’est pas davantage). C’est le temps des savants et des horloges. « Pour déterminer la durée, disait Spinoza, nous la comparons à la durée des choses qui ont un mouvement invariable et déterminé, et cette comparaison s’appelle le temps. » Comparaison n’est pas raison : le présent, incomparable et indivisible, n’en continue pas moins.
Quant au temps concret ou réel – le chronos des stoïciens -, ce n’est que la durée de tout, autrement dit la continuation indéfinie de l’univers, qui demeure toujours le même, comme disait à peu près Spinoza, bien qu’il ne cesse de changer en une infinité de manières. C’est la seconde acception du mot : non plus une pensée, mais l’être même de ce qui dure et passe. Non la somme d’un passé et d’un avenir, mais la perduration du présent. C’est le temps de la nature ou de l’être : le devenir en train de devenir, le changement continué des étants. Le passé ? Ce n’est rien de réel, puisque ce n’est plus. L’avenir ? Ce n’est rien de réel, puisque ce n’est pas encore. Dans la nature, il n’y a que du présent. C’est ce qu’a vu Chrysippe (« seul le présent existe »), et c’est ce que Hegel, à sa façon, confirmera : « La nature, où le temps est le maintenant, ne parvient pas à différencier d’une façon durable ces dimensions du passé et du futur : elles ne sont nécessaires que pour la représentation subjective, le souvenir, la crainte ou l’espérance » (Précis de l’Encyclopédie § 259). Comment mieux dire qu’elles ne sont nécessaires que pour l’esprit, point pour le monde ? Le temps de l’âme n’est qu’une distension, comme disait saint Augustin, entre le passé et l’avenir (c’est ce qu’on appelle la temporalité). Le temps de la nature, qu’une tension (tonos), qu’un effort (conatus) ou un acte (energia), dans le présent. Ces deux temps, toutefois, ne sont pas sur le même plan : l’âme fait partie du monde, comme la mémoire et l’attente font partie du présent. Le temps, dans sa vérité, est donc celui de la nature : ce n’est qu’un perpétuel, quoique multiple et changeant, maintenant. C’est en quoi il ne fait qu’un avec l’éternité.
Deux sens, donc : une abstraction ou un acte. La durée, abstraction faite de ce qui dure, ou l’être même, en tant qu’il continue. Une pensée, ou un devenir. La somme du passé et de l’avenir, qui ne sont rien, ou la continuation du présent, qui est tout. Un non-être, ou l’être-temps. Ce qui nous sépare de l’éternité, ou l’éternité même.
(Dictionnaire philosophique, PUF, 2001)
TEMPS PERDU
C’est le passé, en tant qu’il n’en reste rien, ou le présent, en tant qu’il n’est que l’attente de l’avenir. Aussi est-ce le contraire de l’éternité. Misère de l’homme. Le temps perdu, c’est le temps même.
TEMPS RETROUVE
C’est une espèce d’éternité de la mémoire, où le temps soudain se révèle (« un peu de temps à l’état pur », dit Proust), dans sa vérité, et par là (en cet instant « affranchi de l’ordre du temps ») s’abolit. Voilà que le présent et le passé ne font qu’un, ou plutôt, pour différents qu’ils demeurent (la madeleine dans le thé et la madeleine dans la tisane sont deux), voilà qu’ils se rencontrent dans un même présent, qui est celui de l’esprit, qui est celui de l’art, voilà qu’ils libèrent « l’essence permanente et habituellement cachée des choses », qui est simplement leur vérité, toujours présente, ou leur éternité. Car la vérité ne passe pas, tout est là, car le temps ne passe pas (c’est nous, dirait Proust comme Ronsard, qui passons en lui), et cette contemplation, quoique fugitive, est d’éternité. Le temps retrouvé est ainsi la même chose que le temps perdu (« la vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue… »), et pourtant son contraire.
(Dictionnaire philosophique, PUF, 2001)
Lorqu’on se déplace à pied, rollers, vélo – voire même en auto (lorsqu’on part à temps ou en avance) – on a surtout la possibilité de profiter du paysage, de prendre conscience du territoire, de l’espace traversé.
Paul Virilio (dans un texte que je crois avoir déjà mis en ligne dans un commentaire) évoque à ce sujet la perte de « grandeur nature » que provoque la vitesse.
(…) Cette perte de l’étendue de l’espace réel au profit du temps réel est une sorte d’attentat à la grandeur nature. Il n’y a pas simplement un attentat contre la nature avec la pollution des substances, mais un attentat à la grandeur nature avec la pollution des distances. Derrière la mondialisation, quelque chose se prépare, que Foucault a analysé pour le XVIIIe siècle : <i>le grand renfermement</i>. Ce grand renfermement est devant nous. Il est dans cette absence d’espace géographique et cette absence de délai pour communiquer qui faisaient la liberté même de l’homme. Je rappelle qu’une des premières libertés est celle de se mouvoir.
Cette liberté n’est pas menacée par un interdit comme à l’époque de Foucault, où l’on enfermait les gens dans une prison pour qu’ils ne puissent plus bouger. Là, on les enferme dans la rapidité et l’inanité de tout déplacement. Jean Giono faisait dire à son maître d’école : « Mes enfants, ne courez pas dans la cour, elle vous paraîtra plus grande. » (…)
(<i>Cybermonde, la politique du pire</i>, Textuel, 1996)
(…) L’écologie verte, c’est l’écologie des substances, c’est-à-dire la pollution de la faune, de la flore, de l’atmosphère, de l’hydrosphère, etc. Or, à côté de cette écologie verte qui traduit la pollution de la nature, il y a une écologie grise. Le mot ‘ »gris » signifie qu’il n’y a pas de couleur, c’est aussi une référence à l’ontologie grise de Hegel. A côté de cette pollution visible, bien matérielle, bien concrète et substantielle, il y a une écologie des distances. La pollution est aussi la pollution de la grandeur nature par la vitesse. C’est pour cela que je parle de pollution dromosphérique. La vitesse pollue l »étendue du monde et les distances du monde. Cette écologie n’est pas perçue, parce qu’elle n’est pas visible mais mentale.
Jadis, le voyage comprenait trois étapes : le départ, le trajet et l’arrivée. Aujourd’hui, l’arrivée généralisée a dominé tous les départs. Le sentiment d’enfermement dans le monde ne peut que se développer parce que « l’achèvement est une limite » – deuxième axiome aristotélicien. Nous allons bientôt ressentir la fin du monde. Non pas la fin du monde apocalyptique, mais le monde comme fini. « Le temps du monde fini commence » disait Paul Valéry, aujourd’hui c’est l’espace du temps fini qui commence. L’événement dramatique de ce renfermement, c’est que la jeunesse ne peut plus conquérir le monde. « Les voyages forment la jeunesse », dit l’adage ; or, quand on incite son fils à parcourir le monde, on l’envoie dans lemonde. Si, dès l’enfance, le monde est perdu comme distance et réduit à rien, on ressent un sentiment d’incarcération et les voyages ne forment plus la jeunesse. La jeunesse naîtra dan sun monde clos qui représente une menace inouïe. (…)
(Cybermonde, la politique du pire, Textuel, 1996)
(…) L’histoire du politique est inséparable de l’histoire de la richesse et du capital – il n’est pas nécessaire d’être marxiste pour dire cela. La face cachée de la richesse et de l’accumulation, c’est-à-dire la capitalisation, c’est l’accélération. Hier, l’accélération des transports maritimes, aujourd’hui, l’accélération des informations. Donc, une politique de la vitesse s’impose. Au moment où l’on est menacé d’une cybernétique sociale, par les télécommunications, par Internet et par l’automatisation de l’interactivité, il faut qu’il y ait une économie politique de la vitesse comme il y a une économie politique de la richesse et de l’accumulation. Sinon, nous ne pourrons pas résister à cette pollution des distances qui est imperceptible et invisible.
Prenons l’exemple de l’Atlantique. Ce n’est plus qu’une grande poubelle. En inventant les avions supersoniques, on a liquidé les paquebots. L’Atlantique ne sert guère qu’à quelques transbordeurs ou quelques cargots. Il n’est plus parcouru par l’homme, sinon comme terrain de jeu pour des croisières en solitaire ou les rameurs comme d’Aboville. Il y a donc une perte de l’étendue Atlantique qui préfigure la perte de l’étendue planétaire. (…)
(Cybermonde, la politique du pire, Textuel, 1996)
(…) Par un curieux chassé-croisé, auquel les nouvelles technologies ne sont pas étrangères, il semble que plus nous saturons l’espace, plus nous désertons le temps. Le « speedé » de l’an 2000 qui téléphone, clique, faxe, allume sa télé et saute dans un avion divise son agenda en quarts d’heure, son time-code en secondes, mais sa zone de déplacements utile se compte en milliers de kilomètres. Le villageois de 1850, qui allait à la messe ou à la mairie, à pied ou à cheval de sa ferme au chef-lieu, procédait à rebours. Ils inscrivait ses journées dans un temps long, mesuré en saisons et en générations mais dans un espace étriqué, mesuré en pas et en lieues. En un clin d’oeil, un siècle, celui qui sépare le vélocipède du supersonique, la texture du monde vécu a inversé ses trames : les distances nous sont devenues indifférentes, mais le moindre délai nous devient insupportable (on aura compris que je ne parle pas ici des peintres ni des jardiniers, mais de l’urbanisé moyen, vous et moi). Ainsi, à la contraction planétaire répond une pulvérisation du calendrier ; on se délocalise aussi vite qu’on se déshistorise ; comme si, à mesure que nous démultiplions nos autoroutes terrestres, aériennes et informatiques, nous perdions dans l’élan le sens de la durée, et des chronologies. (…)
Cela peut se dire autrement. Vers 1900, nous savions être à la fois aujoud’hui et hier : en lisant la Bible ou Alexandre Dumas, en récitant nos classiques sur l’estrade, en allant au confessionnal ou au mur des Fédérés, en fredonnant la Marseillaise. Ou aujourd’hui et demain, en chantant l’Internationale, en lisant Emile Zola ou Jules Verne, en écoutant le leader du Parti évoquer la future société sans classes. Les humains de l’an 2000, pour qui, maintenant, tout est maintenant, nous savons surtout être ici et ailleurs : avec notre portable, avec note télé, nos e-mails et nos sites. On dirait même, en Occident, qu’on ne se sent pas exister si l’on ne se trouve pas dans deux endroits à la fois (par l’ouie, l’oeil ou les deux). Aux petits rendez-vous avec les disparus qu’étaient sacrements religieux ou liturgies laïques succèdent les liaisons tous azimuts, la coprésence instantannée des contemporains, le « contact » à l’horizontale. Les morts s’éloignent, les vivants se rapprochent. Internet annule Euclide à coups de clics. C’est l’apogée du mouvement d’envol amorcé vers 1850, quand les nouvelles se sont mises à aller plus vite que leurs porteurs. Avec le télégraphe électrique et tous les décrochages de vitesse qui ont suivi, on s’est peu à peu installé dans l’ubiquité (conquête dont Valéry, grand médiologue avant la lettre, avait pressenti dès 1935 les sidérants effets). « Echangerais volontiers pérennité contre ubiquité » : telle aurait pu être, à ses débuts, la petite annonce de la société de l’information. (…)
(Des machines et des âmes, Descartes et Cie, 2002)
Ce qui est rassurant, toutefois, c’est de savoir que marcher à pied nous reste toujours fort accessible ainsi que retrouver la densité d’un temps moins asservie à cette technologie hallucinante: il suffit d’aller dormir à la belle étoile une ou deux nuits dans son jardin (si on en a un), ou à l’orée d’un bois quelconque. Il n’en faut pas plus pour retrouver les antiques frayeurs et les interrogations fondamentales sur l’existence.
(…) Véra, ma femme, me dit : « Toutes les cinquante minutes un homme meurt sur les routes de France. Regarde-les, tous ces fous qui rôdent autour de nous. Ce sont les mêmes qui savent être si extraordinairement prudents quand on dévalise sous leurs yeux une vieille femme dans la rue. Comment se fait-il qu’ils n’aient pas peur quand ils sont au volant ? »
Que répondre ? Peut-être ceci : l’homme penché sur sa motocyclette ne peut se concentrer que sur la seconde présente de son vol ; il s’accroche à un fragment de temps coupé et du passé et de l’avenir ; il est arraché à la continuité du temps ; autrement dit, il est dans un état d’extase ; dans cet état, il ne sait rien de son âge, rien de sa femme, rien de ses enfants, rien de ses soucis et, partant, il n’a pas peur, car la source de la peur est dans l’avenir, et qui est libéré de l’avenir n’a rien à craindre.
La vitesse est la forme d’extase dont la révolutin technique a fait cadeau à l’homme. Contrairement au motocycliste, le coureur à pied est toujours présent dans son corps, obligé sans cesse de penser à ses ampoules, à son essoufflement ; quand il court il sent son poids, son âge, conscient plus que jamais de lui-même et du temps, de sa vie. Tout change quand l’homme délègue la faculté de vitesse à une machine : dès lors, son propre corps se trouve hors du jeu et il s’adonne à une vitesse qui est incorporelle, immatérielle, vitesse pure, vitesse en elle-même, vitesse extase.
Curieuse alliance : la froide impersonnalité de la technique et les flammes de l’extase. (…)
Pourquoi le plaisir de la lenteur a-t-il disparu ? Ah, où sont-ils, les flâneurs d’antan ? Où sont-ils, ces héros fainéants des chansons populaires, ces vagabonds qui traînent d’un moulin à l’autre et dorment à la belle étoile ? Ont-ils disparu avec les chemins champêtres, avec les prairies et les clairières, avec la nature ? Un proverbe tchèque définit leur douce oisiveté par une métaphore : ils contemplent les fenêtres du bon Dieu. Celui qui contemple les fenêtres du bon Dieu ne s’ennuie pas ; il est heureux. Dans notre monde, l’oisiveté s’est transformée en désoeuvrement, ce qui est tout autre chose : le désoeuvré est frustré, s’ennuie, est à la recherche constante du mouvement qui lui manque.
Je regarde dans le rétroviseur : toujours la même voiture qui ne peut me doubler à cause de la circulation en sens inverse. A côté du chauffeur est assise une femme ; pourquoi l’homme ne lui raconte-t-il pas quelque chose de drôle ? pourquoi ne pose-t-il pas la paume sur son genou ? Au lieu de cela il maudit l’automobilsite qui, devant lui, ne roule pas assez vite, et la femme ne pense pas non plus à toucher le chauffeur de la main, elle conduit mentalement avec lui et me maudit elle aussi. (…)
(La lenteur, Gallimard, 1998)
Si je comprends bien, la solution proposée par Kundéra c’est de se tripoter dans les voitures ? Mouais… Sympa… Mais je ne suis pas certain que ça limite vraiment les accidents !
(En tout cas, c’est un bouquin à avoir dans le vide-poche… et à conseiller aux autostoppeuses !!!)
J’aime beaucoup l’idée d’Isidore « d’aller dormir à la belle étoile une ou deux nuits dans son jardin (si on en a un), ou à l’orée d’un bois quelconque ».
On avait caressé à peu près la même, cet été, avec deux-trois amis : aller dormir à la belle étoile quatre fois par an (à chaque solstice/équinoxes)… comme d’autres – ou les mêmes – font une cure de raisins. Ça me donne envie de relancer le projet (mais c’n’est tout de même pas évident de commencer en hiver !).
Isidore parle de « retrouver ainsi les antiques frayeurs et les interrogations fondamentales sur l’existence ». Je ne dis pas autre chose lorsque je formule plutôt : « retrouver et réveiller le paléolithique en nous ». A l’instar des « éminentes » contributions précédentes je dirais maintenant aussi : « donner au présent sa plus grande épaisseur, en lui permettant de rencontrer le plus lointain passé, s’écarter un peu des vivants pour se rapprocher des aïeux, etc. »
…« se les cailler grave, aussi, histoire d’apprécier davantage le confort moderne de sa maison la nuit suivante », non ?
Tatouages tribaux, scarification et autres piercing, succès grandissant des « stages de survie » et autres « nourriture à base de plantes sauvages », danse africaine et autres stage de « rebirth », « cri primal », etc., la décroissance même (dans une certaine mesure)… etc… etc… Notre époque dite « post-moderne » n’est-elle pas caractérisée par ce curieux mélange de haute-technologie et retour de l’archaïsme ?
Ne peut-on encore voir là une illustration (confirmation ?) de ce que j’appelle le théorème d’Hölderling (« là où croît le danger, croît aussi ce qui sauve ») et que Régis Debray préfère nommer l’effet-jogging (« quand la voiture se développe, se développe également la pratique compensatoire du jogging ») ?
(…) Le territoire a une élasticité que le temps n’a pas. Notre calendrier se cale sur des rythmes cosmiques fixes, les mêmes pour tous, même si, à l’intérieur de ces biorythmes inaltérables, le temps est scandé par nos artefacts (la clepsydre, le clocher du village ou l’horloge télévisuelle). Notre territoire, lui, se construit machinalement et devant chaque échelon administratif, chaque circonscription de souveraineté, peut s’inscrire en vis-à-vis une certaine façon de se déplacer. Le piéton humain a fait la cité, grecque ou romaine ; la chevauchée, la région ou le département ; le chemin de fer, la nation moderne ; l’auto, le continent ; l’avion, la planète Terre ; la fusée,l’espace interplanétaire. Il y a bien un façonnage locomoteur de l’environnement, des ghettos et des marges, des frontières et des collectivités. Les pneus plus encore queles puces, le rail autant que le téléphone ont modifié la géopolitique de la planète et l’équilibre des pouvoirs. Mais, attention à l’effet-jogging, au boomerang culturel du progrès technique ! Chaque palier de vitesse, loin de dévaluer l’échelle spatiale antérieure, la ré-enchante. Le micro-espace dont chaque nouvel engin nous libère, l’affectivité et le mythe s’en emparent sans tarder pour l’ériger en référence identitaire, en paradis perdu. La fusée spatiale a révalorisé les terroirs ; l’automobile, les rues piétonnes. Le gigantisme industriel a promu le small is beautiful, et l’avion gros porteur, le « vivre et travailler au pays ». De même, et contre toute attente, la reproduction électronique de documents a décuplé la consommation de papier, comme les télécoms stimulent l’envie de voyager. On le voit bien : plus on peut aller loin, plus on revitalise la proximité et les valeurs locales. Plus il y a de monde sur les autoroutes, plus il y en a sur les GR. Donc, pas de catastrophisme – les futurologues oublient régulièreùment l’effet-jogging, ce véritable thermostat des équilibres perdus. Dans mes BD d’enfant, vers 1950, les hommes de l’an 2000 se déplaçaient en mini-soucoupe volantes. Le fait est qu’ils vont en trottinette. Ça rassure. (…)
(Des machines et des âmes, trois conférences, Descartes et Cie, 2002)
« Ça rassure » conclut Régis Debray, après avoir repéré ce qu’il appelle l’effet-jogging.
Isidore débute lui aussi par « Ce qui est rassurant… », avant de constater qu’il est toujours possible, à tout moment, et pour chacun, de faire un pas de côté.
J’ose une hypothèse un peu provocante :
La peur, la crainte, l’urgence (le front plissé)… ne sont-elles pas des émotions qui surviennent lorsqu’on pense un peu trop vite ; la sérénité, l’apaisement, la mesure (le sourire)… apparaissant plutôt au bout d’une plus lente méditation.
(Si ça ne vous semble pas « juste » ne me sautez pas dessus tout de suite, siouplé, prenez juste un peu de temps avant de répondre )
Encore un truc (décidément le sujet m’inspire… ou j’ai du temps à perdre !) :
A la question : « Qu’est-ce qui nous pousse ainsi à toujours courir plus vite ? », la réponse me semble être évidemment : « la peur de la mort ». On court pour tenter de lui échapper… et c’est bien sûr le meilleur moyen de la retrouver.
C’est une des conséquences de la rontondité de la Terre : plus on s’éloigne… plus on se rapproche du point de départ !
Et une illustration de plus de « La mort à Samarcande » qu’aimait tant à citer feu-Jean Baudrillard :
Un homme aperçoit la Mort qui le regarde d’un drôle d’air. Craignant qu’elle ne s’en prenne à lui, il prend son cheval et fuit à toute allure pour se cacher en disparaîssant dans la foule de la grande ville proche de Samarcande.
– Que se passe-t-il ? demande un observateur de la scène.
– Je ne comprends pas, répond la Mort. J’ai été surprise de le voir ici. J’ai rendez-vous avec lui cet après-midi… à Samarcande.
(…) Prométhée est devenu un champ de bataille. Deux peurs lui font battre alternativement le coeur et se disputent âprement la direction de son esprit. La première l’adjure de s’arrêter, de prendre son temps, de laisser souffler la terre ; la seconde l’exhorte à foncer tête baissée. La première voudrait restreindre ses pouvoirs ; la seconde, les augmenter. La première lui enjoint d’être raisonnable, la seconde de rationaliser le monde jusqu’à la mort de la mort. La première en appelle à la loi pour fixer des limites, la seconde invoque la vie conte la loi. La première parle le langage du droit et de la responsabilité ; la seconde parle le langage de la revendication et dénonce comme une atteinte aux droits de l’homme chaque tentative de recourir au droit pour tenir en respect la démesure. La première est une angoisse pour le donné à l’ère de la manipulabilité générale ; la seconde est un ressentiment contre le donné, coupable du péché originel de n’être pas un meccano ou un artefact indéfiniment réparable. Bref, ce qui empêche la conversion souhaitée par Hans Jonas [NB : l’initiateur du fameux « principe de précaution »] de Prométhée en chargé d’affaires de la nature, c’est le penchant invincible pour le bien-être et la promesse d’immortalité que la technique véhicule. Conclusion : si nous voulons résister aux fièvres de l’illimité, l’heuristique de la peur ne suffit pas, il faut aussi, en un certains sens, faire la paix avec la mort. (…)
(Nous autres, modernes, ellipses, 2005)
(…) L’un des principes de la logique du don est que le retour, si retour il y a, doit toujours être différé (le paiement monétaire étant précisément l’invention économique qui permet d’interrompre le cycle du don en réglant ses dettes sans attendre). Le temps apparaît donc comme l’élément premier dans lequel peuvent se construire les relations humaines véritables (et l’argent, de ce point de vue, peut être défini comme ce moyen d’acheter du temps qui nous dispense d’entrer en relation avec autrui). Dès lors que la mobilité perpétuelle des individus devient l’impératif anthropologique premier d’une société (ce que Bauman nomme la « vie liquide »), c’est, par conséquent, la possibilité même de nouer des liens solides et durables qui disparaît ; de même, comme Richard Sennett l’a souvent souligné, que celle de construire des « récits de vie » cohérents (et susceptibles, de ce fait, d’offrir aux individus une assise psychologique satisfaisante). (…)
(L’empire du moindre mal, essai sur la civilisation libérale, Climats, 2007)
Ce soir à 20H40 passe sur Arte le film « Le grand silence » tourné dans le monastère de la Grande Chartreuse. Nul doute que ce film a un rapport très étroit avec cette discussion sur la notion du temps. Jacques Morice ne dit-il pas dans Télérama à propos de ce film « un bain de silence et de temps suspendu ».
La solution : se taire !
Possible aussi.
Faudrait peut-être en parler à Vincent (bizarre qu’il n’y ait pas pensé !)
« Le silence éternel de ces espaces infinis » effrayait plutôt Blaise Pascal.
Mais c’est vrai, il peut en apaiser d’autres.
« Le silence – me dit un bavard – n’est qu’un mot ; cela même dont tu parles me donne raison… »
Non ; car je ne parle pas du mot.
*
J’appelle silence tout ce qui reste quand on se tait – c’est-à-dire tout.
Non l’absence des mots, donc, mais la présence des choses ; le silence est un autre nom pour le réel, et son vrai nom (le seul qui convienne à l’innommable chose).
C’est la vérité réduite à sa plus simple expression.
*
Ce silence est l’absence, non des sons, mais de sens : cela qu’habite, non le sourd (le sourd, séparé du silence par tout ce qu’il n’entend pas !), mais le silencieux.
*
La parole ne vaut que par l’épaisseur de silence qu’elle traverse : considérable (dans la confidence ou l’aveu), moyenne (dans la discussion) ou nulle (dans le bavardage.
Bavardage : toute parole qui reste à la surface du silence.
*
La parole dévoile le silence, ou le voile. Vérité ou mensonge.
*
Le bavardage de la séduction, le grand silence de l’amour…
Chacun sait lequel est le plus vrai.
*
Parler pour parler, ou parler pour se taire ?
Bavardage ou vérité.
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« J’ai décidé de ne plus mentir », disait-il. De fait, ses amis remarquaient qu’il parlait de moins en moins.
*
Quand bien même tu connaîtrais tous les mots de ta langue, que saurais-tu du monde ?
(L’erreur des sophistes : prendre le dictionnaire pour une encyclopédie. L’erreur des philosophes : prendre l’encyclopédie pour le monde.)
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Comme ils ont peur du silence, comme ils s’en protègent ! Qu’a-t-il donc d’effrayant ? Ceci : il est transparent au vrai.
*
« Briser le silence », dit-on. Mais comment les mots le pourraient-ils, puisqu’il les contient ?
*
Vivre à proximité de la mort ; parler à proximité du silence.
*
Il est évident que la parole ne crée aucune vérité ; le silence, donc, les contient toutes.
Eternité du silence.
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Il fallait pourtant la parole pour que le silence se manifeste – pour qu’il devienne audible.
(La parole, quand elle est vraie, est ce dévoilement du silence : son devenir-son, qui est devenir-silence du sens. Musique et poésie.
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A quoi bon parler si ce n’est pour rendre au silence sa transparence ?
(Parler pour briser, non pas le silence, mais le mensonge.)
*
Parler pour se taire : rendre au silence sa vérité.
*
Qu’est-ce qu’un ami, si ce n’est celui avec qui je peux, sans gêne ni honte, habiter le silence ?
Cela suppose beaucoup de vérité (un mensonge, entre amis, suffit à rendre le silence irrespirable), et c’est pourquoi il faut parler : pour garder au silence sa fraîcheur et sa limpidité.
*
La vrai silence n’est possible qu’à celui qui n’a rien à cacher. Un mensonge ou une dissimulation, et le voilà qui devient lourd, opaque, plein de sens et de sous-entendus – plein de paroles tues !
Il faut alors parler, pour retrouver le silence.
(Quand le silence serait mensonger, la parole seule est silencieuse.)
*
C’est aussi peut-être ce qui explqiue l’aveu de certains criminels autrement impunis : faire taire en soi le discours de la faute, retrouver ensemble le silence et la paix (et sans doute ces deux mots sont synonymes).
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Le silence est le lieu naturel du vrai : toute vérité en vient, et y retourne.
*
Seule la vérité n’offense pas le silence – parce qu’elle s’y soumet.
*
Le silence est traditionnellement asocié à la prière. C’est bien sûr un contresens : si l’on se tait dans les monastères, c’est au contraire parce que la prière est un discours (« prier c’est dire », constate saint Thomas après saint Isidore), et que l’on ne peut jamais, c’est notre expérience à tous, dire deux choses différentes à la fois… Le silence est donc nécessaire à la prière comme à toute parole, et pour les mêmes raisons. Pour le reste, la prière n’est qu’un bavardage de l’esprit – un bavardage plus ambitieux que les autres, et plus humble.
*
On se tait aussi, dans les monastères, pour écouter Dieu. Et comme il ne dit rien (« Dieu ne parle pas, me disait un prêtre, parce qu’Il écoute »), ce silence n’en finit pas : Dieu nous écoute l’écouter, et cela fait un grand silence, en effet, qui est le vrai de la religion.
*
Toute paroles est fétichiste ; toute prière est idolâtre.
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Est-il un seul discours qui ne soit narcissique ? La vérité, parfois…
(Ne parler que pour se rapprocher du silence.)
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Il ne s’agit pas de se taire toujours mais de rendre à la parole sa fonction et sa dignité, qui n’est pas de briser le silence mais de le dire, de le dévoiler, de le célébrer !
(Parler, non par peur du silence, mais par amour de la vérité.)
*
Habiter le silence : rendre aux mots leur noblesse d’exception.
*
Qu’as-tu donc à tant parler ? Espères-tu faire taire le silence ? Espères-tu convertir la vie ?
Et à la mort, que diras-tu ?
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« Une philosophie sans paroles », a-t-on dit des cyniques. Cela est vrai de toute sagesse, et sauve seul la philosophie du bavardage.
(La philosophie : un certain type de discours ; la sagesse : une certaine qualité de silence.)
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Ataraxia, phasia, disait Pyrrhon ; et pourtant le sage seul, peut-être, sait parler véritablement.
*
Alogos, dit Epicure de la sensation, et c’est la vérité même : muette et dépourvue de raison (ce que j’appelle le silence.)
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Nietzsche se trompe : la vérité n’est pas une femme, puisqu’elle ne parle pas.
Vérité muette : vérité enfant.
*
Chacun est nu sous ses vêtements, et c’est ce qu’on appelle être habillé. Chacun est silencieux sous ses mots, et c’est ce qu’on appelle parler.
*
Là où est la solitude, là aussi le silence.
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Que peut prendre la mort au silencieux ?
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« Le contraire de prier c’est rire », ai-je écrit quelque part. Mais on ne peut pas toujours rire : devant les plus grandes choses, il faut prier, pleurer ou se taire.
Tais-toi.
(Une éducation philosophique, et autres articles, PUF, 1989)
« Tais-toi ! » quand tu parles ou… « T’es toi ! » ?
(…) Il y a un lien secret entre la lenteur et la mémoire, entre la vitesse et l’oubli. Evoquons une situation on ne peut plus banale : un homme marche dans la rue. Soudain, il veut se rappeler quelque chose, mais le souvenir lui échappe. A ce moment, machinalement, il ralentit son pas. Par contre, quelqu’un qui esaie d’oublier un incident pénible qu’il vient de vivre accélère à son insu l’allure de sa marche comme s’il voulait vite s’éloigner de ce qui se trouve, dans le temps, encore trop proche de lui. Dans la mathématique existentielle cette exprérience prend la forme de deux équations élémentaires : le degré de la lenteur est directement proportionnel à l’intensité de la mémoire ; le degré de la vitesse est directement proportionnel à l’intensité de l’oubli.
(…) De ces équations on peut déduire divers corollaires, par exemple celui-ci : notre époque s’adonne au démon de la vitesse et c’est pour cette raison qu’elle s’oublie si facilement elle-même. Or je préfère inverser cette affirmation et dire : notre époque est obsédée par le désir d’oubli et c’est afin de combler ce désir qu’elle s’adonne au démon de la vitesse ; elle accélère le pas parce qu’elle veut nous faire comprendre qu’elle ne souhaite plus qu’on se souvienne d’elle ; qu’elle se sent lasse d’elle-même ; écoeurée d’elle-même ; qu’elle veut souffler la petite flamme tremblante de la mémoire. (…)
(La lenteur, Gallimard, 1995)
(…) La mort est dans la précipitation comme chez elle. La lenteur, en revanche, la surprend, la déconcerte. L’homme pressé et l’homme lent mourront tous les deux, oui, mais l’homme lent aura à cet instant parcouru une bien plus grande distance que l’homme pressé. (…)
(Autoportrait au radiateur, Gallimard, 1997)
Ouah, j’aime cette dernière phrase de Bobin. Elle résume beaucoup de choses qui ont été dites, elle en est une bonne synthèse je crois.
Aveugle et sourd, âne parfois, mais bavard toujours!
J’avoue que tous ces extraits de textes me lassent …
Moi j’aime bien, même si je n’interviens jamais. Une seule fois peut-être jusqu’à présent.
C’est original ce mélange entre citations et discutions. Même si c’est parfois déconcertant, et ça l’est souvent, on s’enrichit de tous ces différents points de vue.
On ne retrouve ça sur aucun blog et c’est aussi pour ça que j’aime bien.
Tout à fait d’accord avec A. Sourdi, trop de mots – la plupart du temps – et pas assez d’images (c’est effectivement lassant) !!!
A moins que ce ne soit : trop d’extraits et pas assez d’oeuvres complètes !
Et surtout, trop de gens qui ont l’inélégance et l’impudeur de parler sans se cacher sous un pseudo !
C’était « gonflé » de lancer un tel sujet sur un blog! Comme Lancien, je suis médusée par la richesse de la discussion… dommage pourtant qu’elle doive trébucher si lourdement à 10:31 avec ces deux lignes grossièrement précipitées à contretemps.
Ok, je fais profil bas. Le propos n’était pas très élégant, je le reconnais. Comme je reconnais que des deux lignes étaient précipitées.
Mais je préfère une discussion où les gens s’expriment directement et montrent ce qu’ils ont dans les tripes; au travers de textes cela me paraît un peu faussé, voire même un tantinet pédant (ça y est, je recommence).
Je conçois que des citations, ou des références (de livres, de liens, etc) puissent conforter une idée, libre à chacun d’exploiter (d’aller plus loin) ensuite pour lui-même.
Mais des km de lecture, dans un blog, à mon avis cela nuit à la vivacité et la sincérité des échanges.
Mais, sincèrement, Assourdi, qui t’oblige à les lire, les textes « un tantinet pédants »… ou « lassants » ?
Et surtout qui t’empêche de faire ce que tu demandes aux autres de faire ? (En même temps, tu avoueras que « sortir ses tripes », ce n’est pas toujours de la plus grande élégance !) Pourquoi, par exemple, ne t’es-tu ici, justement, pas « exprimé directement », pour notamment tenter d’engager un débat qui se serait orienté dans une direction qui t’aurais mieux convenu ?
Et enfin, comment penses-tu parvenir à concilier « sincérité des échanges » et « pseudo masquant qui tu es » ?
(NB : Ce sont de « vraies et sincères » questions.)
Personne ne m’oblige à les lire, en effet. Je veux simplement dire que je préfère l’expression directe des gens, même émaillée de références à des textes, que les extraits de textes eux-mêmes.
Première remarque : ce ne sont pas les textes que je trouve « pédant » (un tantinet), mais le fait de copier les textes.
Deuxième : le fait de les copier « oblige » qaund même (sinon, à quoi ça sert?) à les lire.
Troisème : je ne chercherai jamais, au grand jamais, à orienter une discussion dans un sens qui me conviendrait mieux; je respecte (et oui!) assez l’auteur de ce blog et les intervenants divers pour, disons, me contenter d’apporter un petit plus à la discussion.
Quatrième : quand on sort ses tripes, ce n’est pas par souci d’élégance mais par souci de franc parler. On peut aussi dire autre chose mais je m’abstiendrai.
Dernière : suis-je vraiment le seul masque dans ce blog???
Un masque « en bleu » (que l’on peut donc ôter d’un simple coup de souris) est-il encore un masque ?
Cette ébauche de discussion sur le masque me fait évidemment penser au « larvatus prodeo » de Descartes et aux passages (excellents) de Nietzsche sur le sujet, dans Le gai savoir et de Par delà le bien et le mal (que je ne vous ferai donc pas l’affront de citer ici) !
Assourdi(e) a raison, Vincent, « aveugle et sourd », je ne sais pas trop, mais en revanche t’es vraiment un « âne ». Et on ne peut plus « pédant » avec ça !
Moi, en tout cas, j’préfère quand tu le… masques (au moins « un tantinet » davantage) !!!
Le gai savoir :
(…) Et la vie antique, que pourrait-on y comprendre si l’on ne comprend pas la joie du masque, la bonne conscience de tout ce qui ressemble au masque. (…)
*
(…) L’ermite parle encore une fois. – Nous aussi, nous avons des rapports avec les « hommes », nous aussi nous revêtons humblement le vêtement que l’on sait être le nôtre, que l’on croit nous appartenir, sous lequel on nous vénère et on nous cherche, et nous nous rendons en société, c’est-à-dire parmi des gens déguisés qui ne veulent pas qu’on les dise déguisés ; nous aussi, nous agissons comme tous les masques avisés et nous éconduisons d’une façon polie toute curiosité qui ne concerne pas notre « travestissement ». (…)
Par delà le bien et le mal :
(…) Tout esprit profond a besoin d’un masque ; bien plus : un masque se forme sans cesse au tour de tout esprit profond, grâce à l’interprétation continuellement fausse, c’est-à-dire plate, donnée à chacun de ses mots, de ses pas, des moindres manifestations de sa vie. (…)
*
(…) Il est des esprits libres et effrontés qui voudraient cacher et nier qu’ils sont des coeurs brisés et fièrement incurables (le cynisme d’Hamlet – le cas Galiani) et parfois la bouffonnerie elle-même est le masque d’un savoir funeste et trop certain – D’où il suit que c’est une marque d’humanité un peu délicate de respecter « le masque » et de ne pas pratiquer à tort et à travers la psychologie et la curiosité. (…)
Effectivement, les intentions qu’on nous prête parfois ne sont la plupart du temps que des interprétations. Et le masque qu’on est « condamnés » à porter, un aggloméré de ces interprétations. Le mot aggloméré – qui m’est venu automatiquement, comme une image- me paraît peut-être d’autant plus juste qu’ il donne l’impression de quelque chose de grossier et d’assez laid, en fait : balancé à la va vite… On porterait alors un masque plus grossier, plus laid, devant ceux qui nous prêtent une attention moins fine, ou qui interprètent nos paroles, gestes etc plus hâtivement, et un masque plus léger, plus fin dans sa forme, plus nuancé et donc, probablement plus juste, devant ceux qui ne se précipitent pas dans une interprétation, masi qui laissent le temps au masque de se construire, par petites touches; qui observent plus qu’ils n’interprètent ?
Alors, comment pourrait-on reprocher aux gens le masque qu’ils nous présentent quand il n’est que le fruit de nos interprétations plus ou moins arbitraires ?
Du coup, porter un masque est plus un acte passif qu’actif… on subit le masque qu’on nous fait porter ?
(en fait, j’ai cette impression tous les jours… mais pour être honnète, je joue bien le jeu aussi. Suis pas complètement innocente…)
En matière de Larvatus prodeo, j’aime bien celui de Léotard (Philippe). Juste une citation, quand il dit pourquoi il écrit :
« mais je ne touche pas au visage des choses :
je leur vise le ventre. »
Mots que d’aucuns peuvent considérer comme peu élégants, mais qui viennent des tripes, et qui disent vrai.
J’avais écrit cet article il y a pas mal de temps déjà mais j’ai envie d’y revenir ce soir.
Je constate actuellement une recrudescence de la vitesse sur les petites routes de campagne et ça fait frémir. Ce matin, à 7H15, un type a pris son virage en face de nous, certainement à plus de 100 à l’heure. On sentait qu’à la sortie du virage il ne maîtrisait pas son véhicule. Il est passé en trombe à côté de nous. 10 secondes plus tard, un autre véhicule nous a doublé, probablement à plus de 110 à l’heure. Nous étions sur une petite route.
Mais qu’ont-ils tous à aller si vite au boulot ?
C’est incroyable !
Encore une fois !
Une fois de plus !
Tout à l’heure en rentrant du travail, j’étais passablement pressée et rouspétais contre les molassons devant moi, et …
J’ai repensé à cet article que tu avais écrit.
Et justement, maintenant, tu y reviens !
Je vais finir par vraiment croire à la télépathie.
D’habitude, c’était avec Christophe, mais si Bernard aussi s’y met !
Peut-être qu’on devrait inventer un réseau télépathique entre nous tous, ça éviterait de faire un blog et tout le tralala .. :biggrin:
Oh ben ,pas besoin de télépathie pour savoir ce que l’on va prendre au sujet du Mont-Blanc avec Etincelle …. !!!!!
:unsure:
Bon , à cette heure-ci elle doit être au lit :sleeping: …. Que veux-tu faire d’autre quand tu n’as pas de télé …… Hé hé hé
Là aussi , On frise l’accident …
télé patie ?
Pour moi c’est Télé Pastis … !!
:sick:
Je suis quelqu’un du genre qui aime plutôt les gens. Mais je crois que je m’offrirai un jour le luxe de mettre sur ce blog un article de haine (oui, je sais, ça va surprendre du monde) … Un article de haine à l’égard des chauffards et de ceux qui détruisent des vies innocentes, souvent en toute impunité.
Bernard, il faut que tu te mettes à la culture intensive du souchet, que tu fabriques ton horchata de chufa et que tu la mettes à la mode…..Tu vas voir, tous ces petits jeunes qui sortent de boites complètement allumés actuellement, vont s’y mettre, tu ne gagneras peut-être pas ta vie, mais tu sauveras celle des autres……
J’ai un ami qui a perdu par deux fois en trois ans, ses deux enfants dans des accidents à la sortie de boites de nuit en campagne. Même scénario, même résultat, la grande faucheuse était au rendez-vous. Vies brisées pour ces deux garçons, mais aussi celles de leurs proches.
Il y a tous ces chauffards alcoolisés, drogués et puis il y a aussi les autres, les ceux qui ne prennent plus l’autoroute parce qu’il y a les radars, parce que l’autoroute est chère…et ceux qui roulent à tombeau ouvert parce qu’ils font le même trajet tous les jours…qu’ils connaissent par coeur…qu’y a pas de danger…et parce que ça n’arrive qu’aux autres… Bien sûr en tout impunité, lorsqu’il y a mort d’homme les peines ne sont pas les mêmes que pour le crime crapuleux avec armes….pourtant, la mort est la même, le crime est évident dans les deux cas.
Il y aurait encore tant de choses à dire…….
De la haine dans les propos de Bernard ?
Difficile à imaginer.
Pourquoi tous les petits jeunes … vous n’en avez pas marre de taper sur les jeunes à la moindre occasion !!!!
Non, Yves, je ne tape pas sur le dos des petits jeunes, désolée si c’est l’impression que j’ai donnée, mais, dans mon métier, malheureusement, on se rend compte que ce sont nos jeunes qui sont le plus touchés, ce sont eux qui paient un lourd tribut sur les routes, j’en vois tous les jours, et pas toujours dans un lit malheureusement, beaucoup plus souvent « dans un tiroir ». Alors oui je crie ma détresse devant tant de morts, je ne peux pas être insensible….est-ce la logique de la vie que de voir partir nos enfants……La mort d’un homme est tragique, mais la mort d’un enfant, cela a quand même une autre dimension…..même s’il est devenu un homme !
Loin de moi l’idée de vouloir en rajouter sur les jeunes, Yves. Cela dit, je constate que les personnes que je vois chaque semaine sortir d’un virage en maîtrisant à peine leur véhicule sont tous jeunes. Ce n’est pas un jugement de valeur, loin de là, juste un constat d’ordre statistique.
Ici il y a un grand danger sur les routes qui met rarement en cause les jeunes ou l’alcool et la vitesse .
Entre fin juillet et fin septembre 2009, au moins six véhicules ont pris une voie express à contre sens et ont été à l’origine d’un accident grave dans l’Ouest. Une série noire qui s’est soldée par deux morts et une dizaine de blessés, dont plusieurs grièvement. Ces accidents se sont produits un peu partout sur le réseau breton … Ils mettent souvent en cause des conducteurs âgés .
Mais que vont devenir ces jeunes ….??
Voir cette vidéo sur la délinquance …
http://www.youtube.com/watch?v=GxjNbwAtgQk&feature=fvst
Il faut peut-être leur rappeler que le mélange cidre + gnôle c’est un cocktail détonnant…….il faut les enfermer tous ces petits vieux qui veulent encore jouer aux djeuns…. :silly: à leur décharge, il faut bien se réchauffer comme on peut en Bretagne, :tongue: et s’ils n’ont pas pris la précaution de manger des tomates et grignoter des graines de courges…..il y a des occupations qui ne sont plus à leur portée….
Trêve de plaisanterie………malheureusement, les statistiques prouvent que les accidentés de la route sont en majorité des jeunes, et même si la Bretagne, elle, se démarque un peu (une fois de plus :tongue: ) avec le reste du territoire français -d’après Yves – les conducteurs âgés sont loin d’être les plus meurtriers, c’est parce qu’ils sont les plus rares qu’on les remarque si bien.
Au fait, je n’ai pas trop suivi les évènements, la Bretagne fait toujours partie de la France ?:tongue:
A Paris, intra-muros, nous n’avons pas trop d’accidents routiers mortels, que ce soit au niveau des jeunes ou des 4ème âge !!!!Nos jeunes morts sont victimes de la fumette et de la piquouse….mais, ça, c’est banalisé……il y en a tellement, qu’on en parle plus…….
Le clip-vidéo de Mick « la clé des champs », me laisse sans voix.
Encore la preuve que l’on peut se déjanter sans boire ni fumer…
Première partie angoissante, la solitude crève l’écran, c’est poignant,
Deuxième partie attendrissante et pleine d’espérance.
On peut donc encore faire des choses quand on est des « 4ème âge »…? : :tongue:
Très marrante la vidéo ! Effectivement, y’a pas besoin de boire ou de fumer. Encore que ça doit aider, non ?
Au fait, vous saviez vous, qu’en Bretagne, on boit de la lambig (ou du lambig ?) plutôt que de la gnôle.
C’est de l’eau de vie de cidre, Yves pourra confirmer ou non.
Et le kir breton est fait avec du cassis, du cidre et de la (du) lambig.
C’est très bon.
Il me semble que le calvados, c’est du cidre qui a été distillé. Alors, le lambig, si c’est de l’eau de vie de cidre, c’est pas du calvados ?
En Bretagne, il n’y a pas si longtemps, j’ai bu quelque chose qu’ils appelaient lambig mais pas calvados.
Peut-être que c’est la même chose mais que les normands disent calvados et les bretons lambig.
Honnêtement je ne sais pas.
Au secours, Yves, on a besoin d’un spécialiste.
Chez nous en Cornouaille , Le lambig ou le lagout comme dit mon père est bien obtenu par distillation de cidre dans un alambic . Le Calvados est une AOC de la région Normandie , c’est autrement le même produit .
http://www.cidref.fr/fr/aor_lambig_bretagne.php
Ma grand-mère qui est décédée cette année , avait les droits de distiller le lambig pour la famille . A sa mort ce privilège est supprimé .
http://www.sommelier-a-domicile.com/pages/m_boissons_eau_de_vie.html
Et tu pense qu’avec le stock laissé par ta grand-mère, tu vas pouvoir tenir jusqu’à la fin de ta vie ? :sick: :sick: :sick:
Mon père doit avoir une soixantaine de litres , comme on utilise en moyenne 2 litres par an je peux tenir encore environ 30 ans … J’ aurai 71 ans et j’espère en retraite … Car au train ou vont les choses avec tous ces jeunes cons drogués alcooliques et fous du volant qui ne verront pas 30 ans , qui va payer nos retraites !!!!!!
Le corps idéal – paraît-il – pour survivre à un accident de voiture :
ça dissuade de faire de la chirurgie esthétique non ?