Les éditions Brilliant continuent leur politique de petits prix pour le plus grand bonheur des consommateurs. Après le succès de l’intégrale Mozart (170 CD, bradée actuellement à 70 euros), de l’intégrale Bach (155 CD, 85 euros) et celle de Chopin (30 CD, 39 euros), une nouvelle parution est annoncée pour le 23 septembre. Et le compositeur, là aussi, est l’un des plus grands : Beethoven. Les prix sont très faibles mais un peu en augmentation par rapport aux autres intégrales : 99 euros pour le coffret de 100 CD (mais, cerise sur le gâteau, le coffret contient cette fois-ci un livret de 200 pages).
Ce qu’on sait moins, c’est que cette maison d’édition commercialise une autre collection appelée Masterworks (chefs d’oeuvres) pour un prix guère plus élevé (chaque CD revenant à environ 1 euro). Il existe dans cette collection plusieurs coffrets de 40 CD dont les prix sont actuellement bradés sur Abeille Musique (le plus grand diffuseur des éditions Brilliant) au prix de 40 euros chaque coffret : Schubert, Haydn, Haendel, Mendelssohn, Dvorak, Brahms, Vivaldi … D’autres coffrets sont disponibles en dehors de cette collection : par exemple Shostakovitch (64 euros les 27 CD) et Grieg (28 euros les 21 CD).
Si j’en juge par la plupart des critiques, chaque coffret peut être acheté les yeux fermés, il ne s’agit pas d’interprétations « au rabais » mais bel et bien d’enregistrements de haute qualité artistique et technique. Le faible prix s’explique par le fait que ces disques sont déjà sortis sous d’autres labels (et que les coûts ont donc déjà été amortis) et par le grand nombre d’exemplaires vendus dans le monde entier (300 000 exemplaires je crois pour les précédentes intégrales) qui permet de réduire les coûts de fabrication et de diffusion.
Evidemment, la question qui subsiste est « la musique doit-elle se vendre au kilomètre » ? C’est à mon avis une question importante. Mais il n’en demeure pas moins qu’en pleine crise du disque, un éditeur courageux nous a montré qu’une maison d’édition pouvait vivre en pratiquant des prix infiniment inférieurs à ceux des autres maisons. On est loin du ton larmoyant des majors de l’industrie du disque.
Beethoven, il faut bien s’en éloigner de temps en temps, le tromper avec Bach ou Mozart. Mais on lui revient toujours.
(De la musique, Gallimard, 1998)
Je trouve Mozart dans Mozart, trop de Beethoven dans Beethoven, rien de Bach dans le sublime anonymat de Bach.
(La fable et le fouet, Gallimard, 1995)
Beethoven a vicié la musique : il a introduit les sautes d’humeur, il y a laissé entrer la colère.
(Syllogismes de l’amertume, Gallimard, 1980)
La joie beethovénienne est trop volontariste pour être tout à fait crédible : on dirait que Beethoven n’écarte la souffrance humaine, dont il en sait un bout et ne nous épargne pas le détail, que pour autant qu’il assure auprès de sa propre volonté, mélange d’énergie goethéenne et de morale kantienne. Au lieu que la joie mozartienne, et c’est là son privilège propre, fonctionne pour ainsi dire à vide, ne se recommandant d’aucune certitude ni volonté.
(Matières d’art, Le Passeur, 1992)
Mozart est un miracle, Beethoven est un combat. Et Schubert, quoi ? Une souffrance, une misère, un déchirement…
*
La musique de Bach ne ressemble qu’à Dieu ; celle de Beethoven, qu’à l’humanité. Et qui prétendrait -fût-ce Mozart lui-même -, qui oserait prétendre que la musique de Mozart lui ressemble ?
*
Beethoven regarde vers l’avenir, comme Hugo faisait aussi, comme Liszt, comme Delacroix…
*
Etc…
(Impromptus, PUF, 1996)
Si je devais amener un disque de Mozart, un seul, sur une île déserte, je prendrais la 5e symphonie de Beethoven.
*
Beethoven, quand t’as mal aux dents, c’est pas le moment.
*
Etc…
(Brèves de comptoir, J’ai lu, 1992-2000)
Je me suis réconcilié un peu avec Beethoven quand j’ai lu quelque part que le premier thème de la Cinquième Symphonie, la symphonie en ut majeur, lui fut suggérée par le chant d’un loriot.
(Le plateau de l’albatros, Grasset, 1994)
Est-ce que les éditions Brilliant ot prévu de nous vendre aussi un jour – et si possible pas cher – le temps libre pour tout écouter ?
J’ai depuis 2 ans l’intégrale de Mozart… et j’suis loin d’être au bout !
C’est eux aussi qui éditent l’intégrale de Dany… Brillan ?
(Suzette, Quand je vois tes yeux je suis amoureux, etc…)
Ça me rappelle une anecdote vécue :
Nous étions quatre amis accoudés au zinc, désirant chacun boire un Pontarlier (les habitués des bars disent « Pont »)
Un des amis appelle la patronne :
– on voudrait un Beethoven
– un Beethoven ?
– oui, un Beethoven. Quatre Pontarliers
– mais pourquoi un Beethoven ?
– parce que… pon, pon, pon, pon (à chanter sur l’air du début de la 5e symphonie)
Quelques semaines plus tard, dans le même bistrot, quatre autres clients :
– on voudrait quatre Pontarliers
– ah ? Un Beethoven, alors !
– un Beethoven ?
– oui, un Beethoven. Quatre Pontarliers
– mais pourquoi un Beethoven ?
– parce que… tsoin, tsoin, tsoin, tsoin
Puisqu’on est dans les calembours :
Beethoven vient de mourir. On l’enterre dans le cimetière municipal.
Quelques jours plus tard, le curé passant par là entend comme de la musique qui émane du tombeau de Beethoven.
Apeuré, le curé s’en va chercher le maire du village. Celui-ci accoure avec
quelques adjoints. Le maire colle son oreille contre le sol, écoute pendant un moment puis il dit:
– On dirait que c’est la neuvième symphonie de Beethoven, mais jouée à
l’envers…
Il écoute un peu plus longtemps, puis ajoute:
– Maintenant c’est la 8ème symphonie, mais jouée à l’envers elle aussi !
Un peu plus tard il dit:
– Et maintenant, c’est la septième… la sixième… la cinquième…
Soudainement, le maire se relève avec un sourire et s’adresse à la foule qui s’était agglutinée autour de la tombe:
« Mes chers concitoyens, il n’y a dans cette manifestation rien de grave, et vous pouvez rentrer chez vous sereinement… C’est juste Beethoven qui décompose »
(warf ! warf !)
Très rigolote cette histoire.
Il paraît que Beethoven était tellement sourd que toute sa vie il a cru qu’il faisait de la peinture !
C’est bizarre que Beethoven soit considéré comme un musicien plutôt révolutionnaire, anticonformiste, alors qu’il a dépensé beaucoup d’énergie pour acquérir cette particule « van » qui allait le rendre noble.
…tellement sourd qu’il croyait qu’il était aveugle !!!
Beethoven a été le premier homme libre de la musique. Pour la première fois, on a fait gloire à l’artiste d’avoir plusieurs manières successives ; on lui a reconnu le droit de métamorphose ; (…) et dès lors que l’oeuvre devient la trace d’un mouvement, d’un itinéraire, elle en appelle à l’idée de destin ; (…) l’artiste est produit comme un héros complet, doté d’un discours (fait rare pour un musicien), d’une légende (une bonne dizaine d’anecdotes), d’une iconographie, d’une race (celle des Titans de l’Art : Michel-Ange, Balzac) et d’un mal fatal (la surdité de celui qui créait pour le plsisir de nos oreilles).
(L’obvie et l’obtus, Seuil, 1982)
Petite charade à propos de Beethoven :
-Mon premier est la raison pour laquelle les jeunes filles se font dépuceler très tôt dans les pays miniers.
-Mon deuxième décrit deux animaux hématophages.
-Mon troisième est la réplique du jardinier face aux injures de ses outils.
Mon tout est une pièce de musique romantique.
Qui trouvera ?
Le site abeille.com commercialise les CD et coffrets de CD des éditions Brilliant Classics. C’est assez impressionnant la liste des disques déjà sortis. Allez y faire un tour, il y a 20 pages de références :
http://www.abeillemusique.com/result.php?mots=&label=81&ref=&x=11&y=11
Abeille.com commercialise des tas d’autres labels, uniquement en classique, jazz et musiques du monde, il y a un système de points de fidélités qui me semble pas mal :
http://www.abeillemusique.com/aide/index.php?typepage=cgu_pf
Les CD sont envoyés franco de port à partir de 23 euros.
Beethoven déçoit l’analyse et indispose la critique. On peut tout dire et tout penser. Rien ne résiste à l’enchantement. L’outrecuidance est à la mode certes et Monsieur Stravinski sait prendre ses responsabilités lorsqu’il dénie le don mélodique au maître de Bonn. (…) Qu’importe ces jugements ex cathedra puisqu’ils n’ont même pas le bon goût d’une boutade. L’ombre gigantesque de Beethoven qui assombrit les pages de musique contemporaine est à la mesure de son soleil et c’est un phénomène contre lequel il est difficile de lutter.
*
Le rythme chez Beethoven est indissociable de la mélodie et de l’harmonie et cela est le signe du musicien complet. Beethoven à son piano, ça devait être un spectacle pas ordinaire. L’arpège décortiqué, la modulation au bout de chaque doigt, la mesure et le tempo subjugués, tout le monde sonore sous l’emprise de ce sourd génial, c’est le miracle beethovénien, c’est Dieu à la table des hommes.
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En neuf symphonies, Beethoven a tracé la voie à la musique. Il a montré le chemin à beaucoup de musiciens qui se sont cassé la figure en route, à bout de souffle et à court d’idées. Tout ce qui danse dans notre bas-monde n’a pas le droit de méconnaître la Symphonie en la, dite Symphonie de la danse et qui ferait danser les pierres, si l’on pouvait les chausser.
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La musique était une dame ; elle est devenue un petit commerce à peine considéré et un laboratoire, genre petite boutique, pour jeunes diplômés à l’affût. Mais la seul idée de Beethoven empêche tout ce joli monde de dormir et c’est une satisfaction qui vaut son pesant de doubles croches.
(La musique souvent me prend… comme l’amour) La mémoire et la mer, 1999)
J’ai donné vingt-quatre brèves conférences, et j’en ai donné une longue dans laquelle j’ai attaqué Beethoven, le sommet de la musique allemande. Et il fallait le faire, au nom même de Satie, parce que Satie lui-même s’est élevé contre Beethoven. Et ainsi j’ai montré aux Allemands que la musique de Beethoven était une erreur fondamentale et que la musique de Satie était juste. La raison tient à ce que la musique de Beethoven est basée sur le mariage de la forme et du contenu, incluant début, milieu et fin, et toutes sortes d’idées et d’expressions de sentiments de l’individu qui n’ont vraiment rien à voir avec les sons, là où la musique de Satie est essentiellement basée sur un espace de temps vide, dans lequel une chose ou l’autre pourrait advenir. Il n’y a pas d’autre façon d’expliquer certaines pièces qu’il a écrites vers 1912 qui ne font tout simplement aucune des choses que la musique allemande dit à tout le monde que la musique devrait être. Du point de vue de Satie, tout ce qu’il faisait était de se débarrasser de la choucroute.
(Entretien infini, Limelight, 1987)
Je viens d’entendre la Missa Solemnis. Cela ne me touche pas. Beethoven n’a pas le sens du divin. En dehors de ses quatuors, il me laisse froid. Ce détachement remonte à loin.
(Cahiers 1957-1972, Gallimard, 1997)
*
Chez Beethoven, il n’y a pas assez de charme langoureux, ni de fatigue…
(Le crépuscule des pensées, L’Herne, 1991)
*
Dans la musique de Beethoven, on n’atteint pas les sommets divins, parce que l’homme y est un dieu ; mais un dieu qui souffre et se réjouit humainement. Privé de l’aspiration et de l’intuition paradisiaques, sa condition divine est la tragédie humaine même. Puisque l’humain prend les proportions du divin, le transcendantal y joue un rôle extrêmement réduit. Une musique démiurgique annule Dieu parce que Dieu est son dernier obstacle. Un créateur tel que Beethoven ne peut croire en Dieu que par analogie. L’extase de sa propre création peut susciter en lui l’admiration pour Dieu, pas l’humilité. Le Créateur ne peut se sentir que diminué par les créateurs. Combien d’attributs Beethoven lui a-t-il volés ?
(…)
Chez Beethoven, il n’y a rien de « psychologique », parce que tout s’enracine dans le cosmique (tristesse cosmique, joie cosmique) ; il s’approprie autant de caractères divins sans remplacer la divinité. L’extase cosmique ne l’a pas mené au panthéisme parce que dans le cosmique, il retrouvait les éléments divins de son tragique humain. Je ne connais pas de créateur moins chrétien que Beethoven. Admirer la divinité est l’acte de révolte le plus grand depuis Prométhée. Tristesse cosmogonique de cette musique, une tristesse qui fait naître un monde sans briser un cœur.
(Le livre des leurres, Gallimard, 1992)
Les bizarreries harmoniques, dans Beethoven, ce qu’on appelle ses « fautes », surviennent toujours quand les choses se resserrent, au croisement des lignes, aux intersections de deux phrases en tierces (dans l’Eroica, par exemple). Quand l’espace manque, la loi est moins forte, et le cède à d’autres exigences. 5réciproquement : quand la loi fait défaut, l’espace s’étrécit).
*
Pour faire sentir l’extrême lenteur d’une pulsation, il faut lui superposer des événements rapides. Vers la fin de sa vie, Beethoven s’est mis à aimer, dans les mouvements lents, les longues guirlandes ornementales dans l’aigu, en valeurs diminuées (dès le trio « Archiduc », mais surtout : neuvième symphonie, troisième Bagatelle de l’opus 126, sonate « Hammerklavier », quatuor opus 127). A peine en a-t-il fini une qu’il en commence une autre. C’est une espèce de chant sublimé, pas chantable, pas humain, un chant tout à l’opposé de ceux de Mozart et de Schubert, un chant à l’échelle de la terre, des océans et des étoiles.
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X., trop lâche pour aimer la musique de Beethoven.
(De la musique, Gallimard, 1998)
Les grands auteurs sont probablement ceux dont on en saurait que prononcer le nom lorsqu’il est impossible d’expliquer autrement les sensations et sentiments multiples qui vous assaillent dans certaines circonstances exceptionnelles, devant un paysage étonnant, ou lors d’un événement imprévu : Beethoven, sou sles étoiles, en haut d’une falaise battue par la mer ; Balzac, quand, vu depuis Montmartre, il semble que Paris vous appartient.
*
Il faut à notre sens séparer la notion d’art de celle de culture. Quand Beethoven compose la Septième, ce sera de l’art. Et si Bruno Walter la dirige, aussi. Quand Karajan la dirigera, cela deviendra vite de la culture. Et ce sera définitivement de la culture lorsque CBS/Sony en organisera la diffusion par compact-disque. Cela peut redevenir de l’art si un auditeur sincère l’écoute.
(JLG par JLG, Cahiers du cinéma, 1998)
J’aime beaucoup le dernier texte de Godard.
Merci d’avoir mis toutes ces citations. Je ne savais pas que Léo Ferré avait écrit sur Beethoven. Par contre, Léo Ferré était aussi chef d’orchestre et il a dirigé deux Ouvertures de Beethoven : Egmont et Coriolan.
Mes oeuvres préférées de Beethoven sont, de loin, ses quatuors pour cordes. J’ai beaucoup vibré autrefois à l’écoute des symphonies et des concertos pour piano mais quand je réécoute, je sais toujours quelle est la note qui va arriver et je suis rarement surpris. Mais peut-être qu’une symphonie, ça s’écoute en concert et non sur une platine.
Il va falloir tout de même que je réécoute un de ces jours.
Petit commentaire pour désenchanter ce bel assentiment:
« Cette apothéose de la reproduction mécanique, telle que nous la vivons aujourd’hui ne doit-elle pas nous faire réfléchir sur ses conséquences quant à la création artistique contemporaine? Certains me soutiendront mordicus qu’en même temps, jamais le « spectacle vivant » n’a été aussi abondant, vivant et de qualité. Moralité: toutes les abondances se renchérissent mutuellement et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais en est-il vraiment ainsi? Pour ma part je ne le pense pas. En effet il me semble que ce qui se développe d’une façon monstrueuse grace à la reproduction mécanique et à son corollaire: le spectacle vivant tel qu’on le conçoit et le pratique aujourd’hui, c’est une certaine idée de l’art et de la culture en générale, tout à fait conforme aux idéaux productivistes et marchands qui gouvernent le monde et, malheureusement difficilement conciliable avec les nécessités propres à l’apparition d’oeuvres d’art. Avec toute l’oeuvre de Beethoven en 100 CD on peut observer comment une authentique oeuvre d’art se métamorphose en pur produit marchand, rendant, en réalité, cette oeuvre tonitruante et secrète encore un peu plus inaccessible dans sa dimension spirituelle et subversive. Ceux qui auront eu la chance et l’opportunité d’y être initiés n’y trouveront guère plus que ce qu’ils connaissent déjà et que tout mauvais enregistrement leur permet amplement de goûter, et les autres s’éloigneront encore un peu plus de cette dimension de l’art en croyant que le simple contact avec une esthétisation labellisée de ce vaste univers sonore officialisé suffit pour s’introduire dans son mystère. Tout comme la nourriture du corps, on assiste, effarés, au développement de produits industriels extrèmement sophistiqués, capables de se substituer progressivement à la nourriture dont notre condition d’êtres incarnés nous oblige à avoir vitalement besoin, sans que, pourtant, ils sachent répondre aux besoins réels et profonds de nos capacités de développement: une nourriture pour le corps et l’âme abondante et incroyablement pauvre. C’est ainsi, paraît-il, et pour finir de vous déprimer un peu plus, que meurent( de leur belle mort bien sûr et souvent en pleine apogée) les civilisations: de faim! »
Le roi Louis XIV n’écoutait qu’une seule fois les oeuvres que Couperin ou que Charpentier proposaient à son attention dans sa chapelle ou dans sa chambre. Le lendemain, d’autres oeuvres étaient prêtes à sonner pour la première et la dernière fois. Comme ce roi appréciait la musique écrite, il lui arrivait de demander à entendre deux fois une oeuvre qu’il avait particulièrement appréciée. La cour s’étonnait de sa demande et la commentait. Les mémorialistes en portaient mention dans leurs livres comme d’une singularité.
*
La haute-fidélité est devenue la fin de la musique savante écrite. On écoute la fidélité maternelle de la reproduction, et non plus la sonnerie stupéfiante du monde de la mort. Une simulation excessive du réel a supplanté le son réel qui se développe et s’engloutit dans l’air réel. Les conditions du concert et du direct choquent de plus en plus l’auditeur dont l’érudition est devenue aussi technologique que maniaque. C’est l’audition de l’acoustique. C’est l’audition de ce qu’on maîtrise, dont on peut augmenter ou diminuer le volume, qu’on peut interrompre, ou dont on peut au doigt et à l’oeil déclencher la toute-puissance.
*
Dans le monde européen jusqu’en 1914, (…) pour écouter de la musique écrite, il fallait attendre le dimanche, lors de la grand-messe, lorsque les vents des orgues se mettaient à souffler les accords jusqu’à les faire rebondir le long de la nef. Le dos de l’auditeur frémissait tout à coup. Ce qui était rareté est devenu bien plus qu’une fréquence. Ce qui était le plus extraordinaire est devenu un siège qui assaille sans finir la ville comme la campagne. Les hommes sont devenus les assaillis de la musique, les assiégés dela musique.
*
Au cours du XXe siècle, une logique historiale, fasciste, industrielle, électrique – quelle que soit l’épithète qu’on veuille retenir – s’est emparée des sons menaçants. La musique, par la multiplication non de son usage (son usage au contraire s’est raréfié) mais de sa reproduction comme de son audience, a désormais franchi la frontière qui l’opposait au bruit. En ville, la diffusion des mélodies a engendré des réactions de phobies, dégénérant de façon héroïque sous forme de meurtres à la carabine. A la campagne, la rareté des agressions permet parfois de recomposer peu à peu la musique comme un non-bruit. C’est à la campagne qu’il m’arrive de rejouer avec plaisir, quelques instants, de cette chose ancienne, exceptionnelle, convocatrice, dépossédante, fascinante qui avait nom la « musique ».
(La haine de la musique, Calmann-Lévy, 1996)
Wahou ! Le bug de ce week-end semble avoir fait disparaître les derniers commentaires (à moins qu’ils n’aient pas plus à Bernard… ou que j’ai rêvé la suite du débat).
Situation cocasse :
Va-t-on s’arrêter là (et laisser donc le mot à l’ « intolérable » Quignard ?)
Va-t-on tenter de réécrire à l’identique ce qu’on avait alors chacun son tour écrit ?
Va-t-on reprendre le débat autrement, l’orienter ailleurs ?
Je propose un petit jeu amusant (un peu pervers aussi… bref « humeurbadinesque ») :
Et si chacun tentait de faire un résumé de ce qu’il se souvient avoir lu, ensuite, sous la plume (si je ne m’abuse) de Bernard, Isidore puis Glenn Gould ?
Ca va pas la tête? Je vais vous le redonner, moi, ma bafouille, texto, puisque j’ai eu la soudaine inspiration de le garder dans la mémoire de mon ordi. La voici:
« Ton exemple, Bernard, concernant le sport, ne me paraît pas tout à fait pertinent pour illustrer ton propos. En effet la situation me paraît trop analogue avec la musique pour établir la moindre distinction notoire. Les stades de sport sont archi-combles, me semble-t-il?… bien plus même que les salles de concert, si on veut comparer ce qui est comparable: être spectateur devant un appareil mécanique ou dans un spectacle “vivant”. Par contre la pratique elle-même de ce qui est représenté touche sans doute beaucoup plus de personnes dans le sport…grâce à la télévision justement, qui incite au contraire beaucoup à le pratiquer par sa valorisation éhontée. D’autre part je n’affirme pas que le disque tue la musique car je lui suis aussi reconnaissant que toi de tout ce qu’il m’a permis de découvrir. Par contre je dis que la reproduction mécanique, en générale, participe à la difficulté de créer de véritables oeuvres d’art aujourd’hui. Donc j’essaye de comprendre le pourquoi et le comment en posant un regard critique sur un objet qui n’est ni tout noir mais ni tout blanc non plus. Enfin pour ce qui concerne ton “coup de gueule” contre un certain élitisme que tu ressens dans les propos de P. Quignard et sans doute aussi les miens, je peux dire que je les partage lorsqu’il s’agit de dénoncer une situation politique malsaine d’appropriation par une classe gouvernante des trésors d’une culture qui est bien commun à toute l’humanité avant tout, et de mépris systématique affiché à l’encontre du “peuple” (je déteste ce mot). Par contre, refuser de reconnaître une hiérarchie et des niveaux de difficultés et d’engagement vital dans l’art comme dans toute activité humaine qui aspire à une certaine “perfection”, me paraît un déni du réel et me semble nourrir une sérieuse imposture dont les créateurs vivants aujourd’hui, et donc toute la création possible, pâtissent tragiquement. Tant qu’on refuse de distinguer ce qui appartient à la production de divertissements (et je suis le premier à reconnaître la valeur et la qualité de nombre d’entre eux) de ce qui relève de la création d’oeuvres d’art, en établissant, entre autre, une hiérarchie puisqu’elle existe de fait (la mémoire collective sait choisir et ne se trompe guère dans le long terme), on entretient une confusion qui profite aux marchands du temple et qui tue les créateurs. Et ça, c’est autrement grave et scandaleux. »
Bon, c’est vrai que sans le commentaire précédent de Bernard qui avait motivé le mien, ça tombe un peu comme un cheveu sur la soupe… Mais tant pis, ça fera travailler les imaginations.
Je ne sais plus vraiment ce que j’avais écrit. Je sais que j’ai réagi aux propos de Quignard car il me gonfle en général mais plus encore par ses propos sur la musique. Quignard cite Couperin et Charpentier dont les oeuvres n’étaient entendues qu’une seule fois par Louis XIV. ça semble bien lui convenir à Quignard que la musique ne soit jouée que dans un cercle restreint ou uniquement dans certaines occasions (à la messe le dimanche). J’aurais préféré qu’il prenne l’exemple de la musique de Bach dont les cantates étaient jouées devant le peuple le dimanche plutôt que celui des musiciens de la Cour. Les gens qui pensent que la musique doit être l’apanage d’une élite m’insupportent. Je sais que ça les fait chier que l’intégrale Mozart se soit vendue à 300 000 exemplaires et qu’elle soit devenue accessible à des gens qui n’avaient jamais écouté de musique classique. J’avais dû écrire également dans mon texte perdu que la musique de Bach était restée perdue pendant plus d’un siècle jusqu’à ce que Mendelssohn la remette à l’honneur et que plus tard la technique avait favorisé la diffusion de sa musique et toute la musique ancienne. Je n’aurais jamais connu ces musiques sans le disque, c’est évident. Je pense aussi que si, a priori « trop de musique tue la musique », l’oreille de l’auditeur finit par se former, même lorsqu’il n’écoute la musique que d’une oreille attentive, même s’il s’agit de musique d’ascenseur ou de musique de fond. De toute façon, cela ne change rien pour le mélomane qui sait séparer le bon grain de l’ivraie. Quant aux autres, ne nous méprenons pas, il n’y a toujours eu qu’une petite fraction de la population attirée par les arts.
Qu’avais-je dit à propos des sportifs ? Je disais je crois que s’il y a un genre ou la technique tue l’activité qu’elle montre, c’est bien le sport. S’il y avait moins de monde devant le sport à la télé, il y en aurait plus en train de taper dans un ballon. Et j’ai pris l’exemple du rugby pour titiller Vincent, amateur de ce sport, parce qu’il a disparu du blog pour l’instant et ça m’étonnerait fort qu’il ne revienne pas si on le titille un peu en le provoquant (gentiment) !
Je ne pense pas qu’il y ait plus de monde dans les stades que dans les salles de concert. Devant la télé, oui probablement. Il y a plein de petits concerts où effectivement il n’y a pas foule mais il y a toujours plusieurs concerts en même temps dans une ville alors qu’il n’y a pas de match tous les jours. L’impression de faible participation aux activités culturelles et artistiques n’est qu’une impression, elle vient à mon avis de l’offre qui est importante. Cela dit, les quelques fois où je vais au théâtre, la salle est toujours pleine.
Je crois qu’il faut sans cesse tirer l’esprit du public vers le haut. Mais je crois que la porte d’entrée se situe souvent vers le bas. Comment accéder par exemple aujourd’hui aux créations modernes dans le domaine du théâtre ? Je suis persuadé que c’est en commençant à voir des pièces de théâtre du genre théâtre de boulevard, que bon nombre de spectateurs du théâtre d’aujourd’hui ont commencé. Il y avait autrefois une émission qui s’appelait « au théâtre ce soir ». Elle a été supprimée mais je reste persuadé que cette émission était l’une ce ces portes d’entrée. Pourtant la tendance des gens du théâtre d’aujourd’hui est de mépriser (ou de regarder avec condescendance) les formes théâtrales moins nobles. Quel dommage !
Il me semble qu’humeur badine avait réagi aussi à mes propos sur le sport. Ou alors ais-je rêvé moi aussi ?
En ce qui me concerne, la musique est quelque chose qui doit être écouté en privé. Je ne crois pas qu’elle doive être utilisée comme thérapie de groupe ni comme quelque autre sorte d’expérience communautaire. Je pense que la musique devrait conduire l’auditeur – l’interprète aussi d’ailleurs – à un état de contemplation, et qu’il est impossible d’atteindre à cette condition avec 2999 personnes assises autour de soi. Mes objections à l’égard du concert sont donc d’ordre essentiellement moral, plutôt que musical.
*
Il existe cette curieuse idée, surtout chez les musiciens professionnels, comme quoi le fait que nous soyons de tous côtés environnés par de la musique préfabriquée est nuisible. Je ne vois pas ce qu’il y aurait là de nuisible. Je prends des ascenseurs qui débitent ce genre de sirop à longueur de temps, et quand il m’arrive d’entrer dans un restaurant, d’habitude il y en a aussi. Non seulement cela ne me dérange pas, mais j’ai la faculté de m’en abstraire à volonté. Quoi qu’il en soit, pour la plupart des gens, cette musique a un effet qui est quelque chose d’absolument unique dans l’histoire ; aussi anémique qu’elle soit, cette musique leur offre un complet éventail des clichés du répertoire des XIXe et XXe siècles, de sorte que, sans même y faire attention, ils en reçoivent une certaine manière d’éducation.
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On triche lorsqu’on donne des concerts ; on n’explore guère de nouveaux répertoires, on se contente de rejouer les mêmes vieux morceaux fatigués que l’on essaie devant son public d’enregistrement aussi bien que devant son public. On fait tout pour s’en tirer avec le moins de travail possible et on rejoue presque toujours tout à peu près de la même manière. L’absence d’imagination règne. On n’éprouve même plus la nécessité d’exercer son imagination et on vieillit à toute allure. C’est vraiment une existence épouvantable.
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La technologie est en mesure de créer un climat d’anonymat et de donner à l’artiste le temps et la liberté de préparer sa conception d’une oeuvre au mieux de ses facultés, de perfectionner ce qu’il a à dire sans avoir à se soucier de trivialités telles que le trac ou une éventuelle fausse note. Elle est en mesure de supprimer les incertitudes effroyables et humainement dégradantes que le concert porte en lui. (…) C’est un domaine très délicat, où l’esthétique touche en réalité à la théologie, mais je suis persuadé que de disposer de tout l’appareil technologique sans le mettre à profit pour s’efforcer de créer un climat de contemplation est quelque chose d’amoral. (…) A mon avis, la musique enregistrée devrait en réalité avoir un effet analogue à celui d’un tranquillisant ; elle ne devrait pas produire l’espèce d’excitation viscérale que les auditeurs vont apparemment chercher dans la salle de concert. La musique enregistrée devrait s’efforcer de créer un rapport de un à un entre l’interprète et l’auditeur.
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Au cours des dernières années, on assiste à un retour en force de la mystique selon laquelle il y a, dans un concert, quelque chose de magique, qu’il faudrait pouvoir préserver sur disque. (…) C’est complètement absurde.
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Je ne détiens pas encore la technologie indispensable pour pouvoir dire à l’auditeur : « Voilà les seize prises que j’ai enregistrées ; prenez-les telles qu’elles et assemblez-les comme bon vous semble. » Cela serait l’idéal, à supposer que l’auditeur ait lui-même une conception minimale de ce qu’il souhaite. (…) Nous ne détenons pas encore la technologie qui nous permettrait d’aboutir à cela. On y vient peu à peu cependant ; il existe par exemple depuis quelque temps un procédé technique (…) qui permet de changer le tempo d’un enregistrement sans que la tonalité soit affectée. (…) Cela ouvre des perspectives intéressantes, car cela veut dire que si vous enregistrez le Concerto pour violon de Beethoven selon le tempo qui vous semble souhaitable au moment où vous le gravez, mais qu’il se trouve que moi, auditeur, suis d’humeur plus gaie et souhaite l’entendre plus vite mais toujours joué par vous, grâce à ce procédé technique, je serai en mesure de le faire. Je serai devenu ainsi un auditeur participant.
(Non, je ne suis pas du tout un excentrique Fayard, 1986)
Ah oui… je me souviens maintenant de ce que j’avais dit (c’est ce que dit Glenn Gould qui m’y fait penser).
J’avais signalé l’existence du ralenti et du gros plan qui rendaient en fin de compte la vision d’un match à la télé plus attractif que sur place (au point que les spectateurs présents au stade regardent souvent plus les grands écrans que la « grandeur nature »).
Je suggérais, en comparaison, juste d’imaginer ce qui pourrait être l’équivalent en matière musicale : le ralenti sur les passages virtuoses ? le gros plan, non pas sur les doigts et le regard du musicien, mais sur le son de son instrument que l’on pourrait techniquement « isoler » de l’ensemble de l’orchestre ?
Glenn Gould était venu ensuite apporter son grain de sel, comme en écho.
Moi aussi, j’étais intervenu, pour dire ça :
Un monde sépare la musique qu’on écoute de celle qu’on joue.
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Ecouter de la musique crée du désir, de l’énergie. Un désir affolant, sans objet, un désir dont on ne sait que faire, une tension qui ne peut se résoudre que par une tension plus grande encore. Après un concert, on est sur le trottoir, et l’on ne sait comment employer l’énergie accumulée. La musique n’agit pas comme une drogue, mais comme l’accoutumance à une drogue. Celui qui écoute la musique a besoin d’en reprendre encore, et de la meilleure, de la plus forte. Il est dans un état de déséquilibre perpétuel. La vie le surprend comme la photographie fixe le coureur penché en avant. La musique qu’on ne joue pas est une escalade, elle interdit la paix, le sommeil. Comme dans cette cantate de Bach, elle ordonne : « Wach auf ! Wohl auf ! Steht auf ! » De là vient qu’on danse. A vingt ans, on souffre de ce que Nietzsche appelait un « trop plein d’existence » ; et la musique en remet une dose. Le corps est près d’exploser. Alors, à vingt ans, on danse. (Il arrive qu’on danse plus tard, à un âge plus avancé : c’est que la musique est bonne, ou qu’on feint de souffrir d’un « trop plein d’existence », comme autrefois. Lorsqu’on écoute de la musique classique, on ne danse pas : ce n’est pas dans les mœurs. On garde en soi l’énergie produite, et l’on attend qu’elle s’élimine d’elle-même, par une sorte d’interminable suée mentale.)
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Lorsqu’on joue de la musique, même mal, en amateur, le mouvement s’inverse. La circulation de l’énergie se fait de soi vers l’extérieur. La musique est alors, sinon un carburant, du moins un comburant qui aide à l’épuisement des réserves énergétiques. Jouer fatigue, et c’est pourquoi c’est une activité saine.
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En somme, il y a la même différence entre écouter et jouer qu’entre regarder l’amour et le faire. (…) Ecouter la musique, c’est regarder quelqu’un qui la fait à votre place. Cela excite. Si le bonheur a quelque chose à voir avec la satisfaction du désir, ou, comme dit Proust, avec « l’extinction finale du désir », alors écouter la musique ne rend pas heureux. Tandis que jouer de la musique vous transporte dans un monde où la question du bonheur ne se pose plus, où il ne s’agit plus que d’être humain jusqu’au bout, jusqu’à l’épuisement.
(La musique, in Hors-Série du Nouvel Observateur : Le bonheur, 1998)
La musique envisagée en tant que drogue – juste un peu plus « distinguée » que le tabac, la surbouffe ou le gros rouge – j’aime bien l’idée. A bien entendre tous ceux qui avouent ne pas pouvoir s’en passer (en voiture, à la maison, en vacances, au boulot, etc.), il doit y avoir de ça.
Du coup, Bernard, à toujours tenter de nous « refiler » de nouveaux trucs à écouter, tu es en quelque sorte notre « dealer » ! Ça te fait quel effet ?
Pas mal aussi l’association d’idée avec l’amour, je trouve : écouter les autres jouer de la musique comme on regarde un film porno.
C’est drôle, non ?
D’ailleurs, entre Pavarotti et Rocco Siffrédi, lequel avait le plus bel organe ?
J’me permets d’insister car l’idée me semble amusante à explorer :
Un solo de guitariste de rock (regardez bien sa main droite… et sa tête) n’est-ce pas tout bêtement… une branlette ?
Et du coup, un orchestre de jazz, une sorte de… grande partouze ?
Un orchestre classique… un harem de geishas, toutes plus délicates et dociles aux commandements plus ou moins sado-maso du chef d’orchestre (ou du compositeur) ?
Nan ? Ça ne vous parle pas ?
En tout cas, moi ça me donne envie de m’y mettre, finalement, à la musique vue comme ça !
Quand Jules dirige un orchestre il a des expressions qui sont exactement les mêmes que quand on a des rapports sexuels. Ça me frappe beaucoup, mais je l’avais déjà remarqué depuis longtemps, avec d’autres musiciens. J’ai vu je ne sais pas combien de violonistes ou de violoncellistes grimacer comme ça, avec une sorte de douleur exquise, comme pour le plaisir sexuel. Sans l’alibi de l’instrument, ils ne se permettraient jamais de faire ça devant un public. Jules, heureusement, au moins il a le dos tourné à la salle. Ça me semble trop intime, trop physiologique, cet engagement des hommes dans la musique.
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Les musulmans orthodoxes sont conte la musique, même militaire, sous prétexte qu’elle est licencieuse et pourrait inciter à la débauche.
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C’était un musicien excellent, Michel. Il jouait de la guitare électrique avec un groupe qui avait connu un succès éphémère et dont il était devenu un peu la star. (…) Sur la scène il planait – comme une étoile filante, littéralement : au milieu d’un morceau il partait dans un solo fantastique, toute la salle retenait son souffle et Michel les emmenait planer avec lui sur son tapis volant. Une fois je lui ai dit que je lui enviais sa capacité de se laisser aller si complètement ; de s’exprimer à travers la musique avec tant de liberté. Tu sais ce qu’il m’a répondu ? Quand (…) il jouait sous un spot devant une assistance nombreuse, il se sentait omnipotent, comme un dieu : il se mélangeait à la lumière, et sa guitare devenait un sexe éblouissant, et quand il se cabrait pour envoyer les sons, c’était comme s’il arrosait toute la salle de son sperme : la musique était un jet de foutre inépuisable qui jaillissait de son corps à travers l’instrument ; en ces moments il était littéralement hors de lui. Je me suis dit : Si c’est ça pour un homme, qu’est-ce que c’est pour une femme ?
(Les variations Glodberg, romance Seuil, 1981)
Une preuve que tout musicien est par essence exhibitionniste et graveleux ?
Il n’y a qu’à prendre, puisque c’est le sujet de l’article au départ, Beethoven : vous le prononcez comment, vous, son nom ?
Il n’y a pas si longtemps, quelqu’un me jouait au piano une pièce courte manuscrite. Je pensai naturellement à quelque invention de petit musicien ; j’ouvris donc de mauvaises oreilles. Comme cela sonnait assez purement pour commencer, et dans un genre qui m’était connu, je jugeai que c’était banal et imité. Puis sur un accord soudain déchirant, auquel rien ne me préparait, je ne sus pas trop si c’était puissance ou impuissance ; j’inclinai à dire que c’était médiocre, et je le pensai même un moment. C’était du Beethoven, et même, autant qu’on peut savoir, du bon Beethoven, bien plus, du Beethoven que j’avais autrefois entendu, et trouvé fort beau. Soyons prudent. Jugeons sur la pointe des pieds, comme on danse.
(Propos sur les Beaux-Arts, PUF, 1998)
Aucune musicologie, aucune neurophysiologie actuelle, ne peut établir de lien de causalité entre la surdité de Beethoven et la texture, la tonalité et les intentions de ses dernières œuvres. Mais la conscience que nous avons du paradoxe inhérent à cette surdité, nos tentatives réitérées, et toujours frustrées, pour lui donner une signification dans le jeu de nos réponses aux œuvres de l’artiste, sont une vérité existentielle.
(Réelles présences, Gallimard, 1991)
N’est-il pas remarquable qu’aux œuvres favorites du répertoire beethovénien s’attache presque toujours un argument ou un titre, authentique ou postiche, mais toujours évocateur d’un sentiment, voire d’un paysage sentimental : sonates au Clair de lune, Pathétique, des Adieux, l’Aurore, Appassionata ; symphonies Héroïque, du Destin, Pastorale. Plusieurs de ces titres sont le fruit du délire des commentateurs. Beethoven, pour sa part, n’a jamais soupçonné que sa sonate en ut dièze mineur s’imposerait aux générations futures sous le titre de sonate au Clair de lune. Cette importance de l’étiquette, véridique ou factice, est illustrée de façon plaisante par la mésaventure de Romain Rolland s’entendant répondre par une candidate au baccalauréat que Beethoven a composé trois symphonies : l’Héroïque, la Pastorale et… la Neuvième.
(Sonate que me veux-tu ?, Mermoz, 1957)
Pour moi, musicien, ce sont peut-être les passages silencieux dans la musique de Beethoven (appelées à tort « pause » en musique) qui me sont les plus chers, ces silences qui tels les intervalles séparant deux nuages chargés d’orage portent en eux la puissance de l’éclair. Ou peut-être aussi le silence qui suit une interprétation de la Chaconne de Bach dans une grande église – un silence de communion et de respect. Une belle musique appelle le silence et crée de l’espace.
(L’art : un espoir pour l’humanité, Buchet/Chastel, 1987)
Le jazz est essentiellement une manière de jouer, l’interprétation est la création même, la manière d’être, l’être même, vous pouvez jouer note pour note un morceau de jazz sans que cela soit du jazz : il y faut encore un son, un rythme, une expressivité, un « feeling » – et le feeling implique toute une conception du monde… On pourrait, à ce point, reprendre trait pour trait le discours romantique : primat du son, de l’expression, de l’improvisation (l’universel dans l’instant) – la théorie du Witz, du fragment, semble taillée sur mesure pour les musiciens de jazz. Rien d’étonnant, en somme, si certains Noirs américains affirmèrent il y a quelques années (et les érudits critiques de sourire devant une aussi évidente inculture) que Beethoven était décidément un « soul brother », et qu’il n’y avait là rien que de très normal puisque de toute évidence il était noir…
(L’homme aux semelles de vent, Grasset, 1977)
Parfois dans la tour où règne la sagesse de la musique, le rythme monotone du cri sans âme qui nous parvient du dehors et où tous les hommes sont frères nous donne cependant la nostalgie. Il est périlleux de passer tout son temps avec Beethoven comme sont dangereuses toutes les positions privilégiées.
(Le livre du rire et de l’oubli, Gallimard, 1985)
Cest foutrement bien tous ces grands esprits qui parlent, mais nous, on n’a plus rien à dire, alors?
Si si, on va essayer de continuer la conversation.
Petite question : un génie de la taille de Beethoven peut-il encore naître aujourd’hui ? Formulé de manière différente : Beethoven a sévi à une époque où beaucoup de choses étaient encore à inventer. Est-ce encore le cas aujourd’hui ?
Aujourd’hui si une femme a la syphilis, déjà huit enfants (dont trois sourds, deux aveugles et un attardé mental) et un test de grossesse positif… il y a de grandes chance qu’on lui conseille l’avortement : aucun risque, donc, de voir naître un nouveau Beethoven !!!
Beethoven est le seul qui a presque réussi vers la fin de sa vie (c’est-à-dire soixante-dix ans après la mort de Bach) à intégrer l’expérience de Bach dans la nouvelle esthétique de la musique (ses essais réitérés pour insérer la fugue dans la sonate), tandis que, après Beethoven, plus les romantiques adoraient Bach, et plus, par leur pensée structurelle, ils s’éloignaient de lui. Pour le rendre plus accessible on l’a subjectivisé, sentimentalisé (les célèbres arrangements de Busoni) ; puis, en réaction à cette romantisation, on a voulu retrouver sa musique telle qu’elle avait été jouée à son époque, ce qui a donné naissance à des interprétations d’une remarquable insipidité.
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Les trente-deux sonates de Beethoven qui couvrent toute sa vie créatrice, depuis ses vingt-cinq ans jusqu’à ses cinquante-deux, représentent une immense évolution pendant laquelle la composition de la sonate se transforme complètement. (…) Beethoven remplace progressivement le vieux schéma de la composition par un schéma plus concentré (réduit souvent à trois, voire à deux mouvements), plus dramatique (le centre de gravité se déplace vers le dernier mouvement), plus uni (surtout par la même atmosphère émotionnelle). Mais le vrai sens de cette évolution (qui par là devient une vraie révolution) n’était pas de remplacer un schéma insatisfaisant par un autre, meilleur, mais de casser le principe même du schéma compositionnel préétabli. En effet, cette obéissance collective au schéma prescrit de la sonate ou de la symphonie a quelque chose de ridicule. (…) C’est ce qu’on peut appeler la « bêtise de la musique ». Beethoven a compris que la seule voie pour la dépasser c’est de rendre la composition radicalement individuelle. C’est là la première clause de son testament artistique destiné à tous les arts, à tous les artistes et que je formulerai ainsi : il ne faut pas considérer la composition (l’organisation architecturale de l’ensemble) comme une matrice préexistante, prêtée à l’auteur pour qu’il la remplisse de son invention ; la conception elle-même doit être une invention, une invention qui engage toute l’originalité de l’auteur. Je ne saurais dire à quel point ce message a été écouté et compris. Mais Beethoven lui-même a su en tirer toutes les conséquences, magistralement, dans ses dernières sonates dont chacun est composée d’une façon unique, jamais vue.
(Les testaments trahis, Gallimard, 1993)
Beethoven est le produit hybride d’une vieille âme agonisante qui n’en finit pas de se briser et d’une âme à venir et très jeune, et qui n’en finit pas d’arriver ; sa musique baigne dans la double lumière d’un deuil éternel et d’une éternelle et extravagante espérance, – cette même lumière où baignait l’Europe quand elle rêva avec Rousseau, dansa autour de l’arbre révolutionnaire de la Liberté, et quand elle faillit adorer Napoléon. Mais avec quelle rapidité s’efface ce sentiment, qu’il est difficile dès aujourd’hui de savoir ce qu’il était ! Qu’elle semble étrange et lointaine à nos oreilles la langue des Rousseau, des Schiller, en qui la même destinée de l’Europe se fit parole comme elle sut se faire musique en Beethoven.
(Par-delà le bien et le mal, prélude à une philosophie de l’avenir, 1886)
Paradoxalement, j’ai, pour ma part, le sentiment qu’aujourd’hui tout est aussi à inventer… et d’autant plus que tout semble au contraire extrêmement posé, structuré, établi dans des formes inébranlables auxquelles la perspective historique confère une sorte de légitimité qui finit de nous convaincre de notre impuissance à changer les choses: tout a été déjà dit et tout a été déjà fait, en quelque sorte… Et bien, pour moi, c’est au contraire le signe que tout est de nouveau en friche et que c’est ce sentiment très angoissant de notre liberté à créer le monde où nous vivons, ce vertige à contempler ce vaste chantier où tout est à faire et à imaginer, qui nous incite à nous raccrocher à ces formes désormais caduques et à nous persuader de leur solidité alors que la plupart sont déjà mortes, désertées du souffle de la vitalité qui fit un jour leur grandeur. Il est plus rassurant de s’appuyer sur des formes et des personnalités autorisées, que d’expérimenter, à notre petit niveau ce pouvoir de créer. Et plus on a besoin de « Grands Penseurs », d ‘ »Incomparables Génies », d' »Inestimables Spécialistes », plus j’y vois le signe que tout est dans le vertige d’un monde à inventer, chacun s’accrochant désespérément à une quelconque autorité, pourvu qu’elle sache le libérer de cette angoissante perspective.
L’IDEE DE MUSIQUE CULTIVEE
Si on demandait aux gens qui vont au concert ce qui distingue la musique cultivée de la musique populaire/légère, Berio de Sting, et Vivaldi d’Elvis, (…) ils trouveraient des arguments, du genre « la musique cultivée est plus difficile, plus complexe », ou bien « la musique légère n’est qu’un phénomène de consommation, alors que la musique classique a un contenu, une nature spirituelle, idéale ». Des phrases qui ont ceci de commun avec tous les clichés qu’elles énoncent, bine que faussement, une vérité. On y reconnaît les deux volets d’une même conviction : la musique cultivée doit sa différence et sa suprématie à la capacité qu’elle a d’échapper – grâce à l’articulation supérieure de son langage – aux contraintes de l’immanence, et d’ouvrir sur un au-delà mal identifié mais plus ou moins conjugable avec des mots tels que « cœur », « esprit », « vérité ».
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Dans le bond hystérique du mélomane qui se lève au énième aigu du ténor s’exprime quelque chose que lui seul, et sans pouvoir l’expliquer, serait capable de distinguer des hurlements d’un supporter de football.
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On ne comprend pas pourquoi il faudrait tant se féliciter de voir, par exemple, des jeunes gens remplir une salle de concert. Quelqu’un peut-il réellement expliquer en quoi un jeune homme qui préfère Chopin aux U2 devrait être un motif de consolation pour la société ? Est-on vraiment si sûr que le meilleur endroit pour être là où le présent se fait soit un auditorium, et non une salle de cinéma ou les trottoirs d’une rue ? Autant de fausses vérités entretenues par un moralisme souterrain et tenace. Le même qui fait imprudemment utiliser la musique cultivée comme catalyseur d’une prétendue humanité meilleure. Depuis l’Hymne à la joie, c’est comme si la musique cultivée était devenue la langue officielle des moments de bonté du monde.
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Sans hésitation, le monde de la musique cultivée continue à se considérer comme culturellement et moralement différent. Et, tout compte fait, supérieur. Il ne faut pas sous-estimer l’aspect réactionnaire, bien que naïf, de ce préjugé. L’instinct qui transparaît est de considérer un certain type de tradition et de répertoire musical comme une sorte de réservoir intouchable de valeurs parmi lesquelles puiser, loin de la corruption du moderne. Une assurance permanente contre la dégradation de certaines institutions spirituelles et morales rongées par les acides du Temps. La musique cultivée finit par être vécue comme un lieu séparé dans lequel survivent, inattaquables et magnifiques, catégories morales et totems culturels.
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De fait, l’idée de musique cultivée telle qu’elle est entretenue le plus souvent aujourd’hui correspond à un système où les aspirations à quelque chose d’élevé capable de démentir la misère du réel sont canalisées au-delà du monde auquel on appartient, pour être satisfaites dans une sorte de parc naturel, réplique d’un monde disparu. Pour le peuple de la musique cultivée, le centre de gravité de l’Histoire penche inexorablement vers l’arrière.
(L’âme de Hegel et les vaches du Wisconsin, Albin Michel, 1999)
L’INTERPRETATION
Aucun produit musical n’est, a priori ou par seule vertu de son intentionnalité, autre chose qu’un simple produit de consommation. Il devient quelque chose de différent à partir du moment où se déclenche à son sujet l’instinct d’interprétation. A un niveau collectif, cet instinct attribue à l’œuvre, à travers la reproduction et la réflexion critique, une sorte d’existence posthume qui, à travers le temps mais pas uniquement, dépasse la réalité de cette œuvre et l’intention de son créateur. C’est cette « vie seconde », et elle seule, qui fait d’un produit musical une oeuvre d’art, en le soustrayant à la logique de la simple consommation.
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Face à une écoute gastronomique et sans méditation, même les plus dignes chefs-d’œuvre de la tradition musicale cultivée redeviennent ce qu’ils étaient à l’origine : de brillantes machines de séduction, voire de purs produits de consommation. Ils ne perdent pas en dignité : mais la possibilité disparaît simplement de les distinguer, avec quelques légitimité, du reste de la musique.
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Plus qu’à un certain type de répertoire, le terme de musique cultivée devrait se rapporter à un certain type d’écoute : celui dans lequel s’entend non ce que l’œuvre dit mais ce qu’elle ne dit pas. Ce type d’écoute, qui coïncide avec le devoir créateur de l’interprétation, n’est pas lié a priori à un répertoire. Il n’est pas exclu, il est même probable que, dans un futur pas très éloigné, ce soient des phénomènes comme le rock ou le jazz qui suscitent ce genre d’écoute. Qu’il soit impossible de l’affirmer avec certitude vient de la difficulté de reconnaître, à chaud, la capacité d’une oeuvre musicale à dialoguer avec l’interprétation. Mais ce serait une naïveté de l’exclure, par principe, dès qu’il s’agit de produits dont la nature commerciale est plus marquée.
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Pour ne prendre qu’un exemple, une grande part de la production musicale de Mozart est née avec les mêmes finalités que les 45 tours. Et les Noces furent ce qui aujourd’hui serait un film hollywoodien intelligent et bien fait. Inversement, l’exil volontaire par rapport au contexte commercial, fût-il comme il se doit assaisonné d’obscurités linguistiques, ne suffit pas à justifier l’appartenance à l’univers de la musique cultivée.
(L’âme de Hegel et les vaches du Wisconsin, Albin Michel, 1999)
Isidore a raison : tout le problème moderne vient de la liberté. On se bat pour l’obtenir, mais une fois qu’on l’a, on ne sait pas quoi en faire… et on angoisse.
C’était quand même vachement plus simple quand il n’y avait rien à inventer, mais juste entretenir !
(Plus simple, certes, mais tellement moins amusant !!!)
C’est bizarre que tu n’interviennes pas dans ce genre de conversation, Vincent. Tu boudes ?
(En tout cas, si c’est toi qui nous « pollue » avec toutes ces citations d’auteurs, sache que c’est encore plus énervant que tes « braiments d’ignorance »)
Au cours de son histoire, la musique s’est exprimée selon trois codes, avec trois modes d’organisation économiques spécifiques. Parallèlement, trois idéologies, trois ordres ont dominé successivement : religieux, impérial, marchand. Dans les intervalles, des phases de désarroi et de désordre préparaient la naissance de l’ordre savant. Une quatrième période a commencé à partir du début du XXe siècle, faite de musiques répétitives, fondues dans le creuset de la musique noire américaine, appuyées sur une formidable demande de la jeunesse mondiale et sur une nouvelle organisation économique qu’ont rendu possible l’enregistrement et la diffusion – matérielle puis immatérielle – de la musique. A chacune de ses périodes, la musique a dessiné dans ses pratiques, pour qui savait les lire, l’esquisse des temps à venir.
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Dans les sociétés dominées par le religieux, puis dans les empires, tout se passait comme si la musique était utilisée et produite, dans le rituel et l’impérial, pour faire oublier la menace de la violence. Puis, au début du marché, elle a été employée à faire croire à l’harmonie du monde et à la légitimité du pouvoir marchand. Dans la société industrielle, elle a servi à faire taire en produisant en série une musique répétitive et en tentant de censurer le reste des bruits humains. Lorsque, dans les toutes premières sociétés, le pouvoir a voulu faire oublier les menaces, la musique était métaphore du sacrifice rituel du bouc émissaire. Lorsqu’il a voulu faire croire, la musique est devenue mise en scène, représentation de l’ordre de l’échange. Lorsqu’il a tenté de faire taire, elle a été reproduite et normalisée – répétition. (…) A chaque fois la musique échappe, refuse sa soumission, annonce la subversion du code en place et la venue d’un pouvoir à venir.
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Ce décalage prémonitoire [de la musique] avec le reste de la société peut se vérifier à mille détails. On peut, par exemple, jouer avec l’idée que l’acceptation du demi-ton par les musiciens de Florence au XVe siècle annonce l’arrivée au pouvoir en Italie d’une classe plus raffinée, plus libre : celle des marchands de la Renaissance. Que ce n’est pas un hasard si la démesure des orchestres précède celle des usines, ou si l’industrialisation des moyens de diffusion de la musique devance la production en série de tous les autres objets. Qu’il n’est pas non plus fortuit qu’en 1913, juste avant le déclenchement des guerres et l’avènement des dictatures du XXe siècle, Igor Stravinski ait écrit Le Sacre du printemps et fait entrer le bruit dans la musique l’année même où Russolo écrivait L’Art des bruits.Ni que la rupture de tonalité, à la fin du Boléro de Ravel, au paroxysme de la répétition, ait fait scandale juste quelques mois avant la Grande Crise de 1929. Ou enfin que le be-bop, le rock, la soul, le reggae, le free-jazz, la techno, le rap précèdent chaque vague de révolte de la jeunesse urbaine pour se dissoudre dans ce qu’on a longtemps nommé, comme par antiphrase, les « variétés ». A un moment où les technologies permettent une accumulation infinie de musiques et d’objets en même temps qu’ils en organisent l’indifférenciation ; à une époque où les marchandises se mettent à parler entre elles une langue très pauvre, certains ont cru pouvoir déceler la fin de la musique, comme d’autres ont proclamé la fin de l’Histoire. Et si, au contraire, tout ne faisait que commencer ?
(Bruits, essai sur l’économie politique de la musique, Fayard/PUF, 2001)
A mon sens, la fonction fondamentale de la musique est de montrer que la violence est contrôlable, donc que la société est possible. Plus précisément, le bruit est une arme et la musique en est la mise en forme, la domestication en un simulacre de meurtre rituel. (…) Ecouter du bruit, c’est un peu comme être menacé de mort. Ecouter de la musique, c’est assister à un meurtre rituel, avec ce que cela a de dangereux, de coupable, mais aussi de rassurant. (…) Comme les individus, une société ne guérit d’une psychose qu’en revivant les diverses phases de ses terreurs. La musique fait revivre à tous la canalisation de la violence essentielle. Simulacre de la monopolisation du pouvoir de tuer, du meurtre rituel, elle prouve la possibilité de vivre ensemble, de transformer les violences en ordre, le bruit en art. Cérémonie de mise en ordre, demande de paix, sa force tien à ce qu’elle peut échouer, à ce qu’elle n’est jamais certaine. Mêlée à la danse, à la transe, elle peut toujours déraper. Par l’erreur du musicien, par l’intervention des spectateurs.
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Toute l’histoire de la musique à partir du XIVe siècle, comme celle de l’économie politique à partir du XVIIe, se résume en une tentative pour faire croire à une réalité consensuelle du monde en le mettant en scène, en le représentant. Pour remplacer la ritualisation de la violence par le spectacle de son absence ; pour convaincre des spectateurs qu’une combinaison de l’échange marchand et du règne de la raison peut rendre le monde harmonieux, pour faire admettre une vie par procuration dans le monde rêvé des artistes. Alors que, dans les communautés théocratiques et les empires, la musique était un élément du rituel du sacrifice et de la sublimation de l’imaginaire, elle devient, dans les hôtels de ville, les salons bourgeois, les salles de concert et les cabarets, un spectacle réservé à ceux qui ont les moyens d’en payer l’audition. Une façon de montrer que l’argent peut, lui aussi, constituer un substitut à la violence. Les bourgeoisies flamande, italienne, anglaise, puis allemande et française dégagent alors le musicien de l’entrave de la commande nobiliaire pour l’emprisonner dans d’autres contraintes, celles du commerce de représentation. Un fossé – une fosse – vient séparer les musiciens des auditeurs. (…) Par le concert, un des premiers lieux où une marchandise est vendue à prix unique à de nombreux consommateurs, surgit au XVIIe siècle l’intuition de la théorie de la valeur qui dominera toute la pensée économique des XIXe et XXe siècles.
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La musique enregistrée n’entretient pas le même rapport à la violence que celle qui est représentée. D’abord, elle organise un rapport solitaire à la mise en ordre du bruit. On achète, avec le disque, un usage individualisé de l’ordre, un simulacre privé du sacrifice. Le gramophone devient comme l’autel d’un sacrifice personnalisé. Il n’y a plus cérémonie collective du bouc émissaire. Ensuite, comme l’enregistrement est répétable, il n’y a plus de risque de dérapage, de dissonance, d’échec de la canalisation de la violence. Tout ce que le sacrifice et le spectacle contenaient de bruits potentiels (violence contagieuse, fausse note, dissonance, erreur, bruit), disparaît. La musique n’est plus dialogue en direct, mise en forme vivante du bruit, mais seulement spectacle prévisible et solitaire d’une mise en ordre antérieurement réussie. L’écoute de la musique n’est plus que celle d’un parcours prédéterminé, donné à réentendre. Elle n’est plus le spectacle d’une mise en ordre, mais celui de son souvenir. En abolissant ainsi l’essentiel de la métaphore du sacrifice, l’enregistrement brise la capacité de gestion de la violence par la musique. Il ouvre, annonce et prédit le retour de la réciprocité violente en société. En particulier de la violence des jeunes, jusqu’au meurtre mimétique perpétré par des mineurs.
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Pour entretenir sa croissance, l’économie a besoin qu’on achète plus que ce qu’on peut consommer, qu’on stocke de l’usage futur, qu’on empile ce qui prolifère. Pour y parvenir, il lui fait faire désirer le non-usage des choses, faire de l’accumulation pure une forme de jouissance, pousser chacun à se conduire en collectionneur. Si le destin de la musique annonce celui qui attend d’autres services – éducation, santé, etc. –, le savoir, la nationalité, l’amour, la vie, la mort seront à leur tour peu à peu piégés dans l’échange : on en vendra d’abord le spectacle, puis la réplication, et enfin le stockage. Et comme le stockage matériel finira aussi par atteindre ses limites – l’encombrement, la saturation des étagères – l’objet lui-même sera remplacé par sa matrice, signe pur, en un stockage virtuel théoriquement non dégradable et illimité. La vie ne sera plus alors qu’une infinie accumulation de bibliothèques imaginaires. (…) Une fois de plus, la musique est prémonitoire : en basculant bientôt de la répétition d’objets en une répétition virtuelle, elle échappe aux lois de l’économie, et ouvre la bataille pour la gratuité de la création.
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Aujourd’hui commence une nouvelle ère que les anciens outils de la pensée ne permettent ni de prévoir ni même d’imaginer. Ce ne sera ni un retour au rituel, ni un retour du spectacle, ni l’un et l’autre broyés par le passage de la répétition ; mais, au contraire, l’avènement d’une forme radicalement neuve de l’économie et de la politique. (…) Comme chaque fois que s’amorce une mutation majeure, la musique est là. Non pas seulement dans un style, mais surtout dans une façon de gérer la violence. Cette fois, il ne s’agit plus de s’en servir pour prier, ni pour convaincre de la valeur de l’harmonie, ni pour l’empiler, mais dans un but tout à fait différent : pour le plaisir de s’entendre jouer, par goût d’improviser, de composer et de partager sa composition, hors du commerce. Non pour miser sur l’éternité céleste, ni sur celle de la renommée, ni sur celle de la fortune accumulée, mais en se donnant à entendre gratuitement pour se prouver qu’on est vivant, pour durer dans le plaisir donné aux autres.
(Bruits, essai sur l’économie politique de la musique, Fayard/PUF, 2001)
Cest bien joli, mais où est le plaisir d’écouter ou de faire de la musique dans tout ça ? Car c’est bien le moteur n° 1 de la chose, non? Moi, les meurtres rituels ou pas, ce n’est pas ma tasse de thé, ni même d’ailleurs les rêves creux d’harmonie universelle, c’est déjà assez difficile de la vivre au quotidien avec ses proches. Et puis finalement, la vie ce n’est peut-être pas si compliqué que ça pour y goûter joyeusement sans forcément être empereur, riche ou cultivé, ni avoir un bon système de gestion de la violence collective, surtout si c’est encore en plus la musique qui doit s’y coltiner…
« En jouant de la musique, nous gagnons peut-être notre liberté … et peut-être aussi celle des autres ».
Extrait d’un propos de la joueuse de jazz Mary-Lou Williams, morte en 1981, a qui la chaîne Mezzo vient de consacrer un très beau reportage qui se termine juste à l’instant. J’ai vite recopié cette phrase sur ce blog avant qu’elle ne me sorte de l’esprit.
Pour faire le lien avec ce que vient de dire Isidore, Mary Lou Williams a également tenu des propos sur « le plaisir » qui est l’essence même de la musique. Je rajouterais aussi « l’émotion » et j’extrapolerais cette notion d’émotion à tous les arts. Peut-il y avoir de l’art sans émotion ? L’art peut-il être froid ? J’en doute
Je ne pense pas que les arts puissent être, en soi, « chauds » ou « froids ». C’est nous, en fonction de notre façon de les aborder (du formatage de notre sensibilité), qui leur attribuons ces qualités.
Nous paraît donc simplement « chaud » un art que nous sommes conditionnés à apprécier… et « froid » celui pour lequel il nous manque le logicel.
Que l’on métamorphose en tableau l’hymne à la « joie » de Beethoven : alors on verra approximativement ce qu’est l’ivresse dionysienne. (…) Chantant et dansant, l’homme a désappris de marcher et de parler, et est sur le point de s’envoler à travers les airs, en dansant. Dans ses gestes, l’enchantement parle.
( La naissance de la tragédie, hellénisme et pessimisme,, 1872)
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Il existe encore des demi-dieux qui sont capables de vivre dans des conditions abominables, de vivre même victorieusement ; si vous voulez entendre les chants solitaires d’un de ces demi-dieux, écoutez la musique de Beethoven.
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Beethoven le premier fit parler à la musique un langage nouveau, défendu jusque-là, le langage de la passion.
(Considérations inactuelles, 1873-1876)
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Les artistes ont un intérêt à ce qu’on croie aux intuitions soudaines, aux prétendues inspirations ; comme si l’idée de l’œuvre d’art, du poème, la pensée fondamentale d’une philosophie, tombait du ciel comme un rayon de la grâce. En réalité, l’imagination du bon artistes ou du bon penseur produit constamment du bon, du médiocre et du mauvais, mais son jugement, extrêmement aiguisé, exercé, rejette, choisit, combine ; ainsi, l’on se rend compte aujourd’hui, d’après les carnets de Beethoven, qu’il a composé peu à peu ses plus magnifiques mélodies et les a en quelque part triées d’ébauches multiples. Celui qui discerne moins sévèrement et s’abandonne volontiers à la mémoire reproductrice pourra, dans certaines conditions, devenir un grand improvisateur ; mais l’improvisation artistique est à un niveau fort bas en comparaison des idées d’art choisies sérieusement et avec peine. Tous les grands hommes sont de grands travailleurs, infatigables non seulement à inventer, mais encore à rejeter, passer au crible, modifier, arranger.
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Il est vrai, si l’on imaginait Beethoven revenant soudain et entendant l’une de ses œuvres, dirigée avec l’animation et la subtilité nerveuse très modernes qui font la gloire de nos maîtres de l’exécution, il demeurerait probablement longtemps muet, ne sachant pas s’il doit élever la main pour maudire ou pour bénir, mais il finirait peut-être par dire : « Eh bien ! ce n’est pas moi que je retrouve ici, mais ce n’est pas non plus un non-moi, c’est une troisième classe, – qui ne manque pas de justesse, même si ce n’est pas juste ce qu’il faut. Mais c’est à vous de veiller à ce que vous faites, comme c’est vous sui devez écouter, – et c’est celui qui vit qui a raison, comme dit Schiller. Ayez donc raison et laissez-moi redescendre dans la tombe. »
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La musique de Beethoven apparaît souvent comme une contemplation profondément émue à l’audition d’un morceau que l’on croyait perdu depuis longtemps, c’est « l’innocence dans les sons », une musique au sujet de la musique. La chanson du mendiant ou de l’enfant des rues, les airs monotones des Italiens en voyage, les airs de danse des auberges de village ou des nuits de carnaval, voilà les sources d’inspiration où Beethoven découvre ses « mélodies », il les amasse comme une abeille, en saisissant ça et là une note ou une courte suite. Ce sont pour lui des réminiscences transfigurées d’un « monde meilleur » : un peu comme Platon imaginait ses Idées. – Mozart est dans un rapport tout différent avec ses mélodies : il ne trouve pas ses inspirations en entendant de la musique, mais en regardant la vie, la vie la plus mouvementée des contrées méridionales : il rêvait toujours de l’Italie lorsqu’il n’y était pas.
(Humains, trop humains, un livre pour esprits libres, 1878-1879)
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S’il faut absolument que nous ayons des faiblesses, je souhaite à chacun assez de capacités artistiques pour savoir donner du relief à ses vertus au moyen de ses faiblesses, de façon à nous rendre, par ses faiblesses, avides de ses vertus : c’est ce que les grands musiciens ont su faire à un degré exceptionnel. Il y a souvent, dans le musique de Beethoven, un ton grossier, ergoteur, impatient, chez Mozart une jovialité de joyeux compagnons dont le cœur et l’esprit doivent bien s’accommoder, chez Richard Wagner une inquiétude versatile et lancinante, où le plus patient est sur le point de perdre sa bonne humeur : mais c’est alors que le compositeur reprend sa force, comme les premiers. Tous, ils ont crée en nous, par leurs faiblesses, une faim dévorante de leurs vertus, et ont rendu notre palais dix fois plus sensible à chaque goutte d’esprit, de beauté sonore, de bonté sonore.
(Aurore, pensées sur les préjugés moraux, 1881)
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Que l’on s’imagine donc Beethoven, tel qu’il apparut à côté de Goethe, par exemple à cette rencontre de Teplice : comme la demi-barbarie à côté de la civilisation, comme le peuple à côté de la noblesse, comme l’homme bonasse à côté de l’homme bon, et plus encore que « bon », comme le fantasque à côté de l’artiste, comme celui qui a besoin de consolation à côté de celui qui est consolé, comme l’exagérateur et le défiant à côté de l’équitable, comme le songe-creux et le bourreau de soi-même, comme l’extatique insensé, le béatement malheureux, le candide démesuré, comme l’homme prétentieux et lourd – et en tout et pour tout comme l’homme « indompté » : ainsi l’a compris et désigné Goethe lui-même, Goethe l’Allemand d’exception pour qui une musique qui aille de pair avec lui n’a pas encore été trouvée.
(Le gai savoir, la « gaya scienza », 1882-1887)
Il est un musicien que je n’aime ni ne désire écouter tout le temps. C’est Beethoven. Il a ce savoir du bonheur, de la sagesse, de l’harmonie qu’on ne trouve pas sur les chemins aplanis, mais qui surgissent sur les sentiers qui bordent les abîmes, ce savoir qu’on ne cueille pas avec le sourire mais avec des larmes et épuisé de douleur. Dans ses symphonies, dans ses quatuors, il est des passages où, de façon infiniment émouvante, enfantine et tendre jaillit de la misère et de lé déréliction un pressentiment du sens du monde, un savoir de la rédemption. Je retrouve de tels passages dans Dostoïevski.
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Que Goethe n’ait compris qu’à demi Beethoven (il l’a tout de même saisi un peu ; il y a un beau mot de lui sur Beethoven), cela ne m’a jamais étonné. Avec Beethoven commence en musique ce qui débute en littérature avec Schiller, etc., et en politique avec la Révolution parisienne, ce qui est exactement le contraire de la personnalité goethéenne. Je ressens la même chose étant, à peu d’exceptions près, réactionnaire en musique. Je ne ressens absolument pas Beethoven comme se situant dans la lignée de Bach et de Mozart, mais comme le début de la décadence, un début grandiose, héroïque, superbe, mais avec des signes déjà à demi négatifs.
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Il y a deux caractéristiques de l’œuvre de Beethoven qui m’ont frappé de longue date et que je ressens de plus en plus : un aspect positif et un aspect négatif. ( …) D’abord le côté négatif ! La seule chose que je n’aime pas chez Beethoven, c’est une certaine banalité de nombre de ses inventions mélodiques et plus encore de la ténacité, je dirai même l’acharnement avec lequel il s’attache à une mélodie de ce genre et la poursuit à mort. C’est peut-être un blasphème, mais toute la fin de la Neuvième, du moment où apparaît la mélodie sur le poème de Schiller, a sans doute d’un point de vue dynamique la même maîtrise et la même virtuosité que l’on trouve partout chez Beethoven ; pourtant cette manière de torturer à mort une mélodie qui n’est déjà pas en soi sans quelque vulgarité me fait l’effet d’une barbarie. Maintenant le côté positif : c’est peut-être le manque de cette puissance d’invention mélodique qui explique cette joie inextinguible de Beethoven à varier des mélodies étrangères. Les diverses suites de variations font partie de ce qu’il y a de plus beau pour moi dans l’œuvre beethovénienne et celles sur un thème de Diabelli sont sans doute mes préférées.
(Musique José Corti, 1997)
http://podcast.blog.lemonde.fr/
Bien vu !!!
L’intégrale Beethoven est maintenant sortie. C’est sur Amazon qu’elle est la moins chère : 75 euros (alors qu’elle est à 99 euros ailleurs) :
http://www.amazon.fr/Beethoven-lInt%C3%A9grale-en-100-CD/dp/B000PTYJLM/ref=sr_1_1/402-1780757-0878565?ie=UTF8&s=music&qid=1191133707&sr=1-1
L’opéra est le monde de la passion.
Beethoven est le musicien de la passion.
Alors pourquoi n’a-t-il écrit qu’une seul opéra ? Bizarre, non ?
Bonne question !
Tu as une réponse, toi ?
Peut-on imaginer que mettant de la passion dans toutes ses oeuvres (donc les transformant toutes quelque part en opéra) il n’avait justement pas besoin de la forme « opéra » pour exprimer ce genre d’élans (c’eût été quelque peu redondant).
Beethoven, où l’idée du malheur contre la joie tragique, ou le délire moral contre la réalité amorale, ou la musique contre la musique : aimeront Beethoven tous ceux qui n’aiment pas la musique, et l’on sait s’ils sont légion, aussi n’avons-nous pas, hélas ! à nous étonner de son extraordinaire succès. Non, ce n’est pas musical, non, ce n’est pas amoral, non ce n’est pas tragique, non ce n’est pas joyeux, – mais cela console et rassure. La musique qui remplit les gens de « jolis sentiments » et console la vieille tante de la mort de son mari, si l’on en croit Sartre dans la Nausée, est, à n’en pas douter, celle de Beethoven ; et l’influence de ce dernier s’est révélée si grande qu’on peut se demander si, avec lui, la musique n’est pas devenue une puissance morale aux yeux du monde, voire une puissance gouvernementale, amie de l’ordre : on joue la VIIe Symphonie dans les prisons, de temps en temps, pour « récupérer » l’âme et la sociabilité des détenus ; et on enregistre, paraît-il, de bons résultats. On peut seulement se demander si les soupirs d’être homme, qui sont l’essence même de la musique de Beethoven, ne se mêlent pas, dans ce cas précis, aux soupirs d’être en prison.
(La philosophie tragique, PUF, 1960)
Je suis en train d’écouter la sonate pour piano et violon, intitulée « le printemps », tirée de ce fameux coffret (disque n° »31). Il s’agit d’une interprétation qui a plus de 50 ans : Arthur Grumiaux (violon) et Clara Haskil (piano) enregistrés en 1956 (et en plus le son est très bon). Bon Dieu que c’est beau ! Je me demande pourquoi on se risque à réenregistrer régulièrement ces oeuvres aujourd’hui alors que tout a été dit pas des fabuleux artistes, en ces temps lointains considérés aujourd’hui comme préhistoriques. Enfin, c’est juste une petite réflexion …
Une superbe occasion à saisir : l’intégrale Beethoven vient de voir son prix divisé par 2 : 100 CD pour le prix de 49 € (intégrale en 83 CD + 17 disques d’enregistrements historiques avec les grands chefs et les grands solistes de la première moitié du XXème siècle). Je connais bien cette intégrale que j’avais achetée il y a trois ans et dont j’ai écouté chacun des disques.
http://www.abeillemusique.com/CD/Classique/BRIL93525/5028421935256/Brilliant-Classics/Ludwig-van-Beethoven/Integrale-de-l-oeuvre/cleart-26315.html
Écouter Beethoven autrement …
Vraiment bien fait
Oui, très chouette.
A noter qu’avec Bohemian Rhapsody c’est pas mal non plus