D’une manière générale, l’actualité n’est pas très réjouissante. Mais il me semble que les rares choses positives ne sont pas mises en valeur par les grands médias. Et à y regarder de plus près, il y a un peu partout des expériences, des mouvements, associatifs ou autres, qui sont des début de réponse à la masse de nos problèmes.
Hier matin, Clotilde Dumetz sur France Inter a commencé sa revue de presse en racontant la mobilisation citoyenne d’une petite bourgade bretonne de 6 500 habitants.
23 Maliens, habitants de Montfort-sur-Meu, viennent d’être placés dans des centres en attendant d’être réexpédiés dans leur pays. Ils étaient arrivés il y a cinq ans. Tous se sont adaptés de manière exemplaire au pays. Ils sont devenus des silhouettes familières de la vie locale, travaillant, prenant des cours d’alphabétisation, tombant amoureux de françaises, participant au club de foot local… Tout allait bien. Mais voilà, le 28 février dernier, la police est venue interpeller ces Sans Papiers. Car ces hommes n’étaient pas en situation régulière. La justice a été très expéditive et a confirmé en quelques jours seulement les arrêtés d’expulsion.
Mais c’était sans compter sur les habitants de la bourgade. La décision de la justice a fait l’effet d’une bombe. Les commerçants sont montés au créneau, suivis par le patron de l’usine (qui employait les Maliens), le maire, le curé, les ouvriers, les cadres, les lycéens, les retraités… Samedi, il y avait 1500 personnes dans les rues de Montfort-sur-Meu pour réclamer le retour de ces expulsés qui sont sur le point d’être mis dans des charters.
Bel exemple de mobilisation que les médias nationaux, hormis Libé et peut-être quelques autres, n’ont pas vraiment relayé. Pourtant, cette info me semble essentielle dans le contexte actuel.
Je me demande si les crises actuelles et à venir, qu’elles soient économiques, sociales ou environnementales, ne vont pas avoir pour effet de créer ici et là, contre toute attente, de véritables réactions collectives de solidarité. Un bel exemple à méditer. Qui met un peu de baume au coeur.
Je m’absente deux jours et ne pourrai donc participer aux commentaires. A vendredi.
Tout se comprend mieux quand on précise qu’il y en avait un qui était le meilleur joueur de l’équipe de foot du village… menacée de relégation en division inférieure.
Comment expliquer que toutes les tentatives de journaux (écrits ou télévisés) sur les seules « bonnes nouvelles » n’ont jamais rencontré assez de fidèles pour perdurer ? Vous avez une explication, vous ?
A Montfort-sur-Meu, c’est sûr, on élève surtout des vaches, mais comment s’appellent déjà les patelins dans lesquels on élève des moutons ? des cochons ? des poules ? Etc…
Je crois que c’est aussi dans ce coin qu’on élève des canards !
Humeur Badine n’envisagerait-elle pas de s’appeler parfois Humeur caustique ?
Je fais référence à son premier commentaire.
Cette jolie histoire me conforte dans l’idée que les petites structures sociales, ici, une commune de 6500 habitants, conserve mieux son caractère humain que les énormes groupes type mégalopole.
1500 habitants sur 6500, ça fait plus de 23 %. Même ordre de grandeur que les soit-disant intentions de votes pour certains des candidats à la Présidentielle.
Parce qu’à 6500, on se connaît (et sans faire d’humour noir, j’image que Malien à Montfort-sur-Meu, tu ne passes pas inaperçu). Et dès qu’on se connaît, le lien fait que le point de vue diffère.
Je me souviens que dans un bourg encore plus petit, dans l’Ain, habitait toute une communauté turque (j’en parle au passé, mais sans doute y vivent-ils encore, c’est juste que je ne vais plus dans ce coin). Et quelques femmes autochtones m’avaient raconté qu’au début, il y avait eu de la méfiance « On ne les trouvait pas propres ». Puis, au premier printemps, les femmes turques se sont installées sur la place avec les matelas, les ont décousus puis ont lavé la laine. L’ont fait sécher, ont rempli à nouveau les matelas et les ont recousus. Les habitantes du bourg n’en revenaient pas. Il s’est même instauré une espèce de coutume de grand ménage de printemps ensemble, sur cette place.
D’accord avec Anne pour repérer comme un seuil au-delà duquel l’individu n’a pas plus tout à fait prise sur son environnement. Un village me semble bien à ce titre davantage « à échelle humaine » (je veux dire « à échelle de l’individu humain ») qu’une mégapole. Mais attention toutefois de ne pas « idéaliser » pour autant ces petites structures. L’humain étant ce qu’il est (capable au moins autant d’horreurs que d’éclats, de mesquineries que de générosité), cela ne garantie rien.
Au risque de paraître « humeur badinement » caustique et/ou de froisser s’éventuelles sensibilités « rousseauïstes » (voire paraître encore une fois « facho »), il me semble en effet que l’humain n’est pas cet être « bon de nature » qu’une société malsaine pervertirait (et qu’il suffirait donc de transformer pour tout régler).
« (…) L’humain n’est peut-être pas bon de nature (…) »… Parle pour toi Vincent, parle pour toi… mais ne généralise pas, STP !!!!
Je partage l’avis de Vincent sur l’espèce humaine, car il est certain que des unions beaucoup plus néfastes peuvent s’opérer dans les petites bourgades…
Mais cette belle histoire mérite d’être répétée, et répéter ce genre d’histoire, abreuver le citoyen de films pacifistes et humanistes, s’acharner à transformer le quotidien pour en éradiquer le stress, valoriser le repos et le calme plutôt que l’activisme : tout cela ne contribuerait-il pas à faire de nous de plus vrais humains et à restaurer d’autres valeurs ?
Je suis en tout cas d’accord avec Anne pour trouver la dimension des petites agglomérations plus humaine, pensant que l’homme a conservé un comportement tribal et que les dérives constatées dans les villes sont dues en partie au confinement, à la promiscité, au bruit et à la concentration d’individus décentrés.
Ne soyons pas trop ingrats tout de même. N’oublions pas que c’est avant tout la ville qui a permis l’homme libre : grâce à elle en effet, au système de la parenté et à l’ordre immobile du despotisme patriarcal se substitue l’espace du politique qui fait naître rien de moins que la démocratie.
VILLE et DEMOCRATIE ne sont-elles pas à ce point indissociables que critiquer l’une revient automatiquement à remettre en cause l’autre ?
Que les deux soient cependant bien mal en point – en crise même – me semble indéniable.
Mais a-t-on encore vraiment envie de sans cesse les reconstruire (car rien n’est moins spontané que ce désir) ?
Je suis d’accord avec Vincent, il ne faut pas trop idéaliser la vie dans les campagnes. Ce n’est pas toujours très reluisant, du point de vue des relations humaines. Il y a des solidarités qui fonctionnent parfois mais pas systématiquement. Mais en ville, cela fonctionne aussi, tant qu’on n’a pas atteint une certaine taille et un certain nombre d’habitants. Peut-être que ce n’est pas qu’une question de taille mais que cela dépend aussi de la manière dont les villes ont été conçues, aménagées.
Oui, toute « agglomération » humaine ne fait pas « ville » donc possible « démocratie ». Il faut, je le pense aussi, une certaine organisation centrée – du moins historiquement – sur la création d’un espace public (l’agora grecque, le forum romain… quoi aujourd’hui ?).
« Ce qui importe, c’est le désir de ville, c’est-à-dire de la citoyenneté, désir qui ne s’arrime pas à une localisation précise. On peut très bien habiter solitaire, en pleine lande et pourtant être de la ville, justement parce que, dans ce territoire – appelé Europe -, il y a toujours de la ville à portée de main. La ville est un espace mental ; comme tel, on y souscrit, on l’aime, ou on s’y dérobe, s’y oppose. Le contraire de la ville, ce n’est pas un autre espace réel, campagne, désert, mais l’espace du despotisme (Nuremberg) et de la régression (Vichy). »
(Jean-Paul Dollé, Fureurs de ville, Grasset, 1990)