Les conférences de Claude-Roland Marchand (3) (2ème partie)

Deuxième partie de la troisième conférence de Roland. Cette dernière partie est consacrée aux OGM, aux changements climatiques et à la conclusion des trois conférences.

LES OGM ont d’abord été créés pour répondre aux besoins des agriculteurs. Des espèces ravageuses de cultures devenaient résistantes aux insecticides et pesticides. Les chercheurs ont alors réussi à greffer sur le génôme de la plante le gène qui permettait de créer la toxine pour lutter contre le bacille ravageur. Ces obtentions d’Organismes Génétiquement Modifiés ont d’abord concerné la betterave, le colza, le maïs … mais des tas de projets sont aujourd’hui en cours de préparation : café, pomme, raisin, riz, tomate, tournesol… Les OGM risquent donc d’être demain notre lot quotidien. Les pays ont adopté des attitudes différentes : certains produisent des OGM (USA, Canada, Mexique, Chine, Brésil), d’autres les expérimentent (Grande-Bretagne, Espagne, Inde), certains ont adopté un moratoire (exemple de la Grèce), quelques-uns, dont la France, ont une attitude mixte (moratoire + expérimentation).

Le risque de voir un jour une résistance des ravageurs aux plantes transgéniques est fort, on pourrait alors voir le même phénomène que celui des insectes résistants aux DDT (apparition de souches de moustiques qui découpent les molécules de DDT avant de les digérer). Des problèmes sur la santé sont déjà apparus : un gène de la noix du Brésil implanté sur le soja provoque de graves allergies, des problèmes identiques apparaissent en Inde avec l’aubergine … Derrière ces tripatouillages génétiques se profile la question du clônage de l’humain. Roland a posé la question : est-ce un mythe inaccessible ou une probabilité imminente ?

Concernant les CHANGEMENTS CLIMATIQUES, Roland a abordé la question sous l’angle des constats. Les conséquences des changements du climat sont aisément perceptibles aujourd’hui. Les photos de Yann Arthus-Bertrand sur la fonte des neiges du Kilimandjaro sont éloquentes. Plus proche de nous, la régression frappe aussi la mer de glace et le glacier des Bossons. Les conséquences sur les espèces animales et végétales sont déjà très fortes : la fauvette à tête noire et la cigogne se sédentarisent, les gobemouches noirs et les pouillots siffleurs régressent. Certains pronostiquent la disparition prochaine du papillon apollon du massif du jura et même celle de notre bon vieux chêne. Quand au rouge-queue à front blanc, il a de plus en plus de mal à traverser le désert du Sahara qui s’étend.

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Cette érosion de la biodiversité a des raisons multiples parmi lesquelles les pesticides, l’introduction d’espèces, la déforestation et le surpâturage, la démographie et bien sûr le réchauffement climatique qui accélère le mouvement.

Dans sa CONCLUSION, Roland insiste sur le fait que « la biodiversité est un héritage, qu’elle est un équilibre d’ajustements complexes et conjoncturels. Les activités humaines modifient tout, partout, trop fort et beaucoup trop vite. Dans ces conditions, le futur de l’héritage a-t-il un avenir ? ». Roland en appelle à la biovigilance et aux principes de précaution. Mais à quels niveaux agir ? Et avec quels moyens de contrôle ? La conclusion de Roland n’est pas très optimiste. Difficile de l’être car « l’Homme a ouvert une boîte de Pandore » et joue à l’apprenti sorcier.

A la fin de la conférence, Roland est revenu sur Darwin et sa théorie de l’évolution, point de départ de ces trois conférences : « La théorie de Darwin sur l’évolution est plus que jamais d’actualité. Elle n’a pas été démentie, simplement améliorée ». Il a rappelé la phrase de Rostand qui disait « Ce conte de fées pour grandes personnes n’a pas fini de faire débat ».

Ainsi ce termine cette série de quatre articles consacrés aux conférences de Claude-Roland Marchand. Qu’il soit remercié pour la qualité de ses propos et pour avoir accepté de dialoguer avec les lecteurs de ce blog. Le débat continue donc !

31 réflexions au sujet de “Les conférences de Claude-Roland Marchand (3) (2ème partie)”

  1. Deux premières questions :

    – En quoi le réchauffement climatique accélère-t-il l’érosion de la biodiversité ? (n’y a-t-il pas autant d’espèces qui arrivent, lorsque la température augmente, que d’espèces qui partent ?)

    – Qu’est-ce que c’est concrètement que ce désormais fameux « principe de précaution » ? Si c’est s’abstenir au moindre doute, on ne va plus faire grand chose !

  2. Tout ça me donne la chaire de poule.
    Je ne sais plus très bien s’il faut être serein: (« ça va bien se passer au final »…),
    préoccupé: ( « c’est grâve mais il est encore temps de renverser la vapeur »…),
    ou carrément alarmiste: (« c’est trop tard, tout est perdu d’avance car la machine infernale est lancée et ne se arretera plus !! « …)
    Toujours est-il que je trouve louable qu’il y ait des personnes comme Claude-Roland Marchand pour tenir informé et avertir les gens de la direction précise et scientifique de notre planète par rapport à sa bio-diversité…

  3. « Erosion de la biodiversité et changements climatiques » :
    Vincent pose une bonne question à laquelle il répond en partie.
    C’est exact que les modifications climatiques agissent sur l’aire de répartition des espèces : certaines se déplacent vers le nord, d’autres en altitude… elles peuvent entraîner avec elles des espèces associées (symbiontes, commensaux, parasites, prédateurs…) ; elles peuvent modifier leurs rythmes (migrer plus tôt), leurs parcours (ne pas franchir le Sahara, rester en Europe) ; elles corrigent leurs régimes alimentaires (de l’entomophagie passer à la polyphagie)… Et c’est au cas par cas que les corrections, les ajustements se feront ou ne se feront pas. Ce qui est certain c’est qu’il y en aura. Et il y en a toujours eu.
    Ce qui est certain aussi c’est que LA biodiversité que nous avons sous les yeux sera différente, modifiée, en déséquilibre quelque temps puis de nouveau en « harmonie » avec les nouvelles contraintes.
    L’EROSION affecte la biodiversité actuelle, résultat d’une longue série d’interactions, sur des temps géologiques très longs.
    L’EROSION aurait peut-être eu lieu, indépendamment des actions humaines ; ce qui est inquiétant c’est la multiplicité des modifications, à grande échelle, sur des temps de plus en plus courts, et avec des intensités de plus en plus fortes.
    Nous ne sommes pas des nostalgiques de LA BIODIVERSITE.
    Nous ne sommes pas FIXISTES.
    La modélisation a permis de montrer que, toutes choses étant égales par ailleurs, si la durée de vie d’une espèce est ordinairement de 1000 elle est 100 fois plus courte dans le contexte actuel.
    Les inventaires les plus sérieux montrent que l’augmentation des extinctions d’espèces est préoccupante (et ce n’est que la partie émergée de « l’iceberg »).
    Après ce constat, va-t-on laisser faire ?
    Va-t-on continuer à entamer, irrémédiablement, les écosystèmes forestiers, aquatiques… à grande échelle et partout ? Va-t-on laisser progresser la désertification (qu’on pourrait ralentir si on le voulait) ? Va-t-on poursuivre les actions à court terme, chacun pour soi, le « nez dans le guidon » ?
    Nous abordons une PERIODE DE RESPONSABILITE COLLECTIVE à laquelle on aurait tort de se dérober.
    Vincent m’objectera, sans doute, que nous nous plaçons sur le plan MORAL. Mais n’est-ce pas le passage obligé pour remédier à tous les signes d’alarme que certains ne voudraient pas voir ?
    LE PRINCIPE DE PRECAUTION :
    Exemple : je viens d’inventer une molécule insecticide soluble dans l’eau ; elle est efficace contre TOUS les insectes « ravageurs » ; j’ai envisagé d’en enrober les graines que je vais semer, et à défaut les jeunes plantules qui sortent de terre. Je sais qu’elle résiste aux enzymes, aux bactéries, aux champignons : elle est donc rémanente et c’est une de ses propriétés intéressantes. Les essais obligatoires, en espaces fermés ou ouverts, ont été concluants. J’obtiens donc les autorisations de mise sur le marché…. Et le produit est mis en vente en toute légalité.
    Où est le problème ?
    Au regard de la loi : pas de problème.
    C’est au niveau des essais obligatoires de cette subtance « rémanente » qu’il y a problème. En effet, comme on l’a fait pour le Gaucho, les préjugés des expérimentateurs ont faussé le sens de « toxicité ». Ils ont testé la molécule sur les abeilles : la mortalité n’augmentait pas, donc le Gaucho n’était pas toxique pour les hyménoptères. Ce qu’ils n’ont pas soupçonné c’est que la molécule avait des effets insidieux et pervers : elle perturbait le fonctionnement neuronal et amenuisait le sens de l’orientation des abeilles. Elles partaient de la ruche et n’y revenaient pas !
    LE PRINCIPE DE PRECAUTION c’est -mais là je pousse le bouchon un peu loin- l’obligation de prévoir l’imprévisible : regardons ce qui s’est passé avec la dioxine, le round-up, le DDT, et même les phyto-hormones qui altèrent la sexualité des alligators ou des poissons… ou le mercure de Minamata.
    Bien entendu, il n’est pas question de s’abstenir de toute action phyto-sanitaire, il faut simplement changer les protocoles dans les essais de nouvelles molécules, ou de nouvelles technologies.
    Souvenez-vous des talcs toxiques pour les bébés (années 60), et de ces bébés sans bras, sans mains parce que leurs mamans avaient été traitées par une molécule tératogène, la THALIDOMIDE.
    Et plus grave, souvenez-vous du DISTILBENE, stéroïde de synthèse, administré à des mamans enceintes de quelques semaines, afin d’empêcher un avortement spontané ! Cette molécule, nous l’avons utilisée en travaux pratiques d’embryologie, sur des embryons de poulet : on trempait 5 secondes, un oeuf au 3ème jour d’incubation, dans une solution contenant 100 mg/100ml de distilbène. Résultats : tous les embryons étaient intersexués et ceux qu’on a laissé vivre ont développé des tumeurs une fois sur deux. Et chez l’Homme ? Eh bien on a constaté des pathologies génitales graves, et principalement des cancers de l’utérus chez des très jeunes filles. Sans parler des cas de stérilité, ou de fausses-couches inexplicables.
    UNE EXPLICATION ?
    Oui, le principe de précaution n’a pas été totalement, ni rigoureusement respecté. D’une part l’expérimentation animale a été trop rapide et le passage d’une espèce à l’autre a été extrapolé de manière inconsidérément optimiste (en l’occurence de la souris, du lapin à l’Homme). D’autre part l’approche a été univoque (comme pour le Gaucho) : la jeune maman ne vomit pas, elle n’avorte pas, donc le médicament est efficace et on oublie les effets sur l’organogenèse de l’appareil génital du foetus.
    ET LA THALIDOMIDE !
    Si on avait appliqué en totalité le principe de précaution on aurait évité ces naissances de bébés phocomèles chez qui les mains sont directement soudées aux épaules, infirmité grave à tous points de vue.
    Ai-je bien répondu à la question posée ?

  4. Un complément :
    je viens de lire sur Internet que la THALIDOMIDE est aujourd’hui un médicament orphelin ; dans certains pays on l’utilise pour traiter la lèpre et le lupus érythémateux disséminé ; et en France on l’utilise pour traiter les myélomes multiples et résistant à la chimiothérapie.
    Voici une molécule réputée sédative au départ, mais avec des effets tératogènes, qui élargit son spectre et « répare » certaines pathologies ou dysfonctionnements.
    Ces découvertes inattendues, et bénéfiques, à mon avis, ne doivent pas nous exonérer de l’exigence des principes de précaution.

  5. Pour les espèces qui partent et le principe de précaution, belle synthèse.

    Pour celles qui arrivent, si j’ai bien compris la question de Vincent : le processus de « fabrication » d’une espèce ou spéciation est je crois très long, aboutissant après des centaines, des milliers d’années et plus, à des êtres différents, adaptés et ayant un génome différent, résultat des intégrations successives de caractères nouveaux en réponse au conditions du « milieu ».

    Donc pour moi, aucune commune mesure entre le rythme d’extinction et celui d’apparitions d’espèces : c’est pour ça que l’on parle d’érosion.

    La disparition d’une espèce a par ailleurs des conséquences sur les autres espèces avec lesquelles elle était en relation. On entre là dans la dimension « équilibre de l’écosystème » : et là les choses se gâtent encore plus car en dehors de l’érosion décrite, les modifications environnementales considérables auxquelles on assiste nous réservent sûrement de mauvaises surprises. Face à de grands changements, en effet, toutes les espèces ne sont pas capables de répondre ou s’adapter facilement (cas des gobemouches sans doute) : certaines, extrêmement « plastiques » vont pouvoir résister voire être favorisées, d’autres, très spécialisées disparaissent purement et simplement. Je pense par exemple à la disparition de la morue de nos rivages (du Portugal à l’Europe du nord) et sans mauvais esprit c’est un drame pour l’Homme.

    La bonne et la mauvaise nouvelle : l’homme se trouve dans la deuxième catégorie, plus que jamais capable d’éliminer les espèces qui l’entourent et dont il est dépendant… mais capable d’adaptations étonnantes. Cela permet à cetrtains d’envisager la colonisation d’une autre planète, comme on changerait de costume !

    En résumé, le schéma actuel me paraît être : disparition accélérée d’espèces, perturbations importantes des écosystèmes à l’échelle planétaire et peut-être constitution d’un cortège d’espèces résistantes, cosmopolites, pas toutes sympas (voir du côté santé publique et des vilains petits crobes)… la mondialisation quoi !

    Bon, je vais me faire une petite tartine de pâté de tétras pendant qu’il y en a encore ! Ah ces vieilles recettes, il n’y a rien de tel pour se remonter le moral !

  6. Ben oui, faudrait vraiment faire la bouche plus que fine pour ne pas être satisfait d’une telle réponse.

    En rebond :

    Aucune objection sur un passage abusif à un plan « moral » en présentant les choses ainsi, en simples termes de « responsabilité collective à laquelle on aurait tort de se dérober ». C’est plutôt dans l’idée sous-jacente au concept de déséquilibre/harmonie que j’en verrai plutôt la trace. Mais bon… les guillemets placés sur le dernier mot suffisent à calmer ma pathologique « moralophobie » (;-))

    Sur le « principe de précaution », je ne vois finalement pas ce qu’il amène de bien nouveau. Ce n’est rien d’autre, il me semble, qu’un terme pseudo-technique pour dire la nécessaire prudence (modestie) de toute expérimentation scientifique. Mais ne nous leurrons pas, un mot, même asséné, même « constitutionnalisé », ne permettra jamais de prévoir l’imprévisible, ni d’éviter de commettre des erreurs. D’autant plus que nos recherches nous amènent de plus en plus dans des territoires inexplorés où aucun protocole ne pourra jamais garantir un hypothétique « risque zéro ». On a fait hier de grosses bêtises, ne pas en prendre acte aujourd’hui serait effectivement criminel, mais je crois pouvoir prédire – principe de précaution appliqué ou non – qu’on en fera forcément beaucoup d’autres. On aimerait certes tous plus ou moins conjurer ce mauvais sort, mais j’ai bien peur qu’aucun « abracadabra » ne nous y aidera !

  7. Petit complément pour Christophe :
    Pas d’objection de ma part à la réalité de la réduction de la biodiversité et du potentiel danger que cela représente. Je demandais juste s’il était judicieux d’imputer le changement climatique comme cause à ce phénomène. Quand je parlais d’arrivée d’espèces compensant les disparitions, je ne parlais évidemment pas de création de nouvelle espèce adaptée, mais simplement de remontée d’espèces des pays chauds trouvant à nos latitudes des conditions de vie qui ne conviennent plus à celles qui remontent vers les zones plus froides.

    Pour Nico :
    Je réécoutais hier Kenneth White (dans un entretien avec Pivot trouvé sur Dailymotion) qui répondait à la sempiternelle question de l’attitude à avoir : « Ni optimiste, ni pessimiste : possibiliste ! » Ca ne calmera sans doute pas ta « chair de poule » mais comme ça me faisait écho à tes propos, à tout hasard je t’en fait part !

  8. Je crois que la remontée des espèces du sud vers le nord est un leurre. En partie du moins. Je ne crois pas du tout que des espèces d’orchidées par exemple, qui sont dans le sud et qui y occupent des niches écologiques particulières, vont pouvoir remonter 500 km plus au nord. Par quel miracle ? Il en sera ainsi pour pas mal de plantes.

  9. Évidemment que le risque zéro n’existe pas.
    Mais le principe de précaution est souvent mis à mal pour des raisons autres que les limites de nos connaissances scientifiques.
    Le pouvoir économique est si puissant que l’intérêt marchand passe bien souvent avant l’intérêt de santé publique (par exemple).
    Sans vouloir tomber dans l’immobilisme, comme le précise Roland, nous devons veiller à un rééquilibrage de ces intérêts. Le film enquête sur les OGM de Canal + « L’étude qui accuse » http://www.dailymotion.com/video/x117v2_les-ogm-sont-ils-dangereux
    montre bien comment le processus d’agrément d’un OGM en Europe, et particulièrement en France, est corrompu.
    C’est un lieu commun que de constater cette faiblesse du bien commun face au pouvoir de certaines firmes.
    Le poids de l’économique en général (au delà d’intérêts particuliers) intervient aussi largement. En adoptant une attitude mixte (moratoire + expérimentation), la France ne fait pas que subir une pression de la part d’une société comme Monsanto. Elle veille à rester « dans la course » – ce que je ne condamne pas… sous certaines conditions.
    Le besoin des OGM est venu des agriculteurs… pour la pratique d’une certaine forme d’agriculture extensive orchestrée par les mêmes firmes internationales, et certainement pas pour enrayer la faim dans le monde comme on l’a déjà entendu.
    Ma vision est sans doute très utopiste – je veux bien l’assumer – mais je crois qu’il faut nous mobiliser pour redonner son poids à la chose politique.

  10. Bernard,
    Pas de souci pour les plantes, les humains (qui ne font pas que des choses néfastes) pourront sans souci les aider à franchir les distances à la vitesse nécessaire.

    Pour les oiseaux en Franche-Comté, peux-tu nous faire – en gros mais le plus objectivement possible – l’état des lieux : les espèces qui régressent ou disparaissent et celles qui augmentent ou apparaissent ?

    Anne,
    Rien d’utopique – à mon sens du moins – à ton projet de redonner sa place à la politique : au-dessus de l’économie. C’est sans doute difficile, impossible, vain, je veux dire par là « toujours à remettre sur le tapis » (tant la pente naturelle est à l’inverse) mais le seul ordre juste, donc un combat on ne peut plus légitime.

  11. (…) « Il m’arrive aussi de prendre barbarie en un sens plus singulier, pour désigner l’inverse ou le symétrique de l’angélisme. C’est alors une confusion des ordres, comme l’angélisme, mais au bénéfice cette fois d’un ordre inférieur : c’est vouloir soumettre le plus haut au plus bas. Tyrannie, dirait Pascal, des ordres inférieurs. Par exemple : vouloir soumettre la politique ou le droit aux sciences, aux techniques, à l’économie (barbarie technocratique : tyrannie des experts ; ou bien, il y a deux écoles, barbarie libérale : tyrannie du marché). Ou encore : vouloir soumettre la morale à la politique ou au droit (barbarie politique ou juridique : barbarie totalitaire, chez un Lénine ou un Trotski, ou bien barbarie démocratique, qui menace davantage chez nous ; tyrannie des militants, du suffrage universel ou des juges). Ou enfin : vouloir soumettre l’amour à la morale (barbarie moralisatrice : tyrannie de l’ordre moral). On peut aussi sauter des ordres : par exemple vouloir soumettre la morale aux sciences (scientisme, darwinisme moral, etc.) ou bien l’amour à l’argent (prostitution, mariages arrangés ou intéressés…) ou au pouvoir (culte de la personnalité, fanatisme, eugénisme…). Tout cela s’explique, et par les ordres inférieurs plutôt que supérieurs, mais est aussi à combattre : c’est la seule façon de sauver la politique (contre la tyrannie des experts ou du marché), la morale (contre la tyrannie des partis, des assemblées ou des tribunaux) et l’amour (contre la tyrannie des moralistes, de l’opinion publique ou de l’argent). On n’en a jamais fini. Les groupes, presque inévitablement, tendent vers le bas (même dans une Eglise, les rapports de pouvoir comptent davanage que la morale ou l’amour) : tout groupe, si on le laisse faire, tend à la barbarie, autrement dit à la dictature, quelles qu’en soient les formes, de ce que Platon appelait le « gros animal ». Il n’y a que les individus, quand ils ne tombent pas dans l’angélisme, qui aient la force, parfois de résister. »

    (André Comte-Sponville, Dictionnaire philosophique, PUF, 2001)

  12. Non, Vincent, les humains ne pourront pas transplanter les plantes sauvages plus au nord comme tu le dis. Ce sont des milliers d’espèces qui sont concernées. Beaucoup sont petites, insignifiantes pour l’homme, adaptées à des conditions de milieu bien précises, pas seulement le climat, mais aussi la nature du sol, le PH, l’expostition… et elles appartiennent à des associations végétales complexes qui contiennent chacune plusieurs dizaines d’espèces. Techniquement, je vois mal comment des transplantations de plantes à grande échelle pourraient avoir lieu. C’est à mon avis beaucoup trop complexe.
    Concernant les espèces d’oiseaux, je suis loin d’être un spécialiste mais j’essaierai de donner quelques éléments de réponse à ta question dans les jours qui viennent.

  13. On entend parfois dire que les OGM vont permettre de résoudre le problème de la faim dans le monde. Je crois au contraire qu’ils vont permettre d’asservir un peu plus les paysans du monde entier et de les rendre encore plus dépendants des grandes firmes de l’agrobio qu’ils ne l’étaient déjà avec les hybrides F1. D’ailleurs, la recheche en matière de biotechnologies agricoles est entre les mains d’entreprises privées qui ne mènent quasiment aucun programme pour répondre aux besoins des pays les plus pauvres.

  14. L’initiative du Président bolivien Evo Morales (cf. le lien signalé par Bernard plus haut) me paraît vouée à un bel avenir… A suivre et encourager, il me semble. Quand les pays pauvres et/ou sinistrés s’uniront pour porter plainte…

  15. « Ce que je reproche au moralisme c’est de favoriser le gout de l’utopie, le goût du double, de l’illusion, et d’écarter de la sagesse qui est l’acceptation du réel tel qu’il est, avec ses misères, ses injustices et ses crimes. L’indignation me paraît impuissante. L’indignation morale ne lutte pas contre le mal au sens concret du terme. La légalité seule permet de sanctionner, c’est pourquoi je prétends que le plus sage, si l’on veut réduire les maux terrestres, consiste, comme le disait Kant, à favoriser un progrès de la légalité : la moralité suivra et non le contraire. »

    (Clément Rosset, entretien avec Jean Blain, Lire déc 99/jan 00)

  16. Vaste débat que tu lances là, Vincent, et qui mériterait un article à part entière.
    Cependant, je ne suis pas tout à fait d’accord.
    Je reconnais que la légalité est nécessaire et plus efficace que l’indignation.
    Mais une indignation de masse peut parfois pousser le pouvoir législatif à créer des lois (je pense, par exemple, au cas de Vincent Humbert qui a permis au parlement d’adopter un « droit à laisser mourir »).
    La moralité suivra et non le contraire
    Est-ce à dire que le législateur n’obéit à aucune règle morale quand il légifère ? Quels seraient donc ses critères ? Comment peut-on vouloir le plus juste sans se référer à la morale ?
    Est-ce à dire que le quidam ne peut s’en référer qu’à la loi pour reconnaître ce qui est bon et ce qui est mauvais ?

  17. Si, Anne, c’est bien la Morale qui doit guider le législateur lorsqu’il établit des lois, évidemment. La position de Rosset (que je reprends volontiers à mon compte) dit juste que la Morale ne suffit pas, ne suffit jamais… et que seule son incarnation dans un système politique et juridique permet sa réalisation. Pour reprendre les termes de Comte-Sponville cité plus haut, ce serait faire de l’angélisme et/ou sauter un ordre que de croire que la Morale seule (à coup d’indignation) peut faire changer les choses.

    Petit exemple concret qui me semble bien illustrer la chose (si tu me le permets) : pour aider un fumeur à sortir de sa dépendance qu’est-ce qui va être le plus efficace ? L’augmentation sustancielle des taxes et l’interdiction de fumer étendue à tous les lieux publics ou… la multiplication des sermons moralisateurs ? Sincèrement… ?

    (Je suis d’accord avec toi pour dire que c’est un vaste débat qui mériterait un article à part entière !)

  18. ça veut dire quoi ? Qu’il faut que je me prépare à écrire un article complet sur le sujet, pour qu’on puisse continuer la discussion ? Si maintenant ce sont les blogueurs qui me donnent du boulot … !

  19. T’inquiète, Bernard, on saura bien « détourner » un article orienté sur un autre sujet à l’occasion. On est entraîné depuis le temps ! ;-))

  20. Zut !
    Je viens de passer trois quarts d’heure pour vous informer d’une réunion à laquelle j’ai assistée, hier soir, où l’intervenant créationniste a tenu des propos édifiants.
    Mais j’ai mal recopié le code et tout a été effacé…
    Je laisse courir ! Je ne recommence pas….

  21. Merci de nous avoir indiqué CONSERVAPEDIA : c’est consternant !!!
    Mais il faut le lire et saisir les véritables motivations des créationnistes.
    Plus près de nous : hier soir, au 33 rue Battant, j’ai assisté à une conférence intitulée : « Création. La nature nous l’enseigne… » par le Dr André EGGEN, 40 ans, Généticien, Directeur de recherches à l’INRA.
    Pendant une heure le conférencier, devant 30 personnes qui se connaissaient toutes ou à peu près, a commenté un diaporama numérique dont je vous résume le contenu.
    1 = COMPLEXITE DE LA NATURE : le corps humain est une merveille ; la machinerie moléculaire est si complexe qu’aucune science, aucune technologie ne pourraient les réaliser.
    2 = LE PROGRES TECHNOLOGIQUE : nous avons créé des objets artificiels permettant de réduire les distances, de parcourir la Planète et l’espace ; et à tout moment nous sommes émerveillés de la complexité de la nature et du cosmos.
    3 = L’INFINIMENT GRAND : la voie lactée, le système solaire, les comètes nous impressionnent ; combien de temps faudrait-il, même avec le plus perfectionné des ordinateurs, pour compter toutes les étoiles ?
    4 = LA TERRE EST UN PLANETE EXCEPTIONNELLE : « elle est à la bonne distance du soleil pour permettre la vie ; sa gravité est adaptée à notre corps ; et la composition de son atmosphère correspond à nos besoins ».
    5 = TROIS EXEMPLES DE COMPLEXITE BIOLOGIQUE :
    – une grenouille australienne incube ses têtards dans son estomac ; et pour qu’ils ne soient pas digérés les petits secrètent une prostaglandine qui bloque la digestion. Etonnant non ?
    – la bactérie Escherichia coli possède une flagelle qui comporte un rotor et un stator ; c’est un micro moteur électrique qu’aucun ingénieur ne saurait réaliser.
    – la coagulation du sang est une merveille d’enchaînements précis et efficaces, mais si complexes qu’aucun esprit humain ne pourrait les concevoir.
    6 = LA CELLULE, LE NOYAU, L’ADN : « Là je vais vous faire entrer dans l’intimité de la machinerie cellulaire » . Le noyau est une tête pensante. Les chromosomes sont les porteurs des recettes de cuisine de la vie ». Ils sont formés d’ADN qui est un « concentré d’informations : 10 puissance 18 caractères par mm3 ! Ca ferait 4×10 puissance 18 dans une tête d’épingle! » (L’orateur montre une épingle).
    « A cette échelle, dans une cuiller à café on mettrait tous les livres de toutes les bibliothèques du monde. » « Ca fait rêver tous les informaticiens ».
    Citation : « l’Univers a été réglé très précisément pour l’émergence de la vie et de la conscience » (Michael Turner, astrophysicien).
    7 = « QUE PENSER ?
    Que le hasard a bien fait les choses ? Que la nature est parfaite ?
    NON !
    La vérité c’est qu’il y a une FINALITE, un CREATEUR.  »
    « Les scientifiques prétendent qu’ils peuvent tout expliquer : le BIG BANG et après. C’est faux ! »
    « On nous dit que : RIEN + HASARD + TEMPS = TOUT »
     » C’est impensable ; comme le dit DAWKINS : il y a une finalité, un architecte…. »
    Newton déjà faisait appel à un Dieu. »
    Voltaire et le grand horloger sont évoqués.
    F. Jacob est cité mais le propos est tronqué, déformé.
    Et on arrive à la BIBLE, grâce à une phrase de Francis Collins, qui a participé au décryptage du génome humain : « le Dieu de la Bible c’est le Dieu du génome ».
    8 = LA BIBLE : selon EGGEN elle est trop souvent dénigrée ou ignorée ; il faut la relire, et la réhabiliter.
    Lecture d’une Epître aux Romains de St Paul (1-20) « les oeuvres de Dieu parlent à la pensée »
    Commentaire de Eggen : « la science cherche à connaître les mécanismes de l’Univers, la Bible en présente le sens ».
    Puis, comme un cheveu sur la soupe, sont servis les phrases magiques d’un véritable prêche, avec les mots de circonstances, qu’on entend dans les temples ou les églises :
    « ces choses ont été écrites afin que vous croyiez que Jésus est le Christ ».
    « Dieu a montré à travers le Christ qu’il avait un plan pour nous ».

    CONCLUSION : « En tant que scientifique et croyant c’est merveilleux de constater tous les jours ce que l’architecte a construit et de LE rencontrer. »
    DEBAT :
    MA BREVE INTERVENTION : j’ai demandé au conférencier quel était, selon lui, l’âge de la Terre.
    Sa réponse : « vous savez tout dépend des méthodes de datation, toutes très contestables et approximatives. A mon avis on peut estimer qu’elle a moins de 20.000 ans, même beaucoup moins je pense. »
    Mon objection : « vous êtes sérieux, Monsieur ? Vous passez sous silence tous les acquis de vos prédécesseurs, et, devant un public crédule vous assénez des contre-vérités. Je trouve consternant qu’un Directeur de Recherches puisse tenir un tel discours. J’ai honte pour vous Monsieur ! Bonsoir ! »
    Et j’ai tourné les talons, afin de ne pas cautionner ce qui allait être dit par la suite ; car ce genre de conférencier s’appuie sur un argumentaire rôdé, simpliste et démagogique, qu’on ne peut discuter en réunion. De plus tout l’auditoire adhérait au message. Je crois que j’ai un peu gâché la fête … mais c’était insupportable je vous le dis !!!

  22. Et ben… Bravo pour ta patience, Roland, et pour ton intervention finale… Franchement, j’aurais pas pû.
    Des fois, l’application de la science par certains scientifiques fait froid dans le dos. Je viens de lire (je ne sais plus où, pardon), qu’une étude voudrait démontrer la corrélation entre la taille des doigts (écarts entre la taille de l’index et de l’annulaire je crois) et l’homosexualité… C’est original je trouve, mais ça facilite la vie : regardez vos doigts, vous saurez qui aller draguer ! (Bon, ben si vous êtes manchots, devenez prêtre…).

  23. Voilà un bel exemple de contribution à l’éclairage des ténèbres…
    Merci Roland pour cette belle action politique. As-tu renouvelé l’exploit à Micropolis le lendemain lors du passage de Nicolas Sarkozy ?!

    Quand à ce Monsieur EGGEN, il est dangereux à plus d’un titre : il brade la science, profite de son aura de docteur et il est encore jeune !
    J’aimerais bien savoir ce qu’un obscuranstiste de cet accabit pense des OGM.

  24. C’est curieux, hier midi, bien que je n’aie pas encore vu que Roland avait mis un commentaire sur cette conférence créationniste, nous discutions avec des collègues des OGM. Et j’ai demandé qui savait quelle était la position des créationnistes vis à vis des OGM. Je doute que dans les grandes firmes semencières, il n’y en ait pas quelques uns.
    Comment arrivent-ils à gérer « intellectuellement » cette contradiction ?

    Sinon, je me demandais comment Roland avait été informé de cette réunion/conférence ? Dans quel milieu ce type d’information circule ?
    Et une trentaine de participants, ça vous paraît beaucoup ou peu pour une ville comme Besançon ?
    Je trouve très étonnant qu’un type comme celui que nous décrit Roland puisse être directeur de recherche à l’INRA. Quel genre de programme encadre-t-il ? Quelle peut être son influence ?

  25. Albert Jacquard, autre généticien, mais d’un bel accabit, et dont j’ai eu le plaisir de goûter une conférence, parle de « chiance » quand il pense à ce type de science.
    Il manque juste une CANE et il faudait enlever un G à cet EGGEN pour retrouver le mot ENGEANCE !
    Un tel danger sans gravité et devenu bancal… c’est ma vengeance.

  26. En même temps (si je peux me permettre) c’est un peu « couillon » d’être parti au moment où le public allait s’exprimer… Le plus dur (supporter une conf’ qui énerve sans broncher) avait été fait, arrivait enfin le moment où tu allais pouvoir non seulement t’exprimer mais surtout répondre autant que l’intervenant aux diverses questions posées… ou éprouver l’immense plaisir d’être mis à la porte par une assemblée (qui aurait alors indiqué là, par ce geste, sa nature profonde).

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