Je suis un peu en panne d’inspiration aujourd’hui. Alors, pourquoi pas, une petite devinette. Comme ça, le temps que je me repose et recharge les batteries, vous faites bosser un peu vos neurones !
La petite devinette du jour :
QUELLE EST LA MAISON DE RETRAITE LA PLUS COUTEUSE AU MONDE ?
Est-ce le Sénat de la République ?
Eh bien bravo l’exilé ! Je ne savais pas comment aborder sur ce blog cette institution. J’ai pensé à une petite devinette. Mais l’attente aura été courte : dix minutes seulement.
L’inutilité (souvent moquée) du Sénat ne vient-elle pas de l’absence de séparation des pouvoirs – pourtant indispensable à toute démocratie – entre le législatif et l’exécutif ?
Quand tu souhaiteras te reposer vraiment, il faudra d’abord que tu bosses pour trouver une énigme plus difficile à lever. Pour te consoler un peu : ce n’est pas moi qui ai trouvé mais ma compagne d’exil !
A propos, demande-t-elle, qu’est-ce qu’on gagne ?
Y’avait rien à gagner, sauf un bisou … pour la compagne d’exil, évidemment !
Je me souviens d’une sortie dans les jardins du Sénat organisée par l’association bisontine de pomologie. C’était il y a une douzaine d’années peut-être. Nous avions visité le verger du Sénat et ses nombreuses variétés fruitières. Et puis, la visite avait longuement porté sur les serres. Impressionnant ! Une vingtaine de serre peut-être d’une trentaine de mètres de long chacune. Dans ces serres, des plantes luxuriantes, notamment des orchidées très rares. Et je me souviens aussi du personnel qui était très nombreux. En fait, ces plantes n’avaient pas d’autre utilité que de décorer le bureau de Monory (c’était lui le président du Sénat à l’époque) et d’être plantées dans le décor le jour où il y avait des invités importants.
J’avais été scandalisé par cette débauche de moyens, qui ressemblait fort à une dérive monarchique. J’imagine qu’en douze ans, ça n’a pas dû beaucoup changer !
J’ai visité également le Sénat du temps de Monory… et je me souviens pour ma part surtout des dorures intérieures et de l’épaisseur des moquettes (je n’ai pas eu le privilège de visiter les jardins).
En revanche, ces excès ne me scandalisent pas plus que ça. Il y a une dimension symbolique du pouvoir qui n’est pas à négliger, ni mépriser. Le jour où les sièges sociaux des banques, par exemple, seront mieux lotis que les organes fondamentaux de la République sera à mon sens plus inquiétant. Cela ne signifiera-t-il pas, quelque part, qu’on s’est résolu à faire dominer l’économique sur le politique ?
Dis, le Russe, on ne t’entend plus du tout depuis quinze jours ! Serait-ce le fait d’avoir quitté ta Sicile adoptive et de séjourner actuellement en France qui t’éloigne de ce blog ?
Deux remarques tout de même, et avec le regret de ma courte mémoire : elle ne retiens de mieux en mieux que ce qui la contente. En d’autres termes, j’oublie facilement ce qui me fait mal. J’aurais fait un mauvais journaliste !
1 – A plusieurs reprises, et en dépit d’un sentiment proche de celui globalement exprimé, j’ai noté au cours des années passées que le sénat avait bloqué et tué dans l’oeuf quelques projets de loi extrêmement dangereux. L’âge adoucirait à mon sens certaines positions radicales : même si chez certains un Alzheimer latent ou un gâtisme soigneusement entretenu par la république constituent le revers à la médaille.
2. La remarque de Vincent sur les ors de la république me choque. Il me semble justement que les symboles ne sont pas nécessairement aussi clinquants qu’il le dit, et que la présence de ces seuls symboles est profondément inquiétante. Un symbole n’est pas supérieur à ce qu’il représente… ne remplace pas un contenu. Quant à la richesse des banques, je n’ai aucune illusion, elle dépasse celle de l’état (je mets aussi une minuscule à ce mot, comme à dieu… ça les énerve !), et ce d’autant mieux que l’ultralibéralisme à l’oeuvre aura tôt fait de brader les véritables richesses, celles du patrimoine notamment : architecture, oeuvres d’art, un bon bout de culture.
Vincent : aurais-tu au fond de toi même l’envie de vivre une aventure dorée sur une épaisse moquette républicaine ? Aurais-tu oublié ce qu’il en a coûté de sang aux révolutionnaires et que ce sont les plus dévoyés d’entre-eux qui ont mis le vers dans le fruit en pactisant avec les bourgeois ?
Gracchus Babeuf doit s’en retourner dans sa tombe !
Bien-sûr que pour s’exercer, le pouvoir a besoin de visibilité.
Mais il ne faut pas confondre visibilité et ostentation.
Il y a deux ans, Le Monde révélait que l’Élysée avait multiplié par dix ses dépenses en dix ans, alors que ces mêmes dépenses avaient été stables du début du mandat de De Gaulle jusqu’à la fin du mandat de Mitterand.
L’exemple des jardins du Sénat me fait penser au règne de Bokassa 1er.
La quasi totalité des personnes qui s’expriment sur le sujet de ces dépenses disent qu’il faut les réduire. Ce doit être pour ça que Vincent dit le contraire…
Il me semble qu’un homme politique avait proposé la suppression du Sénat, mais je ne sais plus de qui il s’agit.
Il me semble aussi qu’un parti, le parti fédéraliste je crois (que je ne connais pas) avait proposé une double Assemblée dans laquelle les sénateurs, qui seraient désignés par les Régions, viendraient sièger à côté des députés pour défendre l’intérêt des Régions. Ces sénateurs disposeraient, je crois, d’un pouvoir de blocage.
Et si l’on coupait les nouilles au sécateur ?
Moi, je ne suis pas un fanatique du bicamérisme. Le Sénat, certes, peut corriger, tempérer quelques dérapages de l’Assemblée nationale, mais le Conseil d’Etat, le Conseil Constitutionnel, la Cour des Comptes… sont aussi, que je sache, de bons gardiens de la démocratie, non ?
Si on ne le supprime pas, alors on diminue leur train de vie (les ors, les orangeries, les orchidées, les voitures, les Suisses, les réceptions…) ; et ce qu’on récupère est reversé à l’Education Nationale (cf les fermetures de classes parce qu’il manque un élève). D’une pierre on fait deux coups !
Bernard, en sympathisant (je crois) de Montebourg, je me trompe ou tu essaies d’orienter le débat vers l’intérêt (et la forme) d’une éventuelle VIe République ?
Christophe, je n’ai sincèrement aucun goût « personnel » pour le luxe, les dorures et apparâts (rien ne m’est même plus inconfortable que le confort !!!)… mais sans doute n’ai-je pas compris le sens exact de ta question et/ou allusion.
Anne, c’est peut-être vrai que mon esprit tordu m’incite à toujours prendre le revers de ce qui semble à tous une évidence. On va dire que c’est mon côté subversif… donc « artiste », en quelque sorte (devrais-je réclamer un cachet en contrepartie ?).
A part ça, quand même… S’en prendre aux vingt serres et dix jardiniers du Sénat, dans un des hauts lieux historiques, touristiques, symboliques du pays… quand les simples fraudes fiscales sont estimées en France à je ne sais plus combien de dizaines de milliards… il y a quelque chose que je ne peux m’empêcher de trouver disproportionné
Enfin je ne suis pas adepte du « tous pourris » !
(Quant à Babeuf, tant mieux si je le fait encore toupiller, ça le désennuiera peut-être un peu, le pauvre !)
Oui c’est ça Vincent, va prendre un cachet…. et couche-toi ! T’as vu l’heure ???
Oui tu as raison HB, il est tard… juste un ti truc avant d’y aller.
Je voudrais reposer ma question initale :
Plutôt que le bicamérisme, n’est-ce pas l’actuelle confusion des pouvoirs exécutif et législatif qui est le problème ?
Ca ne vous gène pas, vous, que ce soient finalement davantage les gouvernements qui fassent les lois, plutôt que les députés (et sénateurs) ?
Vincent, je ne crois pas qu’il s’agisse simplement de s’en prendre aux 20 serres et aux quelques dizaines de jardiniers du Sénat, il s’agit d’une manière générale de dénoncer une situation de luxe indécente à notre époque. Car nous avons dépassé de loin le niveau de l’acceptable. Il suffit de regarder le coût de cette institution qui a énormément grimpé les dernières années. Ce coût est de 857 000 € par sénateur (à multiplier par 326 sénateurs). Chaque sénateur touche 5231 € par mois, plus une indemnité de fonction de 1347 € par mois, plus 5900 € par mois pour les frais d’exercice , plus une enveloppe de 6000 € par an pour les frais de téléphone, plus la gratuité en 1ere classe à la SNCF, plus 40 allers-retours gratuits en avion entre Paris et son domicile. On comprend pourquoi la place est si convoitée par nos politiques locaux. Et on comprend enfin l’expression « un train de vie de sénateur ».
Vincent, tu parles d’une institution symbolique. Oui, et c’est justement pour ça qu’il faut que le Sénat revienne à un train de vie plus normal. Car le Sénat, pour bon nombre de nos concitoyens, est devenu symbole de train de vie luxueux de l’Etat. En 1789, le peuple aurait brûlé une telle institution, pour ce qu’elle représente. Il y a dans le Sénat des relents évidents de monarchie.
Il faut réduire le train de vie du Sénat, voire des autres institutions de l’Etat (voir l’évolution du budget de l’Elysée). Cela ne pourra se faire en laissant les institutions inchangées : on ne voit pas, par exemple, le Sénat tel qu’il est voter une auto-réduction de son train de vie.
Il faut donc remettre en question non seulement le rôle mais aussi le statut du Sénat.
Cela ne se fera pas que par le réexamen des autres institutions de l’Etat, c’est-à-dire dans le cadre d’une nouvelle Constitution capable de mieux répondre aux exigences de la démocratie et à la participation des citoyens à la vie politique.
Cette nouvelle Constitution aura notamment à prendre rigoureusement en compte l’inscription européenne de la France.
De la sorte, le pouvoir retrouvera une légitimité pleine et entière que l’usure du temps a fait perdre à la Vème République.
Le Sénat, un haut-lieu touristique ? Pas que je sache. Le touriste moyen ne peut pas y pénétrer. Evidemment.
D’accord a priori avec l’Exilé pour dire que cela ne pourra se faire que par le réexamen des autres institutions de l’Etat, dans le cadre d’une nouvelle Constitution.
Une VIe République, un sacré chantier tout de même !!!
Je reste dubitatif, ne sais pas trop quoi en penser. Vous êtes tous pour, vous ? Mais quelle forme vous lui donneriez ?
Déjà, donc, semble-t-il, plus de Sénat. Pas de souci, il n’y a effectivement pas grand monde qui s’en plaindra… Mais ensuite ?
Ca devient délicat, non ?
Quelqu’un a des idées, des suggestions (plus de pouvoir au Président, à l’Assemblée ? carrément un autre fonctionnement ?)… ou simplement connaît les pistes imaginées par Montebourg ou tout autre partisan de ce changement radical… ou d’autres fonctionnement, ailleurs, qui seraient plus ou moins à copier ?
Comment, par exemple, « prendre rigoureusement en compte l’inscription européenne de la France ? Arfff… casse-gueule, nan, après la victoire du « non » au dernier référendum ?
En même temps, un tel débat en France serait autrement plus « politiquement » intéressant que celui, actuel, des Présidentielles.
PS : Au jardin du Luxembourg, si si, y a toujours plein de touristes… et même de Parisiens. Et ça serait sans doute bien différent si, à son extrémité, on remplaçait le Sénat et ses jardins par… je ne sais quoi ! Mais après tout…
Il n’y a pas qu’au Sénat qu’il y a les « relents monarchiques » pointés par Bernard… Mais il n’y à là, à mon sens, aucune « dérive »… tout simplement parce que la démocratie représentative est dès le départ de type monarchique. Seule la désignation du monarque – et de ses avatars locaux – a changé, mais une fois qu’il a délégué son pouvoir dans l’urne, le citoyen n’a plus qu’à se laisser gouverner !
Il est quelque part beaucoup plus facile de passer de la monarchie à la démocratie représentative que de cette dernière à la nécessaire démocratie participative… C’est dire s’il y a du boulot !!! (surtout quand on fait de cet horizon une mascarade électorale plutôt ridicule)
Trouvé ce soir sur le blog d’Alain Lipietz :
« En politique, il arrive à tout le monde de faire des conneries. Moi-même, en 1969, j’ai voté non au référendum du Général de Gaulle proposant la régionalisation et la suppression du Sénat. Il était psychologiquement impossible de voter autre chose que Non. Nous sortions de mai 68. Mais le résultat objectif est que nous avons retardé d’un quart de siècle la régionalisation, gardé ce verrou qu’est le Sénat et abandonné la France à Pompidou et Giscard pour douze années décisives. »
Année érotique ?
Vincent, tu n’es pas un adepte du « tous pourris ». Moi non plus. Sinon, je n’irais pas voter.