Curieusement, la culture ne semble pas être un enjeu de l’élection présidentielle. Les candidats n’abordent quasiment pas ce thème. Télérama est allée interviewer les principaux candidats : Buffet, Le Pen, Sarkosy, Bayrou, Royal et Voynet.
Voici quelques phrases tirées de ces interviews. Je ne préciserai pas quels sont leurs auteurs (on a souvent tendance à juger une personne à travers une petite phrase sortie de son contexte, c’est un procédé trop pervers pour que je l’utilise ici). Il s’agit juste de lancer la discussion entre nous sur un sujet important et pas encore abordé sur ce blog.
Voilà donc, pêle-mêle, quelques phrases des candidats :
– « la culture est un droit fondamental de la personne humaine, autant qu’un facteur puissant de cohésion sociale »
– « Le ministère de la Culture doit promouvoir une culture du peuple et pas une culture de masse ».
– « La démocratisation culturelle a échoué. 10 à 20 % seulement de la population française est destinataire de l’essentiel de la politique culturelle. »
– « La culture est un enjeu du développement économique ».
– « Je ne suis pas sûr que l’Etat doive décréter ce qu’est l’art, le talent et le bon goût ! Sa mission est la préservation du patrimoine et pas sa création. »
– « Faire de l’enseignement artistique la clé de la démocratisation culturelle ».
– « C’est quoi l’exception culturelle à la française ? Des oeuvres de prestiges qui ont pour but d’être sélectionnées aux Oscars ou des créations plus intérieures, plus exigeantes ? ».
– « L’Etat doit assurer à tous l’accès aux pratiques culturelles ».
– « On a jamais eu autant de chaînes publiques et aussi peu de culture à l’écran ».
– « Je suis adversaire de la gratuité. Quand on a payé, on se sent plus engagé à profiter d’un spectacle. »
– « C’est en élargissant l’accès à la culture que l’on peut lutter contre le repli sur soi, le racisme, les violences et la désespérance des cités, l’échec scolaire ».
– « Si les petits cochons ne le mangent pas, internet préfigure un nouveau modèle de développement pour l’humanité ».
– « Ou bien on pense que la culture est une activité marchande et il faut laisser le marché s’en occuper, ou on considère qu’elle joue un rôle important dans l’épanouissement de l’individu et elle relève de l’intérêt général. »
Voilà, si ça vous inspire, allez-y de vos commentaires !
“C’est en élargissant l’accès à la culture que l’on peut lutter contre le repli sur soi, le racisme, les violences et la désespérance des cités, l’échec scolaire”.
À mon avis, l’accès ne suffit pas ; l’Histoire est chargée de dictateurs cultivés, la culture ne sauve pas de la connerie. J’aurais aimé lire dans les phrases que tu nous offres : « C’est en élargissant l’accompagnement et le regard critique à la culture que l’on peut lutter contre le repli,… »
Et je précise que dans « accompagnement », je n’entends pas qu’on explique au bon petit peuple ce qui est bien ou pas dans Voyage au bout de la nuit par exemple, même si j’ai des idées très arrêtées là-dessus !
http://michelonfray.blogs.nouvelobs.com/archive/2007/02/23/enculturer-la-candidate.html
« Enculturer la candidate » ?
Je ne savais pas Onfray amateur de contrepets !
Belle idée que d’occulter l’auteur(e) des phrases citées. Cela pourra peut-être permettre d’engager sur le sujet (un peu « casse-gueule ») un débat plus « politique » (au sens large du terme) que « partisan ».
Je me lance, donc.
De toutes ces phrases, celle qui à la première lecture m’a semblé la plus juste est : “Je ne suis pas sûr que l’Etat doive décréter ce qu’est l’art, le talent et le bon goût ! Sa mission est la préservation du patrimoine et pas sa création.”Que l’Etat se soucie en effet avant tout de l’instruction publique… La « culture » qui en découlera ne doit pas, je pense, être de son ressort.
Mais c’est quoi d’abord la « Culture » (avec un grand « c ») ?
« Au sens strict, le mot désigne l’ensemble des connaissances qu’une société transmet et valorise, et spécialement celles qui portent sur le passé de l’humanité (son histoire, ses croyances, ses oeuvres). C’est le contraire de l’inculture.
Au sens large, qui domine aujourd’hui dans les sciences humaines (sans doute par influence de l’allemand « Kultur »), le mot est devenu un quasi-synonyme de civilisation : il désigne tout ce qui est produit ou transformé par l’humanité. C’est le contraire de la nature.
Le premier sens donne l’adjectif « cultivé », qui s’applique à des individus et vaut comme éloge, sinon toujours comme approbation.
Le second donne l’adjectif « culturel », qui s’applique plutôt à des produits ou à des pratiques, et reste le plus souvent dépourvu de toute visée normative.
Une robe, une moissonneuse-batteuse ou un morceau de rap sont aussi « culturels », en ce sens, qu’une symphonie de Mahler. Mais les gens cultivés ne les mettent pas sur le même plan. »
(André Comte-Sponville, Dictionnaire philosophique , PUF, 2001)
Sous le prétexte (bourdivin ?) que la « Culture au sens 1 » (cf définition d’A. C.-S. ci-dessus) était tout autant élitiste et normative, la Gauche (de façon générale) a négligé celle-ci au profit de la « Culture au sens 2 ».
Je pense sincèrement que c’est une de ses plus funestes erreurs.
Le pire, en plus, c’est qu’elle ne semble pas vouloir en démordre.
Dans l’article du Nouvel Obs (voir le lien ci-dessus envoyé par un lecteur), Michel Onfray parle de cet article de Télérama qui dresse un portrait décapant de Ségolène Royal.
Je dois dire que je suis très gêné par la manière dont Télérama parle de Ségolène Royal. Il est possible et même probable, si l’on s’en tieint aux propos qu’elle tient à Télérama, que la candidate ne brille pas par sa culture. Mais il y a des petites phrases qui sont de trop. Je cite : « La députée candidate arrive, sourire et maquillage forcés… ». « La candidate arrive avec deux voitures, une veste rose bonbon, le même maquillage télé que première fois et son sourire ». « Elle se lève. Ne demande pas de relire ses déclarations. Dans la rue, les lycéens, avec leurs téléphones portables, photographient son sourire. » Par contre, rien dans Télérama sur la cravate de Sarkozy. Rien non plus sur les voitures qui l’accompagnent (elles devaient être plus de deux, non ?).
Cela dit, Bayrou n’est guère mieux traité : « La culture, kidnapée par un cercle d’intitiés, doit être rendue au peuple. Un peuple qui l’a apparemment bien compris, vu les cadeaux qu’il lui envoie : dans son placard, deux beaux tracteurs miniatures ».
C’est ça le métier de journaliste à Télérama ?
Mon commentaire n’avait rien à voir avec le fond du sujet, c’était juste un aparté.
Glurp, dans l’article, j’ai écrit Sarkozy avec un S au lieu du Z. Y’a pourtant un moyen mnémotechnique pour s’en rappeler, vu qu’il se prend en général pour Zorro !
« C’est l’emballage qui donne la mesure de la différence culturelle. »
(Serge Bouchard)
Je suis adversaire de la gratuité. Quand on a payé, on se sent plus engagé à profiter d’un spectacle.
… et quand on est pauvre on fait quoi, on regarde TF1 ?
Ben, non, puisqu’on est pauvre ! Du coup on n’a pas la télé…
Mais je suis d’accord que ces phrases sont nullissimes ; je lis un livre de la même manière si je l’ai acheté, emprunté à une bibliothèque, ou si quelqu’un me l’a prêté. Je ne me souviens jamais si les bons films que j’ai vu étaient à tarif réduit ou pas… Et ce candidat est pour l’arrêt de l’ouverture gratuite des musées le dimanche ?
Une autre phrase nulle, je trouve : “On a jamais eu autant de chaînes publiques et aussi peu de culture à l’écran”.
Entre Arte, la 5, les chaînes de cinéma, d’histoire, de musique, de documentaires… il n’y a jamais eu sur le petit écran, chaque jour, autant de programmes enrichissants et passionnants… bien plus qu’aucun individu ne pourra jamais en regarder !
Pour les philosophes, il est fréquent d’opposer, ou de rapprocher nature et culture. Ces thèmes sont au coeur de ce blog et il me semble que seule la diversité culturelle peut garantir sa richesse. Et c’est en ce sens, je crois, que TF1 (par exemple) constitue un danger. Mais on voit bien ici que Télérama n’est pas à l’abri de ce risque…
Mais ce n’est à mon avis pas nouveau pour ce journal qui encense par exemple régulièrement les mêmes réalisateurs, en conspue d’autres même s’ils s’arrachent. Quand à Ségolène, il est finalement plus confortable pour ces journalistes de hurler avec les loups que de développer une critique réelle, originale… et non superficielle.
La culture, ou plutôt « ma » culture, ça n’a pas forcément un lien direct avec la littérature, la peinture, la musique … c’est ce que je porte en moi et qui fait que je suis ainsi, ça vient parfois de très loin. ça peut avoir un rapport avec des écrits ou des oeuvres qui m’ont profondément influencé, mais ça peut ne pas en avoir. Je crois qu’il y a un sens beaucoup plus profond au mot « culture » que ce qu’on lui donne habituellement. La « culture paysanne », par exemple, ça existe, mais ça se rapporte plus à des choses qui se transmettent de génération en génération ou à une manière de voir les choses qu’à des écrits. La culture, finalement, pour moi c’est synonyme de « d’où je viens » et comment j’ai enrichi ma propre vie avec les apports des autres.
Entièrement d’accord avec ce que dit Vincent sur la qualité de la télé. La télé regorge d’émissions intéressantes (que je ne regarde pas d’ailleurs) même s’il est vrai qu’il faut obligatoirement les chercher ailleurs que sur TF1. D’accord donc aussi avec Christophe sur son analyse de TF1. une telle chaîne, c’est le nivellement par le bas et on ne peut qu’être contre. Quand je dis TF1, c’est tout ce qui va avec, y compris les tentatives de copiage que l’on peut voir sur d’autres chaînes, y compris télé 7 jours, y compris le monde des stars ….
Ton commentaire, Bernard (pas le dernier, celui juste avant), me semble assez bien illustrer les malentendus inhérents aux deux sens du mot « culture ».
En disant que ta culture est « ce que tu portes en toi et qui fait que tu es ainsi », tu optes pour le deuxième sens du mot culture, celui porté par le sciences humaines. Je trouve pour ma part cette option plutôt dangereuse, car tout devient dès lors culturel et n’importe qui peut à ce titre revendiquer n’importe quoi. Selon cette logique, tout en effet, se vaut : TF1 et Arte, Bach et Richard Clederman, Proust et Paul-Lou Sulitzer, Mac Do et Bocuse, etc… et surtout chacun est bien justifié à être et rester ce que le hasard l’a conditionné à être… d’où le règne des communautés étanches qui en découle (et me semble être un des dangers majeurs des temps qui viennent).
La culture, dans le premier sens, est au contraire un système de valeur, une hiérarchie, une sélection au sein de tout ce qui a été produit pour retenir, mémoriser et transmettre aux générations futures ce qu’on considère avoir été le meilleur, ce qui semble être le plus à même de grandir l’humain. Bien sûr c’est subjectif, discutable, cruel parfois, élitiste souvent, incertain toujours… mais peut-on sans danger en faire l’impasse ?
Tu as cependant raison de signaler que la « culture écrite » n’est pas la seule culture (au sens 1). Mais ce n’est pas alors la « culture paysanne » (sens 2) qu’il convient, je crois, de lui opposer mais plutôt la « culture technique ». Celle-ci a en effet été grandement négligée ces dernières années alors qu’elle ressort elle aussi du sens 1 : il est en effet des gestes, des connaissances empiriques (dans l’art du jardinage, de la construction, de la mécanique, de la cuisine, etc…) qui sont à retenir, sélectionner et transmettre aux générations futures autant que certains assemblages de mots, d’idées, de couleurs ou de sons. C’est évident !
Pour reprendre la première phrase retenue par Mag : “C’est en élargissant l’accès à la culture que l’on peut lutter contre le repli sur soi, le racisme, les violences et la désespérance des cités, l’échec scolaire. » Je me demande si ce n’est pas en fait l’inverse qui est vrai, à savoir que c’est « en luttant contre les violences et la désespérance des cités, l’échec scolaire, etc. qu’on élargira l’accès à la culture. »
Je repense du coup à cette réflexion de Fernand Deligny (extraite de Graine de crapule, 1960) : « Quand tu auras passé trente ans de ta vie à mettre au point de subtiles méthodes psycho-pédiatriques, médico-pédagogiques, psychanalo-pédotechniques, à la veille de la retraite, tu prendras une bonne charge de dynamite et tu iras discrètement faire sauter quelques pâtés de maisons dans un quartier de taudis. Et en une seconde, tu auras fait plus de travail qu’en trente ans. » Il suffirait peut-être juste de changer « pédago » en « culturo » !
Culture gratuite ? Oui, pourquoi pas, à condition de définir la limite entre « culture » et « loisirs ». Je ne sais pas trop où est la limite entre les deux. Un concert d’un quatuor de Mozart devrait-il être classé dans la culture, alors qu’on le consomme comme un produit de loisir ?
Mag a raison de citer l’emprunt de livres à la bibliothèque. Car s’il existe une forme de culture qui est quasiment gratuite (pas chère), c’est bien la littérature qui est accessible dans les bibliothèques. Et dans chaque bibliothèque, il y a de quoi remplir toute une vie rien qu’avec des choses très intéressantes.
Et puis il y a la radio. France Musiques et plus encore France Culture sont des chaînes culturelles uniques au monde, qu’il nous faut préserver. Et c’est gratuit ! Bien sûr, certains parleront d’élitisme. Mais n’est-ce pas le propre de la culture que de tirer l’humain vers le haut ? C’est quoi cette société TF1 qui veut tout niveler par le bas ?
« C’est quoi cette société TF1 qui nivèle tout par le bas ?, dis-tu.
J’ai envie de répondre :
– C’est simplement une société démocratique en période de paix.
L’idéal de haute culture est en effet un système de valeurs davantage aristocratique que démocratique.
Et la plupart des grandes oeuvres sont nées sous la pression soit de la tyrannie, soit de la tragédie.
Oups… j’ai oublié de préciser « laïque » : une grande partie des oeuvres passées est en effet aussi inspirée de la religion.
Oui. La culture peut ne pas coûter cher en argent, mais il faut reconnaître qu’elle prend du temps et que le temps étant aujourd’hui consacré essentiellement à gagner sa vie, on en manque parfois pour se cultiver. Alors, avec les sous qu’on a gagnés, on achète des « produits culturels » aptes à meubler les temps de loisirs, ou bien on fait des voyages organisés…
Or, l’acte de culture n’est pas donné. Il est à prendre. Une image : la dynamo sur son vélo. Il faut pédaler pour avoir de la lumière permettant de se guider dans la nuit.
Mozart est. Son écoute peut être de l’ordre du loisir : ça fait passer le temps, ça remplit le vide… Son écoute peut être d’un autre ordre qui consiste à faire écho à des sentiments intimes, à transmuer son angoisse en plénitude, par exemple, ou à évoquer le vécu parfaitement harmonieux d’un moment béni de splendide amitié à recomposer toujours pour qu’elle continue de vivre, etc.
La culture est dans l’effort pour mieux comprendre, mieux faire, mieux être, mieux aimer…
Les cultures paysanes, ouvrières, aristocratiques, chrétiennes, islamiques, athées… ne valent que pour autant qu’elles sont des point d’appuis identitaires OUVERTS sur les autres cultures d’autres identités. Hélas, elles restent trop souvent renfermées sur leurs certitudes et nourrissent alors l’obscurantisme.
Au travail de lumière et d’ouverture, toutes les oeuvres passées et présentes de l’esprit peuvent apporter leur concours.
Le rôle de l’Etat est de favoriser, et notamment par l’éducation active, l’émergence des pratiques culturelles des citoyens en mettant à la disposition du plus grand nombre l’accès aux oeuvres et la capacité de participer à la création culturelle dans tous les champs de l’activité humaine.
France Culture, gratuite, sans pub, est financée par l’Etat. Elle a ceci de particulier qu’elle croise, aux lumières de l’intelligence, l’ensemble des champs culturels et permet la confrontation rationnelle des analyses et des théories.
L’ultralibéralisme, dont Tf1 est le fleuron emblématique, va à l’encontre de l’exaltation de l’humain dans l’humain. Il vise dans son essence même à la marchandisation généralisée de tout ce qui environne la personne humaine.
Et, notamment sous cet angle, il faut le combattre.
Ségolène n’est qu’une personne humaine avec ses limites, mais en votant pour elle, c’est à dire pour les forces sociales qu’elle représente, j’aurai au moins l’impression de ne pas laisser le champ libre aux puissances de la nuit.
Bibliothèques, musée, radio, télé (si, si !)… même Internet : la culture n’a effectivement jamais été tant disponible qu’aujourd’hui. Et accessible à tous… ou presque.
Ce qui manque – s’il manque quelque chose – ce n’est donc pas tant l’offre que la demande : l’effort – que décrit bien l’exilé – qui fait la différence entre « acte de culture » et « simple divertissement ». Or, le goût de cet effort en chacun ne pourra jamais être décrété par quelque Etat que ce soit et ne peut de ce fait être l’objet d’une « politique » (de droite comme de gauche).
Supprimer TF1 n’y changerait rien ! C’est je trouve toujours un peu facile de s’en prendre à elle. Un peu tendancieux, même. Car, si la majorité des téléspectateurs préfère le divertissement à l’exigente culture, ce n’est en effet pas de sa faute, ni celui du système capitaliste ultralibéral. Il ne faut pas, à mon sens, prendre le symptôme pour la cause… ni continuer de se revendiquer démocrate si l’on refuse que la pouvoir soit accordé au plus grand nombre.
A propos de « nivellement par le bas », ce courrier des lecteurs de Télérama (au cas où il y en ait un(e) ici qui ne le lise pas) :
« Pourquoi les femmes veulent-elles à ce point être les égales des hommes ? C’est du nivellement par le bas ! »
au cas où il y en ait un(e) ici qui ne le lise pas : oui, moi !
C’est marrant, j’ai l’impression que la rubrique de télérama la plus citée sur ce blog est le courrier des lecteurs (bon, OK, à part l’article plus haut) !
J’ai beaucoup de mal à me faire une opinion sur le fait que l’État doive ou non financer la création culturelle et artistique.
N’oublions pas que la culture peut (et doit) avoir un rôle de contre-pouvoir. Comment, dans ce cas, demander à l’État de financer des créations subversives ?
Mais si l’art ne doit pas être marchandise, comment l’artiste peut-il vivre s’il ne perçoit pas d’aide ?
Cela me paraît difficile de réclamer l’accessibilité de la culture pour tous, donc une culture gratuite ou très bon marché, sans subvention (même s’il existe d’autres moyens comme le mécénat).
En tout cas, pour ce qui est des lieux de diffusion artistique, il est évident que ceux-ci ne pourraient pas vivre s’ils n’étaient largement subventionnés. Peut-être ne savez-vous pas que quand vous achetez un billet pour aller voir une pièce de théâtre, vous ne payez que 30 % maximum de son coût (à moins d’aller dans un théâtre privé, du type variétés, et dans lequel sont diffusées des pièces de boulevard avec grosse tête d’affiche – souvent issue du cinéma ou de la télévision).
En tout cas, je suis convaincue que l’État doit favoriser l’accès à la culture et je ne suis pas du tout d’accord avec Vincent quand il retourne la phrase isolée par Mag.
Bien sûr que les deux : accès à la culture ET luttes contre le repli, les violences, etc font partie des missions de l’État. Mais en inversant la phrase, Vincent détourne la nature d’une des fonctions de la culture, il la fait devenir une fin en soi en minimisant son rôle.
Un peu moins de subventions de l’Etat ferait peut-être un peu moins de ces vaniteux intermittents qui s’autodéclarent ârtiiiistes… et se persuadent qu’ils le sont d’autant plus – eux les « purs » – qu’ils n’ont justement pas de public !
C’est ça ! Tous pourris, les intermittents ! Ils ont tellement peu de public que quand ils lèvent le pied Avignon se vide. Tout comme les chômeurs qui se proclament tels d’autant qu’ils ne travaillent pas, et des SDF qui ne font rien pour trouver un toît et préfèrent se pavaner devant des caméras de télévision complaisantes sur fond de toile de tente toutes neuves.
Et, au fond, qui c’est qui les leur paye ces tentes ? Encore l’argent du contribuable !
Je ne pense pas qu’il y ait un quelconque abus du côté des intermittents du spectacle et des petits artistes (ou seulement très très à la marge). Là où le système est dévoyé, c’est quand les grands organisateurs (festivals) ou les grands employeurs (chaînes de télé) détournent le système pour rémunérer des personnes qui ne sont pas des artistes mais seulement des techniciens pour réduire le montant de leurs charges. Et certaines stars, qui touchent de gros cachets, utilisent aussi le système de l’intermittence. Alors, arrêtons une bonne fois pour toute de nous en prendre aux petits intermittents. Car, il n’est pas inutile de le rappeler, la plupart sont des petits – et non des gros – qui vivent difficilement leurs fins de mois.
En même temps, échanger ses créations contre de l’argent, n’est-ce pas déjà cautionner la victoire ultime de la logique marchande qu’on prétend pourtant dénoncer ? N’est-ce pas depuis qu’on ne sait imaginer un autre fonctionnement que celui-ci qu’on a définitivement quitté l’époque où l’art (que j’aime à croire gratuit et impérieux) était encore possible pour entrer dans celui des « produits culturels » ?
Ainsi, l’écrivain n’aurait donc, pour vivre, qu’à manger les feuilles de papier sur lesquelles il écrit, qu’à boire l’encre de son encrier ? Tout comme comme l’enseignant n’aurait pour subsister qu’à manger la chair et boire le sang de ses élèves ?
Les artisans de l’art ont, comme tout autre artisan, le droit d’être justement rétribués pour leur travail.
Autre chose de la spéculation sur l’art. Autre chose aussi de la production de masse par l’industrie du loisir-pub.
Confondre ces différents aspects de la question est une atteinte à l’existence des travailleurs artistiques en même temps qu’un voile jeté sur les turpitudes de l’exploitation capitalistique de la créativité humaine.
Entièrement d’accord avec les propos de l’éxilé sur la rémunération des intermittents. C’est avant tout une question de dignité et de décence.
Et je dois dire que je ne comprends pas de qui parle le vilain petit canard lorsqu’il parle des « intermittents vaniteux qui s’autodéclarent artiiiistes ». ça renvoie à la définition du mot « artiste ». Evidemment, dans le milieu des artistes, on ne croise pas des génies à tous les coins de rue ; par contre, il y a plein de gens talentueux, qui font un travail remarquable, un vrai travail d’artisan. Et cette qualité de travail, ça se paye à un juste niveau. Enfin, ça devrait … !
Bien sûr, Bernard, ça devrait !
Mais le statut de l’artiste a depuis longtemps suscité une attitude double des pouvoirs politico-financiers dominants :
– méfiance a priori et mépris extrême vis à vis du potentiel d’invention contestataire des artisans de l’art, par nature opposés à toute forme d’aliénation de la créativité. Pour eux, des miettes, voire la misère.
– récupération des éléments artistiques assimilables par ces pouvoirs et aptes à renforcer leur domination. Pour ceux-là, les millions.
Une politique culturelle tient au partage qu’elle fait entre ces deux niveaux. On peut faire confiance à Sarkozy pour continuer la politique de l’UMP.
On peut espérer de Ségolène qu’elle active une politique moins désastreuse pour la culture.
Les commentaires de Anne et de l’éxilé résument bien la place ambigüe qu’occupe l’artiste dans ses rapports avec le pouvoir, avec l’argent et avec le public. Il me semble que cette place ambigüe était quasiment la même il y a quelques siècles. Quand on lit un ouvrage sur la vie de Bach ou celle d’un autre compositeur, il me semble que chacun des grands compositeurs du passé, mis à part quelques musiciens « officiels », entretenaient tous des rapports particuliers avec leurs protecteurs ou leurs commanditaires (qui étaient souvent des nobles, représentant donc le pouvoir de l’époque). Cela a continué d’être vrai au cours du 20ème siècle, il suffit de se pencher sur le cas de Dmitri Chostakovitch et de ses rapports avec le pouvoir soviétique. Si la musique représente pour le pouvoir autant de subversion, on imagine ce qu’il peut en être des écrits … !
(Dis, l’Exilé, tu vas chaque fois conclure tes propos par une consigne de vote ?)
L’art serait donc assimilable à de l’artisanat ?
Et l’artisan/artiste forcément subversif ?
Mouais… Pourquoi pas !
Je n’ai, pour ma part, pas d’opinion claire sur le sujet.
Ce me surprend un peu, dit comme ça, mais je vais tâcher d’y réfléchir !
Tu sais, Humeur badine, j’ai le prosélytisme en horreur !
Mais j’aime qu’on aille au bout de ses opinions et qu’on ne tourne pas autour de pôt sans jamais mouiller sa chemise.
Loin de moi donc l’idée de donner à quiconque une consigne de quoi que ce soit.
Compte tenu du thème lancé par Bernard, je tache seulement de ne pas trop m’en écarter et comme je ne suis pas faux-cul, je te confirme que je voterai pour Ségolène.
Non non, je n’ai pas vraiment dit que l’art était assimilable à de l’artisanat. Ou alors, je me suis très mal expliqué. Le mot « artiste » est devenu un terme un peu générique dans notre société. C’est peut-être pour ça que je ne l’emploie peut-être pas à bon escient. On emploie ce mot aussi bien pour un créateur que pour quelqu’un qui se contente d’éxécuter une oeuvre. Ce n’est pas tout à fait la même chose. Ceux qui jouent par exemple les oeuvres des grands compositeurs sont des artistes qui aiment le travail bien fait, c’est dans ce sens qu’il faut comprendre le mot « artisan » que j’ai utilisé. Je ne considère pas que ce mot est péjoratif (mon compositeur préféré, Bach, étant un génie doublé d’un formidable artisan).
Idem pour l’aspect « subversif ». Je n’ai pas dit que l’art devait être forcément subversif (même si j’ai pris comme exemple Chostakovitch pour illustrer mon propos) mais je me pose cependant cette question à la suite de la remarque de Anne à propos du contre-pouvoir. Finalement, cette idée de subversion dans l’Art est intéressante à creuser, non ? Peut-être qu’un artiste qui emploie un langage nouveau est forcément subversif, car il s’asseoit sur un ordre établi. Peut-être qu’il y a là l’une des différences avec l’artisanat, finalement.
Désolé, mes idées ne sont pas bien construites, je réfléchis un peu à voix haute, car pour moi aussi tout ça n’est pas bien clair.
Moi, çà ne me choque pas du tout, au contraire, que chacun exprime ses idées politiques sur ce blog. D’autant plus que sur un sujet comme « la culture », dans la mesure où l’on considère que ce sujet est un thème primordial, les choix politiques qui s’offrent à nous vont fortement influer son avenir en France.
La contrefaçon dans l’Art, ça existe :
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-651865,36-876822@51-867637,0.html
C’est vraiment passionnant tout ce que vous avez dit sur ce sujet jusque-là. J’avoue ne pas me sentir à la hauteur de votre réflexion. Mais je voudrais mettre entre les pattes de votre réflexion la part de la pratique culturelle de chacun : je veux dire l’enseignement de « la culture », ou l’accès à la pratique. Vous avez beaucoup parlé des artistes, des « consommateurs », pour moi, la culture elle commence avec les dessins en maternelle et les chansons et la poésie à l’école. Selon la personne qui nous porte (apporte) ce premier lien-là, beaucoup de notre curiosité ou de notre plaisir d’adulte vis à vis de la culture va en découler. Quelle est la place du dessin ou de la musique au collège? au lycée ? à la fac ? et du cinéma? et du théâtre ? et de la lecture? combien d’adultes savent jouer d’un instrument ou savent danser ? Combien coûte un cours de piano? Combien l’état prend-il en charge de ce coût ? Est-ce assez ? ou trop ? Combien y a-t-il de prof de « matière culturelle » par habitant en France? Par rapport à d’autres pays? Combien de profs vivent de petits bouts de boulots, de statuts précaires ? Quelle chance un jeune aujourd’hui a-t-il de pouvoir devenir prof de musique ou de dessin au conservatoire ou aux beaux-arts? C’est aussi à tout ça qu’on sent si un pays est « culturel » ou non, si la culture est mise en valeur ou non, si elle est dynamique ou au contraire de plus en plus confidentielle et élitiste…
Oh, oui, Nanou ! D’accord à 100% avec toi et prêt là encore à en tirer les conséquences politiques.
Il y a quelques années, j’ai entendu sur France Musiques un grand violoniste qui était allé dans les pays de l’Est (un pays de l’ex-URSS, mais dont j’ai oublié le nom) et qui avait joué dans une école soviétique devant des enfants. Il avait été estomaqué par la capacité d’attention de ces élèves, même petits, qui restaient « scotchés » à l’écoute de la mélodie du violon. Je me rappelle qu’il avait dit que ce genre de choses était quasiment impossible en France car l’enseignement musical y était quasiment inexistant. Cette remarque va dans le sens de ce que vient de nous dire Nanou. La culture passe obligatoirement par l’école.
J’ai souvent montré aux amis qui viennent chez moi le DVD « Swinging Bach » qui relate le concert donné à l’occasion du 250ème anniversaire de la mort de Bach en 2000 (j’ai d’ailleurs consacré l’un de mes tous premiers articles de ce blog à ce DVD). Le concert se passe à Leipzig. Le DVD donne une large place aux images du public. Je suis sidéré par le nombre de jeunes présents à ce concert. C’est impressionnant. Ces jeunes forment d’ailleurs l’essentiel du public. En France, les concerts de musique classique attirent très peu de jeunes. Là encore, il me semble qu’il y a une énorme différence entre notre pays qui a sacrifié son enseignement musical et les pays de l’Est qui ont, au contraire, perpétué cette tradition d’enseignement (Leipzig où a eu lieu ce concert fait partie de l’ex-Allemagne de l’Est).
Cet enseignement musical a pourtant existé en France. Mon grand-père, paysan qui n’a eu que son certificat d’études, avait appris à jouer du violon à l’école communale.
Cela rejoint mon premier commentaire qui se concluait par : « Que l’Etat se soucie en effet avant tout de l’instruction publique… La “culture” qui en découlera ne doit pas, je pense, être de son ressort. »
Si vous finissez par être d’accord, c’n’est plus très rigolo !
Je suis sûr que si vous cherchez bien vous parviendrez bien à trouver sur le sujet un ou deux sujets de discorde à débattre en public.
Allez, un p’tit effort m’sieurs dames !
En matière de culture à l’école, il y a du boulot… mais de l’espoir.
Philippe Meirieu (la diva des IUFM) n’a-t-il pas lui-même avoué (en 1999) :
« Les pédagogues, dont je fais partie, ont commis des erreurs. Il y a quinze ans, par exemple, je pensais que les élèves défavorisés devaient apprendre à lire dans des modes d’emploi d’appareils électro-ménagers plutôt que dans les textes littéraires. Parce que j’estimais que c’était plus proche d’eux. Je me suis trompé. Pour deux raisons : d’abord, parce que les élèves avaient l’impression que c’était les mépriser ; ensuite, parce que je les privais d’une culture essentielle. C’est vrai que, à l’époque, dans la mouvance de Bourdieu, dans celle du marxisme, j’ai vraiment cru à certaines expériences pédagogiques. Je le répète : je me suis trompé. »
Un tel mea culpa est tout à son honneur… Mais bon, avant que tous les « pédagogos » effectuent le même retournement on a le temps de passer des Président(e)s… en se plaignant de l’état d’inculture grandissant de nos enfants !
Je m’intéresse à vos débats depuis quelques mois déjà, sans avoir fait le pas de mettre mon grain de sel. Mais là, le sujet me concernant tout à fait : l’art et la vie dans l’art, je m’autorise à m’en mêler. J’ai envie de poser juste une question: Comment vivre et créer aujourd’hui en sachant que seule la liberté permet de le faire et que le système productiviste et marchand que nous avons mis en place aménage effectivement un bel espace de liberté … mais hors de lui-même, c’est à dire, fort concrètement, dans une marginalité assez problèmatique à vivre quant bien même elle est choisie en toute connaissance de cause et fort joyeusement de surcroît ?
Bienvenue Isidore.
Ta manière d’aborder la question du rapport entre la vie et l’art m’intéresse tout à fait.
Cependant, je serais heureux que tu en dises un peu plus sur la caractère problématique à vivre d’une marginalité que tu sembles cependant assumer avec bonheur…
Peut être que la liberté n’existe-t-elle que dans ce paradoxe.
Vidéos sur José Bové :
http://josebove.over-blog.com/categorie-779579.html
Précision : en particulier, la chanson « Vas-y Bové ! » Assez décapante !
« Je sais que la poésie est indispensable. Mais je ne sais pas à quoi. »
(Cocteau, 1954)
Il y a, je crois, un vrai problème du statut de l’artiste en démocratie.
C’est en effet un statut foncièrement aristocrate qui, à mon sens, ne peut pas tenir bien longtemps autrement qu’artificiellement. Pourquoi ? Parce qu’aujourd’hui tout le monde a la chance en gros d’avoir accès à l’art. Je ne raisonne cependant pas ici en terme de consommation mais de pratique : tout le monde peut aujourd’hui peindre, écrire, composer… Tout le monde peut et surtout de plus en plus veulent le faire, percevant bien l’épanouissement qu’ils pourraient en tirer (certains l’envisagent carrément en terme de thérapie).
Pourquoi certains s’accapareraient ce privilège (et la joie que cela procure comme le laisse entend Isidore) et laisseraient les autres trimer dans des boulots de moins en moins épanouissants ? Parce qu’ils ont du talent ? Comment savoir si les autres n’en ont pas davantage ?
Je crois vraiment que le mouvement de la société est vers la vulgarisation et l’individualisation des pratiques artistiques et donc la disparition du statut d’artiste par dilution dans la masse. Perdra-t-on en qualité ce qu’on gagnera en quantité ? Sans doute… mais peut-on foncièrement s’en offusquer ? Voire simplement aller contre ?
Sans doute le sentiment de liberté s’épanouit-il au coeur de cette tension entre soumission à l’ordre établi et aliénation (de aliénés … oui, ceux qu’on enferme parfois) de la marginalité ?
Sans doute aussi chaque société, chaque époque, chaque réel rendent-ils plus ou moins viable cette tension ?
Disons-donc que la vivre joyeusement c’est peut-être avoir encore la force de la vivre.
Je ne sais pas pourquoi celui ou celle qui a dit“Si les petits cochons ne le mangent pas, internet préfigure un nouveau modèle de développement pour l’humanité. » a davantage peur des petits cochons que du loup, mais je trouve réconfortant que certain(e)s candidat(e)s prennent conscience que des nouveaux outils (l’imprimerie, la machine à vapeur, l’automobile, la télévision, Internet, etc.) peuvent bouleverser les sociétés beaucoup plus que n’importe quelle décision politique. Y’en a-t-il simplement un(e) qui – au-delà de ce genre de phrase un peu « bateau » – ait une vision ou un projet en la matière ?
Personnellement, je trouve tout à fait formidable que tout le monde puisse avoir plus facilement accès aux outils de l’art et puisse à la fois s’y exercer et développer ses propre facultés; ceci ne peut qu’enrichir l’expérience commune. Toutefois le problème reste entier pour ceux qui se sentent d’y engager leur vie, et je pense même que ça le complique du fait principalement des confusions que cette facilité apparente induit, mais aussi à cause de l’imposture et du mensonge qui consistent à mettre sur le même plan toute « production » artistique pourvu que ça y ressemble vaguement et en voulant ignorer l’engagement vital de celui (ou celle évidemment) qui tente l’aventure. Beaucoup d’artistes,aujourd’hui, n’ont plus accès à leur outil de travail, ni à la place dont ils auraient pourtant besoin pour développer efficacement leur activité, et se voient condamner à végéter plus ou moins dignement tandis que nombre d’imposteurs occupent illégitimement leurs places en profitant de la confusion ambiante et du refus d’élever le débat sur l’art en dehors des préoccupations marchandes. On a pourtant de solides penseurs qui ont déjà largement posé les questions relatives à l’art et nous ont apporté des réponses qu’on feint encore d’ignorer. Relisons Beaudelaire critique d’art, Hugo dans ses écrits et discours politiques, Hegel et son Esthétique incontournable etc…
Pour conclure, je voudrais dire que vivre en marge, contrairement à ce que prétend Vincent, n’est ni une sinécure joyeuse tandis que les autres vont trimer ni un choix d’existence raisonnable (dans la mesure où il s’apparente davantage à une inexistence pure et simple), mais plutôt un dernier réflexe de survie pour continuer malgré tout un combat vital. Comme je le vois malheureusement perdu pour beaucoup, qu’il le soit au moins joyeusement et dignement, que diable! Et ceci est valable pour tous ceux qui tentent de créer quelque chose sur cette bonne planète et dans tous les domaines evidemment, l’art n’ayant pas le monopole de la création.
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3246,36-878280@51-878366,0.html
“La culture est un enjeu du développement économique. » Oulah, ça fait peur ça !!!
Bernard, tes commandes de Viagra, fais-les sur ton mail perso plutôt que sur le blog si tu veux que ça reste discret… mais peut-être veux-tu que ça se sache ? (mdr)
Oui, je suis effectivement envahi de spams que j’élimine au fur et à mesure. J’en ai juste laissé un pour que les lecteurs de ce blog comprennent le sens de ton commentaire, Vincent, mais ça commence à m’inquiéter. Je me demande si mon blog n’est pas menacé. Jusqu’à présent, ça n’apparaissait que sur des articles très anciens sur lesquels les lecteurs ne vont plus, mais le phénomène s’accentue depuis une semaine, sur des articles récent, ça m’inquiète beaucoup.
A ton avis, comment ont-ils su que c’était un blog de « vieux » (donc susceptibles d’ête intéressés par le Viagra) ? Aux sujets abordés ou… à l’orthographe respectée ?
Vieut toit maime !
On sent bien, dans les propos d’Isidore le questionnement des artistes d’aujourd’hui sur leur positionnement dans une société qui évolue très vite. Mais comment peut-on établir objectivement une frontière entre l’art (qui suppose un engagement) et le simple produit de loisirs ? C’est vrai que toutes les cartes sont brouillées et que les limites sont floues et mouvantes. Et c’est vrai aussi qu’il y a tromperie sur la marchandise : derrière ce que l’on croit être la culture se cache bien souvent un simple produit de consommation à vocation marchande. Comment, dans un tel contexte, les artistes peuvent-ils défendre leur place si importante et si spécifique ? Isidore, quelles sont les réponses que les grands penseurs ont amenées et que l’on feint d’ignorer ?
Je ne pense pas que « l’artiste » soit une espèce particulière ni que cette faculté de représenter le monde ne soit pas justement ce qui est le plus partagé dans notre humanité. Par contre il me semble que les notions d’engagement et d’objectifs poursuivis établissent finalement la hiérarchie entre ce qui relève du simple loisir et divertissement de ce qui appartient à une ambition artistique plus affirmée et suceptible d’être reconnue comme telle par la postérité lorsque l’artiste parvient à se réaliser.
Des trois penseurs cités précédemment, je ne peux traduire que ce qui m’a parlé fortement. Pour résumer brièvement disons que:
– Hugo, à travers ses discours politiques m’a fait prendre conscience du lien entre culture et politique, et donc de son relâchement au fur et à mesure de la domination de l’idéologie libérale actuelle (c’est d’ailleurs peut-être l’exil peu à peu du penseur et donc de la pensée qui a permis cette victoire, sans doute d’ailleurs passagère). Il m’a fait aussi comprendre ce qu’il peut y avoir de dévoyé (à l’issue de choix ou de non choix politiques) dans la conception du commerce tel qu’il se pratique aujourd’hui exclusivement au service de l’argent plutôt qu’au service des êtres humains.
-Beaudelaire, critique d’art, nous donne une approche objective de l’oeuvre d’art pour sortir du « c’est une question de goût ….Tout est purement subjectif… Comment oser affirmer que ceci a de la valeur ou pas?…sur quels critères? » Evidemment le débat reste éternellement ouvert, et chaque époque approfondit à sa manière et sur la base des travaux antérieures, cette réflexion sur l’art.
-Hégel a l’immense mérite de tenter une approche objective du Beau, et d’avoir construit un édifice de pensée extraordinaire pour nos aider à sortir du grand « flou artistique » dans lequel nous pataugeons avec virtuosité. En posant que l’Art est la quête du Beau idéal, un point c’est tout, il se donne, et nous donne une base de travail extrêmement féconde, sur laquelle on peut s’appuyer encore des siècles durant, et qu’on aura bien du mal à mettre à bas quand on découvre la puissance et la richesse du développement qu’il a su en tirer dans son Esthétique. Rien de plus simple et, finalement, de moins évident que ce postulat de base: l’Art est la quête du Beau. Qu’est-ce que c’est le Beau? Et le Beau idéal en plus, c’est quoi ce truc? C’est bien-sûr la première question que l’on peut se poser. Et bien, effectivement ce n’est pas de la tarte d’y répondre d’une façon un peu crédible. Et c’est là qu’on se rend compte, losqu’on se préoccupe de création artistique, que c’est bien la question centrale…même aujoud’hui, malgré tout ce qu’on peut dire en croyant dépasser ces « vieilleries romantiques ».
Pour terminer ma bafouille (oui je promets que je m’arrête, parceque quand on me branche sur ce sujet j’ai tendance à me laisser entraîner inconsidérément), j’ai envie d’ajouter que nous souffrons aujourd’hui d’un art qui est devenu simple spectacle de lui même, comme tout ce qui appartient à la culture, et finalement à la vie elle-même, où tout est devenu pur spectacle que nous apprenons à contempler plus ou moins esthétiquement depuis un balcon, une loge, ou dieu sait quel espace protégé (derrière un écran par exemple) qui nous permet l’économie de… de quoi, au fait ?
A l’éternelle question « C’est quoi l’art (ou un artiste) ? », la meilleure réponse que j’ai pu entendre ne vient pas d’un philosphe mais de… Roberto Bénigni. Il racontait, je ne sais plus où, cette petite fable (que je cite de mémoire) :
« Dix hommes essaient de porter un tronc d’arbre et n’y parviennent pas. L’artiste est celui qui monte sur le tronc et permet, en chantant, aux neuf autres de trouver les ressources pour parvenir finalement à le soulever. »
Vous remarquerez que cet article est régulièrement parasité par des spams concernant des produits pharmaceutiques. J’élimine les spams tous les soirs en rentrant chez moi (déjà une cinquantaine). Pourquoi les envoyeurs de spams ont-ils choisi comme cible cet article sur la culture ? Peut-être parce que la culture en France a bien besoin d’un bon coup de viagra, non !
Coup de gueule : la communication aseptisée va devenir impossible sur Internet : on passe un temps fou à nettoyer nos courriels de ces intrusions idiotes et redondantes. La communication va tuer la communication !!! Vous avez remarqué que ces messages sont émis à la même heure : c’est un arrosage systématique par des pros du spam !
S’ils ont choisi cet article comme cible… faisons-en une sorte d’arbre-piège (comme pour éliminer les scolytes) : laissons-les s’acharner ici et allons continuer la discussion ailleurs, nan ?
Ouaip…
Internet, objet de diffusion de la culture ?
En même temps, si on les lit à haute voix, avec un peu de bonne volonté, ça ressemble un peu à de la poésie serbo-croate (ou hongroise) contemporaine.
ça y est, enfin un candidat qui nous parle des intermittents du spectacle :
http://www.lemonde.fr/web/depeches/0,14-0,39-30051151@7-354,0.html