Histoire de pigeons

Beaucoup de monde ce vendredi 30 juin pour le concert de Michel Portal à Besançon. Une fois de plus, j’étais là, accompagné de Joëlle qui est devenue, depuis quelques semaines, ma « photographe attitrée », auteur des clichés de cet article. Les musiciens sont en retard, le soleil ayant retardé la mise en place des instruments et les « balances ». Mais la chaleur torride ne gêne pas tout le monde, au contraire : en attendant que les portes s’ouvrent, en tête de la longue file dattente (il y a 600 personnes environ), j’observe avec un oeil de naturaliste, deux pigeons qui s’accouplent sur le toit voisin, la chaleur favorisant sans doute leurs amours torrides.

La première partie du concert est étonnante, assurée par deux musiciens d’avant-garde : le contrebassiste Barre Philips (légende vivante qui jouait dans les années 50 avec Coleman Hawkins) et le compositeur/percussionniste Alain Joule. La musique est très free. Je n’ai pas aimé plus que ça mais à un moment donné j’ai fermé les yeux et j’ai alors ressenti la musique avec beaucoup plus d’acuité. J’ai eu l’impression à ce moment d’avoir affaire à une musique cosmique, m’emmenant loin dans l’espace. Probablement qu’il faut écouter Barre Philips et Alain Joule dans des circonstances particulières, par exemple dans le noir, couché dans l’herbe en regardant les étoiles. J’aimerais un jour réécouter cette musique que je n’ai pas forcément apprécié sur l’instant.

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Pendant l’entracte, j’ai retrouvé Denis que je n’avais pas revu depuis huit ans. Il n’a pas aimé du tout la musique et était sorti dès le premier morceau boire une bière dans le café d’à-côté, refusant ainsi d’être pris pour un pigeon !Viennent ensuite Michel Portal, accompagnés par Bruno Chevillon (le meilleur des contrebassistes français ?) et de Daniel Ciampolini aux percussions. Je n’écrirai que peu de choses sur Michel Portal dont la prestation musicale est toujours à la hauteur des attentes, lui ayant déjà consacré un article il y a quelques semaines. Voici juste quelques photos.

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La musique n’empêche pas le va-et-vient des pigeons qui, à plusieurs moments du concert, passent au-dessus de la cour du Palais Granvelle, volant d’un rebord de toit à l’autre.

Comme Louis Sclavis (voir le compte-rendu du concert qui a eu lieu deux jours plus tôt), Michel Portal passe du saxo à la clarinette mais utilise à plusieurs reprises le bandonéon, notamment lors d’un morceau très beau et très humoristique ayant pour thème les oiseaux (le bandonéon imitant le chant du coucou et de quelques autres volatiles). Nul doute que les pigeons du quartier étaient toute ouïe !
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Lors du rappel, consacré à un thème très festif, le contrebassiste de la première partie est venu rejoindre nos trois compères pour un dernier grand hommage à la musique.

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Le concert est fini. Joëlle et moi retournons à notre voiture. Il fait nuit et il n’y a plus de pigeons sur les trottoirs de Besançon. Juste quelques amoureux qui roucoulent !

16 réflexions au sujet de “Histoire de pigeons”

  1. Les pigeons (et autres oiseaux) entendent-ils simplement la musique ?
    On dit que les vaches produisent plus de lait quand on les immerge dans Mozart. Les oiseaux volent-ils plus haut ? Préfèrent-ils Messian ou Charlie Bird ?

  2. Je n’ai rien lu sur une éventuelle tendance naturelle des oiseaux à écouter de la musique. Mais peut-être, pourquoi pas ! Bien sûr que Messian est le premier nom qui nous vient à la tête lorsqu’on évoque les oiseaux. Mais c’est le propre de la musique d’être éthérée, aérienne. Beaucoup de musiques ont donc, à mon avis, un rapport avec le monde de nos amis les zoziaux. Celle de notre ami Charlie Parker, alias « the Bird », aussi évidemment !

    Quant aux vaches qui produiraient plus de lait en écoutant Mozart, je l’ai entendu dire plusieurs fois. La seule chose qui est sûre, c’est que Mozart est une vache à lait pour de nombreux éditeurs de musique ! Ce n’est plus de l’exploitation, c’est de la traite !

  3. Les oiseaux sont apparemment sensibles au chant de leur congénère, non pour sa qualité « esthétique » certes (puisqu’il s’agit d’une façon de marquer son territoire) mais ils l’entendent et réagissent en conséquence (je ne me trompe pas, hein ? si on passe un enregistrement ils y répondent, c’est bien ça ?)… mais a-t-on vérifié s’ils étaient sensibles davantage à la mélodie (réagissent-ils si elle est jouée par un instrument ?), au timbre (que se passe-t-il si un congénère improvise un chant nouveau ?), à autre chose ?

  4. Chanter pour marquer son territoire ?
    Ca veut dire « chanter comme d’autres pissent contre un arbre… ou déposent leurs excréments odorants sur un caillou surélevé » ?

    Avis donc à ceux qui se plaignent des pseudo-musiciens qui « font de la merde » ! Ils ne font qu’imiter les oiseaux !!!

  5. Les oiseaux ne chantent pas uniquement pour marquer leur territoire mais également pour séduire leur belle (il n’y a que les mâles qui chantent en général). Tout ceci est vrai en début de période de nidification mais quand le couple est formé et que les territoires sont délimités, ils continuent de chanter. Et ça me plait de penser que c’est par pur plaisir !

  6. Peut-être que les musiciens sont aussi comme les oiseaux : ils chantent d’abord pour marquer leur territoire car il faut bien se faire une place dans ce monde impitoyable qu’est le milieu artistique (ce n’est pas un milieu plus cool que les autres). Et comme pour les oiseaux, on espère aussi que c’est par pur plaisir ! C’est le cas de Portal assurément !

    Par contre, est-ce qu’ils jouent aussi pour attirer une femelle ? ça, c’est moins sûr ! En tous les cas, pour Portal, qui a soixante dix ans, c’est peu probable !

    Et Messian, en faisant des transcriptions du chant du troglodyte qui est un oiseau polygame (y’a pas de moralité chez les oiseaux, mon pôv’ monsieur !), a-t-il réussi à attirer plusieurs femelles ? Je serais curieux de le savoir ! Pas pour moi, évidemment ! Mais j’ai des copains que ça intéresse !

  7. Bernard dit: « Par contre, est-ce qu’ils jouent aussi pour attirer une femelle ? ça, c’est moins sûr ! »

    Ah bon ? c’est pas ça le but ? :-)

  8. Non, non, pas d’accord avec vous. Les jours derniers, nous étions une bande de musiciens qui chantions en plein air. Je ne sais pas si les musiciens qui étaient dans le groupe (dont Vincent d’ailleurs) chantaient pour attirer une femelle, mais je peux vous assurer que si tel est le but, ça ne marche pas vraiment et que les femmes du quartier ne se sont pas précipitées. C’est peut-être pour ça d’ailleurs que Vincent a dû reprogrammer d’autres soirées à partir de septembre !

  9. Une chose est sûre en tout cas, tous les guitaristes et bassistes (surtout de rock) quand on les regarde bien (et qu’on fait abstraction de leur instrument qui ne sert peut-être que d’objet transitionnel) ils ne font rien qu’à se masturber sur scène !

  10. Le pur « plaisir » comme mobile ? Pourquoi pas ! L’idée en tout cas est séduisante.

    Plaisir de l’acte gratuit, de la simple dépense d’énergie surabondante. C’est par exemple ce qu’on peut entrevoir dans des activités comme le chant, la danse, le rire. Des actes en pure perte, non directement profitables, sans contrepartie possible, non échangeables (tant qu’ils ne se pervertissent pas en « profession »). Bref, une forme de « don » (seule résistance à l’économie de l’échange généralisé qui domine ?).

    Tu as raison, Bernard, on a envie d’y croire… au moins autant qu’à l’hypothèse freudienne. Laquelle est la plus « vraie » ? Heu… Est-ce vraiment important ? Selon le conseil de Nietzsche, demandons-nous plutôt laquelle des deux nous aide le plus à vivre, nan ?

    PS : Il me semble que « La part maudite » de Georges Bataille explore cette hypothèse d’un « besoin irrationnel de dépense » en l’homme qui est tout autant fondamental qu’oublié par toutes les théories… Je vais y rejeter un coup d’oeil.

  11. En tout cas l’ami Claude semble pour l’hypothèse de Stéphane si on en croit son texte « Les pigeons » (extrait des « Fables de ma fontaine ») :

    « (…)

    J’en connais un, le gros Léon
    Le pigeon de Notre-Dame
    Qui joue du bandonéon
    Pour sa gente dame

    Il roucoule comme un con-
    dottière venu de Venise
    Malgré les gros poux qui con-
    stellent sa chemise

    La pigeonne, nous l’appellerons
    Par exemple Irma la Douce
    Aime les façons de Léon
    A la va comme j’te pousse

    Elle pondra des oeufs de pigeon
    Piquetés de petites tâches
    Pour que, dès tombés du nid
    Les pigeons du square Viviani
    Piquent-niquent sans relâche
    Le pain dur, le pain de mie
    Que les gens leur lâchent. »

  12. Hééééé ! C’est payant, ton truc ! Sympa pour les « amis » !

    Pourquoi ne pas signaler qu’elles sont aussi disponibles chez moi, au 45 rue Battant. Je peux toujours prêter le DVD, voire, pourquoi pas, organiser une soirée de « visionnage » (si y’a du monde intéressé). Ca serait une bonne façon de « faire vivre le souvenir », vous ne trouvez pas ?

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