Je suis tranquillement devant mon pc en train de siroter une bière, offerte aujourd’hui par la compagnie Mag & Mat à l’occasion de mon anniversaire. Eh oui, les années s’entassent : 52 au compteur, mais bon, on va faire avec ! La bière est très bonne, belge (comme il se doit), bien titrée en alcool (évidemment), avec une troisième refermentation en bouteille (d’où le nom de triple), très ancienne (fabriquée depuis le 17ème siècle) et brassée dans un cloître de Carmes, d’où son nom de Tripel Karmeliet.
En buvant cette bière, il me revient en mémoire une petite escapade faite à Lyon il y a un mois. J’avais fait la connaissance d’une charmante blonde (une bière, il va de soi) dans un endroit extraordinaire et je m’étais promis de faire un petit article sur elle. Et puis le temps a passé, rien n’est advenu, et l’idée d’un petit article me revient seulement ce soir. Jusqu’à présent, j’ai écrit 65 articles sur mon blog, sans parler une seule fois de bière (bien qu’Albert, dans un de ses commentaires, m’ait un peu titillé la-dessus) : un exploit ! Mes amis, qui lisent régulièrement mon blog, se demandaient même si c’était bien moi qui écrivais. Voilà donc un article qui va rassurer certains.
Le Palais de la Bière à Lyon (tout près de la place des Terreaux) est un endroit étonnant. Le mot « palais » me faisait craindre un endroit un peu prétentieux, tout en paillettes. Non, le lieu est plutôt sobre et très sympa. Mais que choisir ? Je ne me rappelle plus du nombre de bières différentes que l’on peut y boire, mais je sais que ce nombre est de plusieurs centaines (il me semble que c’était 300, mais la soirée était trop arrosée pour que je m’en souvienne avec précision). Devant tant de choix, j’opte pour une solution : me diriger d’emblée vers une valeur sûre, genre Orval, Chimay ou Westmalle. Sauf qu’au Palais de la Bière, ce n’est pas possible ! Car si le serveur met tout en oeuvre pour cerner vos goûts personnels, il fait aussi le maximum pour vous emmener vers l’inconnu ! Et ça marche, tellement il est persuasif : on se laisse donc conduire avec délectation en territoire nouveau. J’ai d’abord bu deux bières très fruitées (dont j’ai malheureusement oublié le nom), goûtant aussi au passage d’autres bières dans le verre de mes voisins (dont la Bourgogne des Flandres que m’avait conseillée Albert, il faudra que j’en parle un jour … de la bière, pas d’Albert, quoique !).
A la troisième bière (la dernière de la soirée, j’ai rarement été aussi sérieux !), le serveur, sûr de son coup, m’amène une Cantillon. Je ne connais pas cette bière. A la première gorgée, je ne regrette pas de ne pas la connaître, car elle me semble être plus proche du vinaigre que de la bière. La deuxième gorgée me fait déjà changer d’avis, elle a quand même un « goût de reviens-y », comme on dit chez nous autres en Franche-Comté. Tous les gens de la tablée goûtent dans mon verre et tout le monde (sauf Mélanie) trouve cette bière plutôt mauvaise, voire même infecte.
Les gorgées passent les unes après les autres, à un rythme très lent, à cause peut-être de l’acidité mais aussi parce que le goût reste très longtemps en bouche, une saveur très particulière que je ne saurais décrire (c’est dur de décrire avec des mots des saveurs !). Et puis une idée fait progressivement son chemin au fil de la dégustation : il ne peut s’agir que d’une bière d’exception !
Rentré le lendemain en Franche-Comté, je me précipite sur mon ordi où je me souviens avoir enregistré il y a quelques années un fichier excel réalisé par je ne sais qui et qui présente plusieurs centaines de bières, dûment décrites et notées. Et là, surprise (ou plutôt demi-surprise), la Cantillon est classée la meilleure des bières (classée 18,5/20) parmi un choix de 642. La Cantillon y est décrite avec les mots suivants : « arôme exceptionnel acide, boisé, aux tons verts de pommes et de miel mêlés, structuré et complexe. Saveur évolutive, acidité douce. Paradoxe du goût brut et fin. Alliance de saveur sublime ».
Cette bière exceptionnelle se garde plus de vingt ans, elle fait partie de la famille des lambics, une famille de bières particulières que l’on obtient uniquement autour de Bruxelles. Plutôt que de cultiver, comme pour les autres bières, une souche particulière de levures, les lambics sont obtenues en ouvrant les fenêtres de la brasserie à certaines périodes de l’année : ce sont ainsi les levures atmosphériques, à l’origine d’une fermentation dite « spontanée », qui vont ensemencer le « brassin ». C’est en mélangeant plusieurs lambics (des jeunes, des vieux) et en procédant à un assemblage savant que l’on obtiendra les bières de la famille des gueuzes (la Bécasse, la Mort Subite …) qui sont des bières n’ayant – me semble-t-il – pas un grand succès dans notre pays. La Cantillon est obtenue par mélange de 5-6 lambics plutôt jeunes, ce qui explique probablement ce côté très décapant.
La Cantillon vaut le détour ! Mais plus encore, c’est le Palais de la Bière qui, à lui seul, vaut que l’on s’arrête à Lyon. Alors, dans quelques mois peut-être … !